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Étude sur l'aide juridique et les langues officielles au Canada

PRA Inc. Information Info Strategy

Mai 2002


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SOMMAIRE DE GESTION

Les services d'aide juridique au Canada contribuent à améliorer l'accès à la justice en fournissant de l'assistance juridique à ceux et à celles qui ne peuvent se payer les services d'un avocat. Tout comme la pauvreté constitue un obstacle à la justice, la langue peut aussi entraver l'égalité d'accès à la justice. Pour ces motifs, et en conformité avec les règles de la justice naturelle, il faut assurer les services d'un interprète dans une instance judiciaire à toute partie ou témoin qui ne comprend pas ou ne parle pas la langue dans laquelle se déroule l'instance. D'ailleurs, l'existence de deux langues officielles au Canada crée des droits et des obligations supplémentaires qui vont au-delà des règles de la justice naturelle. Un certain nombre de dispositions constitutionnelles et législatives, comme celles sur le droit à un procès dans l'une ou l'autre des langues officielles (article 530 du Code criminel), assurent l'égalité de l'anglais et du français dans tout le Canada et dans tout le système de justice canadien. La prestation de services bilingues dans le cadre des régimes d'aide juridique peut donc permettre aux clients à faible revenu d'avoir accès à la justice. Le ministère de la Justice du Canada a entrepris ce projet de recherche pour :

  • Cerner les politiques et les pratiques des régimes d'aide juridique provinciaux qui visent à assurer l'accès aux services juridiques dans la langue officielle demandée;
     
  • Cerner les difficultés éprouvées par les personnes qui tentent d'avoir accès à des services juridiques dans la langue officielle de leur choix;
  • Rehausser, s'il y a lieu, les niveaux de services requis pour répondre aux normes établies, et établir le coût de ces niveaux de service.

Méthode

L'étude est principalement axée sur la prestation de services d'aide juridique en matière pénale, mais elle porte aussi sur d'autres domaines du droit comme le droit de la famille et d'autres questions de droit en matière civile. L'étude porte uniquement sur les services d'aide juridique assurés dans les dix provinces et ne vise pas les trois territoires. Ceux-ci font l'objet d'une étude distincte. La méthode retenue pour examiner les sujets de cette recherche comportait quatre opérations principales :

  • L'examen de documents : l'examen des documents décrivant les services d'aide juridique offerts dans toutes les provinces canadiennes, de documents décrivant le profil linguistique de chaque province, des lois sur l'aide juridique, des lois provinciales dans le domaine des langues, de la Charte canadienne des droits et libertés, du Code criminel, de la jurisprudence applicable et des études sur les services d'aide juridique et les droits linguistiques au Canada.
     
  • Des visites sur place : des visites dans six provinces (la Nouvelle-Écosse, le Nouveau Brunswick, le Québec, l'Ontario, le Manitoba et l'Alberta) où l'on a interrogé en personne ou par téléphone des intervenants clés, notamment les directeurs et le personnel des services d'aide juridique, les avocats du secteur privé, les procureurs de la Couronne, les juges, les membres d'organismes communautaires, le personnel de l'administration judiciaire et les personnes offrant des services aux enfants et aux familles.
  • Des entrevues avec des intervenants clés : des entrevues téléphoniques avec des intervenants clés dans les provinces non visitées (Terre-Neuve et Labrador, l'Île du Prince Édouard, la Saskatchewan et la Colombie-Britannique).
  • Un sondage auprès des clients : un sondage téléphonique aléatoire a été mené dans toutes les provinces visitées (la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick, le Québec, l'Ontario, le Manitoba et l'Alberta) grâce auquel nous avons ciblé les régions où un grand nombre de personnes parlent la langue officielle de la minorité[1].

Les aspects linguistiques de l'aide juridique

Le Parlement s'est engagé à appuyer les groupes minoritaires parlant une des langues officielles et à promouvoir l'égalité de l'anglais et du français dans tout le Canada. Diverses dispositions constitutionnelles et législatives, comme celles que renferment la Charte canadienne des droits et libertés et le Code criminel, portent sur les langues officielles dans la mesure où elles touchent à des questions qui relèvent du gouvernement fédéral. En outre, certaines provinces ont adopté des politiques ou des lois régissant la prestation de services gouvernementaux dans les deux langues officielles.

Selon la Charte, l'anglais et le français sont les langues officielles du Canada, et l'une ou l'autre de ces langues peut être utilisée devant tout tribunal créé par le Parlement. De plus, toute personne qui ne peut comprendre ou parler la langue dans laquelle se déroule une instance a droit aux services d'un interprète.

Alors que la langue est abordée de manière générale dans la Charte, le Code criminel traite expressément de cette question dans le contexte de la procédure pénale en conférant à l'accusé le droit absolu d'utiliser l'une ou l'autre des langues officielles devant les tribunaux désignés. Selon la Cour suprême du Canada, l'article 530 du Code criminel fait appel au « bilinguisme institutionnel » en ce sens que les tribunaux qui instruisent des affaires pénales doivent toujours être en mesure d'utiliser également le français et l'anglais. La Cour suprême a aussi affirmé que l'objectif d'une telle disposition est de reconnaître l'identité linguistique et culturelle d'une personne, et d'y être réceptif, de sorte que cette dernière ne soit pas obligée de parler et de comprendre la langue de la majorité.

Puisque les régimes d'aide juridique relèvent des gouvernements provinciaux, les dispositions fédérales précitées ne les obligent pas à fournir des services dans les deux langues officielles. Cependant, ces dispositions, et surtout le sens qui leur est donné par la Cour suprême du Canada, exercent des pressions sur ces régimes pour qu'ils offrent des services d'aide juridique dans les deux langues officielles.

Il faut prendre en considération un certain nombre de principes liés à la prestation de services lorsque l'on élabore des politiques et des procédures ayant trait aux langues officielles. Des recherches approfondies dans ce domaine ont mené à la reconnaissance générale qu'une bonne méthode de prestation de services dans les langues officielles doit refléter les principes suivants :

  • Informer les citoyens de leur droit à recevoir des services dans les deux langues officielles en leur offrant activement ces services;
  • S'assurer que des services de qualité sont offerts dans les deux langues officielles en utilisant différentes méthodes de prestation des services (comme Internet, les lignes d'information et les documents);
  • Tenir compte du recrutement et de la formation du personnel, ainsi que des possibilités de perfectionnement professionnel pour les employés, lorsque l'on examine la capacité globale d'un organisme d'offrir des services dans les deux langues officielles.

Les régimes d'aide juridique offrent une vaste gamme de services juridiques : services d'information, représentation prévue par l'arrêt Brydges, avocats de garde et représentation par un avocat devant les tribunaux. Chacun de ces services a un objectif, une organisation et une méthode de prestation qui lui est propre. La prestation des services d'aide juridique dans la langue de la minorité doit être conforme aux principes mentionnés ci-dessus tout en étant adaptée aux caractéristiques de toutes les formes d'assistance offertes par l'aide juridique.

  • La représentation prévue par l'arrêt Brydges : Selon l'arrêt R. c. Brydges de la Cour suprême du Canada, la personne arrêtée ou détenue a droit sans délai aux services d'un avocat, et ce, quels que soient l'heure et le jour. Les provinces ont mis sur pied un certain nombre de modes de prestation pour assurer le respect des exigences énoncées dans cet arrêt.
     
    Les décisions qui doivent être prises au début de ce processus peuvent avoir des répercussions importantes sur de nombreuses questions liées à l'affaire. Le fait qu'un accusé puisse parler dans sa propre langue officielle contribue donc à la prise de bonnes décisions. Toutefois, les obstacles à la prestation de services dans les deux langues officielles sont considérables. Étant donné le caractère immédiat de ce type de représentation, il est difficile de répondre ponctuellement à une telle demande.
     
  • Services d'avocat de garde : Les personnes inculpées ont généralement accès aux services d'un avocat de garde au moment de leur première comparution devant le tribunal. Les provinces établissent leurs propres conditions concernant l'utilisation de ce service; certaines provinces n'offrent ce service qu'aux personnes détenues, alors que d'autres exigent du demandeur qu'il réponde à des critères financiers. Quoi qu'il en soit, les services d'avocat de garde sont perçus par plusieurs comme étant un des services les plus importants offerts par les régimes d'aide juridique parce que la première comparution peut avoir des conséquences à long terme sur le droit d'une personne à la vie, à la liberté et à la sécurité.
     
    L'avocat aide le prévenu à obtenir sa mise en liberté provisoire et à choisir le plaidoyer approprié. Le choix du plaidoyer exige de grandes connaissances juridiques puisqu'il dépend en grande partie de l'existence d'une défense valable. Une telle décision doit être éclairée, car un mauvais choix de plaidoyer peut avoir des conséquences préjudiciables. Le défi que doivent relever les avocats de garde consiste à traiter un très grand nombre de cas dans un délai très court. Il est donc essentiel que ces avocats communiquent aisément et efficacement avec le prévenu. Tout comme dans le cas de la représentation prévue par l'arrêt Brydges, le caractère immédiat de ce service pose des problèmes particuliers en ce qui concerne sa prestation dans les deux langues officielles.
     
  • La représentation par avocat au procès : La personne qui n'est pas représentée par un avocat peut demander à l'aide juridique de lui payer les services d'un avocat au cours de son procès. Ce service est offert par des avocats salariés ou par des avocats du secteur privé rémunérés par l'État, selon la province concernée. À l'instar des autres services offerts par l'aide juridique, la qualité de la représentation au cours du procès par un avocat dépend de la capacité de ce dernier d'interpréter la loi au nom du prévenu, de servir les intérêts de celui-ci et lui présenter toutes les options disponibles. La capacité d'un avocat de parler et de comprendre la langue officielle dans laquelle le client s'exprime le mieux améliore l'efficacité de la représentation.
     
    Contrairement à la représentation prévue par l'arrêt Brydges et à la représentation par un avocat de garde, il est plus facile d'offrir ponctuellement la représentation judiciaire dans la langue officielle de la minorité. Il existe néanmoins des obstacles importants comme la disponibilité d'avocats qui parlent la langue de la minorité, exercent en droit pénal et acceptent les certificats de l'aide juridique. L'avocat doit aussi connaître la terminologie requise pour plaider dans la langue officielle de la minorité.

La complexité du droit et le caractère accusatoire de la procédure canadienne exigent une bonne communication entre un avocat et son client à toutes les étapes du processus. Ce dernier doit bien comprendre les questions en jeu, tant sur le plan de la procédure que du fond. En effet, sa capacité de donner des instructions à son avocat dépend de sa compréhension des questions soulevées. La communication est donc un élément essentiel de tous les échanges entre les juristes et leurs clients.

Résultats obtenus dans les diverses provinces

Dans la plupart des provinces canadiennes, les groupes minoritaires de langues officielles représentent une faible proportion de la population - de 0,5 pour cent à Terre-Neuve et au Labrador à 9,4 pour cent au Québec. Le Nouveau-Brunswick constitue un cas à part parce que les Acadiens et les francophones représentent un tiers de sa population et que l'égalité entre l'anglais et le français, et entre les deux communautés linguistiques, est reconnue dans la Constitution de cette province. D'ailleurs, les données du recensement de 1996 révèlent que le nombre de personnes dont la langue maternelle est celle de la minorité diminue en général, sauf dans l'Île-du-Prince-Édouard et en Ontario où ce nombre demeure relativement stable depuis plusieurs années. Le nombre de ces personnes a augmenté au Nouveau Brunswick et en Colombie-Britannique. Cela veut donc dire que l'accès à des services d'aide juridique dans la langue officielle de la minorité varie selon la province.

Les dispositions constitutionnelles et législatives qui sont en vigueur dans chaque province ont aussi des incidences sur l'existence de services d'aide juridique dans la langue officielle de la minorité. La plupart des régimes d'aide juridique ne sont pas tenus d'offrir leurs services dans les deux langues officielles, mais l'environnement politique dans lequel ils fonctionnent peut les inciter à le faire pour les raisons suivantes :

  • La Constitution garantit le droit de parler les deux langues officielles devant tous les tribunaux du Nouveau-Brunswick, du Québec et du Manitoba, alors que des lois confèrent ce droit en Ontario, en Saskatchewan et en Alberta;
     
  • Certaines dispositions fédérales accordent à l'accusé le droit à subir son procès dans l'une ou l'autre des langues officielles;
     
  • Les lois de l'Île-du-Prince-Édouard, du Nouveau-Brunswick et de l'Ontario exigent la prestation de services d'aide juridique dans les deux langues officielles. Pour sa part, le gouvernement manitobain a adopté une politique concernant la prestation de services d'aide juridique dans la langue officielle de la minorité.

En plus des diverses obligations constitutionnelles et légales, les provinces ont adopté différents modes de prestation des services d'aide juridique. Par exemple, le Nouveau Brunswick et l'Ontario font appel aux avocats en pratique privée; Terre-Neuve et le Labrador, l'Île du Prince Édouard, la Nouvelle-Écosse, le Manitoba et la Saskatchewan font surtout appel à des avocats salariés; le Québec, l'Alberta et la Colombie-Britannique ont instauré un régime mixte (avocats salariés et avocats du secteur privé). Le degré de contrôle que peuvent exercer les régimes d'aide juridique sur leur capacité d'offrir ces services dans les deux langues officielles dépend du mode de prestation de services.

En l'absence de politiques officielles ou de lois sur la prestation de services dans la langue officielle de la minorité, des politiques informelles ont été adoptées dans le cadre de la plupart des régimes d'aide juridique. En général, l'aide juridique essaie de fournir au client qui le demande des services dans la langue officielle de son choix. La facilité avec laquelle un régime d'aide juridique peut répondre à une telle demande dépend en partie du type de service demandé et de l'existence d'avocats salariés ou du secteur privé qui parlent la langue officielle en cause.

  • La majorité des régimes d'aide juridique essaient d'accorder ponctuellement la représentation judiciaire dans la langue officielle de la minorité. L'aide juridique délivre, dans la plupart des cas, un certificat à un avocat bilingue du secteur privé.
     
  • Les régimes d'aide juridique essaient aussi de fournir à l'occasion les services d'un avocat de garde et la représentation prévue par l'arrêt Brydges dans la langue officielle de la minorité. Cependant, ces deux services posent des problèmes particuliers parce qu'ils doivent être fournis sur-le-champ. Ces services ne sont pas offerts, à toute fin utile, dans la langue officielle de la minorité, sauf au Nouveau-Brunswick, au Québec et en Ontario.

En général, ces trois provinces sont les seules qui sont réellement en mesure de fournir des services d'aide juridique dans les deux langues officielles; les autres ont moins de ressources, mais plusieurs sont d'avis que celles-ci sont suffisantes en raison de la faiblesse de la demande de services dans la langue officielle de la minorité.

Les intervenants clés ont souligné certains points importants à prendre en considération lorsque l'on met sur pied et planifie la prestation de services d'aide juridique dans la langue officielle de la minorité. Par exemple :

  • Un avocat capable de communiquer dans la langue officielle de la minorité n'est pas nécessairement capable de plaider dans cette langue. Les qualités nécessaires à ces deux tâches diffèrent énormément. Plusieurs avocats ayant une certaine connaissance des deux langues officielles pourraient se montrer réticents à représenter officiellement un client dans la langue officielle de la minorité.
     
  • Dans certaines provinces, notamment en Saskatchewan, en Alberta et en Colombie Britannique, d'autres langues sont plus utilisées que la langue officielle de la minorité. La prestation des services d'aide juridique dans les deux langues officielles n'est donc pas considérée comme une priorité, ce qui relègue la communauté de langue officielle au rang de minorité au même titre que les autres minorités linguistiques.
     
  • La plupart des régimes d'aide juridique ont, en général, de la difficulté à offrir des services, que ce soit dans une langue officielle ou dans l'autre. L'éparpillement des ressources nuit à la prestation de services en anglais et en français.
     
  • Étant donné que la langue française n'a pas évolué de la même façon dans les communautés acadiennes que dans d'autres régions du Canada, il est de plus en plus difficile de s'assurer qu'un avocat ou un membre du personnel de l'aide juridique puisse communiquer efficacement avec un client même s'ils parlent la même langue.

En plus de ces considérations importantes, il existe un certain nombre d'obstacles à la prestation des services d'aide juridique dans la langue officielle de la minorité. Pour ce qui est des clients de l'aide juridique, ces obstacles ont trait à l'offre active de services.

  • Il n'y a pas, en général, d'offre active de services dans la langue officielle de la minorité, ce qui a pour effet de réduire la demande de tels services. La majorité des clients de l'aide juridique ne savent pas qu'ils ont accès à des services dans la langue officielle de leur choix; ils ne les demandent donc pas. Les résultats du sondage indiquent, cependant, que les répondants tiennent à ce qu'un avocat leur parle dans leur langue maternelle. Toutefois, près de la moitié des deux groupes (anglophones et francophones) se sont dits prêts à comparaître devant le tribunal dans la langue officielle de la majorité à condition que l'avocat qui les représente puisse communiquer avec eux dans la langue officielle de leur choix.
     
  • Le système de justice intimide la plupart des gens, et plusieurs d'entre eux hésitent donc à demander des services dans la langue officielle de la minorité. En plus du manque d'offre active au sein des régimes d'aide juridique, plusieurs intervenants clés affirment que le système de justice dans son ensemble n'encourage pas l'usage de la langue officielle de la minorité. Comme le démontre le sondage réalisé auprès des clients d'aujourd'hui et des clients potentiels, il faut tenir compte de cet obstacle important, car presque tous les répondants anglophones veulent un procès en anglais.

En outre, il y a plusieurs entraves sur le plan organisationnel à la prestation de services d'aide juridique en anglais et en français, selon le mode de prestation et le type de services demandés.

  • Les régimes qui font appel aux avocats du secteur privé pour assurer les services d'aide juridique comptent sur le consentement des avocats bilingues à accepter des certificats de l'aide juridique. En fait, plusieurs avocats bilingues n'ont pas l'habitude de fournir ces services ou de pratiquer dans des domaines comme le droit pénal où le besoin de services bilingues peut être particulièrement pressant. D'ailleurs, un grand nombre de ces avocats seraient réticents à représenter des clients de l'aide juridique dans la langue officielle de la minorité en raison du manque de services de soutien (parajuristes, secrétaires bilingues, etc.).
     
  • Les régimes qui font appel à des avocats salariés ont souvent de la difficulté à recruter et à retenir des avocats et d'autres employés bilingues (parajuristes, secrétaires, etc.). Ces personnes obtiennent souvent des emplois mieux rémunérés dans le secteur privé ou dans d'autres ministères. Par conséquent, plusieurs régimes d'aide juridique acceptent de délivrer des certificats à des avocats bilingues du secteur privé lorsqu'une demande de services est faite dans la langue officielle de la minorité. Il faut ensuite parvenir à trouver un avocat bilingue disposé à accepter un certificat de l'aide juridique.
  • Il est plus difficile d'assurer les services d'avocat de garde dans les deux langues officielles parce que ceux-ci sont très en demande, et qu'ils sont généralement offerts dans tous les endroits où siègent les juridictions pénales (certaines provinces assurent également ce service devant le tribunal de la famille et le tribunal pour adolescents). Plusieurs provinces s'emploient donc à offrir ces services en anglais et en français dans les régions où les membres des communautés de langue officielle minoritaires sont plus nombreux au lieu d'essayer d'assurer un service bilingue dans les régions où la demande est faible.
     
  • La représentation prévue par l'arrêt Brydges soulève des difficultés semblables à celles que posent les services d'avocat de garde. En général, ce sont des avocats qui offrent ces services par téléphone à tour de rôle. Le consentement des avocats bilingues représente donc un élément essentiel de la prestation de ces services dans la langue officielle de la minorité. Le seul moyen de faciliter la prestation de ces services dans la langue officielle de la minorité serait de les centraliser au moyen d'un numéro sans frais pouvant être composé dans toute la province. Comme l'ont affirmé de nombreux intervenants clés, les services de police doivent veiller à ce que les clients qui demandent des services d'aide juridique soient informés de la disponibilité d'avocats bilingues. Les agents de police sont souvent la première et la seule source de renseignements à laquelle ont accès les personnes ayant besoin de ces services, et une offre active à ce stade-ci peut avoir des répercussions importantes sur la satisfaction des besoins linguistiques des clients de l'aide juridique.

Plusieurs facteurs influent sur la prestation de services d'aide juridique dans la langue officielle de la minorité, mais certains de ces facteurs peuvent être difficilement pris en considération par les régimes d'aide juridique. Par exemple, un régime d'aide juridique pourrait décider d'offrir activement ses services dans la langue officielle de la minorité tout en étant incapable de trouver des avocats bilingues disposés à offrir de l'aide juridique.

Les intervenants clés ont relevé un certain nombre de stratégies qui peuvent être élaborées pour améliorer ou étendre la prestation des services d'aide juridique dans la langue officielle de la minorité. Ces stratégies peuvent être réparties en trois catégories :

Stratégies visant les questions qui ont des répercussions directes sur les clients de l'aide juridique

  • Une meilleure disponibilité des documents d'information publique dans la langue officielle de la minorité (publications, dépliants, affiches, etc.) pour s'assurer que les groupes de langues officielles minoritaires ont accès à des renseignements généraux sur l'aide juridique, quelle que soit la capacité des régimes provinciaux d'offrir des services dans les deux langues officielles;
  • Une meilleure compréhension des besoins linguistiques des minorités de langue officielle par les intervenants clés du système de justice pénale qui sont les premiers à communiquer avec les prévenus et qui peuvent avoir une grande influence sur l'accès à la justice de ces derniers;
     
  • Une meilleure compréhension de l'importance d'assurer des services dans les deux langues officielles par les membres des professions juridiques (les agents de police, les avocats de la défense, les procureurs de la Couronne et le personnel de l'aide juridique).

Stratégies visant la capacité des régimes d'aide juridique à assurer des services dans les deux langues officielles

  • L'amélioration des possibilités de formation linguistique offertes aux avocats ayant une connaissance de base de la langue officielle de la minorité, mais qui ne sont pas au fait de la terminologie juridique requise pour assurer, verbalement et par écrit, des services dans cette langue;
     
  • L'amélioration des possibilités de formation offertes aux parajuristes, aux secrétaires juridiques et aux autres personnes qui aident les avocats dans leurs fonctions;
     
  • La disponibilité des ressources et des outils, notamment des documents de référence, des publications, des logiciels, etc., qui permettront aux régimes d'aide juridique et aux avocats d'assurer des services dans la langue officielle de la minorité;
     
  • La reconnaissance du rôle que peuvent jouer les Associations des juristes d'expression française et d'autres organismes communautaires francophones dans l'expansion des services d'aide juridique en français à l'extérieur du Québec. L'établissement de bonnes relations professionnelles avec ces organismes pourrait contribuer à l'amélioration des services offerts en français, et inciter les clients d'aujourd'hui et les clients potentiels à demander des services dans leur langue maternelle.
     
    La reconnaissance du rôle que peut jouer l'important réseau d'organismes anglophones du Québec dans l'amélioration et l'expansion des services d'aide juridique en anglais.

Stratégies visant le système d'aide juridique dans son ensemble

  • L'augmentation du traitement des avocats et du personnel de l'aide juridique pourrait aider certaines provinces à recruter et conserver des employés bilingues. Contrairement à d'autres domaines du droit, l'aide juridique n'est pas très attrayante sur le plan financier; les avocats bilingues peuvent gagner davantage en exerçant les fonctions de poursuivant provincial (Ontario), en travaillant dans le secteur privé ou en occupant un poste au sein d'un autre ministère provincial ou fédéral (y compris dans le Service fédéral des poursuites).
     
  • Augmentation des honoraires versés aux avocats du secteur privé qui acceptent des certificats de l'aide juridique. Les honoraires jugés trop faibles peuvent inciter les avocats bilingues à refuser d'assurer des services d'aide juridique.

Il est impossible de régler tous les problèmes que pose la prestation des services d'aide juridique en injectant des fonds supplémentaires, mais cela permettrait d'en résoudre un certain nombre. Selon les résultats généraux de l'étude, les fonds fédéraux peuvent cibler les domaines suivants :

  • Ceux qui ont un rapport direct avec la capacité des régimes d'aide juridique d'assurer des services dans les deux langues officielles, comme les initiatives de formation linguistique, la publication et la distribution de documents, ainsi que l'élaboration de ressources et d'outils juridiques, dans les deux langues officielles. En outre, le gouvernement fédéral peut contribuer à des initiatives ayant pour objectif de sensibiliser les membres des professions de la justice pénale aux besoins des groupes de langue officielle et de promouvoir la collaboration entre les organismes communautaires et les organismes qui travaillent dans le domaine des langues officielles.
     
    Ceux qui sont liés au système d'aide juridique dans son ensemble, notamment l'échelle de traitement et la rémunération des avocats salariés. Il n'y a pas de doute que les obstacles institutionnels nuisent à la prestation de services dans la langue officielle de la minorité.

[1] La société PRA avait décidé à l'origine d'interroger des clients de l'aide juridique au cours des visites, mais elle n'a pas été en mesure de le faire à cause de la difficulté de trouver des clients prêts à participer à l'étude.

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