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Traitement par la justice pénale des homicides commis par un partenaire intime par opposition aux autres types d’homicides


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SOMMAIRE

L’objet de notre étude consistait à évaluer l’importance accordée par la justice pénale à l’existence d’une relation intime en comparant les résultats du processus pénal dans le cas des homicides commis par un partenaire intime et dans celui des autres types d’homicides. Aux fins de l’étude, l’expression « homicide commis par un partenaire intime » désigne l’homicide perpétré par un conjoint ou un ex-conjoint en droit ou de fait ou par une personne que la victime fréquentait ou avait fréquentée. Quant à l’expression « autre type d’homicide », elle englobe les homicides commis par un membre de la famille (à l’exclusion des conjoints), un ami, une connaissance ou un pur étranger. Deux questions de recherche sont examinées : 1) Les personnes accusées d’avoir tué un partenaire intime font-elles l’objet d’un traitement différent au sein du système de justice pénale, comparativement aux personnes accusées d’avoir tué quelqu’un avec qui elles n’avaient pas de rapports intimes?; 2) L’importance accordée à la relation intime a-t-elle changé au fil des ans? Il s’agit là de questions cruciales, car la façon dont les tribunaux du Canada et d’autres pays développés réagissent à la violence entre partenaires intimes a suscité de nombreux débats au cours des dernières décennies, entraînant bon nombre de changements sur le plan législatif et politique.

Les données analysées dans le présent rapport ont été recueillies en deux étapes. Celles qui concernent les homicides commis dans la seule zone urbaine de Toronto entre 1997 et 2002 ont été rassemblées dans le cadre de l’étude dont il est ici question, tandis que les données relatives aux homicides commis entre 1974 et 1996 ont été réunies par l’auteur dans le cadre d’un autre projet de recherche. Le regroupement de ces deux ensembles de données fait en sorte que l’échantillon de notre étude englobe toutes les affaires d’homicides enregistrées par les agents de la justice et les responsables des services de santé de Toronto et résolues par le système de justice pénale pour adultes entre 1974 et 2002 inclusivement – soit une période de presque trois décennies. Les dossiers des procureurs de la Couronne ont constitué la principale source d’information dont nous nous sommes servi pour l’étude.

De 1974 à 2002, 1 612 homicides ont été signalés à Toronto. Dans 288 des cas, l’affaire n’a pas été résolue, c’est-à-dire qu’aucune accusation n’a été portée. En ce qui concerne les 1 324 cas où l’affaire a été résolue, 1 416 suspects ont été identifiés, et 1 137 personnes inculpées. Parmi ces dernières, 230 (20 %) ont été accusées d’homicide sur la personne d’un partenaire intime, et 907 (80 %), d’un autre type d’homicide. Ces chiffres concordent avec les plus récentes données, selon lesquelles un homicide sur cinq met en cause des partenaires intimes. Dans le cadre d’une comparaison entre ces deux types d’homicides, nous examinons huit résultats du processus pénal, à savoir l’accusation initiale, le mode d’entrée en voie de condamnation, le verdict rendu par le tribunal, le type d’acquittement, la probabilité globale de condamnation, la sévérité du verdict, ainsi que le type de peine et la durée de la peine.

Dans l’échantillon de Toronto, l’accusation initiale en était une de meurtre dans 91 % des cas – 37 % des prévenus avaient été accusés de meurtre au premier degré, et 54 %, de meurtre au deuxième degré. Dans les 9 % de cas restants, l’accusé s’était vu inculpé d’homicide involontaire coupable dans 8 % des cas, les autres infractions comptant pour 1 % des cas. Au sein de l’échantillon total, 58 % des affaires d’homicides ont été tranchées dans le cadre d’un procès, et 42 % se sont terminées par un plaidoyer de culpabilité. Parmi les premières, 60 % ont donné lieu à une déclaration de culpabilité. De façon globale, c’est-à-dire si l’on considère les affaires d’homicides soumises à un tribunal et celles qui ont donné lieu à un plaidoyer de culpabilité, 76  % des 1 137 personnes accusées ont été trouvées coupables, soit 9 % de meurtre au premier degré, 30 %, de meurtre au deuxième degré, et 54 %, d’homicide involontaire coupable. Enfin, au chapitre de la peine imposée, 83 % des personnes trouvées coupables ont été condamnées à l’emprisonnement dans un établissement fédéral, la peine moyenne étant d’environ 9 ans. Chez les personnes déclarées coupables d’homicide involontaire coupable, on enregistrait une peine moyenne de 5,5 ans, alors que chez celles condamnées pour meurtre au deuxième degré (infraction pour laquelle la peine minimale est de 10 ans), la durée moyenne de la peine se situait à 12,5 ans. Toutes les personnes reconnues coupables de meurtre au premier degré ont été condamnées à l’emprisonnement à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle avant 25 ans.

En ce qui concerne la première question de recherche (Les personnes accusées d’avoir tué un partenaire intime font-elles l’objet d’un traitement différent au sein du système de justice pénale?), les résultats montrent que l’existence d’une relation intime semble revêtir de l’importance aux yeux de la justice pénale, mais que cette importance est plus marquée aux premières étapes du processus pénal. Voici nos quatre principales constatations :

  • Accusation initiale : À l’étape initiale de la mise en accusation, les personnes accusées d’avoir tué un partenaire intime étaient beaucoup moins susceptibles de faire l’objet d’une accusation de meurtre au premier degré que celles accusées d’un autre type d’homicide.
     
  • Mode d’entrée en voie de condamnation : Les affaires d’homicides commis dans le cadre d’une relation intime étaient beaucoup moins souvent tranchées dans le cadre d’un procès que celles qui ne mettaient en cause des partenaires intimes. En d’autres termes, les personnes accusées d’homicide sur la personne d’un partenaire intime avaient davantage tendance à plaider coupable.
     
  • Verdict rendu par le tribunal : Dans le cadre des affaires ayant donné lieu à un procès, les personnes accusées d’avoir tué un partenaire intime étaient plus susceptibles d’être déclarées coupables.
     
  • Probabilité globale de condamnation : De façon globale, les personnes accusées d’avoir tué un partenaire intime étaient beaucoup plus susceptibles d’être condamnées. Ce résultat est probablement attribuable, dans une large mesure, au fait que ces personnes étaient plus enclines à plaider coupable, comme nous l’avons signalé précédemment.

Depuis le début des années 1970, on a observé une augmentation considérable de l’attention accordée, par les membres du public et par les professionnels concernés, à la violence familiale, plus particulièrement au problème de la violence faite aux femmes dans le cadre de relations intimes. Les organisations féministes et les groupes populaires ont attiré l’attention du public et des professionnels du domaine juridique sur ce qui était traditionnellement considéré comme un problème familial d’ordre privé dans lequel les responsables de l’application de la loi n’avaient pas à intervenir. Il s’en est suivi que les réformes sociales et juridiques ainsi que les autres initiatives gouvernementales mises en œuvre au cours des dernières décennies se sont centrées sur la violence entre partenaires intimes, transformant le problème en une question d’intérêt public. À la lumière de ces changements, il serait raisonnable de croire que la sensibilisation accrue à ce type de violence a influé sur la manière dont la justice pénale réagit aux crimes de violence. Il ne nous a pas été possible de vérifier s’il s’est créé au fil du temps un lien de cause à effet entre ces changements et l’attitude de la justice pénale face à la violence entre partenaires intimes, mais, en nous penchant sur la seconde question de recherche, nous avons tenté de déterminer si l’importance accordée à l’existence d’une relation intime par la justice pénale a évolué au cours des trois dernières décennies, en même temps que croissait la préoccupation à l’égard du phénomène de la violence entre partenaires intimes.

En ce qui a trait à la seconde question de recherche, nos constatations sont les suivantes :

  • Mode d’entrée en voie de condamnation : Les personnes accusées d’avoir tué un partenaire intime étaient beaucoup moins susceptibles de subir un procès que celles qu’on accusait d’un autre type d’homicide, et ce, pendant les deux sous-périodes examinées (1974-1983 et 1984-2002). Bref, les plaidoyers de culpabilité se sont avérés plus fréquents dans les affaires d’homicides mettant en cause des partenaires intimes au cours de ces sous-périodes, et cette tendance s’est maintenue au fil des ans.
     
  • Verdict rendu par le tribunal : Dans les affaires ayant donné lieu à un procès au cours de la sous-période la plus récente, les personnes accusées d’homicide sur la personne d’un partenaire intime étaient plus souvent déclarées coupables par le tribunal, mais tel n’était pas le cas au cours de la sous-période la plus reculée.
     
  • Probabilité globale de condamnation : Comme les personnes accusées d’avoir tué un partenaire intime avaient davantage tendance à plaider coupable et à être reconnues coupables par un tribunal, elles étaient aussi globalement plus susceptibles d’être condamnées durant la sous-période la plus récente. En revanche, la probabilité globale de condamnation n’était pas plus forte chez elles au cours de la première sous-période.
     
  • Sévérité du verdict : Les personnes inculpées d’avoir provoqué la mort d’un partenaire intime étaient moins susceptibles d’être condamnées pour meurtre (au premier ou au deuxième degré) au cours de la première sous-période. Ce n’était toutefois pas le cas pendant la deuxième sous-période.

Ces résultats nous amènent à conclure provisoirement que l’existence d’une relation intime entre les protagonistes, dans les affaires d’homicides, revêt dans les faits une certaine importance dans les décisions issues du processus pénal, mais que cette importance a changé avec le temps. Cependant, pour mieux la comprendre, on devra mener des recherches sur certaines questions cruciales. Tout d’abord, il faudra se demander ce qui explique le lien entre l’existence d’une relation intime et la négociation de plaidoyer, et ce qui, dans les affaires d’homicides commis sur la personne d’un partenaire intime (ou chez les personnes accusées d’un tel homicide) fait en sorte qu’une telle négociation est considérée comme plus acceptable que dans d’autres affaires.

Ensuite, la question de savoir comment déterminer si des homicides (ainsi que d’autres types de crimes de violence) sont semblables sur le plan du contexte social et juridique dans lequel ils s’inscrivent et quels sont les facteurs devant être pris en compte lorsqu’on effectue une telle comparaison reste un problème. De façon particulière, il convient de souligner que, s’il importe de cerner l’importance de trois variables juridiques fondamentales – la préméditation, la provocation et l’intoxication – dans les cas d’homicides commis par un partenaire intime comme dans les autres affaires d’homicides, les études sur la justice pénale sont, traditionnellement, pour la plupart muettes à ce sujet. Dans cette même optique, on doit examiner plus à fond les stéréotypes concernant le type de relation existant entre la victime et l’accusé afin de déterminer, dans un premier temps, s’ils correspondent à la réalité et, dans un deuxième temps, s’ils façonnent les idées des intervenants du système de justice pénale au sujet de la violence et influent sur leur réaction à son égard.

Enfin, et cela est peut-être plus important encore, les chercheurs doivent continuer à examiner les tendances qui se dégagent des résultats auxquels aboutit le processus pénal, tout en s’efforçant de comprendre ce qui explique celles qui sont décrites ici et celles qui seront définies dans le cadre des recherches futures. Notre étude a montré que l’attitude des tribunaux face à la relation intime a évolué en même temps que croissaient la sensibilisation à la violence entre partenaires intimes en tant que problématique sociale importante et les préoccupations qui la concernent. Toutefois, les résultats de l’étude ne nous permettent pas de conclure (et tel n’était pas notre objectif) à l’existence d’un lien direct entre l’adoption de nouvelles lois ou politiques visant à modifier le traitement réservé à ce type de violence par la justice pénale et l’évolution de ce traitement. Néanmoins, ils nous portent à croire qu’un tel lien pourrait exister et que d’autres recherches sur le sujet s’avèrent justifiées. Cependant, il faudrait pouvoir disposer de données juridiques de meilleure qualité. À l’heure actuelle, il n’y a pas de sources de données nationales permettant d’établir des liens entre les caractéristiques des victimes, des accusés et des infractions, d’une part, et, d’autre part, les résultats auxquels en arrive la justice pénale dans les affaires criminelles. Par ailleurs, on doit élaborer des indicateurs à l’aide desquels on pourra déterminer si les résultats visés par les programmes et initiatives mis en oeuvre ont été atteints. Idéalement, ces indicateurs devraient être définis avant la mise en œuvre. En terminant, mentionnons qu’il faudra effectuer d’autres recherches sur les attitudes, les convictions et les pratiques (de même que les raisonnements qui les sous-tendent) des agents de la justice pénale qui doivent traiter les cas de crime de violence.

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