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Étude sur les services juridiques au NunavutRapport définitif16 octobre 2002Page précédente | Table des matières | Page suivante RÉSUMÉINTRODUCTIONLe ministère de la Justice du Canada a commandé l'Étude sur les services juridiques au Nunavut pour avoir un aperçu de l'état de la prestation des services juridiques dans le territoire, des enjeux auxquels font face les fournisseurs (notamment la Commission des services juridiques du Nunavut - CSJN), des inducteurs de coût associés à la prestation de ces services, des domaines dans lesquels il existe des besoins non satisfaits en matière de services juridiques, des conséquences de la non-satisfaction de ces besoins sur les personnes et les collectivités touchées ainsi que des façons de traiter ces enjeux. L'étude porte sur dix points déterminés conjointement par des représentants du ministère de la Justice du Canada, du ministère de la Justice du Nunavut et de la CSJN :
Une équipe de chercheurs de l'IER, en collaboration avec Dennis Patterson,
a mené l'Étude sur les services juridiques au Nunavut. Elle a
utilisé des méthodes quantitatives et qualitatives variées
afin d'examiner ces points :
NUNAVUT ET COMMISSION DES SERVICES JURIDIQUES DU NUNAVUT : RENSEIGNEMENTS GÉNÉRAUXNunavutLa population du Nunavut se distingue du reste du Canada de nombreuses façons. Ces différences forment le contexte dans lequel les services juridiques sont offerts. Elles ont une incidence sur la demande de services juridiques, les types de services juridiques requis ainsi que la façon optimale d'offrir ces services. Parmi les facteurs socio-économiques importants, on retrouve :
Système juridique du NunavutLe système juridique du Nunavut est unique au Canada à cause de la Cour de justice du Nunavut (CJN), cour unifiée qui remplace le système à deux paliers de tribunaux (territorial/provincial et Cour suprême) en place dans le reste du Canada. Ce modèle visait à améliorer les services offerts aux résidants du Nunavut en favorisant l'accès aux tribunaux (par l'augmentation de la fréquence et de la durée des visites dans les collectivités) et en simplifiant le système juridique. Le système juridique du Nunavut présente une autre caractéristique importante : la pratique de l'admissibilité présumée, c'est-à-dire qu'une personne n'a pas besoin de remplir une demande d'aide juridique pour être représentée par un avocat de service devant le tribunal. Une demande officielle d'aide juridique n'est nécessaire que si la personne désire plaider coupable (dans une affaire pénale) ou si le cas devient très complexe. Le système juridique du Nunavut est à l'image du processus d'établissement du territoire. Ce processus est fondé sur l'engagement à décentraliser les services gouvernementaux (et les avantages liés à la création d'emplois et à la mise en place d'infrastructures connexes pour la prestation de ces services) et à faire participer les Inuits à la prise de décision sur toutes les questions, ce qui se reflète aussi dans l'organisation du système juridique et de la CSJN. Le système juridique du Nunavut est extrêmement complexe et interdépendant; toutes ses composantes interagissent et s'influencent. Ceci a fait obstacle à l'équipe de chercheurs pour ce qui est d'isoler les questions concernant la CSJN de celles touchant d'autres composantes du système. Il leur a donc fallu examiner d'autres composantes du système pour mieux comprendre en quoi les questions qui, à prime abord, semblent séparées de la CSJN peuvent, en fait, être liées aux préoccupations de celle-ci sur les coûts et la prestation des services. Commission des services juridiques du NunavutLe rôle de la CSJN consiste principalement à fournir des services d'aide juridique, à administrer le programme d'assistance parajudiciaire et à offrir le Programme de vulgarisation et d'information juridiques (VIJ). La loi régissant la CSJN prévoit qu'elle doit faire son possible pour atteindre ces objectifs. Pour l'exercice 2002-2003, la Commission dispose d'un budget de 3 362 000 $. Il existe quatre centres : à Cambridge Bay (dans la région de Kitikmeot), à Rankin Inlet (dans la région de Keewatin), à Iqaluit (région de Baffin) ainsi qu'à Pond Inlet (le bureau de l'Extrême-Arctique, aussi dans la région de Baffin). Huit avocats travaillent pour la CSJN, qui bénéficie aussi des services de quatre autres avocats contractuels du secteur privé qui s'ajoutent au personnel au besoin, ainsi que de 14 conseillers parajudiciaires (dans les centres régionaux), dont trois sont à temps plein. La demande pour les services de la Commission, mesurée par le nombre de demandes d'aide juridique reçues, augmente de façon constante. La Commission refuse très peu de demandes d'aide juridique. La majorité des demandes refusées concernent le droit de la famille ou d'autres domaines du droit civil. Lorsqu'une demande est rejetée, ce n'est habituellement pas parce que le demandeur n'est pas financièrement admissible ou à cause du type de cas. Le motif de refus le plus courant est que le demandeur a omis de fournir tous les renseignements nécessaires au traitement de la demande; le deuxième motif est que la Commission a jugé qu'il était peu probable que l'affaire puisse avoir quelque avantage que ce soit pour le demandeur. PRESTATION DES SERVICES : DEMANDE, MODE DE PRESTATION ET QUALITÉDifférents facteurs influent sur la demande de services juridiques ainsi que sur la structure et la qualité des services qu'offre la CSJN, dont la structure des tribunaux (les cours de circuit de la CJN et les cours des juges de paix), la géographie, la culture ainsi que les ressources humaines limitées. Structure des tribunaux - cours de circuitSelon les répondants, les cours de circuit se caractérisent par de longs intervalles entre les visites à la collectivité et par la courte durée de ces visites, ce qui entraîne :
Structure des tribunaux - cours des juges de paixLes cours des juges de paix au Nunavut sont destinées à instruire un plus grand éventail de causes que ce qui se fait habituellement dans le reste du Canada, et ce afin d'alléger le fardeau de la CJN. Cependant, même si des efforts importants ont été déployés pour préparer tous les juges de paix à fournir des services élargis, au moment de la rédaction, ces cours n'ont pu combler tout le vide laissé par l'élimination de la Cour territoriale. Ceci a eu pour effet d'augmenter de façon significative le nombre d'affaires dont la CJN a été saisie et qui, autrement, auraient pu être instruites dans les cours des juges de paix. La CJN doit, en plus, faire face au nombre croissant de demandes attribuable à la situation socioéconomique globale, qui aggrave certains des problèmes mentionnés précédemment. GéographieLa géographie du Nunavut, en particulier la dispersion et l'éloignement de ses collectivités, a des incidences sur la prestation des services juridiques de diverses façons.
CultureUn certain nombre de répondants ont reconnu que le système de justice du Nunavut fait des efforts pour être plus sensible à la culture. Cependant, la culture et les différences culturelles continuent d'avoir une incidence négative sur la prestation des services juridiques et sur la capacité de représenter efficacement les clients. Voici une liste partielle des problèmes :
COÛT DE LA PRESTATION DES SERVICESDivers facteurs ont un effet important sur le coût de la prestation des services juridiques au Nunavut. En voici une liste partielle :
ÉTENDUE DES BESOINS NON SATISFAITS EN SERVICES JURIDIQUESLes participants à l'atelier et les personnes interviewées étaient unanimes sur le fait qu'il existe au Nunavut des besoins non satisfaits en matière de services juridiques. Toutefois, dans la discussion sur ce sujet, il était clair que certains répondants définissent « besoins non satisfaits » par « manque de représentation » (c.-à-d. la difficulté d'accès à un avocat ou à un conseiller parajudiciaire), alors que, pour d'autres, il s'agit du « manque de représentation de qualité ». Il était aussi évident que la nature et l'étendue des besoins non satisfaits varient selon les régions et selon la taille d'une collectivité dans une région donnée. En droit de la famille et dans d'autres domaines du droit civil, les besoins non satisfaits sont nettement liés au manque de représentation. Même si la CSJN est chargée d'offrir les services dans ces domaines, les affaires pénales ont préséance sur les affaires civiles. C'est aussi le cas dans les rôles de la cour, où les affaires familiales et civiles sont fréquemment ajournées en raison du manque de temps. Du point de vue pratique, il existe aussi des limites dans la prestation des services dans ce domaine, la principale étant le manque d'intervenants à l'extérieur de la CSJN pour représenter l' « autre partie » au litige. Il y a des besoins non satisfaits dans presque tous les domaines du droit civil au Nunavut. En droit de la famille, les domaines où on a le plus grand besoin de services sont la protection de l'enfance, les pensions alimentaires pour les enfants, la séparation des biens après un divorce, les règlements extrajudiciaires des différends et les questions connexes à l'adoption selon les coutumes autochtones. En raison du système d'admissibilité présumée et du programme d'assistance parajudiciaire, le manque de représentation paraît moins problématique dans les cours de circuit. Cependant, étant donné les questions structurelles liées au travail des cours de circuit (voir ci-dessus) et les ressources humaines limitées à la CSJN, les répondants ont exprimé des inquiétudes au sujet la qualité de la représentation qui y est offerte. Dans les cours des juges de paix, le degré de besoins non satisfaits semble varier dans tout le territoire. Ce sont les conseillers parajudiciaires qui, le plus souvent, représentent les clients dans certains domaines. Dans d'autres, la représentation est assurée par les avocats de la CSJN (ce qui est toutefois assez rare lorsque des conseillers parajudiciaires sont disponibles). En général, les répondants ont cependant indiqué que, si une personne n'est pas représentée dans une cour des juges de paix, c'est parce qu'elle en a ainsi décidé. De nombreux juges de paix ont révélé qu'ils refuseraient d'instruire l'affaire si l'accusé n'était pas représenté. Cependant, les questions concernant la pertinence du programme actuel de formation des conseillers parajudiciaires (que l'on est en train de revoir et d'améliorer) et la surveillance des cours des juges de paix ont amené certains répondants à exprimer des inquiétudes sur la qualité de la représentation offerte dans ces cours. En ce qui concerne les besoins non satisfaits pour les audiences de justification ou les enquêtes sur le cautionnement (les situations les plus communes dans lesquelles la représentation est nécessaire avant la première comparution), les répondants ont noté que ce sont les conseillers parajudiciaires qui se chargent le plus souvent de ces tâches, mais qu'à l'occasion, les avocats de service agissent comme représentants. Plusieurs répondants, dont des conseillers parajudiciaires et des représentants de la CSJN, ont mentionné qu'il existe des cas où l'accusé n'est pas représenté avant la première comparution, car aucun conseiller parajudiciaire ou aucun avocat de service n'est disponible. De plus, les préoccupations exprimées au sujet de la formation des conseillers parajudiciaires pour les comparutions devant la cour des juges de paix touchent aussi la représentation avant la première comparution. Finalement, en ce qui concerne les détenus en détention préventive au Centre correctionnel de Baffin (CCB), il est clair que la représentation est insuffisante. Malgré une capacité de 15 détenus en détention préventive, le CCB en héberge habituellement 30. Ces personnes attendent pour rencontrer un avocat ou subir leur procès. Les répondants du milieu correctionnel ont indiqué que la pénurie d'avocats de la défense en matière pénale, au Nunavut, constitue le facteur le plus important qui touche les détenus en détention préventive au CCB. INCIDENCE DES BESOINS NON SATISFAITSLes répondants ont été très clairs sur les effets dévastateurs des besoins non satisfaits en matière de services juridiques sur toutes les parties concernées : l'accusé, la victime, la collectivité et le personnel de la CSJN. Il est évident que les besoins non satisfaits dans un domaine du système juridique ont des répercussions sur d'autres domaines, notamment sur la CSJN. AccuséL'incapacité de la CSJN de satisfaire les besoins des accusés a de lourdes conséquences. Par exemple :
Selon les répondants, toutes ces questions, combinées avec le manque de soutien à l'échelle locale (par exemple, service de counselling pour les toxicomanes), à la situation socioéconomique et aux effets de traumatismes émotionnels antérieurs, mettent l'accusé à risque de tomber dans la dépression et de se suicider. Ils ont fourni des exemples concrets de ces conséquences. VictimeLes victimes sont aussi touchées de façon négative par les retards du système de justice. Ces retards accroissent le risque d'être victime de nouveau, en particulier dans les cas d'agression, car la victime doit continuer à faire face à l'accusé pendant plusieurs mois jusqu'à ce que la cour revienne dans leur collectivité isolée. En droit de la famille et dans d'autres domaines du droit civil, il n'est pas exclu que la pénurie globale d'avocats civilistes donne lieu à une situation où une partie pourra être représentée par l'entremise de la CSJN et l'autre, non. Et, en raison des retards dans le traitement des affaires familiales ou civiles, l'une des parties pourrait être victime d'un acte criminel posé par l'autre partie, à mesure qu'augmente la frustration au sujet des questions laissées en suspens. Dans bon nombre de collectivités, les effets des besoins non satisfaits sur la victime sont aggravés par l'absence de services d'aide aux victimes. CollectivitéLes membres de la collectivité sont touchés de diverses façons par les besoins non satisfaits en matière de services juridiques :
Personnel de la CSJNLe personnel de la CSJN est profondément conscient de l'étendue des besoins non satisfaits et, par conséquent, il est exposé à beaucoup de stress et vit dans l'anxiété et la frustration. Ces pressions sont souvent source d'épuisement professionnel et entraînent un taux élevé de roulement, ce qui a une incidence négative sur le personnel restant. Système juridique dans son ensembleLes besoins non satisfaits dans un domaine du système juridique peuvent rapidement et facilement avoir des conséquences sur d'autres domaines. Par exemple :
CONSEILLERS PARAJUDICIAIRESLes responsabilités des conseillers parajudiciaires consistent, entre autres, à aider les clients et leur famille à interagir de façon significative avec le système de justice et, si nécessaire, avec l'avocat du CSJN. Ils travaillent en étroite collaboration avec l'avocat pour s'assurer que le client comprend ses droits et la situation. De plus, les conseillers parajudiciaires font le pont entre la collectivité et le système de justice, conseillent souvent les membres de la collectivité et offrent des services de VIJ. Dans certains cas, ils peuvent participer à des programmes de justice alternative. Leurs responsabilités varient énormément en fonction de la collectivité et sont quelque peu liées à l'étendue de leur formation et à la présence ou à l'absence d'une cour de juges de paix dans la collectivité. On presse beaucoup les conseillers parajudiciaires d'élargir leur rôle et les services qu'ils offrent. Ils subissent aussi des pressions à cause de leur relation avec la GRC et les avocats de la Couronne pendant les procédures. Les membres de la collectivité peuvent être une autre source de stress, car les conseillers parajudiciaires doivent souvent leur expliquer les décisions et les actions prises par la cour après que celle-ci a quitté la collectivité. Les conseillers parajudiciaires font aussi face à un certain nombre d'obstacles dans la prestation de leurs services. Parmi ces obstacles, on trouve le manque d'infrastructure et de ressources (comme des bureaux, des téléphones et des télécopieurs), un système de rémunération injuste et inadéquat (comme ils sont payés par les cliniques régionales, il y a des écarts entre les échelles salariales des régions) et le manque de reconnaissance de leur travail. Les conseillers parajudiciaires ont néanmoins la capacité de combler bon nombre de besoins non satisfaits au sein du système de justice du Nunavut, y compris dans des domaines comme le droit de la famille, la justice pour les jeunes, la VIJ, la justice communautaire et alternative et les cours des juges de paix. Pour ce faire, ils auront besoin d'une formation enrichie (que la CSJN travaille actuellement à mettre en place et qui sera liée aux trois paliers de formation des juges de paix), d'une hausse de la rémunération (pour favoriser le recrutement et le maintien de l'effectif), d'un soutien accru des autres intervenants du système de justice et d'une infrastructure améliorée. De plus, pour répondre à la demande supplémentaire, il faudra des conseillers parajudiciaires additionnels et plus de conseillers parajudiciaires à temps plein. VULGARISATION ET INFORMATION JURIDIQUESLe Programme de vulgarisation et d'information juridiques (VIJ) sert à des fins importantes, entre autres à promouvoir une utilisation éclairée des institutions juridiques, à encourager la gestion informée des affaires juridiques propres aux particuliers, à renseigner les citoyens et à leur éviter les démêlés avec la justice. Un petit nombre d'activités de VIJ ont actuellement cours au Nunavut, mais la majorité des répondants étaient d'avis qu'il existe des besoins non satisfaits en matière de VIJ dans les domaines du droit civil, du droit de la famille, du droit pénal, des lois fondées sur des droits, des tâches administratives et du fonctionnement de la CSJN. Les répondants ont indiqué que la prestation de VIJ pourrait être améliorée par une coordination plus serrée des activités de VIJ, par l'élargissement de la définition d'utilisateur (afin d'inclure d'autres personnes que la victime et l'accusé), par l'adoption de diverses méthodes de prestation, par une formation améliorée des fournisseurs et par la hausse du financement affecté à la prestation des services. Il est important de noter cependant que certains répondants ont exprimé des préoccupations concernant l'accroissement des activités de VIJ; ils sont d'avis que cela risque d'augmenter la demande à un point tel que la CSJN ne pourrait la satisfaire. SOLUTIONS PROPOSÉESAfin de faire face aux nombreux besoins non satisfaits en matière de services juridiques au Nunavut et aux effets des facteurs décrits ci-dessus, l'équipe de recherche a dressé une liste de solutions proposées. Ces dernières ont trait au besoin d'assurer le financement adéquat pour apporter un large éventail d'améliorations à la capacité en ressources humaines de la CSJN, afin qu'elle puisse répondre aux besoins non satisfaits en matière de services. Ces solutions ont également trait au besoin du système de justice en général de se concentrer sur le règlement des problèmes qui ont une incidence importante sur le fonctionnement de la CSJN en raison du niveau élevé d'interdépendance des diverses composantes du système de justice du Nunavut. Les solutions proposées pour les intervenants de la CSJN sont les suivantes :
Les solutions proposées pour le système de justice du Nunavut en général sont les suivantes :
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Mise à jour : 2006-03-06 | Avis importants |