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LA RECONNAISSANCE PRÉALABLE DE CULPABILITÉ

Milica Potrebic Piccinato

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CRITIQUES

La reconnaissance préalable de culpabilité a suscité de vives controverses dans les milieux juridiques[15]. Le principal reproche à l'encontre de ce procédé est qu'en permettant de contourner les rigoureuses exigences de procédure du procès pénal, il se trouve à trahir bon nombre des valeurs sur lesquelles repose la justice pénale, dont celles consacrées par la Charte canadienne des droits et libertés[16]. Les détracteurs de ce système ont en outre tendance à le présenter comme inutile et dégradant. On a accusé cette procédure d'être, ou à tout le moins de paraître, un mécanisme irrationnel, injuste et secret qui incite à manipuler la justice et à transiger sur des principes fondamentaux[17]. On a par ailleurs dénoncé le fait que la reconnaissance préalable de culpabilité permet aux criminels de s'en tirer avec des peines relativement légères. Cela réduit, soutient-on, l'effet dissuasif des peines et accrédite l'idée que l'auteur d'un délit peut se soustraire aux effets de la loi dès lors qu'il est disposé à négocier. Sur ce dernier point, les préoccupations sont exacerbées par la disparité notable qu'il peut y avoir entre la peine prononcée sur reconnaissance préalable de culpabilité et celle prononcée à l'issue d'un procès.

Mais la critique la plus grave contre le procédé est qu'il est susceptible d'amener un innocent à se reconnaître coupable. Bien que la loi exige que la personne poursuivie reconnaisse les faits pour que le juge homologue la proposition de peine[18], d'autres facteurs exercent une influence considérable.

La Charte canadienne des droits et libertés reconnaît à l'accusé le droit à un avocat[19]. L'avocat de la défense a quant à lui pour devoir de s'assurer dans toute la mesure du possible que son client ne sera pas condamné autrement que par un tribunal compétent et sur le fondement de preuves suffisantes[20]. Mais il reste néanmoins possible que l'accusé soit entraîné par son avocat à admettre un crime dont il n'est en fait ou en droit pas coupable. Certains accusés sont vulnérables et s'en remettent dans une très large mesure aux conseils de leur avocat. L'avocat est en principe tenu de suivre les instructions de son client[21], mais en réalité les choses se passent parfois différemment. Il arrive que l'avocat prenne toutes les décisions et force le client à faire le contraire de ce que celui-ci souhaiterait. Il ne faut pas non plus sous-estimer l'influence des considérations financières. Il est en effet plus facile et plus rentable pour un avocat de régler plusieurs dossiers par voie de reconnaissance préalable de culpabilité que d'épuiser tous les recours judiciaires disponibles. Par ailleurs, le succès d'un défenseur dépend en grande partie des relations qu'il entretient avec la police, les autorités de poursuite et les juges. Il peut donc être tenté de se préoccuper davantage de ses intérêts que de ceux de son client. Encourager un client à reconnaître sa culpabilité afin de permettre à l'avocat de maintenir de bonnes relations avec les autres acteurs du système constitue un acte moralement répréhensible devant lequel certains pourraient néanmoins ne pas reculer.

La personne poursuivie peut en outre être soumise à des pressions de la part des autorités. La latitude dont dispose l'État en ce domaine ouvre la voie à des abus. Ainsi, les policiers peuvent porter des accusations inutilement graves contre l'inculpé ou le procureur peut menacer ce dernier de requérir la peine la plus lourde possible s'il exige un procès[22]. Les peines plus sévères auxquelles aboutit souvent un procès peuvent constituer entre les mains de la poursuite un outil puissant pour amener l'accusé à admettre sa culpabilité. L'on craint donc que la volonté d'éviter le risque d'une lourde peine conduise une personne à se reconnaître coupable d'un acte qu'elle n'a pas commis ou pour lequel elle aurait disposé d'un moyen de défense. En matière de meurtre, le rapport établi entre le nombre de cas ayant donné lieu à une reconnaissance de culpabilité apparemment contestable et l'existence d'une peine minimale élevée fournit un exemple troublant de ce genre de situation[23]. En 1997, une juge a en effet analysé les affaires dans lesquelles une femme avait été condamnée à l'emprisonnement pour le meurtre de son mari dans des circonstances dans lesquelles il était permis de croire que la défense de "femme battue" aurait pu être invoquée[24]. La juge en arriva à la conclusion qu'en dépit de la possibilité de se prévaloir du moyen de défense considéré, ces femmes avaient dans bien des cas plaidé coupable à l'accusation d'homicide involontaire par peur d'être condamnées à l'emprisonnement à perpétuité pour meurtre :

J'ai vu, au cours de l'Examen, des cas où l'accusée était irrésistiblement poussée à présenter un plaidoyer de culpabilité même s'il existait des preuves indiquant qu'elle avait agi en état de légitime défense. Dans certains cas, ces preuves étaient très fortes. Ces pressions irrésistibles viennent du fait que le Code criminel prévoit une peine minimale obligatoire en cas de meurtre. La femme qui est accusée de meurtre risque de se voir imposer une peine d'emprisonnement à perpétuité, à titre de peine obligatoire, avec un délai préalable à la libération conditionnelle se situant entre 10 et 25 ans. Par contre, la femme qui plaide coupable à une accusation d'homicide involontaire coupable reçoit habituellement une peine d'emprisonnement pouvant aller de trois à huit ans et elle a le droit de présenter une demande de libération conditionnelle totale après avoir purgé le tiers de sa peine. C'est un choix qui serait manifestement très difficile à faire quelle que soit la personne accusée de meurtre au deuxième degré. Il y a toutefois lieu de tenir compte des facteurs supplémentaires qui peuvent influencer encore davantage le choix d'une femme, notamment le fait qu'elle a de jeunes enfants à élever (…).[25]

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