QUESTIONS D'ACTUALITÉ CONCERNANT LE DROIT
DE L'IMMIGRATION ET DES RÉFUGIÉS
Conférence de 1997 de
l'Association du Barreau canadien
sur le droit de l'immigration et des réfugiés
Toronto (Ontario)
le 1er mars 1997
prononcé par
Nurjehan Mawani
Présidente
Commission de l'immigration et du statut de
réfugié
(Priorité au discours prononcé)
Je vous remercie de m'avoir invité à prendre la parole
à cette conférence.
Je qualifierais de « cruciale »
la contribution des membres de votre Association au processus d'immigration
et de détermination du statut de réfugié au Canada.
Je considère donc comme un privilège d'être invitée
à m'adresser à vous aujourd'hui.
Il y a trois messages que je veux vous transmettre aujourd'hui.
Le premier est que même si le Canada est un chef de file mondial
en ce qui a trait au processus de détermination du statut de
réfugié, il y a encore place à l'amélioration.
La CISR a commencé à régler certaines difficultés
de longue date qui portent non seulement sur les demandes de reconnaissance
du statut de réfugié, mais aussi sur les appels de l'immigration.
Le deuxième message est que vous, membres de la profession juridique,
jouez un rôle principal dans le déroulement de nos activités.
Vous avez également un rôle à jouer pour les rendre
meilleures.
Troisièmement, je vais faire aujourd'hui une annonce qui, je
crois, constitue un pas important en vue d'améliorer la façon
dont fonctionne la CISR.
Cependant, avant de le faire, permettez-moi de placer toutes ces questions
dans leur contexte.
Commençons, si vous le voulez bien, par jeter un coup d'oeil
en arrière.
Le Canada a toujours été un pays constitué de
gens venus d'ailleurs.
Comme le gouverneur général du Canada, M. Roméo
LeBlanc, l'a fait récemment remarquer, nous sommes tous des immigrants
de ce pays, mais certains d'entre nous sont arrivés ici avant
d'autres.
Toutefois, nous ne sommes pas les seuls à avoir vécu
cette expérience. Et, à cause de notre
histoire, nous avons certainement renoncé au droit de revendiquer
toute supériorité.
Il fut un temps où le Canada exerçait ouvertement une
discrimination contre ce qu'on appelait les «
étrangers » ou les «
Étrangers en nos murs »
(Strangers Within Our Gates), pour reprendre le titre évocateur
du premier livre important sur le sujet.
Comme dans le cas des réfugiés, il n'y a pas si longtemps,
on considérait que « quelques-uns
» c'était encore « trop
» et il y avait, selon nos normes actuelles, une absence
scandaleuse d'impartialité lorsqu'il fallait choisir qui on allait
laisser entrer.
Tout ceci a commencé à changer après notre participation
aux travaux qui ont mené à la Convention des Nations Unies
de 1951 et au Protocole de 1967 relatifs au statut des réfugiés,
qui ont coïncidé avec l'évolution d'après-guerre
de la politique sociale canadienne, dont le point culminant a été
plus récemment l'adoption de la Charte canadienne des droits
et libertés.
Il serait juste de dire, cependant, qu'il a fallu des années
pour que les répercussions de la Convention des Nations Unies
se fassent sentir pleinement en sol canadien.
En ce qui a trait à la formulation d'une politique, le Canada
a convenu d'accepter des réfugiés en 1951. Cette décision
a quand même été prise il y a 46 ans.
Toutefois, la question, comme vous le savez, a été
d'établir quelle était la meilleure façon de déterminer
ce qu'était un réfugié, afin d'être conforme
à la Convention des Nations Unies.
C'est en décidant de cette question que l'expérience
du Canada s'est avérée quelque peu hétérogène,
même si des étapes énormes ont été
franchies au cours des dernières années.
Vous vous souvenez que la Commission d'appel de l'immigration (CAI)
a été créée en 1967. Elle avait eu des prédécesseurs
administratifs, mais c'était la première fois qu'un organisme
quasi judiciaire, ayant le statut d'une cour supérieure d'archives,
intervenait dans les processus d'immigration du Canada.
Cependant, un organisme seulement de nature arbitrale n'était
pas le remède à tous les maux. Dans la détermination
du statut de réfugié, le document officiel de l'interrogatoire
devant l'agent d'immigration constituait le fondement pour la recommandation
du Comité consultatif du statut de réfugié (CCSR)
au ministre, lequel prenait la décision touchant la détermination
du statut. Cette décision pouvait être examinée
par la CAI, qui devait faire une détermination préliminaire,
basée sur le document écrit, même s'il pouvait en
être décidé autrement si l'affaire devait être
envoyée à une audience devant la CAI. C'est seulement
à ce moment que le demandeur du statut de réfugié
(appelé « requéran t»
à ce moment) bénéficiait d'une audience devant
un organisme indépendant.
Ce système a été aboli par la décision
Singh de 1985, qui a établi que les demandeurs du statut de réfugié
en sol canadien jouissaient de la protection de la Charte canadienne
des droits et libertés et avaient donc droit à une audience.
Le système, qui était essentiellement conçu pour
rendre des décisions d'après le dossier, n'a pu résister
à la pression. Au milieu des années 80, il fallait de
deux à cinq ans pour rendre une décision relative à
une revendication du statut de réfugié. Et à la
fin des années 80, le Canada avait un arriéré d'environ
100 000 cas.
Les avantages et les inconvénients de la décision Singh
ont été au centre de la plupart des débats et des
discussions au cours des années et, il y a à peine quelques
semaines, un article du Globe and Mail affirmait qu'elle avait chamboulé
le processus s'appliquant aux réfugiés. Jeffrey Simpson
préférait le modèle de détermination du
statut de réfugié qui existait avant 1985 parce que, à
son avis, il avait le grand avantage de rejeter, dès le début,
les demandeurs du statut de réfugié n'ayant pas de prétention
établie prima facie.
Sharry Aiken, présidente du Conseil canadien pour les réfugiés,
a remis en cause ce point de vue en faisant remarquer que la proposition
de « filtrer » dès le
départ les demandeurs du statut de réfugié avait
été mise à l'essai au début des années
90 et abandonnée parce que la très grande majorité
des demandes s'étaient avérées avoir un minimum
de fondement.
L'arrêt Singh de 1985 a par la suite conduit à la création
de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié
du Canada, en 1989, comme tribunal quasi judiciaire indépendant,
distinct du gouvernement, quoique au bout du compte responsable devant
le Parlement et comptable aux Canadiens par le biais des tribunaux.
Ses audiences sont de nature non contradictoire, plus officielles et
axées sur les enquêtes, ce qui reflète un intérêt
commun à établir les faits.
Le processus accéléré d'audience et d'autres innovations
ont permis de traiter des volumes accrus. L'arriéré des
cas, hérité des années 80, a donc pu être
traité rapidement.
Je crois fermement que le Canada possède aujourd'hui l'un des
meilleurs systèmes de détermination du statut de réfugié
au monde.
Il reflète les meilleures qualités de la réputation
canadienne. Il est respecté dans son ensemble pour son équité
et son objectivité, et a innové à l'échelle
internationale dans des domaines dans lesquels peu de pays se sont aventurés,
par exemple la persécution fondée sur le sexe et les enfants
qui revendiquent le statut de réfugié.
Je suis heureuse de vous annoncer que nous venons tout juste de recevoir
une demande de traduction en allemand de nos Directives concernant la
persécution fondée sur le sexe. En outre, je pars ce soir
pour le Danemark, à l'invitation du Conseil danois du statut
de réfugié et d'autres intervenants qui ont conjointement
parrainé un séminaire sur Les femmes et l'asile.
Les responsables espèrent rassembler un groupe important d'ONG,
d'avocats, de parlementaires et de décideurs afin qu'ils discutent
de ce qui est en train d'être reconnu là-bas comme un enjeu
important en matière d'asile. Le HCR et la Commission internationale
des droits de l'homme participeront à ce séminaire.
Nous avons également pris ce que bon nombre considèrent
comme une position audacieuse, selon les normes internationales actuelles,
en ce qui a trait à l'interprétation de l'article 1F de
la Convention. La Commission, comme vous le savez également,
a publié des directives concernant la guerre civile, à
un moment où la possibilité d'accueillir un grand nombre
de réfugiés de pays ravagés par la guerre civile
est très présente. Je me permets de souligner que cette
initiative était à la fois courageuse et perspicace en
ce qu'elle reconnaissait les conséquences d'un conflit pour les
civils, au niveau international, et donnait aux commissaires les outils
leur permettant de prendre des décisions éclairées
et équitables.
Nous avons également entrepris plusieurs initiatives pour gérer
de façon plus efficace les défis que posent les procédures,
le traitement et la prise de décisions concernant les demandeurs
sans papiers ou non munis des documents voulus. La plus importante de
ces initiatives est une Observation, qui sera publiée sous peu
par la Commission, pour aider les commissaires à régler
les questions qui pourraient surgir lors du traitement de ces revendications,
entre autres, l'évaluation de la crédibilité et
la charge de la preuve. Cette Observation sera accompagnée d'un
avis de pratique, qui, je crois, vous sera utile.
L'an dernier, la CISR a adopté un énoncé de mission
plus complexe qu'il ne paraît, contenant à la fois les
points forts de son historique, comme je les ai décrits, et traçant
notre avenir à partir de ce point.
Comme tribunal indépendant, « notre
mission consiste à rendre, avec efficacité et équité,
et au nom de tous les Canadiens, des décisions éclairées
sur des questions touchant les immigrants et les réfugiés,
conformément à la Loi ».
Nous allons revenir à cet énoncé de mission dans
un moment.
Je veux maintenant souligner que les réalisations du Canada
sur ces questions n'auraient pu être possibles sans vous.
L'évolution de notre procédure d'octroi du statut de
réfugié a été fortement influencée,
tant sur le plan théorique que pratique, par les normes judiciaires
établies par les membres de la profession juridique au Canada.
Comme conseillers juridiques, vous avez joué un rôle de
premier plan dans les travaux d'établissement de notre processus
et avez contribué à son évolution.
Quoique les demandeurs obtiennent souvent le statut de réfugié
sans l'aide d'un conseiller juridique, chaque décision est rendue
dans le cadre d'un processus informel qui s'appuie sur une profusion
de renseignements sur les conditions du pays, de même que sur
les meilleures preuves disponibles concernant des revendications données.
Ces revendications sont étudiées à la lumière
d'un ensemble de cas de jurisprudence et de précédents.
Même si ce processus n'est pas lié par les règles
techniques de la preuve et des normes, il est néanmoins pertinemment
rigoureux.
Vous, plus que tout autre, comprenez la difficulté et la complexité
de notre travail. Vous êtes nos critiques les mieux informés
et vous avez joué un rôle important dans l'atteinte, par
le Canada, de sa réputation en matière de détermination
du statut de réfugié.
Par conséquent, lorsque vous me dites que quelque chose ne va
pas, je vous écoute.
Récemment, mes collègues et moi avons eu l'occasion de
rencontrer des représentants de la profession juridique. Ils
nous ont formulé, en votre nom, un certain nombre de perceptions
et, bien sûr, de plaintes au sujet du fonctionnement quotidien
de la Commission.
Parmi ces perceptions, mentionnons le nombre élevé d'ajournements,
la surcharge du rôle, la non-disponibilité des commissaires,
les dates d'audience prématurées, la divulgation tardive
de renseignements, une réaffectation excessive de commissaires,
l'existence de deux bureaux à Toronto, des statistiques
peu fiables, l'incohérence de la prise de décisions, de
même que l'accusation générale selon laquelle, malgré
son désir de maintenir les politiques, la CISR n'arrive pas à
les appliquer.
Je suis certaine que chacun d'entre vous peut citer d'autres exemples
de même que d'autres échecs.
Je prends ces critiques très au sérieux parce qu'elles
vont au coeur même de notre mission.
De quelle façon avons-nous réagi? Nous avons créé
un groupe de travail constitué des représentants de la
profession juridique, du Régime d'aide juridique et de la CISR.
C'est avec plaisir que je vous annonce que John Frecker, vice-président
de la Section du statut de réfugié, nous représente
dans ce groupe de travail, qui s'est réuni hier, ici, à
Toronto. Nous nous sommes empressés d'examiner les préoccupations
et de trouver ensemble des solutions.
Mais, pouvons-nous nous demander, quelle est la nature fondamentale
du problème?
Il me semble que c'est ceci : nos procédures
administratives ne sont pas encore à la hauteur de nos principes,
dont la norme est élevée.
Je crois que les principes qui régissent notre système
sont corrects. Comme je l'ai signalé, nous avons conçu,
au cours de nombreuses années, un processus de détermination
du statut de réfugié équitable et objectif, qui
fait l'envie d'autres personnes.
Et nous avons, comme vous, toutes les raisons d'en être fiers.
En d'autres mots, le problème n'a rien à voir avec la
salle d'audience où les mérites de notre système
sont les plus évidents. À mon avis, le problème
c'est le rythme auquel nous, et lorsque je dis «
nous », je veux dire nous tous, nous y rendons ou ne nous
y rendons pas. À l'heure actuelle, le processus est parfois trop
lent, trop lourd et trop bureaucratique.
Ce problème est attribuable à plusieurs facteurs
:
- Notre institution s'est développée tellement rapidement
qu'il nous a parfois été impossible de suivre, c'est-à-dire
de gérer cette croissance. C'est sans doute un problème
auquel fait face toute organisation qui connaît une croissance
de cette ampleur. Nous sommes passés de 50 commissaires à
l'apogée de l'ancienne Commission d'appel de l'immigration
à plus de 200 au sein de la CISR en une très courte
période.
- Nous sommes de loin le plus grand tribunal au Canada tant sur le
plan du volume de cas que du nombre de décideurs et d'employés
(près de 1 000). L'an dernier, nous avons réglé
près de 42 800 cas au sein de nos trois sections; chaque cas
est susceptible d'être révisé par les tribunaux
et la plupart concernent des droits protégés par la
Charte.
À l'instar des navires de fort tonnage
qui réagissent lentement aux changements de manoeuvre, nous ne
pouvons réagir rapidement. Puis, il nous est arrivé de
ne pas tous avoir la même visée, d'avoir de vives discussions
quant à notre orientation.
- Et parce que nous sommes d'abord et avant tout un tribunal, nous
ne pouvons mettre en oeuvre des changements du jour au lendemain.
De plus, les tribunaux administratifs sont souvent assujettis à
toute une série de procédures et de processus. Nous
sommes parfois coincés par le simple poids de mesures bien
intentionnées qui s'ajoutent au fil des ans, qui ont un caractère
obligatoire et qui sont difficiles à modifier.
Nous avons réagi à ces problèmes en prenant deux
mesures. Nous avons d'abord élaboré un énoncé
de mission pour imprimer une seule direction à nos efforts collectifs,
puis nous avons entrepris une initiative de renouveau organisationnel
pour examiner nos activités afin d'accroître notre productivité
globale et notre cohérence.
J'ai énuméré quelques facteurs internes qui expliquent
en partie la lenteur et la complexité de la prestation de nos
services. Je mentionnerai maintenant des facteurs externes liés
à notre statut d'organisme du gouvernement du Canada, notamment
:
- Nous fonctionnons, comme les autres, dans un contexte de restrictions
budgétaires.
- Notre croissance exponentielle a été plus difficile
en raison du contexte global au sein de la fonction publique, ce qui
se répercute sur notre capacité de combler promptement
nos besoins qui changent rapidement. La dotation en personnel en est
un exemple type. Pour satisfaire aux exigences de dotation en personnel
le plus rapidement possible, nous procédons souvent à
des nominations intérimaires. Comme vous le savez, cela signifie
également parfois que notre personnel change d'employeur à
mi-chemin.
- Incidemment, j'aimerais ajouter que la nécessité de
maintenir un effectif complet de commissaires ainsi qu'un nombre critique
de décideurs chevronnés constitue un défi inhérent
à notre structure. Il nous est parfois impossible d'atteindre
nos objectifs en raison du taux de roulement et de vacance élevé.
Ceux qui participent au processus des nominations en savent quelque
chose.
- En outre, il importe de signaler que nous sommes à la merci
des facteurs qui influent sur le nombre de cas qui nous sont déférés
au cours d'une année donnée. D'une année à
l'autre, il y a eu des fluctuations importantes à cet égard.
Par exemple, le bureau de Montréal a fait face récemment
à un nombre important de revendications provenant de personnes
d'un pays particulier. Pour réagir correctement à ces
variations de la demande, nous avons dû faire preuve de beaucoup
de souplesse et d'adaptabilité.
- Il ne faut pas non plus oublier que les lois qui régissent
nos procédures ont été modifiées plus
de trente fois depuis 1978, ce qui a alourdi notre système
de toutes sortes de tracasseries administratives.
Eh bien, qu'allons-nous faire maintenant?
Je ne pense pas qu'il faille procéder à une restructuration
radicale. Comme je l'ai mentionné, notre système repose
sur des principes de base efficaces et, comme en toute chose, l'équilibre
est l'élément essentiel.
Nous ne devons pas nous enflammer devant des réponses simplistes
et des transformations miraculeuses -- le terme à la mode étant
« restructuration » -- qui
pourraient compromettre l'équité, l'intégrité
et l'indépendance du système que nous avons mis tant d'années
à bâtir.
Donc, ce qu'il nous faut, ce sont des initiatives qui mettent l'accent
sur la pensée créatrice pour atteindre une plus grande
efficience, conformément à notre mission, et avec des
effets durables.
Quelles sont ces innovations et qu'avons-nous accompli?
- Nous avons constitué la CISR comme une «
commission d'enquête spécialisée
» (CES), mettant davantage l'accent et les efforts sur
les étapes préparatoires à l'audience. Cette
initiative a permis de remettre entre les mains des décideurs
l'entière responsabilité du processus de gestion des
cas, avec l'aide des agents chargés de la revendication. Les
commissaires décident maintenant du moment où les cas
sont prêts à être présentés.
Les mécanismes améliorés
de collecte et de divulgation hâtive de renseignements utilisés
par la CES a permis de réduire considérablement les retards
occasionnés par le manque de renseignements et le manque de préparation
avant l'audience. Cela a permis d'optimiser le temps consacré
aux audiences proprement dites et a donné lieu à des audiences
plus orientées.
Le concept de la CES est en place depuis octobre
1995. Un programme de formation très efficace a également
été mis en place et, grâce aux améliorations
qui lui ont été apportées après la mise
en oeuvre initiale, il a maintenant atteint sa vitesse maximale.
- Notre document de planification le plus récent, Objectifs
et priorités, nous invitait à faire de l'exercice
1995-1996 une année de consultation et de conceptualisation,
de 1996-1997 une année de consolidation, et de 1997-1998 une
année de « moisson ».
Je suis heureuse de déclarer que nous avons déjà
surmonté la crise puisque nous réglons maintenant plus
de cas que nous en recevons.
Nous avons désigné par le terme
« équilibre » le point
où nous réglons autant de revendications que nous en recevons.
La Commission a atteint cet objectif au cours des deux derniers trimestres
de 1996. C'est la première fois depuis le premier trimestre de
1994 que nous avons été capable d'accomplir cet exploit.
C'est donc, pour nous tous, une réalisation marquante.
Comment y sommes-nous parvenus? Notre productivité
s'est accrue de 25 p. 100, et en 1996,
nous avons traité 25 p. 100 de revendications
de réfugiés de plus que l'année précédente.
La Section d'appel de l'immigration a réglé 33
p. 100 plus de cas en 1996 que l'année précédente.
J'en suis particulièrement heureuse étant donné
que nous sommes arrivés à ce résultat avec un effectif
de commissaires incomplet, un taux de roulement important parmi ces
derniers et un budget réduit. Je tiens à remercier en
particulier chacun des employés de la Commission de leurs efforts
et de leur dévouement énormes grâce auxquels nous
sommes arrivés à ce résultat.
Nous avons établi nos prévisions
pour 1997-1998 en fonction de ces réalisations. Nos prévisions
vous sembleront peut-être très ambitieuses. Je vous en
fait part.
Des projections indiquent qu'au cours du prochain
exercice, 26 000 revendications du statut
de réfugié vont être déférées
à la Commission et que 32 000 vont
être réglées. Nous allons donc pouvoir régler
des cas en suspens. Le nombre d'appels en matière d'immigration
déférés à la Commission devrait demeurer
stable. Cependant, la productivité est censée augmenter
de 20 p. 100 par rapport à 1996.
Évidemment, comme nous l'avons déclaré clairement
dans le Rapport sur les objectifs et les priorités,
présenté récemment au Parlement, que je vous invite
tous à lire, nous ne pourrons atteindre ce niveau de productivité
que si nous bénéficions des conditions nécessaires
pour donner notre plein rendement.
N'allez pas penser que nous ne nous préoccupons
que de la quantité, car nous nous engageons autant envers la
qualité. C'est un aspect de l'énoncé de notre mission.
Nous continuons d'accorder une grande priorité à la formation
et au perfectionnement professionnel, et je désire remercier
notre Direction générale du perfectionnement professionnel
et les Services juridiques de leur excellente contribution à
cet égard.
Pour votre information, je signale que moins
de 1 p. 100 des décisions rendues
par la SSR et la SAI ont été annulées par la Cour
fédérale, et que seulement 0,05
p. 100 des décisions rendues par la Section d'arbitrage
l'ont été. Bien que je sache que quelques-uns d'entre
vous estiment qu'il ne s'agit pas là d'un indicateur de qualité
approprié, je le signale quand même car c'est un facteur
lié aux normes de rendement.
- La mise en oeuvre progressive des audiences devant un seul commissaire
est une autre mesure que nous avons prise pour accélérer
la gestion de notre charge de travail. Nous attendons que le projet
de loi C-49 passe en troisième lecture devant la Chambre. Je
suis heureuse de dire que les conseils ont collaboré avec nous
en ayant recours à ce type de tribunal lorsqu'il y a eu une
entente à cet effet. Je veux vous remercier de votre collaboration
à cet égard. Grâce au recours aux tribunaux à
un seul commissaire, la CISR peut traiter beaucoup plus de cas. Certains
d'entre vous s'en rappellent peut-être, ce processus a été
adopté par notre Section d'appel de l'immigration et il a connu
un succès particulièrement retentissant étant
donné que 99 p. 100 de la totalité
des appels sont maintenant entendus par un tribunal formé d'un
seul commissaire.
- Nous avons également pris toute une gamme d'initiatives pour
renforcer le concept d'équipe dans la gestion des cas, et nous
sommes à faire des modifications à la structure organisationnelle
de nos bureaux régionaux pour améliorer la gestion des
cas et optimiser le travail d'équipe.
L'objectif que nous poursuivons par ces mesures
est de faire en sorte que les cas qui sont prêts soient présentés
dans les salles d'audience et que ceux qui ne le sont pas ne le soient
pas.
- Je saisis l'occasion pour signaler qu'un effort considérable
est en cours à la Section d'appel de l'immigration et à
la Section d'arbitrage pour rationaliser les opérations. L'amélioration
de la gestion des cas s'avère particulièrement efficace
pour limiter au minimum les délais et maximiser le temps du
tribunal au sein de la Section d'appel de l'immigration, qui a vu
une augmentation spectaculaire du nombre de cas réglés
l'an dernier. De plus, les auditions par vidéoconférence,
mises en oeuvre avec beaucoup de succès par la Section d'arbitrage,
sont maintenant utilisées par la SAI et font l'objet d'un essai
à la SSR.
- Une autre initiative va contribuer à améliorer la
gestion des cas : il s'agit des modifications
apportées aux Règles de la Section d'appel de l'immigration,
publiées au préalable dans une édition récente
de la Gazette du Canada pour une deuxième fois et
qui doivent entrer en vigueur en avril. Cette initiative permet de
combler certaines lacunes des Règles en ce qui a trait aux
procédures. Certaines modifications éclaircissent et
simplifient les procédures afin d'aider les participants au
processus d'appel à se conformer aux Règles, tandis
que d'autres permettent de simplifier la procédure afin d'améliorer
l'efficacité du processus. À titre d'exemple, je mentionne
les deux points suivants :
- La Section d'appel de l'immigration pourra
exercer un plus grand contrôle à l'égard des appels
concernant le parrainage, car on exige maintenant que les avis d'appel
soient déposés au greffe de la Section d'appel et non
plus signifiés à un agent d'immigration.
- De plus, le traitement des appels concernant
le parrainage va accuser moins de retard, car on exige maintenant que
le ministre fournisse le dossier dans le délai fixé de
180 jours.
- Des progrès sont également en voie d'être accomplis
dans le secteur de la gestion du portefeuille interministériel.
Par exemple, en décembre 1996, la CISR a signé une entente
cadre administrative avec le ministère de la Citoyenneté
et de l'Immigration.
Cette entente énonce les principaux secteurs
où la Commission et le Ministère devraient faire porter
leurs efforts pour accroître l'efficacité et l'efficience
de la gestion de la charge de travail et pour garantir l'utilisation
efficace des ressources qui sont administrées séparément
au sein du même portefeuille. Et tout cela, je vous l'assure,
sans compromettre l'indépendance de la Commission.
- Nous constatons que la nouvelle technologie, utilisée sans
porter atteinte aux droits des clients, nous donne d'excellentes occasions
de réaliser de plus grandes économies.
Notre système STAR conçu pour suivre
les dossiers des appelants et des revendicateurs du statut de réfugié
est mis à niveau afin de faciliter l'accès aux dossiers
et le contrôle. Un système SHARENet a été
mis en place au sein de tous les services de la Commission et nous fournit
une grande quantité d'information textuelle, allant de documents
juridiques et de documents de recherche internes à des données
provenant de l'extérieur, en passant par des textes de jurisprudence.
Vous aurez accès à plus d'information et à plus
de documentation, ainsi qu'à des formulaires électroniques
commodes, que vous pourrez télécharger à partir
de notre site Web dès avril de cette année.
À notre avis, l'automatisation des dossiers,
des formulaires et des documents pour les audiences, alliée aux
nouveaux moyens de communication électroniques avec vous, offrent
des possibilités énormes d'accroître l'efficacité
du traitement des cas.
- Avant que je ne vous perde avec cette liste de mesures du rendement,
je termine en mentionnant l'existence du Comité consultatif
sur les pratiques et procédures, que vous connaissez sans doute;
ce comité est chargé de maintenir des relations entre
la Commission, vous-même et les ONG et de cerner des questions
et des solutions ensemble afin de reconnaître que nous avons
tous intérêt à ce que les processus de détermination
du statut de réfugié et les processus liés à
l'immigration fonctionnent plus efficacement. J'ajouterai une observation
concernant ce Comité dans un instant.
- Enfin, comme vous le savez, la ministre de la Citoyenneté
et de l'Immigration a constitué un groupe consultatif pour
la révision de la Loi sur l'immigration du Canada,
afin de rationaliser ses dispositions et de formuler des recommandations
pour la moderniser et l'harmoniser afin de l'adapter au XXIe
siècle. Vous vous doutez bien que la CISR s'attend à
jouer le rôle qui lui revient en sa qualité de membre
de la profession juridique au cours de cette révision.
- Je pourrais poursuivre et parler des prochaines directives, de la
formation accrue des commissaires, des économies régionales
provenant, par exemple, de la fusion des deux bureaux de Toronto prévue
pour 1998.
Mais je vais m'arrêter ici et revenir à une perspective
plus globale.
Ces initiatives, comme d'autres, ont été entreprises
pour améliorer l'efficacité de la CISR, sans compromettre
l'accent que nous devons continuer de mettre sur un processus décisionnel
qui soit objectif et rationnel.
Ces initiatives sont donc souhaitables et je vous encouragerais à
en appuyer la mise en oeuvre.
Elles représentent des efforts louables et nécessaires
pour combler les pénuries évidentes et elles vont être
poursuivies, mais il nous faut faire converger nos efforts dans la même
direction afin que nous puissions avancer.
Par conséquent, j'annonce aujourd'hui notre objectif de réduire
de 50 p. 100 le délai de traitement
moyen requis pour régler les revendications au sein de la Section
du statut de réfugié. Bien qu'elle soit basée sur
un nombre d'hypothèses qu'il reste à concrétiser,
cette réduction de moitié doit être réalisée
d'ici la fin de 1998.
À l'heure actuelle, le délai moyen de traitement à
la Section du statut de réfugié est trop long. Notre objectif
est de régler les revendications dans un délai de six
à huit mois à compter de la date à laquelle elles
nous sont déférées par le ministère de la
Citoyenneté et de l'Immigration. De plus, le délai moyen
de traitement des appels à compter de la date de réception
du dossier va être réduit et s'établir à
moins de neuf mois au cours de la même période.
Pour atteindre ces deux objectifs, il faudra une canalisation d'énergie
considérable.
À mon avis, cette initiative comporte deux avantages concrets.
Elle offre d'abord un moyen pratique de s'attaquer au coeur du problème,
à savoir que trop de temps est consacré à la préparation
des cas avant l'audience. Il y aura également un effet d'entraînement
sur nos procédures et nos ressources grâce à l'effort
concerté en vue de réaliser notre objectif.
Je reconnais que la réalisation de notre objectif dépend
de la concrétisation de certaines hypothèses qui ne dépendent
pas vraiment de notre volonté, comme le nombre d'audiences devant
un tribunal à un seul commissaire, le nombre suffisant de commissaires
et le maintien en fonction des commissaires qui ont de l'expérience.
Ce sont là trois conditions préalables pour réaliser
nos objectifs énoncés dans le Budget des dépenses
de 1997-1998, que nous avons déposé à la Chambre
des communes le 10 février. Cependant, je peux garantir
que nous ferons tous les efforts possibles à l'interne pour atteindre
nos buts.
Cela m'amène à vous parler de vous.
Comme je l'ai mentionné précédemment, vous êtes
les principaux intervenants dans le processus de détermination
du statut de réfugié au Canada. Vous avez aidé
à le construire, vous y travaillez et vous l'utilisez.
Il sera impossible de réussir à réduire le délai
de traitement de moitié sans votre collaboration.
À cet égard, j'ai trois choses à vous demander.
Premièrement, je vous demande de garder présentes à
votre esprit les répercussions sur le temps et sur l'argent du
fait que vous fassiez affaire avec nous. Je ne vous demande pas de subordonner
l'utilisation de votre temps et de vos ressources aux besoins de la
CISR. Cependant, je vous demande de vous rappeler ce
que vous savez déjà, que chaque interruption de notre
procédure qui vous est attribuable, qu'il s'agisse d'un ajournement
ou d'une suspension des auditions, ou de l'omission de se présenter,
s'ajoute à un problème plus vaste que nous sommes obligés
de régler.
Personne ici ne devrait se dire que le contribuable va tout simplement
payer. Et à mon avis, ces interruptions ne servent pas les intérêts
de vos clients.
Par exemple, prenez la question de la remise au rôle d'un cas.
Chaque incident de cette nature a des répercussions considérables
pour ce qui est du temps et de l'argent.
Au cours d'une visite ponctuelle dans des bureaux de la SAI à
Ottawa, il y a deux semaines, nous avons observé la situation
suivante. Quatre cas étaient prévus pour 9
h. Les quatre appelants étaient présents. Cependant,
deux conseils ne se sont pas présentés sans avoir averti
au préalable, et un troisième (après que le commissaire
eut essayé de le joindre à son bureau par téléphone)
a télécopié un message à 11
h pour dire qu'il était malade. Le message provenait d'un
autre lieu d'affaires. Un seul cas a été entendu. Le cas
des trois appelants qui ont comparu et qui n'ont pas été
entendus ont dû être remis au rôle. Dans le temps
ainsi perdu, il aurait été possible de régler trois
autres cas.
Je crains que le comportement laxiste des conseils sur ce point ait
des répercussions financières importantes, crée
un obstacle considérable à l'efficacité de notre
système et un préjudice pour vos clients.
Il existe d'autres problèmes, comme la divulgation tardive des
renseignements par le conseil, le fait de ne pas porter attention à
la question importante de la tenue à jour des dossiers des conseils,
le gaspillage de temps attribuable au fait que l'on ne se concentre
pas sur la question centrale visée par les audiences, et une
réticence à résoudre les problèmes avant
que l'on n'arrive à l'étape de l'audience.
En fait, et je vous le dis avec respect, pour la majeure partie des
critiques formulées contre la CISR et que j'ai signalées
plus tôt, que j'ai reconnues et que je prends au sérieux,
je pourrais facilement signaler des manquements semblables de la part
des conseils, qui dans certains cas ont été irresponsables,
frôlant la faute professionnelle et ont nui énormément
aux intérêts des revendicateurs.
Je commence donc par vous demander de tenir compte des implications
sur les ressources de votre propre comportement vis-à-vis de
la Commission.
Ensuite, je vous demande de nous informer davantage. Nous voulons que
vous communiquiez avec nous lorsqu'il y a des problèmes. Vous
pouvez lever les yeux au ciel et dire que vous le faites depuis des
années, mais je sais que tel n'est pas le cas.
J'ai parlé du Comité consultatif sur les pratiques et
procédures qui existe à cette fin. Je crois que ce Comité
a plutôt bien travaillé à l'échelle nationale.
Cependant, ce n'est peut-être pas le cas des comités régionaux
créés pour établir un franc dialogue avec vous.
Je vous encourage donc à les utiliser.
Et, enfin, je vous demande votre appui. Et je ne vous demande pas par
là de me présenter un rapport éblouissant qui n'est
pas digne d'intérêt, mais une évaluation honnête
et objective de notre rendement, c'est-à-dire signalant tant
nos lacunes que nos réalisations que vous voulez reconnaître
publiquement.
En effet, malgré les réalisations du Canada, il subsiste
des méprises importantes dans notre société au
sujet du système d'immigration et de détermination du
statut de réfugié, et vous savez comme moi que la CISR
a fait l'objet de critiques injustes dans le passé. Je vous demande
de nous appuyer en disant la vérité à notre sujet.
Nous n'avons rien à cacher.
Je vous remercie à nouveau de m'avoir donné l'occasion
de venir vous parler aujourd'hui.
Je pense que nous avons atteint un point important dans l'histoire
remarquable du processus de détermination du statut de réfugié
au Canada, et que nos réalisations peuvent devenir non seulement
dignes de mention mais spectaculaires.
Pour y parvenir, nous devons nous concentrer sur nos procédures
et les harmoniser davantage entre elles, ainsi qu'avec nos principes
et notre mission.
Pour ce faire, je le répète, nous avons besoin de votre
collaboration et de votre appui.
Ce sont des apports que vous avez déjà faits et que vous
faites depuis le début de la participation structurée
du Canada au règlement du sort des réfugiés du
monde entier; et je sais que, dans l'accomplissement de notre
travail au sein de la CISR, nous pouvons compter sur votre appui indéfectible
dans l'avenir.
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