![](/web/20061026021708im_/http://www.cisr-irb.gc.ca/images/sidebarnav/vtb0x.gif)
![Au sujet de la CISR](/web/20061026021708im_/http://www.cisr-irb.gc.ca/images/sidebarnav/vtb01_1-f.gif)
![Références juridiques et de politiques](/web/20061026021708im_/http://www.cisr-irb.gc.ca/images/sidebarnav/vtb30ref_1-f.gif)
![Centre des médias](/web/20061026021708im_/http://www.cisr-irb.gc.ca/images/sidebarnav/vtb08_4-f.gif)
![Nouvelles](/web/20061026021708im_/http://www.cisr-irb.gc.ca/images/sidebarnav/vtb08a_1-f.gif)
![Communiqués](/web/20061026021708im_/http://www.cisr-irb.gc.ca/images/sidebarnav/vtb09_1-f.gif)
![Discours](/web/20061026021708im_/http://www.cisr-irb.gc.ca/images/sidebarnav/vtb10_3-f.gif)
![Documents d'information](/web/20061026021708im_/http://www.cisr-irb.gc.ca/images/sidebarnav/vtbinfosheets_1-f.gif)
![Recherche](/web/20061026021708im_/http://www.cisr-irb.gc.ca/images/sidebarnav/vtb12_1-f.gif)
![](/web/20061026021708im_/http://www.cisr-irb.gc.ca/images/sidebarnav/vtb00f.gif)
|
|
Les droits des femmes dans le
droit des réfugiés : la réalité
Société de droit international
Les femmes et le droit
Université McGill
Montréal (Québec)
le 17 février 1999
prononcé par
Nurjehan Mawani
Présidente
Commission de l'immigration et du statut de réfugié
(Priorité au discours prononcé)
Introduction1
Bonjour ! Merci beaucoup de m'avoir invitée ce matin.
Comme la CISR
célèbre son 10e anniversaire cette année, un
an après le 50e anniversaire de la Déclaration
universelle des droits de l'homme, il semble approprié d'examiner
comment, dans la pratique, les droits de la personne ont été
protégés et défendus dans le contexte du droit des
réfugiés, particulièrement les droits des femmes.
Même si la Déclaration ne lie peut-être pas techniquement
les cours et tribunaux canadiens, les droits qui y sont définis
et qui sont définis dans des conventions subséquentes ont
constitué le fondement de nombreuses références judiciaires
et ont eu une incidence concrète et permanente sur la prise des
décisions. Au Canada, nous trouvons de plus en plus de références
aux droits universels de la personne dans les décisions de tous
nos tribunaux, et la jurisprudence des organismes internationaux de défense
des droits est de plus en plus invoquée dans l'interprétation
des normes canadiennes régissant les droits de la personne.
Nulle part ailleurs, peut-être, que dans le domaine des questions
relatives aux réfugiés et à l'immigration voit-on
de façon aussi impressionnante la profonde influence des droits
universels de la personne sur la jurisprudence canadienne. Dans une certaine
mesure, cette influence tient au lien étroit entre les droits de
la personne et le mouvement des peuples au-delà des frontières
nationales. Les droits de la personne jouent un rôle à presque
toutes les étapes de l'expérience d'un réfugié.
Ils sont des indicateurs essentiels lorsqu'il s'agit d'identifier le besoin
d'une protection internationale, et ils peuvent déterminer le genre
de traitement auquel un réfugié peut s'attendre dans le
pays d'asile. Par exemple, le triste sort des réfugiés découle
d'une érosion des normes en matière des droits de la personne
dans le pays de nationalité. Une fois qu'un réfugié
se trouve dans un pays d'asile, la façon dont ce pays envisage
les droits dont il peut se prévaloir aura une influence sur son
accès au bénéfice du statut de réfugié.
De même, les droits des immigrants de demeurer dans le pays de leur
choix et les problèmes qui entourent le renvoi d'immigrants soulèvent
souvent des problèmes en matière de droits de la personne.
Mes observations porteront sur la façon dont nous, à la
CISR
(« Commission »), traitons ces cas, et sur la façon
dont nous intégrons l'aspect droits de la personne dans les décisions
prises relativement à ces affaires.
J'ai l'intention de m'arrêter tout particulièrement sur
les droits des femmes dans le droit des réfugiés, pour la
simple raison que c'est peut-être là le domaine où
notre Commission a fait les progrès les plus importants. C'est
aussi le domaine où le Canada a assumé un rôle de
chef de file sur la scène internationale, comme, je l'espère,
je pourrai vous le démontrer. Mais avant de voir ce que la Commission
a fait, et l'incidence des mesures que nous avons prises aussi bien à
l'échelle nationale qu'internationale, il importe d'examiner dans
son ensemble le contexte institutionnel, juridique et international du
droit des réfugiés.
Permettez-moi à ce moment-ci de prendre quelques minutes pour
vous expliquer brièvement ce qu'est la Commission de l'immigration
et du statut de réfugié du Canada.
Notre tribunal a été constitué pour mettre en uvre
un droit fondamental, le droit d'asile, lui aussi inscrit dans cette Déclaration
universelle des droits de l'homme, qui établit que:
Art. 14
1. Devant la persécution, toute personne a le droit de chercher
asile et de bénéficier de l'asile en d'autres pays.
2. Ce droit ne peut être invoqué dans le cas de poursuites
réellement fondées sur un crime de droit commun ou sur
des agissements contraires aux buts et aux principes des Nations Unies.2
Le droit international a depuis codifié ce droit d'asile à
l'aide de divers instruments internationaux, plus particulièrement
la Convention de 1951 relative au statut de réfugié3
qui contient la définition de « réfugié »
appliquée par la Commission de l'immigration et du statut de réfugié
(CISR).
Le droit domestique canadien a en effet créé ses propres
institutions pour remplir nos obligations internationales. La CISR
compte parmi ces institutions; elle a pour mandat, entre autres, de protéger
les personnes craignant avec raison d'être persécutées
en raison de leur race, leur religion, leur nationalité, leurs
opinions politiques ou leurs appartenance à un groupe social, et
qui ne peuvent ou ne veulent, du fait de cette crainte, se réclamer
de la protection de leur pays de nationalité. Notre mission consiste
donc à rendre, avec efficacité et équité,
et au nom de tous les Canadiens, des décisions éclairées
sur des questions touchant les immigrants et les réfugiés,
conformément à la Loi.
J'aimerais donc profiter de cette occasion pour vous parler de ce qu'est
la CISR,
du problème des réfugiés dans le monde, du processus
entourant la détermination du statut de réfugié,
et bien sûr, de la promotion des droits de la personne, et plus
particulièrement des droits des femmes en droit des réfugiés.
Je reviendrai plus en détail sur ce dernier point, mais avant d'aller
plus loin, quelques mots sur la CISR
elle-même
Qu'est-ce que la CISR
?
La CISR,
qui a été crée en 1989, est un tribunal administratif
indépendant exécutant des fonctions quasi judiciaires. La
CISR
rend compte au Parlement du Canada par l'entremise du ministre de la Citoyenneté
et de l'Immigration. La Commission est composée de trois
sections distinctes : la Section du statut de réfugié,
la Section d'appel de l'immigration et la Section d'arbitrage. Ces trois
sections ensemble rendent près de 40 000 décisions
par année.
Aujourd'hui, je parlerai seulement de la première section, soit
la Section du statut de réfugié, qui est chargée
de statuer sur les revendications du statut de réfugié présentées
au Canada.
La Section du statut : La Section du statut de réfugié
est présentement composée de 180 décideurs, appelés
« membres de la Commission » ou « commissaires »,
qui sont nommés par le gouverneur en conseil pour une période
allant de deux à sept ans.
Le concept d'équipe : Dans la mesure du possible,
dans nos bureaux les plus grands, les commissaires et le personnel de
la Section du statut de réfugié sont divisés en équipes
spécialisées possédant des connaissances particulières
concernant certains pays. Les commissaires sont responsables de la gestion
des cas : Ils déterminent les besoins en matière de
recherche et mettent en commun leurs connaissances concernant la situation
dans les pays en cause dans les revendications confiées à
leur équipe, et aussi, les questions de droit et de preuve qui
sont fréquemment soulevées au regard de ces pays.
Une procédure non contradictoire : La procédure
devant la Section du statut de réfugié est « non
contradictoire » en ce sens que l'État ne comparaît
pas généralement en qualité de partie pour contester
une revendication du statut de réfugié. La Commission utilise
plutôt les techniques d'une procédure inquisitoire pour examiner
les revendications et rendre une décision sur le fond. La charge
de la preuve incombe toujours au revendicateur. Mais la Commission a aussi
un rôle à jouer à cet égard, soit chercher
à obtenir des éléments de preuve qui peuvent étayer
une revendication du statut de réfugié ou mettre en doute
son bien-fondé, selon ce qu'elle juge approprié et cela
bien sûr en fonction des ressources et du temps dont elle dispose.
L'intervention du Ministre : Bien que la procédure
non-contradictoire soit la règle, il n'est pas rare que le Ministre
intervienne, tel que la Loi le lui permet de le faire en tout temps, notamment
dans les cas dits d'exclusion. En effet, un revendicateur dont
il y a des raisons sérieuses de penser qu'il a commis des crimes
contre l'humanité (ou des crimes de guerre, ou des crimes contre
la paix,) un crime grave de droit commun, ou qui se serait rendu coupable
d'actes contraires aux buts et principes des Nations Unies, peut être
« exclu » de la définition de réfugié
au sens de la Convention.
Une commission d'enquête : Nous avons dû
créer notre propre modèle, que nous avons appelé
le « modèle d'une commission d'enquête spécialisée ».
En raison de la rareté du modèle inquisitoire dans le contexte
des tribunaux au Canada, nous avons dû examiner attentivement la
question de savoir quelle méthode nous permettrait le mieux de
satisfaire aux exigences relatives à l'application régulière
de la loi tout en favorisant la présence de décideurs qui,
contrairement aux décideurs du système accusatoire, participent
activement à l'instance.
Le quorum : Les audiences ont normalement lieu devant
un tribunal formé de deux commissaires, et la décision favorable
devient celle de la Commission. Les revendicateurs, s'ils
y consentent, peuvent aussi être entendus par un seul commissaire.
C'est présentement le cas dans 25 à 30 % des audiences.
Le rôle de l'agent chargé de la revendication (ACR)
: Les tribunaux sont aidés par des agents chargés
de la revendication (ACR)
pour la préparation des cas et lors de l'audition des revendications.
Ces agents sont des employés de la Commission. Suivant les directives
des décideurs, ces agents examinent les dossiers, effectuent des
recherches et aident les tribunaux pour ce qui est de la présentation
de la preuve et des questions à poser aux témoins.
La Convention de 1951 renferme la définition
officielle utilisée par les pays du monde pour déterminer
qui est un réfugié. Bien qu'elle ait été ratifiée
par 136 États parties4,
et que la majorité d'entre eux offrent un asile, il ne faut pas
oublier que certains de ces pays sont encore eux-mêmes des pays
sources de réfugiés.
En janvier de l'année dernière, le Haut Commissaire des
Nations Unies pour les réfugiés a déterminé
qu'il y avait environ 22,3 millions de réfugiés dans
le monde. Ce chiffre représente une personne sur 264 habitants
sur la planète. Il inclut les « personnes relevant de
la compétence du HCR », c'est-à-dire les réfugiés
et les quasi réfugiés.
En outre, selon le HCR, 80 % des réfugiés du monde
et des personnes relevant de la compétence du HCR sont des femmes
et des enfants.
De même, plus de la moitié des 22 millions de réfugiés
du monde et des autres personnes relevant de la compétence du HCR
sont des enfants et des adolescents de moins de 18 ans.
L'année dernière, environ 24 000
personnes ont demandé le statut de réfugié au Canada.
Au cours de cette période, la CISR
a rendu 12 884 décisions favorables, et 10 231 décisions
défavorables. Ce nombre est peu élevé comparativement
à la taille de la population de réfugiés du monde.
Pendant la même période, la CISR
a tranché de façon définitive 29 000
revendications du statut de réfugié5.
Elle a reconnu à 44 % d'entre eux le statut de réfugié
au sens de la Convention.
L'année dernière, les dix premiers pays d'où
provenaient les revendications déférées à
la CISR
étaient, par ordre de volume, le Sri Lanka, le Pakistan, la
Chine, le Mexique, l'Inde, la Hongrie, l'Iran, l'Algérie, la RD
du Congo (anciennement le Zaïre), et la Russie. La CISR
assure des services d'interprétation dans plus de 150 langues
et dialectes.
La Convention dispose qu'un réfugié est une personne qui
se trouve hors de son pays d'origine et qui « craignant avec
raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa
religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain
groupe social ou de ses opinions politiques, ne peut ou, du fait de cette
crainte, ne veut y retourner ».
Le processus de détermination
Toute personne qui revendique le statut de réfugié au Canada
doit s'adresser à la CISR. Elle doit être reconnue comme
réfugié au sens de la Convention avant d'être
autorisée à présenter sa demande pour demeurer au
Canada.
Les revendicateurs ont tous droit à
une audience, et évidemment le droit d'être représenté,
par un avocat ou par un conseil. Ils ont le fardeau d'établir une
crainte « fondée » de persécution,
ce qui a été interprété comme requérant
une « possibilité sérieuse » d'être
persécuté. Le revendicateur n'a surtout pas à établir
qu'il a été persécuté
dans le passé ni qu'il le sera à l'avenir6.
Bien qu'un élément de preuve relatif à une crainte
antérieure d'être persécuté puisse servir de
fondement à une crainte actuelle7,
il n'est pas obligatoire de prouver une persécution passée
pour établir le bien-fondé d'une revendication du statut
de réfugié.
La revendicatrice doit prouver, suivant la prépondérance
des probabilités, qu'elle craint « avec raison »
d'être persécutée8.
On parle également de possibilité « raisonnable »
ou même « sérieuse », par opposition
à une simple possibilité. La norme de preuve est moins que
la balance des probabilités.9
Comme c'est le cas pour d'autres termes utilisés dans la définition
de réfugié au sens de la Convention, le sens du mot « persécution »
n'est ni évident ni précisé dans la Loi sur l'immigration.
Ce sont donc les tribunaux qui ont dû déterminer les limites
de ce terme. Non seulement ont-ils indiqué dans leurs décisions
que certains comportements précis constituent de la persécution,
mais ils sont allés jusqu'à déterminer les éléments
généraux qui doivent être présents ou les critères
qui doivent être remplis pour que des actes ou des omissions constituent
de la persécution.
Pour que des mauvais traitements subis ou anticipés soient considérés
comme de la persécution, il faut qu'ils soient graves. Et pour
déterminer si des mauvais traitements peuvent être qualifiés
de « graves », il faut examiner : (i) quel
droit du revendicateur pourrait être violé ; (ii) dans quelle
mesure l'existence, la jouissance, l'expression ou l'exercice de ce droit
pourraient être compromis.
Cette méthode a été approuvée par les tribunaux,
qui ont assimilé le concept d'une atteinte grave à un droit
à la négation majeure d'un droit fondamental de la personne.10
La définition de réfugié au sens de la Convention
exige aussi que la persécution soit liée à l'un des
cinq motifs énumérés dans la Convention, soit la
race, la religion, la nationalité, les opinions politiques, ou
l'appartenance à un groupe social.
Un autre important élément à retenir, c'est que
la responsabilité de fournir une protection internationale n'est
engagée que lorsque la protection nationale ou de l'État
ne peut être assurée au revendicateur (protection internationale
à titre auxiliaire).11
Si la décision est favorable, le revendicateur se voit donner
le statut de réfugié et le droit de demander la résidence
permanente au Canada. Si la décision est défavorable, le
revendicateur a le droit de demander, sur autorisation, le contrôle
judiciaire de cette décision à la Cour fédérale.12Moins
d'un pour cent de nos décisions sont renvoyées devant la
Commission pour réexamen.
La législation oblige que chaque décision défavorable
soit motivée. Néanmoins, nous avons mis en place une politique
qui demande que le tribunal fournisse les motifs pour leurs décisions
favorables dans certaines circonstances.13
Initiatives stratégiques relatives aux femmes
réfugiées
J'ai déjà mentionné que 80 % des 22 millions
environ de réfugiés et de personnes déplacées
dans le monde aujourd'hui qui viennent sous la protection du Haut Commissaire
des Nations Unies pour les réfugiés (HCNUR) sont des femmes
et des enfants. De la Bosnie au Rwanda, du Tadjikistan au Libéria,
des femmes ont fui et continuent à fuir la guerre et la répression,
laissant souvent derrière elles des pères, des maris, des
fils et des frères qui sont engagés dans des conflits ou
qui sont dans des prisons ou des cimetières.
Les femmes réfugiées sont vulnérables à la
violence à chaque étape de leur fuite. La violence sexuelle,
y compris le viol, est l'un des dangers les plus terribles auquel sont
exposées les femmes réfugiées. Bien souvent, ces
femmes sont les seules responsables de la survie de leurs enfants, même
lorsque leur propre survie est en jeu. Tous les jours elles font face
à des défis : trouver du combustible pour la cuisson,
transporter de l'eau, se procurer suffisamment de nourriture à
des centres de distribution, et obtenir des soins de santé primaires
pour elles-mêmes et pour leurs enfants.
Voilà pourquoi l'une des premières initiatives de la Commission
a été de se pencher sur la question des femmes réfugiées.
Mais que pouvait-on faire exactement, dans la pratique?
La législation autorise le président de la Commission à
donner des directives pour aider les commissaires de la Section du statut
de réfugié à exécuter leurs fonctions en application
de la Loi14.
Nous avons décidé de nous appuyer sur cette autorisation
pour donner des directives visant à faire de la protection des
femmes réfugiées une réalité.
Des Directives sont données pour régler des points de droit
complexes, établir de nouvelles pratiques ou promouvoir la cohérence
dans la prise de décisions. Même si elles ne sont pas d'application
obligatoire, les Directives doivent être prises en compte; en effet,
à moins qu'ils aient des raisons impérieuses d'adopter une
autre approche, les décideurs sont censés les suivre dans
tous les cas où elles s'appliquent15.
Les chercheuses féministes ont tenté d'expliquer l'existence
historique de la discrimination fondée sur le sexe dans les systèmes
juridiques occidentaux par l'analyse axée sur la soi-disant distinction
entre le public et le privé16.
Dans le droit des réfugiés, ce phénomène est
évident. Par exemple, le critère selon lequel la persécution
présumée est attribuable à l'État a traditionnellement
exclu du bénéfice du statut de réfugié les
femmes persécutées par des particuliers avec la collaboration
passive de l'État. De fait, les douleurs et souffrances aiguës
qui se produisent dans le domaine du privé, à la maison
ou aux mains de particuliers, constituent la violence la plus envahissante
subie par les femmes. Pourtant, elle n'est pas qualifiée de torture
et souvent ne leur a pas donné droit au statut de réfugié
malgré ses répercussions sur la dignité et l'intégrité
de la personne.
Nous nous sommes rendu compte que même si la terminologie de la
définition de réfugié au sens de la Convention s'applique
également aux hommes et aux femmes, la persécution contre
les femmes était traditionnellement négligée, et
les femmes avaient de la difficulté à exposer leur revendication
d'une manière efficace. Pour corriger cette situation, nous avons
publié en 1993 les Directives sur les revendicatrices du statut
de réfugié craignant d'être persécutées
en raison de leur sexe [ci-après les « Directives »].
Les Directives sur les revendicatrices du statut de réfugié
craignant d'être persécutées en raison de leur sexe
[ci-après les « Directives »], diffusées
initialement le 8 mars 1993 (la journée internationale de la femme)
et subséquemment mises à jour en novembre 1996, ont
été les premières.17
Elles énonçaient la proposition générale
selon laquelle le « sexe » peut constituer le fondement
de l'appartenance à un groupe social énoncé dans
la définition. Notre approche a par la suite été
confirmée par la Cour suprême du Canada dans deux décisions
importantes, soit Ward18
en 1993 et Chan19
en 1995. L'arrêt Ward a établi clairement que
le sexe peut constituer le fondement de l'appartenance à un groupe
social en tant que caractéristique innée ou immuable selon
la définition de réfugié au sens de la Convention
et en tant que motif analogue aux motifs énoncés.
L'analogie est double : premièrement, la race, la religion, la
nationalité, les opinions politiques et le sexe sont des motifs
visés par les mesures de protection contre la discrimination; deuxièmement,
ces motifs sont immuables ou alors ils concernent des droits fondamentaux
de la personne auxquels on ne peut s'attendre qu'une personne renonce.
Permettez-moi de vous expliquer pourquoi nous avons jugé nécessaire
d'établir de telles directives. Nous l'avons fait parce que nous
avons la ferme conviction qu'un processus juste et efficace de détermination
du statut de réfugié doit protéger les deux sexes
et que nous croyons que ces directives étaient la meilleure façon
de garantir cette protection. Même si la définition de réfugié
au sens de la Convention n'est pas sexiste, nous nous sommes aperçus
que notre compréhension de chacun des éléments de
la définition était en grande partie fondée sur les
expériences de revendicateurs du statut de réfugié
de sexe masculin.
Nous avons constaté que les plaintes des revendicatrices du statut
de réfugié étaient différentes de celles des
revendicateurs. Les hommes étaient plus susceptibles d'être
persécutés en raison de leurs activités dans le domaine
public : par exemple, leur appartenance à un parti politique ou
à une association étudiante. Les femmes, par surcroît,
craignaient souvent d'être persécutées dans l'intimité
de leur foyer et de leur famille. Par exemple, certaines revendicatrices
du statut de réfugié ont invoqué comme motifs de
leur crainte la violence conjugale, la mutilation sexuelle, ou le mariage
forcé.
Il y a aussi des lois ou des politiques qui, à l'égard
des femmes, constituent de la persécution en soi, ou dont l'application
peut constituer de la persécution. Qu'on pense seulement aux décrets
hudood au Pakistan, en vertu desquels une femme peut être
fouettée ou lapidée à mort pour ses transgressions
des us et coutumes,20
ou aux sanctions prévues en Iran pour transgression du code vestimentaire,21
ou encore à certaines mesures draconiennes (tels la stérilisation
ou l'avortement forcé) utilisés pour appliquer la politique
de l'enfant unique en Chine.22
On reconnaissait déjà de plus en plus, à l'échelle
internationale, que les revendications de femmes qui craignent d'être
persécutées uniquement en raison de leur sexe pouvaient
être fondées sur le motif de l'appartenance à un groupe
social. Dès 1985, la conclusion no 39 (XXXVI) Les femmes
réfugiées et la protection internationale, du comité
exécutif du Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés
(HCR) stipulait :
(...)
(k) a reconnu que les États, dans l'exercice de leur souveraineté,
étaient libres d'adopter l'interprétation selon laquelle
les femmes en quête d'asile soumises à des traitements
cruels ou inhumains pour avoir transgressé les coutumes de la
communauté où elles vivaient pouvaient être considérées
comme appartenant à un "certain groupe social", aux termes de
l'article 1 A, paragraphe 2, de la Convention des Nations Unies
de 1951 relative au statut des réfugiés.
Nous en sommes également venus à reconnaître qu'un
climat de soutien dans la salle d'audience peut avoir un effet favorable
sur la capacité des femmes de témoigner de leurs expériences
de persécution. Une revendicatrice du statut de réfugié
peut se sentir incapable, pour diverses raisons, de parler devant un auditoire
masculin des agressions sexuelles qu'elle a subies. C'est pourquoi la
Commission autorise habituellement la présence d'interprètes
féminins ainsi que de commissaires féminins, lorsque les
demandes dans ce sens sont présentées dans les délais
voulus, dans les cas où elle a affaire à des questions délicates
comme l'agression sexuelle.
Incidences des Directives dans la pratique
Laissez-moi prendre ici un peu de recul pour partager avec vous les préoccupations
de certains Canadiens à l'époque (1993). On craignait que
notre approche ouvrirait les vannes, et on se demandait si nous n'élargissions
pas unilatéralement la définition. On se demandait également
si nous ne tentions pas d'imposer des normes culturelles occidentales
à d'autres pays, ce qu'on appelle couramment de l'« impérialisme
culturel ». Nous devions répondre à ces préoccupations.
Ce qui nous a aidé, c'était notre profonde croyance que
nous adoptions une position raisonnée, et que cette position était
conforme à l'esprit de la Convention relative aux réfugiés.
Nous avons consacré du temps et de l'énergie à l'expliquer
et à la justifier, et à persuader les Canadiens et d'autres
pays du caractère approprié de notre approche. Le HCR nous
a appuyés dans nos efforts. L'expérience nous avait appris
que l'argument portant que nous allions ouvrir les vannes était
non fondé, et nos quatre années d'expérience depuis
les Directives l'ont confirmé. Pour ce qui est de l'impérialisme
culturel, nous avons soutenu que les droits de la personne sont universels,
et qu'il ne s'agissait pas d'imposer nos valeurs à d'autres pays;
il s'agissait d'appliquer à l'échelle internationale les
normes relatives aux droits de la personne qui avaient été
acceptées.
Quels résultats ont donnés les Directives? Premièrement,
elles ont davantage sensibilisé les commissaires au fait que les
femmes font souvent l'expérience de la persécution d'une
façon différente des hommes. Nous sommes venus à
reconnaître que l'agression sexuelle est une forme de violation
à laquelle les femmes sont tout particulièrement vulnérables.
Deuxièmement, nous sommes devenus plus conscients du fait que les
femmes, beaucoup plus que les hommes, sont persécutées par
des particuliers, et que bien souvent, l'État tolère passivement
ou activement cette activité en ne protégeant pas les femmes.
Nous en avons la preuve dans les revendications provenant de pays où
la violence faite aux femmes n'est pas considérée comme
un crime et, par conséquent, n'est pas punie, laissant la victime
sans une protection adéquate. Les commissaires ont reconnu qu'en
raison de l'insuffisance de la documentation sur la violence dont sont
victimes les femmes dans de nombreux pays, ce type de persécution
est plus difficile à prouver. Troisièmement, les Directives
ont aidé à cerner les besoins en matière de documentation
pour ces revendications. Cette situation a incité notre Direction
générale de la documentation, de l'information et des recherches
(DGDIR) à produire des documents de recherche sur la situation
des femmes venant de nos pays sources, y compris leur situation face à
la loi, le traitement de la violence, la disponibilité de la protection
de la police et d'autres sujets pertinents aux revendicatrices. Quatrièmement,
nous avons reconnu le besoin d'une sensibilisation aux réalités
culturelles et aux problèmes particuliers des femmes, et nous avons
en place des programmes spéciaux de formation pour nos décideurs
et notre personnel. En outre, nous devons constamment tenir compte du
fait que le témoignage est presque toujours présenté
par l'intermédiaire d'un interprète.
Je vais maintenant décrire l'incidence des Directives de
la Commission sur notre charge de travail, sur nos procédures,
et sur notre analyse des éléments clés de la définition
de réfugié au sens de la Convention.
Comme la CISR
est un tribunal administratif et que nos commissaires sont des décideurs
indépendants, les Directives ne sont pas obligatoires. Selon la
loi, seules les décisions défavorables doivent être
motivées par écrit. Toutefois, pour encourager l'uniformité
dans la prise des décisions, nous demandons que les commissaires
rédigent des motifs pour les décisions aussi bien favorables
que défavorables dans le cas des revendications fondées
sur le sexe, et qu'ils justifient toute dérogation aux Directives.
INCIDENCE DES DIRECTIVES
Quel a donc été l'incidence des Directives? L'incidence
des Directives est le plus évident dans la qualité des décisions
de la Commission, plutôt que dans le nombre de revendications qui
sont reçues ou accueillies.
Comme elles sont fondées sur notre croyance dans l'universalité
des droits de la personne, nos Directives encouragent les commissaires
à analyser les revendications en fonction de la violation des droits
des femmes. Le cas en 199423
d'une mère somalienne et de ses enfants illustre la façon
dont la Commission aborde la question de la persécution. La mère
craignait de retourner en Somalie et de perdre la garde de ses deux enfants,
une fillette de 10 ans et un fils de 7 ans. Selon la preuve
documentaire, les enfants appartiennent au clan du père et, pour
cette raison, la femme divorcée n'obtiendrait pas la garde de ses
enfants. Elle craignait également ne pouvoir rien faire pour empêcher
que sa fille soit soumise à la mutilation génitale. À
l'audition de sa revendication du statut de réfugié, la
mère a décrit la terreur de sa propre expérience
de mutilation génitale, et les problèmes de santé
qui en ont découlé à l'âge adulte. En ce qui
concerne la revendication de la fillette de 10 ans, les commissaires
ont jugé que ce serait empiéter lourdement sur son droit
à la sécurité personnelle que de l'obliger à
subir la mutilation génitale. Ils ont cité l'article 3
de la Déclaration universelle des droits de l'homme24.
Ils ont également considéré la Convention des
Nations Unies relative aux droits de l'enfant, qui protège
explicitement les enfants contre les actes de cruauté et de torture
et exige que les États prennent des mesures pour abolir les pratiques
traditionnelles préjudiciables à la santé des enfants25.
Je tiens à souligner que c'était la première décision
rendue où il était question de mutilation génitale,
et ce bien avant que d'autres pays commencent à adopter une position
semblable.
Les droits de la personne sous-tendent l'approche de
détermination du statut de réfugié
En examinant la signification donnée au motif « groupe
social », la Cour suprême a affirmé dans l'arrêt
Ward ce qui suit :
«(...) il y a lieu de tenir compte
des thèmes sous-jacents généraux de la défense
des droits de la personne et de la lutte contre la discrimination qui
viennent justifier l'initiative internationale de protection des réfugiés»26.
Cela est très évident dans l'utilisation que fait notre
Commission des instruments internationaux portant sur les droits de la
personne, à la fois dans ses décisions et dans ses Directives.
L'instrument le plus souvent mentionné est naturellement la Déclaration
universelle des droits de l'homme27,
mais il en existe de nombreux autres qui guident nos décideurs,
comme la Convention sur l'élimination de toutes les formes
de discrimination à l'égard des femmes, la Convention
contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou
dégradants, la Convention relative aux droits de l'enfant28,
ou le Pacte international relatif aux droits civils et politiques29.
En pratique, nos Directives ont été appliquées dans
une multitude de cas. Quelques exemples:
-La revendicatrice a été battue
et menacée de mort par son beau-frère qu'elle avait refusé
d'épouser, et elle a été harcelée et agressée
sexuellement par des policiers lorsqu'elle a tenté de déposer
une plainte. Elle est allée s'installer dans sa famille aux États-Unis.
Lorsqu'elle est rentrée au Pakistan pour assister
au mariage d'un membre de sa famille, elle a découvert que sa famille
avait organisé son mariage avec un veuf plus âgé qu'elle.
Elle a refusé de se marier avec cet homme, et elle a été
battue et menacée de mort. Pour statuer que la revendicatrice craignait
avec raison d'être persécutée, la Section du statut
de réfugié a tenu compte des Directives sur les revendicatrices
du statut de réfugié craignant d'être persécutées
en raison de leur sexe et de la preuve documentaire indiquant que
la violence contre les femmes est répandue au Pakistan et que la
police et les tribunaux interviennent rarement.30
-La revendicatrice et ses enfants ont invoqué la violence conjugale
dans leur revendication. La revendicatrice a déclaré qu'elle
s'était adressée à la police à trois reprises,
mais n'avait pas obtenu la protection demandée. Comme de nombreux
policiers au Pérou ne prennent pas au sérieux
la violence familiale, des postes de polices spéciaux ont été
mis sur pied pour s'occuper des femmes victimes de violence. La revendicatrice
connaissait l'existence de ces services de police, mais étant donné
que rien n'indiquait le genre de protection qu'elle aurait pu obtenir,
que le frère de son mari était puissant et qu'elle avait
essuyé trois rebuffades de la police, elle n'avait pas à
demander encore une fois la protection de l'État malgré
l'existence de postes de police chargés de s'occuper particulièrement
du cas des femmes violentées.31
-La revendicatrice principale avait subi des
sévices physiques graves aux mains de son mari, qui était
membre du parti actuellement au pouvoir et dont la famille entretenait
des liens étroits avec l'ancien parti politique communiste en Albanie.
Elle a divorcé et a obtenu la garde de leur fille, après
quoi la violence physique et le harcèlement se sont intensifiés.
Le mari a enlevé la fille à plusieurs reprises et a menacé
de les tuer toutes les deux. La revendicatrice principale a demandé
l'aide des autorités à maintes reprises, mais ni la police
ni le ministère public ou les tribunaux ne pouvaient la protéger.
La Section du statut a reconnu que le mari de la revendicatrice principale
pourrait très bien la tuer puisque qu'il l'avait déjà
tirée. Elle craignait avec raison d'être persécutée
du fait de son appartenance à un groupe social, à savoir
les femmes. Le statut de réfugié au sens de la Convention
a également été reconnu à la fille.32
-La revendicatrice alléguait une crainte
d'être persécutée aux mains de son ancien employeur,
un homme riche et puissant qui l'avait violée et qui continuait
à la harceler. La Section du statut de réfugié s'est
inspirée des Directives. Elle a remarqué que la loi de l'Équateur
contre la violence envers les femmes et la famille, qui a été
adoptée en 1995, traitait uniquement des conjoints et, par conséquent,
qu'elle ne s'appliquait pas à la revendicatrice. La preuve documentaire
indiquait qu'en Équateur, un grand nombre de viols
n'étaient pas déclarés, et que les femmes pouvaient
déposer une plainte contre un violeur seulement si elles pouvaient
produire un témoin. Un bureau de la condition féminine,
créé par le gouvernement en 1994, pouvait accepter des plaintes
portant sur de la violence contre les femmes, mais il n'avait pas le pouvoir
d'intervenir. Comme l'agresseur dans cette affaire était un homme
très influent qui avait des relations, il y avait des preuves claires
et convaincantes que la victime n'aurait pu se réclamer de la protection
de l'État. En outre, la revendicatrice n'avait pas de possibilité
de refuge intérieur, compte tenu des ressources financières
de l'agresseur, de son influence et de ses relations, et de son obsession
à l'endroit de la revendicatrice.33
-La revendicatrice craignait d'être persécutée
si elle retournait en Iran, parce qu'elle avait été
accusée d'adultère. Elle avait quitté son mari qui
la battait, et elle avait tenté, mais en vain, d'obtenir un divorce.
Son mari avait bien précisé qu'il ne lui accorderait pas
de divorce, et en raison des lois iraniennes discriminatoires relatives
au mariage, elle ne pouvait se soustraire complètement au contrôle
de son mari. Par la suite, elle a commencé à fréquenter
un collègue veuf, ce qui constituait une transgression aux murs
sociales et une infraction criminelle punissable par lapidation. La sévérité
de la peine imposée pour l'adultère équivalait à
de la persécution. Si la revendicatrice avait pu divorcer d'avec
son mari, elle n'aurait pas été obligée d'enfreindre
la loi pour s'engager dans une relation de son choix. Par conséquent,
elle faisait face à de la persécution en Iran en raison
de son sexe.34
-La revendicatrice était la fille d'un
homme influent à Djibouti. Elle avait étudié
dans un pays européen pendant neuf ans. À son retour, elle
s'est disputée plusieurs fois avec son père au sujet du
code vestimentaire et du comportement des femmes, et à l'occasion
elle a été battue. Son père l'a empêchée
d'obtenir un emploi et, lorsqu'il a découvert qu'elle avait fréquenté
un homme d'une autre tribu, il l'a battue et lui a interdit de sortir
de la maison familiale sans être accompagnée. Il lui a en
outre dit que des négociations officielles étaient en cours
en vue de son mariage avec un homme qu'il avait choisi. La revendicatrice
a alors fait des préparatifs pour fuir le pays. Un commissaire
a conclu que la revendicatrice était crédible, et en se
fondant sur la preuve documentaire qui faisait état de la discrimination
pratiquée par l'État contre les femmes et du manque de protection
dans les cas de violence familiale, a reconnu à la revendicatrice
le statut de réfugié. Le commissaire dissident a déterminé
que la revendicatrice n'était pas crédible, affirmant que
la prétendue attitude de son père à son retour était
invraisemblable, compte tenu du fait qu'il avait consenti à payer
pour ses études dans un pays européen où il savait
qu'elle n'avait pas été chaperonnée et qu'elle avait
été complètement libre pendant neuf ans.35
-En Ukraine, des criminels
organisés ont, sous de faux prétextes, convaincu la revendicatrice
de venir au Canada. Elle croyait qu'elle venait travailler comme serveuse;
ce qu'elle ne savait pas, c'est qu'elle allait devenir une victime du
trafic international illicite des femmes à des fins de prostitution.
Elle a évité de justesse d'être forcée à
se prostituer. La Section du statut de réfugié a conclu
que la revendicatrice était membre d'un groupe social, soit le
groupe de jeunes femmes pauvres de l'ancienne Union Soviétique
recrutées pour être exploitées dans la traite internationale
des femmes. Il existait une possibilité raisonnable que dès
son retour en Ukraine, elle serait victime aux mains de criminels organisés,
de mauvais traitements équivalant à de la persécution.
Il était raisonnable de s'attendre que la revendicatrice ne voudrait
pas se réclamer de la protection de l'État, étant
donné l'inefficacité des efforts faits par l'Ukraine pour
lutter contre le crime organisé, ainsi que les liens entre le crime
organisé et le gouvernement.36
-Une femme et sa fille se sont enfuies du Liban,
car la femme avait peur de son ancien mari qui l'avait brutalement battue,
ainsi que de son père et ancien beau-père qui l'avaient
menacée de la punir sévèrement et de lui enlever
ses enfants parce qu'elle avait déshonoré leur famille.
La preuve documentaire corroborait ses allégations selon lesquelles
les hommes avaient légalement le droit de tuer des femmes de leur
famille pour des « crimes d'honneur ». La Section
du statut de réfugié a conclu que sa crainte de persécution
était fondée, et que toute tentative faite pour la punir
sévèrement en raison de la honte qu'on l'accusait d'avoir
fait souffrir à sa famille aurait sur la revendicatrice mineure
des répercussions tellement graves qu'elles équivaudraient
à de la persécution selon la définition de statut
de réfugié au sens de la Convention.37
-La revendicatrice alléguait que des
hommes l'avaient enlevée pendant qu'elle se trouvait dans un camp
de réfugiés en Afghanistan. Elle a affirmé
qu'elle avait été détenue contre son gré par
l'un des hommes pendant près d'un an, puis qu'elle s'était
échappée et qu'elle avait réussi à venir au
Canada. À la demande de la Section du statut de réfugié,
le bureau du HCR a vérifié si la revendicatrice et sa famille
avaient été inscrites au camp de réfugiés
en question. Au cours d'une entrevue, la mère de la revendicatrice
avait dit au HCR que des hommes afghans avaient enlevé sa fille.
La Section du statut de réfugié a jugé invraisemblables
certains aspects de sa revendication, particulièrement l'allégation
qu'elle maintenait selon laquelle le père de l'enfant à
qui elle avait donné naissance au Canada était son ravisseur,
mais elle a conclu que les invraisemblances n'annulaient pas les allégations
qui étayaient la question centrale. Comme l'information fournie
par le HCR corroborait de près l'information fournie par la revendicatrice
dans son Formulaire de renseignements personnels, la Section était
convaincue que la revendicatrice avait été enlevée,
qu'on ne savait pas où se trouvait sa famille, et qu'elle était
maintenant une mère célibataire seule. Les conditions en
Afghanistan étaient telles qu'une mère célibataire
et seule serait gravement en danger d'être persécutée.38
Il y a également des cas où la Commission a conclu qu'en
raison de leur sexe, certaines revendicatrices et certains revendicateurs
mineurs faisaient face à des restrictions sanctionnées par
l'État sur leur tenue vestimentaire, leur mobilité, leurs
choix professionnels et leurs garanties juridiques, qui lorsqu'elles étaient
cumulées équivalaient à de la persécution
(Yemen)39,
que les femmes qui ont des enfants en dehors des liens du mariage sont
considérées comme immorales et, par conséquent, qu'elles
sont tout particulièrement sujettes à du harcèlement
et de mauvais traitements équivalant à de la persécution40,
et que la violence familiale est une forme de violence fondée sur
le sexe41.
Il existe aussi des arrêts de la Cour fédérale où
celle-ci a confirmé l'opinion qu'une violation du code vestimentaire
islamique pourrait constituer le fondement d'une crainte fondée
de persécution42,
et que de forcer des femmes à se marier constitue une violation
d'un droit fondamental de la personne43.
Un renvoi aux Directives ne constitue naturellement pas une
garantie qu'une femme se verra accorder le statut de réfugié,
comme l'ont démontré de nombreuses causes. Prenons, par
exemple, les causes suivantes :
-La revendicatrice, une citoyenne de l'Inde,
fondait sa revendication sur des opinions politiques qu'on lui attribuait,
comme femme d'un Sikh soupçonné de terrorisme, et sur son
appartenance à un groupe social, les femmes sans le soutien d'un
homme. Son allégation portant qu'elle était entièrement
passive et subordonnée devant son beau-père, qui avait organisé
sa fuite et celle de son mari au Canada, et que son mari avait abandonné
sa famille ici, n'était pas crédible, car cette femme s'exprimait
bien, elle avait de l'assurance et elle était particulièrement
bien instruite. Il était peu probable que la police du Penjab était
encore à la recherche de son mari, qui n'était pas un militant
bien connu. Même si la police s'intéressait encore à
la revendicatrice, celle-ci avait une possibilité de refuge intérieur
(PRI)
à Delhi où habitait son frère. Les Directives ne
s'appliquaient pas dans cette affaire, car la revendicatrice, qui était
titulaire d'une maîtrise, qui avait déjà enseigné
et qui comptait des membres de sexe masculin dans sa famille, n'avait
pas les caractéristiques du stéréotype traditionnel
d'une femme indienne, et elle était bien capable de vivre sans
son mari et de subvenir aux besoins de ses enfants.44
-La Section du statut de réfugié
a accepté que la revendicatrice, une femme tamoule de 21 ans,
avait une crainte fondée d'être persécutée
dans le nord de Sri Lanka en raison des opinions politiques qu'on
lui attribuait et de son appartenance à un groupe social (les jeunes
femmes tamoules qui craignent d'être recrutées par les Tigres
tamouls). Toutefois, la revendicatrice avait une possibilité de
refuge intérieur viable à Colombo. Sa détention pendant
deux jours à Colombo, les mauvais traitements qu'elle avait subis
et sa mise en liberté après le paiement d'un pot-de-vin
n'équivalaient pas à de la persécution : c'est-à-dire,
il n'y avait pas eu de longue période où elle avait été,
de façon systémique, la cible de menaces ou de sévices
corporels. Selon la preuve documentaire, les personnes qui pouvaient convaincre
la police de leur identité étaient relâchées
dans les trois jours. Si la revendicatrice devait être punie par
la police pour défaut de se présenter alors qu'il s'agissait
d'une condition de sa mise en liberté, la question serait une question
de poursuites et non de persécution. Les principes énoncés
dans les Directives ne s'appliquaient pas à cette affaire. Il existait
à Colombo une communauté tamoule importante où la
revendicatrice pouvait trouver un soutien.45
-La revendicatrice alléguait craindre
d'être persécutée en raison de son appartenance à
un groupe social, les femmes grenadines victimes de violence familiale.
Elle alléguait qu'elle avait signalé à la police
les mauvais traitements que lui avait infligés son ex-conjoint
de fait, mais qu'aucune accusation n'avait été déposée.
Elle était arrivée au Canada en août 1990, mais
ce n'est qu'en juillet 1996, lorsqu'elle a été arrêtée
parce qu'elle travaillait illégalement, qu'elle a présenté
une revendication du statut de réfugié. La Section du statut
de réfugié a tenu compte du faible niveau de scolarité
de la revendicatrice, et du fait que les Directives n'avaient été
publiées qu'en 1993. Toutefois, même les explications données
par la revendicatrice pour expliquer le retard de 1993 à 1996 étaient
incompatibles avec une crainte fondée de persécution. En
outre, elle n'avait pas produit de preuve claire et convaincante de l'incapacité
de l'État de la protéger. Il se peut que la police à
Grenade hésite à intervenir dans les conflits familiaux;
toutefois, il existait des services d'aide juridique et de counselling,
et les victimes de violence conjugale pouvaient elles-mêmes porter
des accusations contre leurs agresseurs. Comme la revendicatrice n'était
pas allée à la police lorsqu'elle avait été
victime de ce genre de violence au Canada, la Section ne croyait pas qu'elle
l'avait fait à Grenade. Son évaluation psychologique indiquait
qu'elle répugnait à demander la protection qui était
disponible.46
-La Section du statut de réfugié
a jugé non crédibles les aspects importants de l'allégation
de la revendicatrice portant qu'elle craignait d'être victime de
violence à la Dominique. Son témoignage
concernant la nature de ses circonstances au Canada était invraisemblable
et contradictoire. Au cur de cette revendication figurait son témoignage
selon lequel elle était une épouse violentée et qu'en
dépit de ses intentions, elle n'arrivait pas à se soustraire
au contrôle dominant qu'exerçaient son conjoint et sa mère
sur sa vie. Même si elle a prétendu qu'elle avait été
seule et vulnérable au Canada, et qu'elle ne savait pas, avant
d'être mise en détention aux fins de l'immigration, qu'elle
pouvait présenter une revendication du statut de réfugié,
elle a aussi mentionné avoir été aidée par
des voisins et des amis de la paroisse, et elle était suffisamment
indépendante pour trouver son propre appartement et travailler
pour subvenir à ses besoins. Sa prétention selon laquelle
elle était incapable de retourner à sa famille à
Antigua parce que la mère de son conjoint avait volé son
passeport était invraisemblable, car elle aurait pu tout simplement
signaler à la police son intention de retourner en Argentine ainsi
que la disparition de son passeport. Son témoignage au sujet de
l'endroit où se trouvait l'homme qu'elle prétendait craindre
était contradictoire et vague. La Section du statut de réfugié
a accepté des preuves médicales selon lesquelles la revendicatrice
souffrait du syndrome du stress post-traumatique, mais elle a jugé
que son état ne découlait pas des circonstances sur lesquelles
elle fondait sa revendication du statut de réfugié.47
Il serait peut-être bon que je m'arrête maintenant sur la
question de la stérilisation forcée et sur notre approche.
En 1995, la Cour suprême du Canada a tranché un appel interjeté
par un revendicateur du statut de réfugié d'origine chinoise,
qui craignait d'être stérilisé de force à son
retour en République populaire de Chine (R.P.C.)48.
L'une des questions dans l'appel était de savoir si la stérilisation
forcée constitue de la persécution. Bien que la majorité
n'ait pas abordé cette question, le jugement dissident où
il était dit que la stérilisation forcée constituait
de la persécution était rédigé en termes très
catégoriques. En voici le libellé :
«... il est incontestable que la stérilisation
forcée est essentiellement un traitement inhumain et dégradant
donnant lieu à une mutilation corporelle irréversible et
qu'elle constitue le type même de violation majeure des droits fondamentaux
de la personne visée par le droit relatif aux réfugiés»49.
Dans une décision du U.S. Board of Immigration Appeals traitant
de cette question, qui a été publiée en décembre 1996,
le Board a jugé que la stérilisation forcée ou l'avortement
forcé constituent de la persécution (antérieure)
du fait d'opinions politiques, et il a reconnu au demandeur d'asile le
statut de réfugié selon la définition modifiée
de ce terme. La stérilisation forcée est l'une de ces questions
dont est parfois saisie notre Commission, et ce à la demande des
deux parties : ceux qui craignent les pratiques de stérilisation
forcée, et ceux qui se sont adonnés à ces pratiques.
Dans un cas de ce genre, le revendicateur avait travaillé pendant
trois ans dans sa commune comme agent de contrôle des naissances50.
À quatre occasions, il avait participé avec d'autres agents
à des missions ayant pour objet de trouver des femmes qui avaient
enfreint la politique de l'enfant unique, les attachant et les conduisant
à l'hôpital où elles étaient avortées
ou stérilisées de force. Il a témoigné qu'il
était au courant de toutes les méthodes utilisées
pour appliquer la politique de l'enfant unique dans sa commune, y compris
avorter de force des femmes dont la grossesse était déjà
avancée, et tuer par injection des ftus nés vivants.
En jugeant que le revendicateur était exclu en vertu de l'alinéa 1Fa)
de la Convention des Nations Unies relative au statut de réfugié,
le tribunal a conclu qu'il avait été un participant actif
dans ces actes de persécution qui équivalaient à
des crimes contre l'humanité. Il était aussi complice dans
ce genre de crimes, car il était consciemment membre d'une équipe
de contrôle des naissances dont le seul objectif était de
contrôler les naissances par divers moyens, y compris l'avortement
et la stérilisation forcés. La Cour fédérale
du Canada a rejeté la demande d'autorisation de demander un contrôle
judiciaire de cette décision.
Incidences sur la scène internationale
Ces Directives de la CISR
montrent clairement le rôle d'orientation que joue le Canada dans
le domaine de la détermination du statut de réfugié.
En mai 1995, les États-Unis ont adopté des directives semblables
aux nôtres afin d'aider leurs agents d'asile à évaluer
les revendications présentées par des femmes invoquant la
persécution fondée sur le sexe; des directives similaires
ont été adoptées par l'Australie en juillet 1996.
De plus, en septembre 1995, le Haut Commissaire des Nations Unies pour
les réfugiés a réuni dix-neuf pays membres pour une
conférence à Genève dans le but précis d'inciter
ces pays à adopter, en matière de persécution fondée
sur le sexe, une approche qui s'inspire un peu de la nôtre. Un certain
nombre de pays sont en train de revoir leur position sur cette question.
Depuis la diffusion de la version initiale des Directives, le Haut Commissariat
des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) a rendu publiques
ses conclusions intitulées La protection des réfugiés
et la violence sexuelle; il y souligne que les instruments internationaux
relatifs aux réfugiés doivent être interprétés
de manière à ce que la violence sexuelle soit reconnue comme
une forme de persécution. Il ajoute que les femmes réfugiées
doivent pouvoir recourir à la protection internationale pour échapper
à cette violence.
Sans aller jusqu'à prétendre que les initiatives canadiennes
ont eu une incidence directe sur les développements les plus récents
en matière de protection des droits des femmes, il ne fait aucun
doute que les interprétations et décisions innovatrices
développées en droit canadien ont précédé,
et peut-être encouragé, des développements similaires
dans d'autres pays.
Prenez le cas de la pratique de l'excision par exemple Déjà
en 1994, la Section du statut de réfugié statuait que la
mutilation génitale féminine (MGF) enfreint de façon
flagrante les droits des mineures prévus à l'article 3.51
D'autres juridictions se prononcèrent plus tard dans le même
sens52.
Cette année, pour la première fois en France, une Malienne
a comparu ce mois-ci devant la Cour d'assises de Paris pour avoir tenu
le rôle d'exciseuse dans sa communauté, comme son appartenance
à la caste des forgerons l'y obligeait. La femme de 52 ans est
persuadée d'avoir agi pour le bien de sa communauté: « Les
filles ne peuvent pas se marier sans être excisées. »
Déjà condamnée à un an de prison avec sursis
pour avoir arraché leur clitoris à des fillettes, elle a
vécu ses 57 mois de détention provisoire. Cette fois,
elle est accusée d'avoir pratiqué l'excision sur 48 fillettes.53
Comme vous voyez, nous avons parcouru beaucoup de chemin depuis l'époque
à laquelle on n'attribuait au « relativisme culturel »
les excuses pour ne pas condamner une violation de droits fondamentaux.
Tel que l'indiquaient les Directives il y a déjà 6 ans:
Les normes sociales, culturelles, traditionnelles
et religieuses et les lois qui touchent les femmes et qui sont établies
par le pays d'origine de la revendicatrice devraient être évaluées
d'après les instruments sur les droits de la personne qui permettent
de déterminer les normes internationales relatives à la
reconnaissance des besoins des femmes en matière de protection.
En conséquence, pour déterminer si une conduite donnée
d'un État envers les femmes est admissible, il y a lieu de s'en
remettre à des instruments internationaux comme la Déclaration
universelle des droits de l'homme, le Pacte international relatif aux
droits civils et politiques, le Pacte international relatif aux droits
économiques, sociaux et culturels, la Convention sur l'élimination
de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes,
la Convention sur les droits politiques de la femme et la Convention sur
la nationalité de la femme mariée.
Conclusion
Pour conclure, nos Directives existent depuis six ans. Elles se sont
traduites par des décisions de meilleure qualité et davantage
raisonnées dans le cas des revendications fondées sur le
sexe, et elles ont encouragé une approche plus uniforme des questions
que soulève une revendication. Elles ont davantage sensibilisé
les décideurs au fait que dans leur examen des revendications présentées
par des femmes, ils doivent tenir compte de la réalité des
expériences des femmes, qui bien souvent diffèrent de celles
des hommes.
Pour terminer, je tiens à vous dire que le Canada est réputé
partout dans le monde pour ses efforts à l'égard de la détermination
du statut de réfugié.
Nous sommes reconnus pour être un refuge sûr depuis aussi
longtemps qu'existe notre pays. Depuis la fin de la Deuxième guerre
mondiale, le Canada a accueilli plus d'un demi-million d'hommes, de femmes
et d'enfants issus de traditions, de religions et de groupes ethniques
et linguistiques divers.
À cause de cette tradition, le Haut Commissaire des Nations Unies
pour les réfugiés a remis au Canada la médaille Nansen
en 1986, en reconnaissance des efforts remarquables mis en uvre
dans tout le pays pour accueillir des réfugiés.
Les tribunaux canadiens comme le nôtre, existent afin d'assurer
l'équilibre entre les droits de la personne et les besoins d'une
société juste et démocratique. Nous sommes guidés
essentiellement par le respect des droits de la personne, et pour reprendre
le texte du préambule de la Déclaration universelle
des droits de l'homme, nous visons « la reconnaissance
de la dignité inhérente à tous les membres de la
famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables
constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix
dans le monde ».
Merci.
- J'aimerais souligner l'aide que m'a apportée
François Guilbault de nos services juridiques dans la préparation
de ce document.
- Article 14 de la Déclaration universelle
des droits de l'homme.
- Nations Unies, Recueil des traités, vol.
189, p.137.
- Au 6 mai 1998.
- Y compris les renonciations, les retraits, les
désistements et autres.
- Salibian c. Canada (Ministre de l'Emploi
et de l'Immigration), [1990] 3 C.F.
250 (C.A.).
- Oyarzo c. Canada (Ministre de l'Emploi
et de l'Immigration), [1982] 2 C.F.
779 (C.A.).
- Seifu, Eshetu c. M.E.I. (C.A.F.,
A-277-82), Pratte, Le Dain, Hyde, 12 janvier 1983
- Adjei c. Canada (Ministre de l'Emploi
et de l'Immigration), [1989] 2 C.F.
680 (C.A..
- Canada (Procureur général)
c. Ward, [1993] 2 R.C.S.
689, 103 D.L.R. (4th) 1, 20 Imm. L.R. (2d) 85.
- Idem, p.709.
- Art. 82.1 et ss. de la Loi sur l'immigration.
- La Section du statut peut également déterminer
s'il y a ou non perte de statut [art.69.2(1)] lorsqu'elle
statue sur une demande du Ministre en ce sens. La définition
de réfugié comprend en effet, outre les clauses d'exclusions,
des clauses dites de « cessation », applicables
tant à un revendicateur qu'à une personne qui s 'est
déjà vu reconnaître le statut de réfugié
et qui n'aurait plus besoin de cette protection. Cette perte de statut
peut être, par exemple, due à un retour volontaire, au
fait que le revendicateur a obtenu une autre nationalité, qu'il
s'est réclamé de nouveau de la protection du pays dont
il avait la nationalité, ou, plus fréquemment, due à
un changement de circonstances.
La Section du statut peut être aussi appelée à statuer
sur une demande d'annulation de statut,[69.2(2)]lorsque
ce statut a été obtenu par des moyens frauduleux, par
une fausse indication sur un fait important ou par la suppression ou
la dissimulation d'un fait important, même si ces agissements
sont le fait d'un tiers. Ces demandes de perte ou d'annulation de statut
sont exceptionnellement entendues par un quorum de trois membres.
- Par. 65 (3) : Le président,
après consultation du vice-président et des vice-présidents
adjoints de la section du statut et de la section d'appel et des membres
coordonnateurs de la section du statut, peut, par écrit, donner
des directives aux membres de ces sections en vue de les assister dans
l'exécution de leurs fonctions.
- La Cour d'appel fédérale vient
d'ailleurs sans doute de donner un nouveau souffle à l'utilité
des Directives en général, en approuvant explicitement
les Directives concernant les civils non combattants qui craignent
d'être persécutés dans des situations de guerre
civile : Shysta-Ameer Ali c. M.C.I., (C.A.F.,
A-772-96), Décary, Stone, Strayer, 12 janvier 1999.
- Charlesworth, Hilary, "Feminist Approaches
to International Law", The American Journal Of International Law,
85 (1991) 613-645, p.626. Thomas, Dorothy and Beasley, Michele, "Domestic
Violence as a Human Rights Issue", Human Rights Quarterly 15 (1993)
p.36.
- Les Directives concernant les enfants
qui revendiquent le statut de réfugié ont été
rendues publiques en septembre 1996. Les Directives concernant
les civils non combattants qui craignent d'être persécutés
dans des situations de guerre civile ont été diffusées
en mars 1996. Les Directives sur la détention (qui concernent
la Section d'arbitrage de la CISR)
ont été données en mars 1998.
- Supra, note 9.
- Chan c. Canada, [1995] 3 R.C.S.
593.
- Voir par exemple SSR
M95-00474, M95-00475, Singer, Doray, le 1er mars 1996 : La Section
du statut de réfugié a conclu que la revendicatrice craignait
avec raison d'être persécutée du fait de son appartenance
à un groupe social, c'est-à-dire qu'elle était
une femme qui avait transgressé les lois et les murs sociales
de son pays.
- SSR
V94-01847, Brisson, 21 juin 1996 (motifs signés le
20 août 1996) : la revendicatrice a été
condamnée à 20 coups de fouet pour ne pas s'être
conformée intégralement au code vestimentaire iranien.
La Section du statut de réfugié a conclu que le préjudice
redouté par la revendicatrice était principalement dirigé
contre les femmes pour des motifs touchant les préceptes religieux
et les normes culturelles. Le non-respect de la loi musulmane entraînait
des peines graves pour les femmes. Les 20 coups de fouet reçus
pour avoir contesté le code vestimentaire constituaient une peine
cruelle et inusitée et équivalait à de la persécution,
de même que les peines qui seraient imposées à la
revendicatrice si elle retournait en Iran.
- Voir SSR
V95-02063, Whitehead, 22 avril 1997 : La Section du statut
de réfugié a conclu que la revendicatrice craignait avec
raison d'être persécutée du fait des opinions politiques
qui lui sont attribuées - sa détermination manifeste à
exercer son choix de procréer au mépris de la politique
de l'enfant unique de la Chine - et de son appartenance à un
groupe social, soit celui des femmes en Chine qui craignent d'être
stérilisées contre leur gré parce qu'elles ont
contrevenu à la politique chinoise de contrôle des naissances
en ayant plus d'un enfant. Il y avait de nombreuses différences
dans la manière dont la politique de l'enfant unique était
appliquée; toutefois, il aurait été déraisonnable
d'exiger que la revendicatrice tienne tête aux autorités
dans l'espoir que la peine infligée puisse mettre un terme à
la stérilisation forcée.
- T93-12198, Ramirez, McCaffrey, 10 mai 1994.
- Article 3 : Tout individu a droit à
la vie, à la liberté et à la sûreté
de sa personne.
- Voir également SSR T97-03141
et autres, Wolman 27 mai 1998 : les revendicateurs craignaient
d'être persécutés parce qu'ils étaient membres
du clan Darod et des sous-clans Majerten et Marehan. Trois des revendicatrices
mineures craignaient également d'être persécutées
en raison de la pratique de la mutilation génitale féminine
(MGF). La Section du statut de réfugié a conclu que les
Directives sur les revendicatrices du statut de réfugié
craignant d'être persécutées en raison de leur sexe
s'appliquaient aux trois revendicatrices mineures, qu'elles avaient
une crainte fondée d'être persécutées en
raison de leur appartenance au groupe social d'enfants de sexe féminin,
et que l'État ne pourrait pas les protéger contre la MGF;
voir également SSR U97-02965,
Graff, Roy, 27 octobre 1998.
- Canada (Procureur général)
c. Ward, [1993] 2 R.C.S.
689, à la p. 739.
- Voir par exemple CRDD
M95-12480, M95-12482, M95-12485, M95-12487, Michnick, Colavecchio, 13 mars 1997;
CRDD
M96-09744, Choquette, Boulet, 17 décembre 1997; CRDD
U95-02854, Berman, Turley, 31 juillet 1996; CRDD
A93-81189, Noseworthy, Bartley, 30 octobre 1995; CRDD
T93-09636, T93-09638, T93-09639, Neville, MacDonald, 26 janvier 1994;
- Adoptée et ouverte à la signature,
à la ratification et à l'adhésion par l'Assemblée
générale dans sa résolution 44/25 du 20 novembre 1989,
et entrée en vigueur le 2 septembre 1990 conformément
aux dispositions de l'article 49.
- Voir par exemple CRDD
T91-01497, T91-01498, Ramirez, Toth, 9 août 1994.
- SSR
M97-06821 et al., Michnick, Arvanitakis, 14 juillet 1998 (motifs
signés le 11 août 1998).
- SSR
V97-00708 et al., Brisson, Hodgins, 11 août 1998.
- SSR
A97-00808 et autres., Kagedan, 21 octobre 1998 (motifs signés
le 30 octobre 1998).
- SSR U96-00685,
Schlanger, Siddiqui, 16 janvier 1998.
- SSR T97-00001,
Kelley, Cram, 9 octobre 1997 (motifs signés le 7 novembre 1997).
- SSR A96-00154,
Showler, Gaboury (dissident), 11 juin 1997.
- SSR V95-02904,
Neuenfeldt, 26 novembre 1997.
- SSR T96-03871,
T96-03873, Kelley, Cooke, 24 mars 1997.
- SSR T96-01498,
M.Y. Mouammar, D.S. Chan, 28 septembre 1997.
- SSR T96-04022,
T96-04023, T96-04024, T96-04025, T96-04026, T96-04027, Kelley, Ramirez,
12 septembre 1997.
- SSR M93-09655,
Davey, Doray, 27 octobre 1994.
- SSR T93-07281,
T93-07282, Ramirez, Shatzky, 19 avril 1994.
- Rabbani, Farideh c. M.C.I.
(C.F. 1re
inst., no IMM-2032-96), McGillis, 3 juin 1997.
- Vidhani, Khatijabhai c. M.C.I.
(C.F. 1re
inst., no IMM-3528-94), McKeown, 8 juin 1995.
- SSR V96-00918
et autres, Hodgins, Clague, 28 mai 1998.
- SSR U95-03525,
Sotto, Naqvi, 25 septembre 1996.
- SSR U96-03524,
Schlanger, Siddiqui, 26 août 1997.
- SSR T97-04796,
Kelley, Thomas, 27 mai 1998.
- Chan, supra, note.
- Ibidem, p. 636.
- SSR U93-04493,
Goldman, Wakim, 14 février 1995.
- SSR T93-12198,
T93-12199, T93-12197, 13 juillet 1994. « Un
traitement de ce genre enfreint également les droits spécifiques
prévus aux articles 19, 24 et 37 de la Convention
relative aux droits de l'enfant. La MGF peut être
considérée comme une coutume qui équivaut à
de la torture, qui est traitée dans les dispositions mentionnées.
Les gouvernements en cause, particulièrement le gouvernement
somalien, ont très peu fait pour prévenir la MGF. Par
conséquent, le tribunal suppose que la revendicatrice ne sera
pas protégée par une autorité somalienne contre
les effets néfastes de la MGF. Même son père, qui
revendiquera sa garde en Somalie, ne la protégera sûrement
pas contre ce traitement; ce sera plutôt le contraire. Il est
donc fortement probable que ses droits universels seraient enfreints
si elle devait retourner en Somalie. La revendicatrice appartient à
deux groupes sociaux de mineurs et de femmes selon les catégories
établies dans Ward. Elle peut donc fort bien craindre la persécution
en raison de son appartenance à ces groupes ».
Voir aussi SSR A96-00453,
A96-00454, A96-00448, A96-00450, A96-00451, A96-00455, Showler, 8 décembre 1997:
le tribunal a non seulement accordé le statut à deux jeunes
filles de Guinée qui craignaient l'excision, mais a également
accordé ce statut, sur la base des "raisons impérieuses",
à une femme qui avait déjà souffert de cette mutilation,
parce qu'étant donné le gouffre qui sépare les
perspectives sociales de la revendicatrice et celles de la société
plus restrictive, le caractère atroce de la persécution
subie et les traumatismes psychiques qu'elle subirait en retournant
dans une société semblable où elle devrait de nouveau
vivre des réalités choquantes sur le plan moral, il existait
des raisons impérieuses selon le paragraphe 2(3) de la SSR
V95-00374, Whitehead, le 21 novembre 1996. Loi sur l'immigration
pour lui reconnaître le statut de réfugié. Voir
également SSR
V95-00374, Whitehead, 21 novembre 1996 (Ghana), SSR
M93-08606, Kafaï, Bergeron, 22 mai 1996 (Tanzanie), et
Annan, Faustina c. M.C.I. (C.F.
1re
inst., IMM-215-95), Dubé, 6 juillet 1995. Voir
aussi SSR
T93-12198, T93-12199, T93-12197, 13 juillet, 1994.
- (U.S.) BOARD OF IMMIGRATION APPEALS, Fauziya
KASINGA, no A 73 479 695, 13 juin 1996.
- La Presse, le 4 février 1999.
![Au haut de la page](/web/20061026021708im_/http://www.cisr-irb.gc.ca/images/general/arrow_top.gif)
|