Comité permanent de la citoyenneté
et de l'immigration
Notes d'allocution
présentées par
Jean-Guy Fleury,
président de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié,
le 6 novembre 2003
(Priorité au discours prononcé)
Introduction
Monsieur le président et membres du Comité, je vous remercie
de nous avoir invités ici aujourd'hui pour vous parler du Rapport
sur le rendement de la Commission. J'aimerais vous présenter
Marilyn Stuart-Major, secrétaire générale de
la Commission, et Krista Daley, avocate générale. Toutes
deux m'aideront à répondre à vos questions aujourd'hui.
Ma présence ici aujourd'hui arrive à point nommé,
puisque le 27 novembre marquera le premier anniversaire de mon entrée
en fonction à la tête de la Commission de l'immigration et
du statut de réfugié. J'aimerais profiter de cette occasion
pour vous faire part de l'évolution de la situation à la
Commission depuis le 31 mars 2003, de mes impressions à
l'égard de la dernière année et de l'orientation
que j'aimerais donner à cette grande institution.
Rôle de la CISR
La CISR
est un organisme indépendant quasi judiciaire qui rend des comptes
au Parlement par l'intermédiaire du ministre de la Citoyenneté
et de l'Immigration. La CISR
est constituée de trois tribunaux, à savoir :
- la Section de la
protection des réfugiés,
- la Section d'appel
de l'immigration,
- la Section de l'immigration.
Chaque section forme un tribunal distinct auquel la Loi a conféré
un mandat qui lui est propre. Notre mission consiste à rendre,
avec efficacité et équité, des décisions éclairées
sur des questions touchant les immigrants et les réfugiés,
conformément à la loi.
Essentiellement, la Commission agit avec justice et équité
au nom du Parlement et des Canadiens. La Commission aide le Canada à
remplir ses obligations internationales, à garantir la sécurité
des Canadiens et à protéger l'intégrité du
processus canadien d'immigration et d'asile.
Sur le plan humain, il convient de noter que les décideurs de
la Commission ont la difficile tâche de décider du sort des
personnes qui comparaissent devant eux. Leurs décisions ont une
incidence importante sur la vie et la sécurité de ces personnes.
C'est pourquoi la Commission s'efforce de trouver des moyens souples et
efficaces de rendre justice et de protéger ces personnes, afin
que toutes ces dernières qui comparaissent devant elle soient traitées
avec équité et selon les principes de justice naturelle.
Section de l'immigration (SI)
La Section de l'immigration fait enquête sur certaines
catégories de personnes qui seraient interdites de territoire au
Canada ou pourraient être renvoyées du pays. Elle procède
également au contrôle des motifs de détention des
personnes détenues pour des raisons reliées à l'immigration.
D'après les tendances actuelles, les 29 décideurs de
la Section s'attendent à tenir quelque 2 000 enquêtes
et 11 400 contrôles des motifs de détention cette année.
La nouvelle Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés
(LIPR)
a modifié le travail d'enquête et de contrôle des motifs
de détention de la Section de l'immigration. Par exemple, les décideurs
doivent désormais prendre en compte des facteurs tels que la sécurité
nationale et la sécurité des personnes au moment de déterminer
s'ils doivent divulguer des renseignements de nature délicate à
la personne en cause dans une affaire. La Section de l'immigration doit
décider si les personnes qui sont supposées s'être
livrées, dans le cadre de la criminalité transnationale,
à des activités, telles que le passage de clandestins, le
trafic de personnes ou le recyclage de produits de la criminalité,
sont interdites de territoire.
Section d'appel de l'immigration (SAI)
La Section d'appel de l'immigration est saisie de quatre
types d'appels :
- les appels interjetés par des citoyens canadiens et des résidents
permanents dont la demande de parrainage d'un proche parent a été
refusée;
- les appels interjetés par des résidents permanents,
des personnes protégées et des titulaires de visas de
résident permanent frappés d'une mesure de renvoi;
- les appels interjetés par des résidents permanents qui,
selon la décision rendue par un agent de CIC
à l'extérieur du Canada, ont manqué à leur
obligation de résidence;
- les appels interjetés par le ministre de décisions rendues
lors d'enquêtes par la Section de l'immigration.
D'après les tendances actuelles, les 29 décideurs
de la Section d'appel de l'immigration devraient finaliser quelque 4 800
appels cette année. La Section d'appel de l'immigration prévoit
recevoir un nombre sans précédent d'appels en 2003-2004;
en effet, le nombre d'appels interjetés devraient dépasser
les 6 000, ce qui représente une augmentation de 20 p. 100
par rapport à l'an dernier et une augmentation de 40 p. 100
par rapport à l'exercice 2001-2002.
La Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés
a eu une incidence sur les appels en matière de parrainage entendus
par la Section d'appel de l'immigration. Des modifications ont été
apportées aux dispositions réglementaires délimitant
les catégories de personnes pouvant être parrainées
au titre du regroupement familial; par exemple, les conjoints de fait
et partenaires conjugaux font désormais partie de cette catégorie.
En outre, il y a un nouveau type d'appel, à savoir l'appel relatif
au manquement à l'obligation de résidence qui peut être
interjeté par le résident permanent qui, selon un agent
de CIC
outre-mer, a manqué à l'obligation de résidence prévue
par la nouvelle Loi.
Section de la protection des réfugiés
(SPR)
La Section de la protection des réfugiés,
notre plus grand tribunal, statue sur les demandes d'asile présentées
au Canada. Les 190 décideurs de la Section de la protection des
réfugiés devraient finaliser cette année entre 44 000
et 46 000 demandes d'asile, un nombre jamais égalé.
Depuis la mise en œuvre de la nouvelle Loi, la portée du
travail de la Section de la protection des réfugiés s'est
considérablement élargie; en effet, la Loi oblige les décideurs
de la Section à non seulement déterminer si des personnes
sont des réfugiés selon la Convention de 1951 des Nations
Unies relative au statut des réfugiés, mais également
de décider si elles sont des personnes à protéger,
c'est-à-dire, des personnes qui seraient personnellement, par leur
renvoi vers leur pays d'origine, exposées au risque d'être
soumises à la torture, à une menace à leur vie, ou
au risque de traitements ou peines cruels et inusités. De plus,
nous pouvons désormais fonctionner avec plus d'efficacité
parce que la nouvelle Loi permet l'audition des demandes d'asile par des
tribunaux composés d'un seul commissaire au lieu de deux.
Questions et priorités
Lors de mon entrée en fonction comme président, la Section
de la protection des réfugiés était déjà
aux prises avec un arriéré considérable, lequel a
atteint plus de 52 000 demandes d'asile peu après mon arrivée.
L'arriéré n'était pas le résultat d'un mauvais
rendement, mais le résultat d'un ensemble de facteurs intérieurs
et internationaux. Depuis 1999, le nombre de nouvelles demandes d'asile
reçues chaque année a connu une forte hausse. En 2001-2002,
les 45 000 nouvelles demandes d'asile reçues représentaient
un sommet jamais atteint depuis la mise sur pied de la Commission et un
nombre presque deux fois plus élevé que le nombre de demandes
reçues quatre ans plus tôt. En outre, le niveau de financement
de la Commission a été établi dans les années
1990 alors que le nombre de demandeurs d'asile s'établissait régulièrement
entre 25 000 et 27 000 par année.
La Commission a mis en œuvre des mesures visant à réduire
l'arriéré. Toutefois, malgré les efforts qu'elle
a faits pour améliorer l'efficience, l'arriéré a
continué de croître et les délais de traitement se
sont allongés. Comme nos deux autres tribunaux étaient aux
prises avec de lourdes charges de travail, nous avions peu de latitude
pour réaffecter des ressources à l'interne.
Quand je suis entré en fonction à titre de président,
l'arriéré de la Section de la protection des réfugiés
était manifestement au premier plan des préoccupations du
gouvernement, des Canadiens et de nos intervenants. Il était alors
évident à mes yeux que nous devions trouver des moyens d'améliorer
ensemble la situation. C'est toujours ma priorité aujourd'hui.
Caractéristiques d'un tribunal administratif
Le tribunal est une entité dynamique – bon nombre de personnes
disent que ce qui importe est le nombre de décisions que rend la
Commission. C'est certes vrai, mais la « manière »
de rendre les décisions est tout aussi vraie. En ce sens, la CISR
s'occupe également de l'administration de la justice au Canada.
Les tribunaux administratifs ont été constitués pour
rendre justice plus simplement et plus rapidement que les tribunaux judiciaires.
Les tribunaux administratifs comme la Commission doivent rendre leurs
décisions en toute indépendance, mais doivent rendre compte
de leur rendement au gouvernement; le dépôt de notre Rapport
sur le rendement et ma comparution devant le Comité aujourd'hui
le démontrent.
L'énoncé de vision de la Commission indique que les trois
tribunaux de la CISR
viseront l'excellence dans toutes leurs activités et traiteront
chacun simplement, rapidement et équitablement. En faisant preuve
d'innovation, ils formeront ainsi un tribunal administratif d'avant-garde
et contribueront, avec leurs partenaires, à tracer l'avenir du
système canadien d'immigration et de protection des réfugiés.
Malgré toutes les améliorations que nous avons apportées
au cours des années à la Commission, nous ne mettions pas
pleinement à profit notre énoncé de vision et devions
adopter de nouvelles mesures pour régler un plus grand nombre de
demandes d'asile sans compromettre l'équité du processus.
Il s'agit d'un débat constant. J'étais d'avis qu'il nous
fallait exploiter plus pleinement la marge de manœuvre accordée
aux tribunaux administratifs. Il nous fallait devenir un tribunal plus
dynamique, capable de réagir rapidement aux nouveaux défis
et aux nouvelles réalités.
Plans d'action du président
Peu après mon entrée en fonction, j'ai décidé
que les trois tribunaux de la Commission devaient élaborer des
plans d'action en vue d'éliminer le chevauchement des tâches
et d'améliorer l'efficacité et la qualité du processus
décisionnel. Mes remarques aujourd'hui porteront plus spécifiquement
sur le Plan d'action de la Section de la protection des réfugiés.
La première étape a été de revoir entièrement
nos activités pour trouver des moyens de simplifier et de normaliser
nos méthodes de travail.
Le résultat de cet exercice, le Plan d'action, n'est pas simplement
une série d'initiatives. Il s'agit plutôt d'un projet de
transformation à long terme de notre façon de faire et constitue
le renouvellement de notre engagement envers notre énoncé
initial de mission et de vision. Il ne se limite pas aux processus –
il inclut une dimension humaine.
Cela étant dit, le Plan d'action comporte plus d'une douzaine
d'initiatives précises qui sont regroupées sous les trois
thèmes suivants :
- normalisation et simplification des processus;
- meilleure orientation donnée par la direction aux décideurs;
- amélioration de l'efficacité des audiences.
Diverses mesures ont été mises en œuvre dans le cadre
du Plan d'action au cours des six derniers mois. Nous avons déjà
obtenu de très bons résultats : les nouvelles mesures
et le financement temporaire nous ont largement aidés à
accroître le nombre de cas réglés d'environ 30 p. 100
au cours de la dernière année.
Je suis fier de ce que nous avons accompli en si peu de temps. Le défi
sera de maintenir ce niveau.
Nous prévoyons maintenant qu'à la fin de l'exercice 2003-2004,
l'arriéré aura passé de plus de 52 000 demandes
d'asile à quelque 41 000. Monsieur le président, nous
parlons ici d'environ 11 000 personnes de moins en attente d'une
décision. C'est tout un exploit!
Équilibre et ressources requises
Lorsque mon prédécesseur s'est présenté devant
ce Comité la dernière fois, vous lui avez demandé
de préciser le niveau de ressources qu'il fallait à la Commission
pour éliminer l'arriéré. J'aimerais maintenant prendre
quelques minutes pour expliquer notre situation budgétaire actuelle.
La CISR
a reçu un financement temporaire en 2002-2003 et en 2003-2004.
Ce financement de l'ordre d'environ 16 millions de dollars par année
cessera le 1er avril 2004.
Nous discutons actuellement de cette situation avec le Secrétariat
du Conseil du Trésor car nous aurons besoin de ce financement au
cours des trois prochaines années pour être en mesure de
poursuivre les efforts visant l'élimination de l'arriéré
et de remédier aux insuffisances de notre infrastructure. Notre
analyse de rentabilisation montre clairement que la réduction rapide
de notre arriéré entraînera des économies importantes
pour les contribuables canadiens et permettra de rendre justice à
ceux qui comparaissent devant nous. En termes simples, l'arriéré
aura été éliminé et le délai de traitement
s'établira finalement à l'objectif de six mois.
Si nous ne continuons pas de recevoir le financement nécessaire,
nous prévoyons que l'arriéré continuera de croître
progressivement au rythme d'environ 4 000 demandes d'asile par année
et que, même si cela ne relève pas de notre champ de compétence,
les coûts sociaux augmenteront également.
Les ressources limitées allouées à la Commission
ont été utilisées à bon escient et nous commençons
à en récolter les fruits. L'arriéré diminue
régulièrement tous les mois grâce aux gains en efficacité
découlant du Plan d'action et du financement temporaire. Soyons
clairs, nous avons maintenant en place les éléments nécessaires
pour s'attaquer à la charge de travail accrue, mais nous ne pourrons
continuer sur notre lancée sans le maintien du financement.
Conclusion
En conclusion, je souligne que l'apport de la Commission est essentiel
au bon fonctionnement et à la sécurité de l'ensemble
du processus canadien d'immigration et de protection des réfugiés.
Notre mission se résume à une chose : rendre des décisions
simplement, rapidement et équitablement.
Je veillerai à ce que cet objectif demeure la priorité
afin que le système de justice administrative de la Commission
soit efficace, et qu'il serve à la fois les intérêts
des personnes qui comparaissent devant la CISR
et ceux des Canadiens.
Je vous remercie de m'avoir donné la possibilité de vous
parler aujourd'hui. Mes collègues et moi répondrons avec
plaisir à toutes vos questions.
Merci.
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