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La Révolution française et l'organisation de la justice
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INTRODUCTION
Parmi les institutions de l'Ancien Régime, la justice était
celle qui suscitait les critiques les plus vives et les plus justifiées.
La justice française sous l'Ancien Régime était
caractérisée par le nombre élevé des juridictions,
l'enchevêtrement de leurs ressorts, la lenteur et le coût
des procédures, la dureté de la procédure criminelle,
la cruauté des châtiments et la sévérité des
peines pour les petites gens, sévérité qui contrastait
avec l'extrême clémence dont on faisait preuve envers les
privilégiés. Juges et procureurs étaient, en général,
peu aimés, du fait qu'ils défendaient un système
favorable à leurs intérêts, mais que la majorité de
la population rejetait. Seuls les avocats recrutés dans la moyenne
ou la petite bourgeoisie admettaient la nécessité d'une
réforme de la justice.
Une campagne violente agitait en effet le pays depuis 1760 en faveur
d'une réorganisation de la justice. Déjà Montesquieu
avait adressé à l'organisation judiciaire de sévères
critiques. Mais ce fut Voltaire qui, dans ses écrits, porta les
coups les plus violents à l'édifice judiciaire de l'Ancien
Régime. Le mouvement réformiste n'était cependant
pas exclusivement français. Les ouvrages les plus importants en
faveur de la réorganisation judiciaire avaient même paru à l'étranger,
en Angleterre et en Italie. Ainsi, le Traité des délits
et des peines de Beccaria fut publié en italien en 1762 avant
d'être traduit en français en 1766.
À la suite de cette campagne, le pouvoir royal effectua une première
réforme en abolissant, le 24 août 1780, la question préparatoire,
c'est-à-dire la torture qu'on faisait subir aux inculpés
pour leur arracher des aveux. Mais la question préalable – la
torture destinée à obtenir des condamnés les noms
de leurs complices – subsistait toujours, de même que quantités
d'autres pratiques du droit criminel qui semblaient indignes du siècle
des Lumières.
Dans l'ultime effort de l'Ancien Régime pour se réformer,
le garde des sceaux Lamoignon apportait en 1788 quelques améliorations à la
procédure criminelle : l'interrogatoire « sur la sellette » était
aboli, les jugements des cours souveraines devraient désormais être
motivés, la question préalable était elle aussi
supprimée. Les accusés bénéficiant d'un acquittement
devraient être dédommagés de leur emprisonnement.
En réalité, cet édit ne fut pas exécuté.
Néanmoins, les cours elles-mêmes se rendaient compte de
leur impopularité croissante. Aussi essayèrent-elles de
donner quelques satisfactions à l'opinion publique. Le tribunal
du Châtelet de Paris fit une enquête auprès des procureurs
sur les réformes à introduire dans la justice, le Parlement
de Paris créa une commission chargée d'étudier la
réforme de la justice, les procureurs de Marseille rédigèrent
un programme de réorganisation de la justice.
Ces projets étaient toutefois bien timides compte tenu des multiples
doléances et projets figurant dans les cahiers des États
généraux de 1789. Les vœux des cahiers sont les uns
relatifs à l'organisation générale de la justice ; d'autres particuliers à la justice criminelle ; d'autres enfin
ne concernent que la justice civile. Touchant la justice criminelle,
les projets abondent et sont inspirés par les nombreux ouvrages
publiés sur la matière dans les années qui précèdent.
Les cahiers réclament des garanties sérieuses en faveur
de la liberté individuelle ; ils demandent qu'aucun citoyen ne
soit arrêté ou contraint de comparaître devant le
juge, sauf en cas de flagrant délit, ou au cas où il serait
désigné par la « clameur publique », que tout
individu arrêté soit interrogé dans les vingt-quatre
heures. Les cahiers demandent que tout accusé soit assisté d'un
conseil, désigné d'office ou choisi par l'accusé,
que les accusés soient dispensés de prêter serment,
que l'instruction et le jugement des causes criminelles soient publics,
que les jugements soient motivés, avec indication précise
des lois invoquées. Naturellement, les cahiers demandent aussi
la suppression de la torture, la modération des peines, qui devront être
proportionnées aux délits, la suppression des supplices
barbares qui venaient s'ajouter à la peine de mort. Ils demandent
que la condamnation d'un individu n'entraîne plus l'infamie pour
tous ses parents, que les prisons soient améliorées, les
cachots souterrains supprimés, l'interrogatoire sur la sellette
aboli. Les cahiers contenaient donc un programme complet de législation
criminelle.
C'est au cours de ses premières séances que l'Assemblée
nationale constituante songea à donner à la France une
nouvelle organisation judiciaire. Dès le 17 août 1789, Nicolas
Bergasse avait présenté, au nom du comité de la
constitution, un rapport sur ce qu'il appelait le « pouvoir judiciaire ».
Après avoir résumé les doléances des cahiers
des États généraux, il proposait une nouvelle organisation
de la justice sur les bases suivantes : un juge de paix dans chaque canton,
des tribunaux intermédiaires, une cour de justice par province,
la suppression des juridictions d'exception. Il réclamait des
garanties pour la liberté individuelle, à l'imitation de l'habeas
corpus britannique, la publicité de l'information et des
débats, l'institution de jurys, l'adoucissement des peines, l'amélioration
de la police. Mais l'Assemblée était alors en train de
discuter la Déclaration des droits de l'homme. Elle ajourna le
projet Bergasse après en avoir retenu les principes fondamentaux,
qu'elle inscrivit dans les articles 7, 8 et 9 de la Déclaration
des droits de l'homme.
Le 10 septembre 1789, sur la demande expresse de la Commune de Paris,
l'Assemblée constituante chargea une commission de sept membres
de présenter un projet de réforme immédiate du droit
pénal. Jacques Guillaume Thouret fut nommé rapporteur de
la commission. Son rapport fut à peu près intégralement
adopté et devint la loi du 10 octobre 1789. Cette loi instituait
toute une série de mesures provisoires destinées à augmenter
les garanties des accusés. Des notables seraient immédiatement
adjoints aux juges dans chaque ville. Tout accusé devrait comparaître
devant le juge dans les vingt-quatre heures. Les jugements seront publics.
L'accusé sera assisté d'un avocat, non seulement au cours
du jugement, mais pendant tous les actes de l'instruction. L'interrogatoire
sur la sellette, les « questions », le serment des accusés étaient
naturellement abolis. La Constituante compléta encore ces mesures
provisoires en décidant, le 21 janvier 1790, sur la proposition
du docteur Joseph Ignace Guillotin, que les mêmes délits
seraient punis des mêmes peines, que ces peines ne rejailliraient
pas sur la famille des condamnés, que la confiscation des biens
ne pourrait pas être prononcée, et que les corps des suppliciés
seraient remis à leurs familles, si elles le demandaient, pour
recevoir une sépulture ordinaire.
La Constituante rédigeait pendant ce temps des projets de réforme
complète de l'organisation judiciaire. Le 24 mars 1790, l'Assemblée
décida que l'appareil judiciaire serait entièrement reconstruit,
et passa immédiatement à la discussion des trois principaux
projets, ceux de Thouret, d'Adrien Duport et de Sieyès. La loi
du 16 août 1790, qui organisait la justice en général,
et plus particulièrement la justice civile, contient l'essentiel
de l'œuvre judiciaire de la Constituante. Elle a été complétée
par un certain nombre d'autres lois, notamment celle du 16 septembre
1791 sur la justice criminelle, et par le code pénal du 25 septembre
1791.
Certaines des interventions de Bergasse, Duport et Thouret sur la réforme
de la justice conservent à bien des égards toute leur pertinence.
Malgré leur incontestable importance, ces textes ne sont connus
que de quelques spécialistes et n'existaient pas en langue anglaise.
Il a paru utile de les rendre accessibles au plus grand nombre. Nous
publions donc ici, en français et en anglais, des réflexions
dont le temps n'a pas émoussé l'intérêt.
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