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REGROUPEMENT DES
MOTIFS DE PROTECTION DANS LA
LOI SUR L'IMMIGRATION
ET LA PROTECTION DES RÉFUGIÉS
PERSONNES À PROTÉGER
MENACE À LA VIE OU
RISQUE DE TRAITEMENTS OU
PEINES CRUELS ET INUSITÉS
Services juridiques
Commission de l'immigration et du statut de réfugié
15 mai 2002
TABLE DES MATIÈRES
- INTRODUCTION
- LÉGISLATION
- CONDITIONS À RESPECTER AUX TERMES
DE L'ALINÉA 97(1)b)
- 3.1. Éléments de
la définition de « personne
à protéger » selon
l'alinéa 97(1)b)
- 3.1.1. Généralités
- 3.1.2. Pays de référence (pays de nationalité
ou pays de résidence habituelle antérieure)
- 3.1.3. Présence d'une menace à la vie ou
d'un risque de traitements ou peines cruels et inusités
- 3.1.4. Risque personnel
- 3.1.5. Absence de protection de l'État
- 3.1.6. Risque couru dans toutes les régions du
pays (Aucune PRI
disponible)
- 3.1.7. Risque non couru de façon générale
- 3.1.8. Risque non inhérent ou occasionné
par des sanctions légitimes
- 3.1.9. Risque non attribuable à des soins médicaux
ou de santé inadéquats
- 3.1.10. Conclusions
- NOTIONS DE «
MENACE À LA VIE » OU
DE RISQUE DE « TRAITEMENTS OU PEINES
CRUELS ET INUSITÉS » DANS
D'AUTRES LOIS CANADIENNES ET INSTRUMENTS INTERNATIONAUX
- 4.1. Législation canadienne
- 4.2. Instruments internationaux
- 4.2.1. Règles d'interprétation en droit
international
- 4.3. Régime de traitement
des demandes de la CDNRSRC
- 4.3.1. Jurisprudence de la Cour fédérale
concernant la CDNRSRC
- 4.4. Jurisprudence portant sur
la Charte
- 4.4.1. Peine cruelle et inusitée
- 4.4.2. Traitement cruel et inusité
- 4.4.3. Cruel et inusité : des termes conjonctifs?
- 4.4.4. Critères généraux découlant
de la jurisprudence canadienne
- 4.4.5. Expulsion
- 4.4.6. Peine de mort
- 4.4.7. Résumé :
peines ou traitements cruels et inusités
- 4.4.8. Peines infligées au mépris des normes
internationales
- 4.5. Jurisprudence internationale
- 4.5.1. Cour européenne des droits de l'homme (CEDH)
- 4.5.1.1. Traitement inhumain ou dégradant
: principes juridiques
- 4.5.1.2. Responsabilité pénale des
mineurs
- 4.5.1.3. Conditions d'arrestation et de détention
- 4.5.1.4. Risque de persécution
- 4.5.1.5. Traitement médical
- 4.5.1.6. Personnes disparues
- 4.5.1.7. Destruction de biens
- 4.5.1.8. Divers
- 4.5.2. Royaume-Uni : peine
cruelle et inusitée
- 4.5.3. Australie : peine
cruelle et inusitée
- 4.5.4. États-Unis :
peine cruelle et inusitée
- 4.5.5. Résumé et conclusions
- EXCLUSION
- 5.1. Section 1E
- 5.2. Section 1F
- 5.3. Extradition
- CHANGEMENT DE CIRCONSTANCES (PERTE DE L'ASILE)
ET RAISONS IMPÉRIEUSES
- NORME DE PREUVE
- CADRE D'ANALYSE SUGGÉRÉ
- RÉGIMES DE PROTECTION DANS D'AUTRES
PAYS
- 9.1. Suède
- 9.2. Danemark
1. INTRODUCTION
- La compétence de la CISR
a été élargie sous le régime de la LIPR
pour permettre à la SPR et à la SAR de traiter les facteurs
de risque regroupés.
- Les motifs de protection regroupés sont les suivants :
- craindre avec raison d’être persécuté du fait
d’un motif lié à la définition de réfugié
au sens de la Convention;
- risque de torture;
- menace à la vie ou risque de traitements ou peines cruels
et inusités.
- La personne à protéger sous le régime de la
LIPR
a les mêmes droits que ceux d’un réfugié au sens
de la Convention sous le régime de la Loi sur l’immigration.
La Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés
(« LIPR »)1
confère la responsabilité d’évaluer les demandes
d’asile à la Commission de l’immigration et du statut de réfugié
(« CISR »),
soit à la Section de la protection des réfugiés (« SPR »)
en première instance, et, en appel, à la Section d’appel
des réfugiés (« SAR »). C’est à
la SPR (ou à la SAR en appel) qu’il incombe, dans une procédure,
de déterminer si l’intéressé est un réfugié
au sens de la Convention ou une personne à protéger..
La compétence de la CISR
a été élargie pour permettre à la SPR et à
la SAR d’accorder sa protection selon trois fondements différents :
1) crainte fondée de persécution pour l’un des motifs
prévus à la définition de réfugié au
sens de la Convention, 2) risque de torture et 3) menace à
la vie ou risque de traitements ou peines cruels et inusités. Les
deuxième et troisième motifs permettent de reconnaître
à un intéressé la qualité de personne à
protéger. Seul le motif fondé sur la définition de
réfugié au sens de la Convention doit être en rapport
avec les opinions politiques de l’intéressé, sa race, sa
religion, sa nationalité ou son appartenance à un groupe
social.
L’élargissement de la compétence est le
fruit d’un effort visant à rationaliser et à simplifier
un processus qui, sous le régime de la Loi sur l’immigration
de 19782
(« Loi sur l’immigration ») était
fragmenté en différentes instances et divers paliers décisionnels
de la CISR
et de Citoyenneté et Immigration Canada (« CIC »).
Suivant la Loi sur l’immigration, la CISR
était compétente uniquement en ce qui a trait à la
Convention de 1951 relative au statut des réfugiés
et au Protocole de 1967 (la « Convention
sur les réfugiés »), et elle ne pouvait
pas évaluer d’autres risques de préjudice sans rapport avec
les motifs énoncés dans la définition de réfugié
au sens de la Convention. Il incombait au ministre d’évaluer ces
risques dans le cadre du programme de réglementation relative à
la catégorie des demandeurs non reconnus du statut de réfugié
au Canada (CDNRSRC)
(se référant à l’examen des risques suivant une décision
défavorable) et du pouvoir discrétionnaire, fondé
sur l’existence de raisons d’ordre humanitaire, qui lui est conféré
par l’article 114. Cette approche à paliers multiples donnait
lieu à des retards et à des incohérences.
Les droits reconnus aux réfugiés au sens
de la Convention dans la Loi sur l’immigration sont maintenant
accordés dans la LIPR
aux réfugiés au sens de la Convention et aux personnes à
protéger. Ces droits comprennent notamment le droit de ne pas être
refoulé et celui de demander la résidence permanente.
Le présent document porte sur les motifs liés
à la menace à la vie ou au risque de traitements ou peines
cruels et inusités (alinéa 97(1)b) de la LIPR.
2. LÉGISLATION
Comme nous l’avons souligné précédemment,
la LIPR
accorde une protection selon trois fondements différents :
le motif fondé sur la définition de réfugié
au sens de la Convention (article 96)3,
le motif lié au risque de torture4
(alinéa 97(1)a)) et le motif lié à
la menace à la vie ou au risque de traitements ou peines cruels
et inusités (alinéa 97(1)b)).
L’article 97 dispose ce qui suit :
97.(1) A qualité de personne à
protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement,
par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si
elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence
habituelle, exposée :
- soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être
soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention
contre la torture;
- soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements
ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :
- elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection
de ce pays,
- elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres
personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement
pas,
- la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes —
sauf celles infligées au mépris des normes internationales —
et inhérents à celles-ci ou occasionnés par elles,
- la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité
du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.
[caractères gras ajoutés]
3. CONDITIONS À RESPECTER AUX TERMES
DE L’ALINÉA 97(1)b)
3.1 Éléments de la définition
de « personne à protéger » selon l’alinéa 97(1)b)
3.1.1. Généralités
Il faut souligner que deux éléments ne
sont pas obligatoires, à savoir que le
risque soit relié à un motif prévu dans la définition
de réfugié au sens de la Convention et que le risque vienne
d’un agent de l’État (comme dans le cas du motif lié au
risque de torture). De plus, l’alinéa 97(1)b) ne
prévoit pas l’octroi de l’asile pour des motifs d’ordre humanitaire.
Comme nous le verrons, les éléments nécessaires
pour établir qu’une personne doit être protégée
ont une large portée et semblent restreindre le bénéfice
de cette catégorie de protection à une étroite catégorie
de personnes.
Les éléments de la définition d’une
personne à protéger en vertu de l’alinéa 97(1)b)
correspondent jusqu’à un certain point au libellé utilisé
dans les dispositions réglementaires relatives à la CDNRSRC.5
Il pourrait donc être utile, pour discuter des interprétations
possibles de ces éléments, de renvoyer aux lignes directrices
relatives à la CDNRSRC
ainsi qu’à la jurisprudence concernant ces dispositions réglementaires.6
L’approche à l’égard de la CDNRSRC
ne lie aucunement la CISR
mais, dans la mesure où la tâche est semblable, les lignes
directrices de CIC
pour l’évaluation des risques contenues dans le guide peuvent avoir
une certaine utilité dans l’interprétation des mesures législatives.
Il va sans dire que la jurisprudence de la Cour fédérale
interprétant les termes contenus dans les dispositions réglementaires
relatives à la CDNRSRC
et l’alinéa 97(1)b) est d’application obligatoire.7
3.1.2. Pays de référence (pays de nationalité
ou pays de résidence habituelle antérieure)
Cet élément est commun à tous les
motifs d’octroi de l’asile. Le paragraphe 97(1) précise clairement
que la personne qui prétend avoir besoin de protection doit établir
un risque dans le ou les pays dont cette personne a la nationalité.
L’obligation que le risque soit présent dans tous les pays de nationalité
est parallèle à celle qui figure dans la définition
de réfugié au sens de la Convention (alinéa 96a).
Cette disposition établit également que, s’il n’y a pas
de pays de nationalité, le risque doit être présent
dans le pays de résidence habituelle antérieure. Comme dans
la définition de réfugié au sens de la Convention,
cette disposition ne fait pas mention de multiples pays de résidence
habituelle antérieure.
Malgré cette anomalie dans le libellé,
on avance qu’il est logique d’interpréter cette disposition comme
exigeant une preuve que le risque existe dans tous les pays de résidence
habituelle antérieure où l’intéressé peut
retourner. Cette interprétation est conforme à la décision
Thabet8,
rendue par la Cour d’appel fédérale, qui devait interpréter
une disposition analogue dans la définition de réfugié
au sens de la Convention :
Pour se voir reconnaître le statut de réfugié
au sens de la Convention, une personne apatride doit démontrer,
selon la probabilité la plus forte, qu’elle serait persécutée
dans l’un ou l’autre des pays où elle a eu sa résidence
habituelle et qu’elle ne peut retourner dans aucun d’eux.
Par conséquent, si une personne apatride a de
multiples pays de résidence habituelle antérieure, la demande
d’asile peut être établie par référence à
tout pays de résidence habituelle antérieure. Cependant,
si l’intéressé peut retourner dans tout autre pays de résidence
habituelle antérieure, il doit, pour établir sa demande
d’asile, montrer également qu’il y court un risque.9
3.1.3. Présence d’une menace à la vie
ou d’un risque de traitements ou peines cruels et inusités
Les expressions « menace à la vie »
et « risque de traitements ou peines cruels et inusités »
ne sont pas définies dans la Loi. Leur signification devra être
déterminée par la SPR et la SAR en fonction du droit canadien
et international. Cet élément est exploré à
fond dans le présent document où il est question d’interprétations
faites en fonction de la Charte canadienne des droits et libertés10
(la Charte), de la CDNRSRC
et du droit international.
3.1.4. Risque personnel
Cet élément est commun aux demandes d’asile
fondées sur le risque de torture et aux demandes d’asile fondées
sur des menaces à la vie ou des risques de traitements ou peines
cruels et inusités. L’article 97 exige que les risques auxquels
serait exposée une personne si elle était renvoyée
dans le pays dont elle a la nationalité ou dans celui où
elle avait sa résidence habituelle soient des risques auxquels
cette personne fait personnellement face. Les mots « serait
personnellement [
] exposée » indiquent que l’évaluation
porte sur le risque éventuel.
Une personne peut courir un risque sans nécessairement
être personnellement ciblée. Aux fins de l’évaluation
du risque, il est possible de tenir compte du risque auquel s’exposent
les personnes se trouvant dans des situations semblables. Par exemple,
il s’agit d’un risque personnel si l’intéressé a un certain
profil politique ou appartient à un groupe ethnique particulier,
à un groupe professionnel ou à un groupe social, si la preuve
démontre que les personnes ayant de telles caractéristiques
courent un risque. En fait, la charge de présentation pour établir
l’existence d’un risque personnel est la même dans le cas de la
personne qui « serait personnellement [
] exposée »
à un risque et du demandeur d’asile qui craint avec raison d’être
persécuté.
La Cour fédérale a interprété
diverses expressions contenues dans les dispositions réglementaires
relatives à la CDNRSRC. Dans ce contexte, elle a déclaré
que l’agent de révision des revendications refusées (« ARRR »)
doit avoir des preuves que les requérants en cause sont exposés
à un risque objectivement identifiable, et non simplement la preuve
que certaines personnes, si elles devaient être renvoyées
dans ce pays, seraient exposées à un risque objectivement
identifiable. Seraient cependant exclues les personnes exposées
à un risque qui s’appliquerait à tous les résidents
d’un pays, comme la violence aléatoire ou une catastrophe naturelle.
Dans les demandes d’asile où il existe une menace
à la vie, il y a, dans une certaine mesure, chevauchement entre
la nécessité que l’intéressé court un risque
personnel et l’exigence que le risque ne soit pas un risque auquel s’exposent
généralement d’autres ressortissants du pays (voir ci-après
la section 3.1.6.), mais ces notions ne sont pas identiques. L’exemple
qui suit devrait permettre d’éclaircir la distinction : le
demandeur d’asile dont la vie est menacée en raison d’une catastrophe
naturelle peut s’exposer à un risque personnel, mais si tous les
citoyens en général s’exposent au même risque, le
demandeur ne pourra obtenir la protection même s’il court personnellement
un risque sérieux et crédible.
3.1.5. Absence de protection de l’État
L’absence obligatoire de protection de l’État
semble faire parallèle à l’exigence prévue dans la
définition de réfugié au sens de la Convention. L’interprétation
donnée par la Cour suprême du Canada dans Ward11
devrait aider la SPR et la SAR à trancher cette question. Les principes
suivants énoncés dans Ward s’appliquent :
- Les nations sont présumées être en mesure de protéger
leurs citoyens.
- Pour réfuter cette présomption, l’intéressé
aurait à présenter une preuve « claire et convaincante »
que la protection de l’État ne pourrait pas raisonnablement être
assurée12.
3.1.6. Risque couru dans toutes les régions
du pays (Aucune PRI
disponible)
Pour avoir qualité de personne à protéger,
il faut que le risque de préjudice (menace à la vie ou risque
de traitements ou peines cruels et inusités) s’étende à
toutes les régions du pays. Autrement dit, s’il existe une PRI
dans ce pays, l’intéressé n’est pas une personne à
protéger. La question de la PRI
a été interprétée en long et en large par
la Cour fédérale, dans le contexte des cas de réfugiés.
Toutefois, la SPR et la SAR n’appliqueront probablement pas aux personnes
qui s’exposent à une menace à la vie ou au risque de traitements
ou peines cruels et inusités le critère à deux volets
utilisé par les tribunaux judiciaires pour déterminer l’existence
d’une PRI. Le sous-alinéa 97(1)b)(ii) n’aborde que
le risque auquel est exposé l’intéressé dans toutes
les régions du pays et n’ajoute pas d’élément de
caractère raisonnable à l’existence d’une région
sûre dans le pays.
Le critère prévu à l’alinéa 97(1)b)
relativement à la PRI
peut être interprété de deux façons. La première,
qui est celle à privilégier, exclut le volet du caractère
raisonnable, sauf pour ce qui est de l’accès au lieu de refuge
envisagé. Suivant cette approche, le critère serait ainsi
formulé :
- Si la preuve révèle que le risque
auquel est exposé l’intéressé est limité
à une partie du pays, la SPR et la SAR devront évaluer
s’il existe d’autres régions du pays, raisonnablement accessibles
pour l’intéressé, où ce dernier ne serait pas exposé
à une possibilité sérieuse de menace à sa
vie ou d’un risque de traitements ou peines cruels et inusités.13
Cette approche est préférable principalement
parce qu’elle cadre avec le libellé de l’alinéa 97(1)b),
qui ne comprend pas le volet du caractère raisonnable. Elle est
facile à appliquer dans la mesure où chaque partie du pays
est évaluée en fonction du même critère, à
savoir si le demandeur d’asile s’expose dans cet endroit à une
menace à sa vie ou à un risque de traitements ou peines
cruels et inusités. La difficulté réside dans le
fait que cette approche ne cadre pas avec le critère servant à
déterminer l’existence d’une PRI
pour les réfugiés au sens de la Convention et le motif lié
au risque de torture et pourrait donner lieu à des résultats
contradictoires suivant le motif de protection appliqué (notamment
si l’absence de soins médicaux dans le lieu de refuge envisagé
est un facteur à prendre en compte ou que l’ensemble du pays est
touché par une catastrophe naturelle).
La deuxième approche consisterait en l’utilisation
du critère à deux volets servant à déterminer
l’existence d’une PRI
dans les demandes d’asile fondées sur la définition de réfugié
au sens de la Convention. Cette approche serait reformulée ainsi :
- Si le demandeur d’asile s’expose à un
risque uniquement dans une région du pays, la SPR et la SAR doivent
déterminer s’il y a d’autres régions dans le pays où
(i) le demandeur ne s’exposerait pas à une possibilité
sérieuse de menace à sa vie ou à un risque de traitements
ou peines cruels et inusités et (ii) il n’est pas déraisonnable,
eu égard aux circonstances de l’espèce, pour le demandeur
d’y chercher refuge.
Cette approche, même si elle cadre avec l’approche
adoptée pour déterminer l’existence d’une PRI
pour les réfugiés au sens de la Convention ainsi qu’avec
le motif lié au risque de torture et le Guide sur le traitement
des demandes de la CDNRSRC14,
est difficile à concilier avec les restrictions explicites énoncées
aux sous-alinéas 97(1)b)(ii) et (iv), à savoir
que le risque ne doit être un risque auquel s’exposent généralement
les autres habitants du pays et que le risque ne découle pas de
l’absence de soins médicaux ou de santé adéquats.
Il faudrait que ces deux restrictions soient exclues du critère
pour qu’il cadre avec le libellé de la Loi.
Le risque qui donne au demandeur la qualité de
personne à protéger n’a pas besoin d’être le même
que celui auquel ce dernier est exposé dans la région où
existe une PRI. On évalue la PRI
en fonction de tout risque de menace à la vie ou risque de traitements
ou peines cruels et inusités dans la mesure où il ne s’agit
pas d’un risque auquel sont généralement exposés
les autres habitants du pays et dans la mesure où ce risque n’est
pas lié à l’absence de soins médicaux ou de santé
adéquats.
Deux autres questions devraient être prises en
compte :
- Avis. Dans le contexte des réfugiés, il incombe au demandeur
de prouver l’absence de PRI
seulement si la question est soulevée
par la SSR
ou par le ministre. Dans le contexte d’une demande d’asile présentée
en application de l’alinéa 97(1)b), l’absence de
PRI
est un élément explicite de la définition et, par
conséquent, on peut soutenir que le demandeur a l’obligation
positive de satisfaire à cette exigence sans avoir à recevoir
d’avis.
- Norme de preuve. Dans le contexte des réfugiés, la norme
de preuve pour le premier volet a été énoncée
de la façon suivante : « La Commission doit être
convaincue selon la prépondérance des probabilités
que le demandeur ne risque pas sérieusement d’être persécuté
dans la partie du pays où, selon elle, il existe une possibilité
de refuge ». Nous proposons d’appliquer la même norme
à l’alinéa 97(1)b).
3.1.7. Risque non couru de façon générale
Si le risque auquel est exposé une personne découle
d’un risque généralisé dans ce pays, cette personne
n’est pas protégée en vertu de l’alinéa 97(1)b).
La protection est limitée à ceux qui sont exposés
à un risque spécifique auquel les autres ressortissants
du pays ne sont généralement pas exposés. Le risque
doit être particulier à la personne qui prétend avoir
besoin de protection, par opposition à un risque aléatoire
auquel sont exposés le demandeur et d’autres habitants du pays.
Une demande d’asile fondée sur des catastrophes
naturelles comme la sécheresse, la famine, les séismes,
etc., ne correspondra pas à la définition, puisque le risque
est généralisé.15
Toutefois, les demandes d’asile s’appuyant sur des menaces personnelles,
des vendettas, etc., pourraient satisfaire à la définition,
(à condition que tous les éléments de l’alinéa
97(1)b) soient respectés), puisque le risque n’est pas
aléatoire.
Dans une situation de guerre civile, le demandeur serait
tenu de présenter des preuves démontrant que le risque auquel
il est exposé n’est pas un risque couru de façon générale
par les habitants du pays, mais que ce risque est lié à
une caractéristique ou à un statut particuliers. Le demandeur
d’asile qui fuit une situation de guerre civile peut être en mesure
d’établir le bien-fondé de sa demande dans les cas où
le risque de persécution n’est pas individualisé, mais représente
un préjudice collectif différent des dangers généraux
de la guerre civile. Il doit y avoir un certain ciblage, bien que le groupe
ciblé puisse être vaste et qu’il puisse y avoir plusieurs
groupes ciblés opposés. De manière similaire, l’approche
adoptée dans les lignes directrices relatives à la CDNRSRC
prévoyait l’absence d’obligation de ciblage individualisé
mais exclurait les victimes de violence aléatoire dans une situation
de guerre civile, si tous les résidents étaient exposés
à cette violence aléatoire. Cette façon d’aborder
le risque provenant d’une guerre civile cadre avec les directives données
par le président de la CISR,
intitulées Directives concernant la guerre civile16
et semble concorder avec l’esprit du sous-alinéa 97(1)b)(ii).
Par conséquent, il est possible que des personnes
exposées à un risque sérieux et crédible ne
bénéficient pas de la protection en vertu de l’alinéa
97(1)b) tant que les citoyens de ce pays seront généralement
exposés à ce risque, indépendamment de leurs caractéristiques
et de leur statut personnels.
3.1.8. Risque non inhérent ou occasionné
par des sanctions légitimes
Un demandeur n’est pas une personne à protéger
si le risque auquel il est exposé est inhérent ou occasionné
par des sanctions légitimes. Ces dernières ne doivent cependant
pas être imposées au mépris des normes internationales
reconnues. Les commissaires de la SPR et de la SAR devront effectuer une
analyse des peines légitimes qui peuvent néanmoins enfreindre
les normes internationales17,
en tenant compte, en partie, de l’alinéa 3(3)f) selon
lequel l’interprétation et la mise en uvre de la Loi doivent
avoir pour effet de se conformer aux instruments internationaux portant
sur les droits de l’homme dont le Canada est signataire.
Bien que les dispositions réglementaires relatives
à la CDNRSRC
n’excluent pas de la définition de la menace à la vie les
risques inhérents à des sanctions légitimes (comme
le fait le sous-alinéa 97(1)b)(iii)), les lignes
directrices renvoient à des personnes qui ont enfreint la loi ou
les règles sociales dans leur propre société. On
y souligne que ces personnes peuvent être exposées à
un risque possible de peine sévère ou de peine de mort sanctionnée
par la loi par le truchement du système judiciaire dans le pays
d’origine. Le critère qui doit être appliqué consiste
à déterminer si la sanction possible choquerait la conscience
des Canadiens. Par exemple, si une personne a été condamnée
à mort, il faudrait examiner la peine pour déterminer si,
dans la situation de l’intéressé, elle enfreint les traités
internationaux. On examinerait la gravité de l’infraction, les
dispositifs de protection prévus par la loi dans ce pays et les
méthodes d’exécution proposées. Il faudrait adopter
une approche semblable sous le régime de l’alinéa 97(1)b),
puisque l’exception énoncée au sous-alinéa 97(1)b)(iii)
exige le recours aux normes internationales pour évaluer si une
sanction est légitime.
3.1.9. Risque non attribuable à des soins médicaux
ou de santé inadéquats
Si le risque est causé par l’incapacité
du pays de référence de fournir des soins médicaux
ou de santé adéquats, le demandeur ne sera pas admissible
à la protection. Une obligation analogue dans les dispositions
réglementaires relatives à la CDNRSRC
a été expliquée dans les lignes directrices à
cet égard comme reflétant la position selon laquelle les
dispositions réglementaires n’ont jamais visé à pallier
les disparités entre les soins médicaux et de santé
offerts au Canada et ceux qui sont accessibles ailleurs dans le monde18.
On pourrait en dire de même du sous-alinéa 97(1)b)(iv).
On peut généralement établir une
distinction entre l’incapacité d’un pays à fournir des soins
médicaux ou de santé adéquats et les situations dans
lesquelles des soins médicaux ou de santé adéquats
sont fournis à certaines personnes, mais non à d’autres.
Les personnes qui se voient refuser un traitement peuvent fonder une demande
d’asile en vertu de l’alinéa 97(1)b) parce que dans leur
cas, le risque découle du refus du pays à leur fournir des
soins adéquats. Les demandes impliquant ces types de situations
pourraient aussi donner lieu à la reconnaissance de la qualité
de réfugié si le risque est lié à un des motifs
prévus à la définition de réfugié au
sens de la Convention.
Lorsqu’on analyse une demande, il faut prendre soin
d’évaluer si le risque survient, non pas à cause de l’insuffisance
des soins de santé, mais parce que l’intéressé présente
un état pathologique qui le rendra plus vulnérable à
l’instabilité des conditions dans son pays. C’était le cas
dans Ahmed19,
où le requérant sous le régime de la CDNRSRC
était atteint de schizophrénie. Il n’avait aucune famille
ou soutien dans son pays, ce qui le rendait, compte tenu de son état,
très vulnérable en raison de l’instabilité en Somalie.
La Cour fédérale a demandé à l’ARRR d’évaluer
le risque pour le requérant à la lumière de son état
pathologique et non de l’absence de soins médicaux adéquats.
3.1.10. Conclusions
La portée de l’alinéa 97(1)b)
semble très étroite. Cela laisse la question de déterminer
qui bénéficiera d’une décision fondée sur
l’alinéa 97(1)b), mais il semble que ce sont principalement
les demandeurs qui sont incapables d’établir un lien avec la définition
de réfugié au sens de la Convention et qui s’exposent à
un risque qui n’est pas généralisé ou attribuable
à des soins de santé ou médicaux inadéquats.
L’alinéa 97(1)b) ne semble pas élargir la
portée de la couverture des demandes découlant des situations
de guerre civile. Dans la même veine, les personnes qui peuvent
disposer d’une PRI
ne bénéficient pas d’une interprétation de cette
notion aux termes de l’alinéa 97(1)b) qui soit plus
libérale que celle qui existe dans la jurisprudence canadienne
concernant les réfugiés au sens de la Convention. Enfin,
l’objet de l’alinéa 97(1)b) n’est pas d’accorder
une protection fondée sur l’existence de raisons d’ordre humanitaire.
4. NOTIONS DE « MENACE À
LA VIE » OU DE RISQUE DE « TRAITEMENTS OU PEINES
CRUELS ET INUSITÉS » DANS D’AUTRES LOIS CANADIENNES
ET INSTRUMENTS INTERNATIONAUX
Le libellé de l’alinéa 97(1)b)
n’est pas propre à la LIPR. On trouve des libellés semblables
dans d’autres lois canadiennes et instruments internationaux. Il est question
ci-dessous de la mesure dans laquelle les interprétations de ces
dispositions semblables sont utiles à la SPR et la SAR.
4.1. Législation canadienne
La Charte canadienne des droits et libertés
(la Charte) contient deux dispositions pertinentes :
Article 7 : Chacun a droit à
la vie, à la liberté et à la sécurité
de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce
droit qu’en conformité avec les principes de justice fondamentale.
Article 12 : Chacun a droit à
la protection contre tous traitements ou peines cruels et inusités.
La Déclaration canadienne des droits20
contient des dispositions analogues :
Article 1 : Il est par les présentes
reconnu et déclaré que les droits de l’homme et les libertés
fondamentales ci-après énoncés ont existé
et continueront à exister pour tout individu au Canada quels que
soient sa race, son origine nationale, sa couleur, sa religion ou son
sexe :
a) le droit de l’individu à
la vie, à la liberté, à la sécurité
de la personne ainsi qu’à la jouissance de ses biens, et le droit
de ne s’en voir privé que par l’application régulière
de la loi;
Article 2 : Toute loi du Canada,
à moins qu’une loi du Parlement du Canada ne déclare expressément
qu’elle s’appliquera nonobstant la Déclaration canadienne des droits,
doit s’interpréter et s’appliquer de manière à ne
pas supprimer, restreindre ou enfreindre l’un quelconque des droits ou
des libertés reconnus et déclarés aux présentes,
ni à en autoriser la suppression, la diminution ou la transgression,
et en particulier, nulle loi du Canada ne doit s’interpréter ni
s’appliquer comme
b) infligeant des peines ou traitements
cruels et inusités, ou comme en autorisant l’imposition;
4.2 Instruments internationaux
Un certain nombre d’instruments internationaux de défense
des droits de la personne, y compris les suivants, contiennent des dispositions
analogues ou connexes.21
- Déclaration universelle des droits de l’homme22
Article 3 : Tout individu a droit
à la vie, à la liberté et à la sûreté
de sa personne.
Article 5 : Nul ne sera soumis
à la torture, ni à des peines ou traitements cruels, inhumains
ou dégradants.
- Pacte international relatif aux droits civils et politiques23
(« PIRDCP »)
Paragraphe 6(1) : Le droit à
la vie est inhérent à la personne humaine. Ce droit doit
être protégé par la loi. Nul ne peut être
arbitrairement privé de la vie.
Article 7 : Nul ne sera soumis
à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains
ou dégradants. En particulier, il est interdit de soumettre une
personne sans son libre consentement à une expérience
médicale ou scientifique.
- Convention contre la torture et autres peines ou traitements
cruels, inhumains ou dégradants24
(« CCT »)
Paragraphe 16(1) : Tout État
partie s’engage à interdire dans tout territoire sous sa juridiction
d’autres actes constitutifs de peines ou traitements cruels, inhumains
ou dégradants qui ne sont pas des actes de torture telle qu’elle
est définie à l’article premier lorsque de tels actes
sont commis par un agent de la fonction publique ou toute autre personne
agissant à titre officiel, ou à son instigation ou avec
son consentement exprès ou tacite. En particulier, les obligations
énoncées aux articles 10, 11, 12 et 13 sont applicables
moyennant le remplacement de la mention de la torture par la mention
d’autres formes de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
(2) Les dispositions de la présente
Convention sont sans préjudice des dispositions de tout autre
instrument international ou de la loi nationale qui interdisent les
peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, ou qui
ont trait à l’extradition ou à l’expulsion.
- Déclaration américaine des droits et devoirs
de l’homme25
Article 1: Tout être humain
a droit à la vie, à la liberté, à la sécurité
et à l’intégrité de sa personne.
- Convention relative aux droits de l’enfant26
Paragraphe 6 : Les États
parties reconnaissent que tout enfant a un droit inhérent à
la vie.
Article 37 : Les États parties
veillent à ce que :
- Nul enfant ne soit soumis à la torture ni à des peines
ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Ni la peine
capitale ni l’emprisonnement à vie sans possibilité
de libération ne doivent être prononcés pour les
infractions commises par des personnes âgées de moins
de dix-huit ans;
- La Convention européenne de sauvegarde des droits
de l’homme et des libertés fondamentales27
(Convention européenne)
Paragraphe 3(1) : Nul ne peut être
soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains
ou dégradants.28
- La Convention américaine relative aux droits de
l’homme29
Sous-paragraphe 5(2) (1) : Nul
ne peut être soumis à la torture ni à des peines
ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Toute personne
privée de sa liberté sera traitée avec le respect
dû à la dignité inhérente à la personne
humaine.
4.2.1 Règles d’interprétation en droit
international
Traditionnellement, les tribunaux canadiens ont eu tendance
à trancher les cas en se fondant uniquement sur le droit national.
Depuis l’adoption de la Charte en 1982, le renvoi aux sources internationales
est devenu courant. Il s’agit d’une démarche logique, puisque la
plupart des droits et libertés protégés par la Charte
sont également contenus dans les instruments internationaux de
défense des droits de la personne30.
Les règles d’interprétation relatives
au droit international sont complexes mais, de façon générale,
il existe une présomption en common law selon laquelle les lois
du Canada sont édictées dans l’intention de rendre exécutoires
les obligations internationales du Canada.
La reconnaissance des obligations internationales du
Canada à l’égard des personnes à protéger
en raison de violations de leurs droits fondamentaux constitue un élément
important de la LIPR. La Loi dispose que :
3.(3) L’interprétation et la mise en
oeuvre de la présente loi doivent avoir pour effet :
f) de se conformer aux instruments
internationaux portant sur les droits de l’homme dont le Canada est signataire.
Le rôle des instruments internationaux et de la
jurisprudence dans l’interprétation de dispositions précises
est régi par les principes généraux suivants :
- Une disposition d’un instrument international n’a pas force de loi
au Canada si elle n’est pas explicitement incorporée à
une loi nationale31.
- Dans la mesure du possible, le droit canadien devrait être interprété
conformément au droit international.
- Si le sens d’une disposition du droit national est clair et non ambigu,
la disposition devrait être interprétée conformément
au droit national.
- Si le sens d’une disposition du droit national est ambigu, les tribunaux
canadiens peuvent tenir compte de dispositions analogues dans des instruments
internationaux.
- L’interprétation donnée par les instances étrangères
ou les tribunaux internationaux aux dispositions des instruments internationaux
ou d’autres lois nationales n’a pas force exécutoire, mais est
utile et peut avoir une force persuasive.
- Les valeurs qui se reflètent dans les lois internationales
sur les droits de la personne peuvent aider à éclairer
l’approche contextuelle à l’égard de l’interprétation
législative.
La Cour suprême du Canada, dans Baker32,
s’est penchée sur le rôle du droit international pour trancher
la question de l’intérêt supérieur des enfants dans
le contexte de la demande présentée par leur mère
pour des raisons d’ordre humanitaire. Les observations suivantes de la
majorité sont utiles en ce qui concerne le rôle des instruments
internationaux dans l’interprétation des droits de la personne.
La SPR et la SAR devraient adopter l’approche contextuelle préconisée
par la Cour suprême au moment d’évaluer la question de savoir
si le risque auquel est exposé une personne constitue un risque
de persécution, de torture, ou de traitements ou peines cruels
et inusités.
[69] Un autre indice de l’importance de tenir
compte de l’intérêt des enfants dans une décision
d’ordre humanitaire est la ratification par le Canada de la Convention
relative aux droits de l’enfant, et la reconnaissance de l’importance
des droits des enfants et de l’intérêt supérieur des
enfants dans d’autres instruments internationaux ratifiés par le
Canada. Les conventions et les traités internationaux ne
font pas partie du droit canadien à moins d’être rendus applicables
par la loi: Francis c. The Queen, [1956] R.C.S. 618,
à la p. 621; Capital Cities Communications Inc. c. Conseil
de la Radio-Télévision canadienne, [1978] 2 R.C.S. 141,
aux pp. 172-73. Je suis d’accord avec l’intimé et la Cour
d’appel que la Convention n’a pas été mise en vigueur par
le Parlement. Ses dispositions n’ont donc aucune application directe au
Canada.
[70] Les valeurs exprimées dans
le droit international des droits de la personne peuvent, toutefois, être
prises en compte dans l’approche contextuelle de l’interprétation
des lois et en matière de contrôle judiciaire. Comme
le dit R. Sullivan, Driedger on the Construction of Statutes
(3e éd. 1994), à la
p. 330 :
[traduction] [L]a législature est présumée
respecter les valeurs et les principes contenus dans le droit international,
coutumier et conventionnel. Ces principes font partie du cadre juridique
au sein duquel une loi est adoptée et interprétée.
Par conséquent, dans la mesure du possible,
il est préférable d’adopter des interprétations qui
correspondent à ces valeurs et à ces principes. [Nous
soulignons.]
D’autres pays de common law ont aussi mis en
relief le rôle important du droit international des droits de la
personne dans l’interprétation du droit interne : voir, par
exemple, Tavita c. Minister of Immigration, [1994] 2 N.Z.L.R. 257
(C.A.), à la
p. 266; Vishaka c. Rajasthan, [1997] 3 nbsp;361 (C.S. Inde),
à la p. 367. Il a également une incidence cruciale
sur l’interprétation de l’étendue des droits garantis par
la Charte : Slaight Communications, précité;
R. c. Keegstra, [1990] 3 R.C.S. 697.
[Nous soulignons.]
[71] Les valeurs et les principes de la Convention
reconnaissent l’importance d’être attentif aux droits des enfants
et à leur intérêt supérieur dans les décisions
qui ont une incidence sur leur avenir. En outre, le préambule,
rappelant la Déclaration universelle des droits de l’homme,
reconnaît que « l’enfance a droit à une aide et
à une assistance spéciales ». D’autres instruments
internationaux mettent également l’accent sur la grande valeur
à accorder à la protection des enfants, à leurs besoins
et à leurs intérêts. La Déclaration des
droits de l’enfant (1959) de l’Organisation des Nations Unies, dans
son préambule, dit que l’enfant « a besoin d’une protection
spéciale et de soins spéciaux ». Les principes
de la Convention et d’autres instruments internationaux accordent une
importance spéciale à la protection des enfants et de l’enfance,
et à l’attention particulière que méritent leurs
intérêts, besoins et droits. Ils aident à démontrer
les valeurs qui sont essentielles pour déterminer si la décision
en l’espèce constituait un exercice raisonnable du pouvoir en matière
humanitaire.
La SPR et la SAR auront la tâche de déterminer
ce qui constitue une menace à la vie ou un risque de traitements
ou peines cruels et inusités. La « menace à la
vie » n’est pas ambiguë parce qu’il n’a pas de déterminant.
Toutefois, les termes « traitements ou peines »
sont qualifiés par les termes « cruels et inusités ».
Ces déterminants ne sont pas définis dans le texte de loi
et leur sens devra être interprété. Par analogie,
le terme « persécution » qui figure dans
la définition de réfugié au sens de la Convention
n’est pas défini non plus.
Pour déterminer le sens des mots « cruels
et inusités », la SPR et la SAR devront tenir compte
de l’interprétation donnée à ces termes dans la jurisprudence
canadienne et internationale. Il faut souligner que, dans le contexte
de l’immigration, ces termes n’ont pas été interprétés
par rapport aux actions des États étrangers ou des acteurs
non étatiques, puisque les mots utilisés dans les régimes
antérieurs d’évaluation des risques n’étaient pas
les mêmes (les dispositions réglementaires relatives à
la CDNRSRC
parlent de « sanctions excessives » et de « traitement
inhumain »33).
Comme ces mots figurent dans la Déclaration canadienne des
droits et dans la Charte, les cas canadiens qui contribuent à
l’interprétation de ces lois revêtiront la plus haute importance.
Nous devrions toutefois souligner que nombre de cas portent sur des actions
de l’État canadien (les cas qui traitent des actions d’autres États
mettent en cause des demandes d’extradition) et leur applicabilité
doit donc être minutieusement évaluée. La jurisprudence
internationale interprétant des dispositions analogues dans les
instruments internationaux sera également utile, conformément
aux principes généraux d’interprétation exposés
précédemment. Naturellement, comme cela a été
souligné dans Baker, les instruments internationaux de
défense des droits de la personne sont importants parce que les
valeurs qu’ils reflètent aident à éclairer l’approche
contextuelle à l’égard de l’interprétation des lois.
Les sections qui suivent examineront les sources d’interprétation
qui peuvent aider la SPR et la SAR à évaluer les motifs
de risque prévus à l’alinéa 97(1)b).
4.3. Régime de traitement des demandes
de la CDNRSRC
On peut trouver certaines orientations dans les lignes
directrices relatives à la CDNRSRC34.
Bien qu’elles ne définissent pas vraiment les expressions « menace
à la vie », « sanctions excessives »
ou « traitement inhumain », elles les assimilent
à des violations des droits fondamentaux, comme des affronts à
l’intégrité physique et psychologique de la personne. À
ce propos, l’approche concernant le sens de « menace à
la vie » et de « risque de sanctions excessives
ou de traitement inhumain » reflète celle de la SSR
à l’égard de la définition de « persécution »,
en ce que les deux renvoient à des instruments de défense
des droits de la personne aux fins d’orientation.
4.3.1. Jurisprudence de la Cour fédérale
concernant la CDNRSRC
Des arrêts de la Cour fédérale examinant
des décisions relatives à la CDNRSRC
peuvent éclairer les interprétations possibles de menace
à la vie et de risque de traitements ou peines cruels et inusités.
Il a été déterminé que les extorsions de la
part d’éléments criminels35
et les sévices graves durant une enquête criminelle (en Iran)36
étaient des circonstances qu’il convenait d’examiner dans le cadre
d’une demande de la CDNRSRC. Des sanctions non draconiennes imposées
pour le refus de servir dans l’armée37
et une peine allant de six mois à cinq ans pour insoumissioN38
n’ont pas été considérées comme des sanctions
excessives ou un traitement inhumain. Des incidents de harcèlement
et de discrimination ont été jugés comme ne constituant
pas un traitement inhumaiN39.
Les risques associés à l’incarcération arbitraire
(Tamouls au Sri Lanka) peuvent donner lieu à la conclusion qu’il
y a menace à la vie ou risque de sanctions excessives ou de traitements
inhumains40.
De façon plus générale, l’affaire Sinnappu41
comprend une analyse détaillée du processus de traitement
des demandes de la CDNRSRC
fondée sur les éléments de preuve présentés
par des agents de l’immigration.
4.4 Jurisprudence portant sur la Charte
- Le critère à utiliser pour déterminer si une
peine est contraire à l’article 12 de la Charte est la
proportionnalité : la peine est-elle excessive au point
de faire outrage aux normes de la convenance? Est-elle disproportionnée
par rapport à l’infraction et au délinquant?
- Au nombre des facteurs pertinents pour déterminer si un traitement
est cruel et inusité figurent les suivants : le traitement
est-il conforme aux normes publiques de la décence et de ce
qui est acceptable? Est-il inutile, compte tenu de l’existence de
solutions de rechange convenables? Peut-il être appliqué
sur une base rationnelle et conformément à des normes
déterminées ou déterminables?
- Sous l’angle de l’article 7 de la Charte, la question est de
savoir si la peine ou le traitement viole notre sens de la justice
fondamentale.
- Une autre façon de faire état du critère est
de demander si la peine ou le traitement choque la conscience.
- Si une peine ou un traitement est contraire à la justice
fondamentale, il est probablement imposé au mépris des
normes internationales.
La jurisprudence sur l’interprétation de l’article 12
de la Charte, dans la mesure où elle interprète l’expression
« traitements ou peines cruels et inusités »,
peut être utile à la SPR et à la SAR. Il faut toutefois
souligner que le sous-alinéa 97(1)b)(iii) exclut
les risques inhérents ou occasionnés par des sanctions légitimes,
à moins qu’ils soient imposés
au mépris des normes internationales reconnues.
4.4.1. Peine cruelle et inusitée
Les principes directeurs42
pour interpréter si une peine donnée est contraire à
l’article 12 de la Charte ont été énoncés
par la Cour suprême du Canada dans la décision R. c.
Smith43.
La norme à appliquer pour déterminer si une peine est cruelle
et inusitée est de vérifier si la peine est excessive au
point de faire outrage aux normes de la convenance et de primer toutes
les limites rationnelles de la peine. Il s’agit d’un critère de
proportionnalité : la peine est-elle disproportionnée
par rapport à l’infraction et au délinquant? Autrement dit,
la peine est-elle outrageusement disproportionnée par rapport à
la gravité inhérente de l’infraction? (Dans Smith,
la Cour devait déterminer si la peine minimale obligatoire de sept
ans pour trafic de stupéfiants enfreignait l’article 12. La
majorité a soutenu que c’était le cas.)
4.4.2. Traitement cruel et inusité
Dans Soenen c. Thomas44,
la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta était d’avis que le principe
de la proportionnalité appliqué pour déterminer si
une peine est cruelle et inusitée n’est pas applicable à
la question de savoir si un traitement est cruel ou inusité. Au
nombre des facteurs pertinents pour déterminer si un traitement
est cruel ou inusité figurent les suivants : le traitement
est-il conforme aux normes publiques de la décence et de ce qui
est acceptable? Est-il inutile, compte tenu de l’existence de solutions
de rechange convenables? Peut-il être appliqué sur une base
rationnelle et conformément à des normes déterminées
ou déterminables? (Dans ce cas, la question que devait trancher
la Cour était de déterminer si les limites imposées
aux privilèges de visite, à l’accès à l’exercice
en plein air, et les méthodes de fouille et de traitement durant
l’emprisonnement avant la tenue du procès constituaient un traitement
cruel ou inusité. La Cour a déterminé que ce n’était
pas le cas.)
4.4.3. Cruel et inusité : des termes
conjonctifs?
Quant à savoir si les termes « cruels
et inusités » devaient être interprétés
comme étant conjonctifs (c. -à-d. que la peine ou le traitement
doivent être cruels et inusités), les juges majoritaires
de la Cour suprême du Canada dans R. c. Miller et
Cockriell45
(interprétant le libellé de la Déclaration canadienne
des droits) ont conclu que l’expression devait être interprétée
de cette façon. Dans un jugement concordant, le juge Laskin, C.C.M.,
aurait adopté une approche plus souple et interprété
les mots comme des expressions interdépendantes qui se colorent
mutuellement. L’approche préconisée par le juge Laskin semble
avoir été suivie dans un certain nombre d’affaires subséquentes,
du moins par certains juges, y compris des juges de la Cour suprême
du Canada. Voir par exemple le jugement du juge Lamer (motifs concordants
du juge en chef Dickson) dans R. c. Smith46.
4.4.4. Critères généraux
découlant de la jurisprudence canadienne
Le juge Lamer dans R. c. Smith47
a souligné que les tribunaux qui ont interprété l’alinéa 2b)
de la Déclaration canadienne des droits ont peu parlé
de la signification de « peine ou traitement cruels et inusités ».
Il a toutefois ajouté que l’on pouvait trouver certaines orientations
auprès d’une minorité de juges. Il a indiqué que
les critères avaient été utilement synthétisés
par le professeur Tarnopolsky dans un article intitulé « Just
Deserts or Cruel and Unusual Treatment or Punishment? Where Do We Look
for Guidance?48 »,
de la façon suivante :
- La peine va-t-elle au delà de ce qui est nécessaire
pour atteindre un objectif pénal légitime?
- Est-elle inutile pour le motif qu’il existe des solutions de rechange
appropriées?
- Est-elle inacceptable pour une grande partie de la population?
- Est-elle de nature à ne pouvoir être infligée
sur une base rationnelle conformément à des normes vérifiées
ou vérifiables?
- Est-elle infligée arbitrairement?
- Est-elle sans valeur à toute fin de réinsertion sociale,
de réhabilitation, de dissuasion ou de rétribution?
- S’accorde-t-elle avec les normes publiques de la décence ou
de ce qui est acceptable?
- La peine est-elle de nature à choquer la conscience collective
ou à être intolérable sur le plan de l’équité
fondamentale?
- Est-elle d’une sévérité inusitée et donc
dégradante pour la dignité et la valeur de l’être
humain?
4.4.5. Expulsion
Un certain nombre de causes interprétant l’alinéa 2b)
de la Déclaration canadienne des droits ou l’article 12
de la Charte ont été soulevées dans le contexte de
l’immigration. Les questions en litige mettent habituellement en cause
le renvoi du Canada, des retards dans le traitement des demandes, des
attestations de sécurité et des avis de danger. Essentiellement,
les causes traitent de mesures prises par le gouvernement du Canada, et
les tribunaux ont eu tendance à les analyser sous cet angle. Aussi,
il n’existe pas beaucoup d’orientations en ce qui a trait aux agissements
des États étrangers (ou des parties non étatiques)
qui peuvent constituer une peine ou un traitement cruels et inusités.
La jurisprudence continue-t-elle aussi d’évoluer. Voici un échantillon
de cas limité :
- La Section de première instance de la Cour fédérale
dans Gittens (in re)49
a préféré l’approche suivie par le juge Laskin
dans Miller et Cockriell50
et a conclu que l’expulsion n’était pas une peine
cruelle et inusitée.
- Dans Chiarelli51,
la Cour suprême du Canada a convenu que l’expulsion d’un résident
permanent n’est pas imposée comme peine et que, si l’on suppose
qu’il s’agit d’un traitement, il n’est pas cruel et inusité.
On ne peut dire que l’expulsion d’un résident permanent qui a
délibérément enfreint une condition essentielle
de l’autorisation de séjour au Canada en commettant une grave
infraction criminelle fait outrage aux normes de la décence.
La Cour en est arrivée à la même conclusion dans
Canepa52,
mais a souligné que la question semblait demeurer ouverte en
ce qui a trait au « traitement ».
- Dans Barrera53,
la Cour fédérale se penchait sur la question de savoir
si l’expulsion d’un réfugié au sens de la Convention était
contraire à l’article 12 de la Charte. Elle a conclu que
la question demeurait ouverte mais, dans ce cas particulier, elle était
prématurée parce que l’appelant ne s’en prenait pas au
bon décideur, à savoir, le ministre, mais à la
Section d’appel de la CISR.
- DansNguyen54,
le juge Marceau a observé ce qui suit dans une remarque incidente :
[
] Je serais toutefois d’avis que le
ministre violerait carrément la Charte s’il prétendait
exécuter une mesure d’expulsion en forçant l’intéressé
à retourner dans un pays où, selon la preuve, il serait
torturé et peut être mis à mort. Il me semble que
ce serait participer à un traitement cruel et inusité
au sens de l’article 12 de la Charte ou, à tout le moins,
commettre un outrage aux normes publiques de la décence, en violation
des principes de justice fondamentale visés à l’article 7
de la Charte. Il existe des moyens d’enjoindre au ministre de ne pas
agir en violation de la Charte.
- Toutefois, dans Suresh55,
la Cour suprême du Canada a examiné la question de l’expulsion
impliquant un risque de torture. Elle a noté le fait que la Charte
confirme l’opposition du Canada à la torture sanctionnée
par l’État en interdisant, à l’article 12, les traitements
ou peines cruels et inusités. Elle a ensuite examiné la
question de savoir si l’expulsion impliquant un risque de torture viole
les principes de justice fondamentale visés à l’article
7 de la Charte. Le droit international rejette les expulsions impliquant
un risque de torture, même lorsque la sécurité nationale
est en jeu; il s'agit de la norme qui nous éclaire le plus sur
le contenu des principes de justice fondamentale garantis à l'article 7
de la Charte.
4.4.6. Peine de mort
Avant l’abolition de la peine de mort au Canada, la
Cour suprême, dans R c. Miller et Cockriell56,
a conclu que la peine de mort obligatoire pour un meurtre ne constituait
pas une peine cruelle et inusitée aux termes de l’alinéa 2b)
de la Déclaration canadienne des droits. Depuis l’abolition
de la peine capitale, il n’a pas été nécessaire de
déterminer si la peine de mort est contraire à l’article 12
de la Charte.
Cependant, dans Kindler57,
la Cour suprême a considéré si l’extradition (remise
inconditionnelle) d’une personne aux États-Unis, où elle
pourrait se voir imposer la peine de mort, contrevenait à l’article 12
de la Charte.La majorité a soutenu que ce n’était
pas le cas, que la peine qui pourrait être imposée par la
cession du fugitif serait le résultat de lois et d’actes d’un autre
État. À l’opposé, le jugement dissident aurait soutenu
que si le Canada avait remis M. Kindler aux États-Unis sans
chercher à obtenir de garanties du gouvernement des États-Unis
que la peine de mort ne serait pas imposée, cela serait contraire
à l’article 12 de la Charte. (Le jugement dissident
du juge Cory dans Kindler conclut explicitement que la peine
capitale, les châtiments corporels, la lobotomie et la castration
constituent des traitements cruels et inusités).
Le prononcé le plus récent de la Cour
suprême du Canada relativement à cette question est Burns58.
Dans un jugement unanime, la Cour a décrété que l’extradition
sans garantie que la peine de mort ne serait pas imposée serait
contraire à l’article 7 de la Charte dans tous les cas, à
quelques exceptions près. La Cour était d’accord avec l’opinion
énoncée dans Kindler, selon laquelle, étant
donné la faiblesse du lien causal entre l’imposition possible de
la peine capitale par un autre État et l’acte d’extrader le fugitif,
l’article 12 de la Charte ne s’appliquait pas directement. La peine
ou le traitement ne serait pas imposé par le Canada. La question
appropriée était de savoir si l’extradition sans garantie
enfreindrait les principes de justice fondamentale prévus à
l’article 7. La Cour s’est prononcée sur la question de savoir
si une peine ou un traitement particuliers pouvait faire outrage à
notre sens de la justice fondamentale au point de faire pencher la balance
contre l’extradition. Les exemples pourraient comprendre la mort par lapidation,
le fait de trancher les mains d’un voleur et, en fin de compte, selon
la Cour, l’extradition sans garantie dans tous les cas, à de rares
exceptions près.
4.4.7. Résumé : peines ou
traitements cruels et inusités
Avant de passer à l’examen de l’article 7,
nous pouvons souligner qu’un examen des cas dans lesquels les tribunaux
canadiens ont examiné si les peines ou les traitements sont cruels
et inusités indique qu’en général, les catégories
de circonstances examinées comprennent les suivantes :
- l’imposition de peines minimales obligatoires
- la détention pour une durée indéterminée
- la détention pour cause de maladie mentale
- l’emprisonnement avant la tenue du procès
- les conditions carcérales
- la libération conditionnelle et la liberté surveillée
- les poursuites répétées
Les causes sont généralement tranchées
à l’aide des principes de la proportionnalité énoncés
dans Smith.Un examen rapide de nombreuses causes révèle
que les tribunaux ne concluent pas si souvent à des infractions
à l’article 12.
4.4.8. Peines infligées au mépris
des normes internationales
Pour revenir à l’article 7 et au concept
de justice fondamentale, la SPR et la SAR devront déterminer à
quel moment une peine imposée conformément à des
sanctions légitimes est imposée au mépris des normes
internationales reconnues. La question de déterminer si un traitement
ou une peine est contraire à la justice fondamentale en vertu de
l’article 7 est-elle la même que celle de déterminer
si une peine est imposée au mépris des normes internationales?
TCela nous amène à la question de savoir
quels sont les principes de justice fondamentale. Dans Renvoi relatif
à la B.C. Motor Vehicle Act59,
le juge Lamer a reconnu le rôle joué par le droit et l’opinion
internationaux pour élucider cette question :
Ils [principes de justice fondamentale] représentent
des principes reconnus par la common law, par les conventions internationales
et par l’enchâssement même de la Charte en tant qu’éléments
essentiels d’un système d’administration de la justice fondée
sur la foi en la dignité et en la valeur de la personne humaine
et sur la primauté du droit.60
Dans Burns, la Cour suprême a examiné
les initiatives et pratiques abolitionnistes internationales pour trancher
la question de savoir si l’extradition sans garantie serait contraire
à l’article 7 de la Charte. La Cour a conclu ce qui suit :
[92] L’existence d’une tendance internationale
favorable à l’abolition de la peine de mort est utile pour apprécier
nos valeurs par rapport à celles d’États comparables au
Canada. Cette tendance étaye certaines conclusions pertinentes.
Premièrement, suivant les normes internationales, la justice criminelle
tend vers l’abolition de la peine de mort. Deuxièmement, cette
tendance est plus marquée dans les États démocratiques
dotés d’un système de justice criminelle comparable au nôtre.
Les États-Unis (ou plus précisément les parties des
États-Unis qui maintiennent la peine de mort) constituent l’exception,
quoiqu’il s’agisse évidemment d’une exception importante. Troisièmement,
la tendance abolitionniste qui se manifeste dans les démocraties,
en particulier les démocraties occidentales, reflète et
vient peut-être même corroborer les principes de justice fondamentale
qui ont mené à l’abolition de la peine de mort au Canada.
Compte tenu de ces observations, il semblerait opportun
de conclure que, si une peine ou un traitement était contraire
à la justice fondamentale, il serait également contraire
aux normes internationales.
4.5 Jurisprudence internationale
4.5.1. Cour européenne des droits de l’homme61
(CEDH)
Les causes qui suivent interprètent l’article 3
de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme
et des libertés fondamentales, qui dispose ce qui suit :
Nul ne peut être soumis à la torture
ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants.
4.5.1.1. Traitement inhumain ou dégradant :
principes juridiques
- Dans Aydin c.Turquie (25 septembre 1997), la Cour
a souligné la distinction entre la torture et une peine ou un
traitement inhumains. Elle a conclu que l’infamie spéciale de
la « torture » marque les seuls « traitements
inhumains délibérés provoquant de fort graves et
cruelles souffrances62 ».
Dans cette affaire, une jeune fille de 17 ans a eu les yeux bandés,
a été détenue par des gendarmes pendant trois jours,
violée par un individu en uniforme militaire, dévêtue,
frappée, giflée, menacée, injuriée, interrogée
par des inconnus et arrosée avec de puissants jets d’eau froide
pendant qu’on la faisait tourner dans un pneu de voiture. La Cour a
conclu que ces sévices équivalaient à de la torture.
- L’affaire Tyrer (15 mars 1978) mettait en cause
la peine imposée à un jeune homme de quinze ans reconnu
coupable d’agression causant des blessures corporelles. La peine –
trois coups de canne – a été exécutée
plusieurs semaines après avoir été imposée.
La Cour a conclu que les souffrances du requérant ne constituaient
pas de la torture ou une peine inhumaine; il s’agissait de déterminer
s’il s’agissait d’une peine dégradante. La Cour a souligné
qu’il existe une distinction entre une peine dégradante et une
peine en général. Pour qu’une peine soit dégradante,
l’humiliation ou l’avilissement dont elle s’accompagne doivent se situer
à un niveau particulier plus élevé que le niveau
associé à la peine en général. L’évaluation
pour déterminer si une peine est dégradante est relative
et dépend de l’ensemble des circonstances de la cause, et notamment
de la nature et du contexte de la peine, ainsi que de ses modalités
d’exécution.
Dans Tyrer, les facteurs suivants ont été
pris en considération : le caractère institutionnalisé
de la violence par laquelle le requérant a été
traité comme un objet par un représentant de l’État;
la procédure officielle lors de l’exécution de la peine;
la fustigation par de purs inconnus; les coups de verge sur le postérieur
nu; la douleur physique et les semaines d’anticipation. D’après
ces considérations, la Cour a conclu que les coups de verge
constituaient une peine dégradante.
La Cour a également souligné qu’une peine ne perd
pas son caractère dégradant simplement parce qu’il s’agit
d’un dissuasif efficace ou qu’elle aide à lutter contre le
crime. La Cour a conclu que, si la publicité est un facteur
pertinent, son absence n’empêche pas une peine d’être
dégradante; les victimes peuvent en effet être humiliées
à leurs propres yeux.
- Dans l’affaire Soering (26 juin 1998), la Cour
a examiné si l’extradition de Grande-Bretagne d’un ressortissant
allemand recherché pour meurtre aux États-Unis contrevenait
à l’article 363.
La Cour a conclu que si le requérant était extradé,
il risquerait de subir une peine ou un traitement inhumains ou dégradants,
notamment l’imposition de la peine de mort et l’exposition au « syndrome
du couloir de la mort ». La Cour a souligné qu’un
mauvais traitement, y compris une peine, doit atteindre un minimum de
gravité pour tomber sous le coup de l’article 364 :
L’appréciation de ce minimum est relative
par essence; elle dépend de l’ensemble des données de
la cause, et notamment de la nature et du contexte du traitement ou
de la peine ainsi que de ses modalités d’exécution, de
sa durée, de ses effets physiques ou mentaux ainsi que, parfois,
du sexe, de l’âge et de l’état de santé de la victime.
La Cour a estimé un certain traitement à
la fois « inhumain », pour avoir été
appliqué avec préméditation pendant des heures
et avoir causé « sinon de véritables lésions,
du moins de vives souffrances physiques et morales », et
« dégradant » parce que de « nature
à créer [en ses victimes] des sentiments de peur, d’angoisse
et d’infériorité propres à les humilier, à
les avilir et à briser éventuellement leur résistance
physique ou morale ». [
] Pour qu’une peine ou le traitement
dont elle s’accompagne soient « inhumains » ou
« dégradants », la souffrance ou l’humiliation
doivent en tout cas aller au-delà de celles que comporte inévitablement
une forme donnée de peine légitime [
]. En la matière,
il s’agissait de tenir compte non seulement de la souffrance physique
mais aussi, en cas de long délai avant l’exécution de
la peine, de l’angoisse morale éprouvée par le condamné
dans l’attente des violences qu’on se prépare à lui infliger.
[Les références ont été omises]
La Cour a conclu que, dans l’ensemble, la Convention ne comporte pas
d’interdiction générale de la peine de mort; l’article 3
ne peut donc être interprété comme interdisant la
peine de mort. Dans cette affaire, la Cour a pris en considération
la durée de la détention avant l’exécution, les
conditions de détention dans le couloir de la mort, l’âge
et l’état mental du requérant et les possibilités
d’extradition vers l’Allemagne. La Cour a déterminé que
la prise en compte de ces facteurs lui permettait de conclure que l’extradition
vers les États-Unis contreviendrait à l’article 3.
- Dans Tomasi c. France (25 juin 1992), le requérant
a été gardé en détention et interrogé.
La Cour a conclu que la multiplicité et l’intensité des
coups infligés à l’intéressé suffisaient
pour conférer à ce traitement un caractère inhumain
et dégradant65.
La Cour a souligné que lorsqu’une personne est en bonne santé
au moment où elle est amenée en garde à vue et
qu’elle est blessée lorsqu’elle est libérée, il
incombe à l’État de donner une explication plausible pour
justifier les blessures. Le défaut de donner cette explication
soulève une question en vertu de l’article 3.
Dans son opinion concordante, le juge de Meyer a soutenu ce qui suit :
A l’égard d’une personne privée
de sa liberté, tout usage de la force physique qui n’est pas
rendu strictement nécessaire par son propre comportement porte
atteinte à la dignité humaine et doit, dès lors,
être considéré comme une violation du droit garanti
par l’article 3 (art. 3) de la Convention.
Au nombre des exemples de conduite susceptible de nécessiter
le recours à la force figuraient les tentatives d’évasion
et les actes commis contre soi ou contre autrui.
- Dans Raninen c. Finlande (16 décembre 1997),
l’intéressé s’est plaint de s’être fait passer les
menottes pendant son transfert d’une prison de comté à
un hôpital militaire. Il a prétendu avoir été
victime d’un traitement dégradant. La Cour s’est fondée
sur le critère du niveau de gravité minimal énoncé
dans l’arrêt Irlande c. Royaume-Uni. Elle a également
souligné que, pour déterminer si une peine ou un traitement
est « dégradant », la Cour doit examiner
si le but était d’humilier et de rabaisser l’intéressé.
Enfin, la Cour doit examiner si le traitement ou la peine a atteint
la personnalité de l’intéressé d’une manière
incompatible avec l’article 3. À cet égard, le caractère
public de la sanction ou du traitement peut constituer un élément
pertinent. Cependant, la publicité n’est pas nécessaire,
puisque la victime peut être humiliée à ses propres
yeux, même si elle ne l’est pas à ceux d’autrui.66
La Cour a conclu que le menottage, lorsqu’il est lié à
une arrestation ou une détention légales et n’entraîne
pas l’usage de la force, ni d’exposition publique, au-delà
de ce qui est raisonnablement considéré comme nécessaire
dans les circonstances de l’espèce, ne constitue pas normalement
un traitement dégradant. Dans ce cas, le port de menottes était
inutile, imposé dans le contexte d’une arrestation et d’une
détention irrégulières, et l’intéressé
a été brièvement exposé au public. Bien
que le requérant ait dit s’être senti humilié,
la Cour n’était pas convaincue que le port de menottes a nui
à l’état psychique de l’intéressé. De
plus, ce dernier n’a pas établi que le menottage visait à
l’avilir ou à l’humilier. Le port de menottes n’a pas non plus
nui physiquement à l’intéressé. Pour ces motifs,
la Cour a déterminé qu’il n’y avait pas eu infraction
à l’article 3.
4.5.1.2. Responsabilité pénale
des mineurs
- Dans les affaires T. c. Royaume-Uni et V. c. Royaume-Uni
(16 décembre 1999) [1999] T.N.L.R. No 907),
la Cour a examiné si l’attribution d’une responsabilité
pénale (condamnations pour l’enlèvement et le meurtre
d’un garçonnet de deux ans) aux requérants relativement
à des actes commis à l’âge de 10 ans pouvait
en soi constituer un traitement inhumain ou dégradant. La Cour
a conclu que ce n’était pas le cas. Elle a souligné qu’il
n’y avait pas de consensus entre les États membres du Conseil
de l’Europe quant à l’âge minimum pour l’attribution de
la responsabilité pénale et qu’aucune tendance claire
ne pouvait être établie avec certitude à l’examen
des textes et instruments internationaux pertinents, y compris la Convention
relative aux droits de l’enfant des Nations Unies.
4.5.1.3. Conditions d’arrestation et de détention
- Dans Irlande c. Royaume-Uni (13 décembre 1977),
la Cour a examiné si certaines méthodes d’interrogatoire
utilisées par le Royaume-Uni dans certains centres de détention
enfreignaient l’article 3 de la Convention de sauvegarde des
droits de l’homme et des libertés fondamentales, notamment :
1) station debout contre un mur (station, bras et jambes écartés,
contre un mur, les doigts s’y appuyant bien au-dessus de la tête,
les membres inférieurs éloignés l’un de l’autre
et les pieds en arrière, ce qui obligeait le sujet à se
dresser sur les orteils, le poids du corps portant pour l’essentiel
sur les doigts; 2) encapuchonnement (la tête des détenus
était recouverte d’un sac noir ou bleu marine qui, au moins au
début, y demeurait en permanence sauf pendant les interrogatoires;
3) bruit (exposition à un fort sifflement continu); 4) privation
de sommeil; 5) privation de nourriture solide et liquide.
La Cour a noté qu’employées cumulativement, avec préméditation
et durant de longues heures, ces cinq techniques ont causé à
ceux qui les subissaient sinon de véritables lésions,
du moins de vives souffrances physiques et morales; elles ont entraîné
de surcroît chez eux des troubles psychiques aigus en cours d’interrogatoire.
Partant, elles s’analysaient en un traitement inhumain au sens de l’article 3.
Elles revêtaient en outre un caractère dégradant
car elles étaient de nature à créer chez les victimes
des sentiments de peur, d’angoisse et d’infériorité propres
à les humilier, à les avilir et à briser éventuellement
leur résistance physique ou morale. Pour déterminer s’il
y avait lieu de qualifier les cinq techniques de torture, la Cour a
souligné que cela dépendait principalement de l’intensité
des souffrances infligées. Elle a renvoyé à la
résolution 3452 (XXX), adoptée par l’Assemblée
Générale des Nations Unies le 9 décembre 1975,
laquelle déclare : « La torture constitue une
forme aggravée et délibérée de peines ou
de traitements cruels, inhumains ou dégradants »,
et la Cour a conclu que les cinq techniques ne constituaient pas de
la torture67.
- Dans Dougoz c. Grèce (6 juin 2001), le requérant
était un ressortissant syrien. Il s’est plaint de ses conditions
de détention pendant qu’il attendait d’être expulsé
vers la Syrie. La Cour a souligné que les conditions de détention
pouvaient constituer un traitement inhumain ou dégradant. Lorsque
l’on évalue les conditions de détention, il faut tenir
compte des effets cumulatifs de ces conditions. Dans cette affaire,
la Cour a déterminé que l’entassement exagéré
et l’absence d’installations pour dormir, durant une période
de 17 mois, constituait un traitement dégradant et était
contraire à l’article 3.
- Dans Rehbock c. Slovénie (28 novembre 2000),
le requérant se plaignait de traitements inhumains durant son
arrestation et sa détention ultérieure. La Cour a constaté
qu’il avait subi une double fracture de la mâchoire et des contusions
faciales durant l’arrestation. Elle a déterminé que le
recours à la force a été excessif et injustifié
dans les circonstances et qu’il constituait un traitement inhumain.
La Cour a par ailleurs conclu que le traitement du requérant
durant sa détention, notamment le défaut du personnel
carcéral de lui administrer des analgésiques, à
plusieurs reprises, ne constituait pas un traitement inhumain.
- Dans Egmez c. Chypre (21 décembre 2000),
la Cour a déterminé que le requérant avait subi
des blessures qui lui avaient été infligées de
façon intentionnelle et sans justification par les agents qui
avaient procédé à son arrestation. La Cour a décrété
que les blessures n’étaient pas assez graves pour équivaloir
à de la torture, mais qu’elles constituaient un traitement inhumain.
- Dans Tekin c. Turquie (9 juin 1998), la Cour a déterminé
que les conditions de détention et le traitement infligés
au requérant équivalaient à un traitement inhumain
et dégradant. La Cour a déterminé que le requérant
avait été détenu dans une cellule glaciale et privée
d’éclairage, les yeux bandés, et que le traitement subi
lors de son interrogatoire lui avait laissé des traces de blessures
et des ecchymoses. La Cour a également souligné qu’à
l’égard d’une personne privée de sa liberté, l’usage
de la force physique qui n’est pas rendu strictement nécessaire
par le comportement de ladite personne porte atteinte à la dignité
humaine et constitue, en principe, une violation de l’article 3.
4.5.1.4. Risque de persécution
- Dans Ahmed c. Autriche (27 novembre 1996), il a
été sursis à l’exécution de la mesure d’expulsion
prise contre un réfugié somalien. Ahmed a perdu son statut
de réfugié en 1992, à la suite d’une condamnation
au criminel en Autriche. La Cour a toutefois soutenu que l’expulsion
du requérant serait contraire à l’article 3 en l’exposant
au risque de persécution. La situation en Somalie n’avait pas
changé depuis que le requérant s’était vu reconnaître
le statut de réfugié; le pays demeurait en proie à
une guerre fratricide entre des clans rivaux. Le requérait continuait
de risquer d’être persécuté parce qu’il était
soupçonné d’appartenir à l’un des clans68.
4.5.1.5. Traitement médical69
- L’affaire Bensaid c. Royaume-Uni (6 mai 2001) concernait
l’expulsion d’un Algérien, après que des responsables
de l’immigration eurent constaté qu’il avait obtenu l’autorisation
permanente de demeurer au R.-U. à la suite d’une fraude, son
mariage étant un mariage de convenance. Le requérant était
schizophrène et souffrait d’une maladie mentale chronique. Il
soutenait que son expulsion entraînerait une rechute et la détérioration
de son état en raison de la difficulté d’obtenir des médicaments
ainsi que des tensions et de la violence associées à la
vie dans une région où sévissait le terrorisme
actif. Bien que la Cour ait reconnu qu’en principe, une expulsion ayant
ces conséquences pouvait être contraire à l’article 3,
les risques n’étaient que purement spéculatifs dans cette
affaire.
- Dans Aerts c. Belgique (30 juillet 1998), le requérant
s’était plaint d’avoir été détenu dans l’annexe
psychiatrique d’une prison. Bien que la Cour ait déterminé
que les normes de soins prodigués aux patients n’étaient
pas adéquates du point de vue éthique et humanitaire et
que toute détention prolongée comportait un risque indéniable
de détérioration de la santé mentale, elle n’avait
dans cette affaire aucune preuve de la détérioration de
la santé mentale du requérant. Les effets de sa détention
n’étaient pas suffisamment graves pour constituer un traitement
inhumain ou dégradant70.
- Dans D. c. Royaume-Uni (2 mai 1997), la CEDH a
examiné si le fait de renvoyer dans son pays d’origine, Saint-Kitts,
un passeur de drogue condamné qui en était à un
stade avancé du sida, l’exposerait à un traitement inhumain
ou dégradant contrevenant à l’article 3. La Cour
a conclu que c’était le cas dans les circonstances très
exceptionnelles de cette cause. Elle a souligné que des étrangers
qui avaient purgé leurs peines d’emprisonnement et faisaient
l’objet d’une mesure d’expulsion ne pouvaient en principe prétendre
avoir le droit de demeurer dans le territoire d’un État contractant
pour pouvoir continuer à bénéficier des formes
d’aide médicale, sociale ou autre offertes par l’État
qui les expulsait durant leur séjour en prison.
4.5.1.6. Personnes disparues
- Dans Çakici c. Turquie (8 juillet 1999),
le requérant s’était plaint que la disparition de son
frère avait constitué pour lui personnellement un traitement
inhumaiN71.
La Cour a déterminé que le requérant n’avait pas
été l’objet d’un traitement inhumain et a souligné
qu’il n’existait aucun principe général voulant que les
membres de la famille d’une « personne disparue »
soient par le fait même victimes d’un traitement inhumain.
Le point de savoir si un parent est ainsi
victime dépend de l’existence de facteurs particuliers conférant
à la souffrance du requérant une dimension et un caractère
distincts du désarroi affectif que l’on peut considérer
comme inévitable pour les proches parents d’une personne victime
de violations graves des droits de l’homme. Parmi ces facteurs figureront
la proximité de la parenté – dans ce contexte,
le lien parent-enfant sera privilégié –, les circonstances
particulières de la relation, la mesure dans laquelle le parent
a été témoin des événements en
question, la participation du parent aux tentatives d’obtention de
renseignements sur le disparu, et la manière dont les autorités
ont réagi à ces demandes. La Cour souligne en outre
que l’essence d’une telle violation ne réside pas tant dans
le fait de la « disparition » du membre de la
famille que dans les réactions et le comportement des autorités
face à la situation qui leur a été signalée.
C’est notamment au regard de ce dernier élément qu’un
parent peut se prétendre directement victime du comportement
des autorités.
- L’affaire Çiçek c.Turquie (5 septembre 2001)
concernait la disparition des deux fils et du petit-fils de la requérante.
La Cour n’a pu conclure à la violation de l’article 3 relativement
aux fils ou au petit-fils de la requérante, en l’absence de fondement
probatoire; les disparitions étant caractérisées
par l’absence totale d’information, toute conclusion quant au traitement
subi par les personnes disparues n’aurait été que pure
spéculation. La Cour a toutefois conclu à une infraction
à l’article 3 à l’égard de la requérante.
Cette dernière a présenté des demandes au ministère
public après les disparitions, mais ses préoccupations
n’ont pas été traitées avec sérieux. Elle
avait été sans nouvelle de ses fils pendant près
de six ans. La Cour a déterminé que l’incertitude, le
doute et l’appréhension pendant si longtemps avaient causé
à la requérante des souffrances et de l’anxiété
graves qui constituaient une infraction à l’article 3.
- Dans Mahmut Kaya c.Turquie (28 mars 2000), la Cour
a constaté que les circonstances exactes dans lesquelles le frère
défunt du requérant avait été détenu
et s’était vu infliger les blessures corporelles relevées
à l’autopsie n’étaient pas connues. Les preuves médicales
disponibles ne permettaient pas non plus d’établir que ces souffrances
pouvaient être qualifiées de très graves et cruelles
et qu’elles constituaient de la torture. Il était toutefois indubitable
que les traitements que l’intéressé avait endurés –
poignets attachés avec du fil de fer qui lui a entaillé
les chairs et pieds immergés de façon prolongée
dans l’eau ou la neige – constituaient des traitements inhumains
et dégradants.
4.5.1.7. Destruction de biens
- Dans l'affaire Seçluk et Asker c. Turquie (24 avril 1998),
les maisons des requérants avaient été incendiées
par les gendarmes, et les villageois avaient été empêchés
d'éteindre le feu, qui a détruit les propriétés
et la majorité de leur contenu. Un peu plus tard, un moulin appartenant
à l'un des requérants avait été incendié
et détruit. Les requérants ont quitté leur village.
Deux des requérants étaient âgés de 54 et
de 60 ans, respectivement, et avaient vécu toute leur vie dans
le village. Leur maison et leur propriété avaient été
détruites dans un incendie prémédité allumé
par les forces de l'ordre, privant les requérants de leur gagne-pain
et les forçant à quitter leur village. Les requérants
avaient été pris par surprise et avaient dû assister
à l'incendie de leurs maisons. Des précautions insuffisantes
avaient été prises pour assurer leur sécurité,
leurs protestations n'avaient pas été entendues et aucune
aide ne leur avait été prodiguée par la suite.
La Cour a soutenu que les souffrances des requérants avaient
été suffisamment graves pour que les actes des forces
de l'ordre soient qualifiés de traitements inhumains.
- Pareillement, dans Dulas c. Turquie (3 janvier 2001), la maison et
la propriété de la requérante avaient été
incendiées sous ses yeux, elle avait été expulsée
par la force, laissée dans la misère et sans sécurité72.
La requérante était âgée de plus de 70 ans
au moment où sa maison avait été détruite,
elle s'était retrouvée sans abri ou soutien et avait dû
quitter le village où elle avait vécu toute sa vie. La
Cour a décrété que les actes qui avaient causé
ses souffrances constituaient un traitement inhumain et dégradant.
4.5.1.8. Divers
- Dans A. c. Royaume-Uni (23 septembre 1998), la
Cour a conclu que l’État n’avait pas protégé le
plaignant de neuf ans des coups (avec une tige) administrés par
son beau-père. Ce dernier avait été acquitté
d’une accusation de voies de fait. La Cour a conclu que les coups étaient
contraires à l’article 3 et que l’État devait être
tenu responsable de ne pas avoir offert sa protection. Selon le droit
anglais à l’époque, on pouvait alléguer en défense
d’une accusation de voies de fait sur un enfant que le traitement en
question constituait une « correction raisonnable ».
- Par ailleurs, dans un jugement précédent, rendu dans
l’affaire Costello-Roberts c. Royaume-Uni (25 mars 1993),
la Cour a examiné si la « pantouflade »
administrée dans une école privée constituait une
peine dégradante et a conclu que ce n’était pas le cas.
Selon les faits de l’espèce, le directeur a administré
une « pantouflade » au plaignant, lui infligeant
sur le postérieur, par-dessus son short, trois coups de chaussure
de gymnastique à semelle de caoutchouc. La Cour n’a pas trouvé
que la peine enfreignait l’article 3. Elle a noté :
« pour qu’une peine soit "dégradante" et enfreigne
l’article 3 (art. 3), l’humiliation ou l’avilissement dont
elle s’accompagne doivent se situer à un niveau particulier et
différer en tout cas de l’élément habituel d’humiliation
inhérent à chaque peine. En interdisant expressément
les peines "inhumaines" et "dégradantes", l’article 3 (art. 3)
implique du reste qu’elles ne se confondent pas avec les peines en général. »
- L’affaire Nsona c.Pays-Bas (26 octobre 1996) concernait
le renvoi des Pays-Bas d’une jeune Zaïroise âgée de
neuf ans. La fillette était arrivée aux Pays-Bas en compagnie
d’une femme qui prétendait être la sur de sa mère
décédée. Censément, aucun membre de sa famille
ne vivait au Zaïre. L’enfant a rapidement été renvoyée
des Pays-Bas, en compagnie d’une inconnue qui s’est volatilisée
lorsque l’avion a atterri à Zurich. Le gouvernement des Pays-Bas
a omis de charger une personne responsable de venir accueillir l’enfant
à l’aéroport de Kinshasa. Cependant, nul n’a prétendu
que la santé physique et mentale de la fillette aurait subi des
dommages. La Cour a fait observer que, si les agissements du gouvernement
prêtaient certainement à critique, les circonstances de
l’espèce ne justifiaient pas la conclusion que la fillette avait
été victime d’un traitement inhumain ou dégradant
ou qu’elle avait été exposée à ce risque.
- Dans López Ostra c.Espagne (23 novembre 1994),
la requérante s’est plainte d’avoir été victime
d’un traitement dégradant. Elle vivait à quelques mètres
d’une station industrielle d’épuration d’eaux et de déchets
provenant d’un certain nombre de tanneries. Une défectuosité
a causé des odeurs pestilentielles, du bruit, des émanations
de gaz et des problèmes de santé. La requérante
a prétendu que les effets de la station avaient été
si graves et avaient suscité chez elle une telle angoisse qu’ils
constituaient un traitement dégradant prohibé par l’article 3.
La Cour en a disconvenu. Elle a reconnu que si les conditions dans lesquelles
vivait la requérante étaient très difficiles, elles
ne constituaient pas un traitement dégradant.
- Dans Jabari c.Turquie (11 juillet 2000), la requérante
avait commis l’adultère en Iran et s’était enfuie avant
que des poursuites criminelles soient intentées contre elle.
Elle a allégué que si elle retournait en Iran, elle risquait
d’y subir une peine inhumaine, comme la fustigation, la flagellation
ou la mort par lapidation. La Cour a décrété que
l’expulsion de la requérante de Turquie l’exposerait au risque
de subir un traitement contraire à l’article 3.
- Dans Efstratiou c. Grèce (18 décembre 1996),
la fille des requérants s’est vu imposer une suspension de l’école
après avoir refusé de participer à un défilé
commémorant la fête nationale. Les requérants étaient
témoins de Jéhovah et le refus de leur fille de participer
au défilé découlait de leur croyance au pacifisme,
qui est un dogme fondamental de leur religion. La Cour a conclu que
la suspension ne constituait pas un mauvais traitement atteignant le
niveau de gravité minimum exigé pour être contraire
à l’article 373.
- L’affaire Sevtap Veznedarogluv c.Turquie (11 avril 2000)
est digne de mention. Dans cette affaire, la Cour a conclu que l’inertie
dont ont fait preuve les autorités dans leur enquête sur
les allégations n’était pas conforme aux obligations administratives
que leur confère l’article 3. Le défaut d’enquêter
sur les allégations de torture constituait une infraction à
l’article 3. La Cour a souligné que sans l’obligation de
tenir une enquête officielle sur ces allégations, l’interdiction
prévue à l’article 3 serait inefficace en pratique.
4.5.2. Royaume-Uni : peine cruelle et inusitée
Dans les affaires qui suivent, les tribunaux du R.-U.
ont examiné diverses lois provenant de différents pays du
Commonwealth. Nous les incluons ici parce qu’ils interprètent l’expression
« peine cruelle et inusitée ».
- Dans l’affaire Guerra v. Baptiste (6 novembre 1995),
le Conseil privé a examiné si le délai dans le
couloir de la mort constituait une peine cruelle et inusitée
contraire à la constitution de Trinité-et-Tobago. Il a
conclu que l’exécution de l’appelant après une période
de quatre ans et 10 mois entre l’imposition de la peine de mort
et l’achèvement de tout le processus d’appel constituerait une
peine cruelle et inusitée. De plus, un avis à l’appelant
moins de 17 heures avant son exécution violait ses droits
constitutionnels. La peine a été commuée en peine
d’emprisonnement à perpétuité.
- La Cour d’appel en est arrivée aux mêmes résultats
dans l’affaire Pratt and Another v. Attorney-General for Jamaica
and Another (2 novembre 1993). La Cour a observé
ce qui suit : « [traduction] Il était dans la
nature humaine qu’un homme condamné saisisse toutes les occasions
possibles de sauver sa vie par le recours à la procédure
d’appel. Si ce processus permettait au prisonnier d’étendre les
auditions d’appel sur un certain nombre d’années, il fallait
en rejeter le blâme sur le système d’appel qui permettait
ces délais, et non sur le prisonnier qui en profitait. Les procédures
d’appel répétées sur un certain nombre d’années
n’étaient pas compatibles avec la peine capitale. Le syndrome
du couloir de la mort ne doit pas être établi dans le cadre
de la jurisprudence. » Là encore, les peines ont été
commuées en peines d’emprisonnement à perpétuité.
- Dans Thomas v.Baptiste (Commissioner of Prisons), [1999]
J.C.J. No 12 (P.C.), la Cour d’appel
de Trinité-et-Tobago a autorisé un appel. Les appelants
interjetaient appel de la légalité de leur condamnation
à mort pour meurtre. Ils soutenaient que l’imposition de ces
peines constituerait une peine cruelle et inusitée, compte tenu
de la durée de leur séjour en prison et de leurs conditions
de détention. Le Conseil privé a déterminé
que les périodes de détention avant et après l’instruction
n’étaient pas prolongées au point qu’il deviendrait inconstitutionnel
d’exécuter les peines de mort. Dans le cas de Thomas, ce dernier
avait passé 2 ans et 8 mois en détention avant
le procès et 2 ans et 7 mois après. Hilaire
avait passé un total de 7 ans et 5 mois en détention
avant et après le procès. En ce qui a trait aux conditions
de détention, le Conseil privé a noté que les appelants
avaient été détenus dans des cellules très
étroites et nauséabondes, privés d’exercice et
d’accès à l’air frais pendant de longues périodes
et que, lorsqu’ils étaient autorisés à faire de
l’exercice, ils étaient menottés. Le Conseil privé
s’est demandé si les conditions « [traduction] étaient
exagérément dures et pouvaient à juste titre être
décrites comme cruelles et inusitées ». La
Cour a conclu que la détermination que les conditions carcérales
étaient cruelles et inusitées constituait un jugement
de valeur qui exigeait une analyse des conditions locales, en particulier
dans les pays du tiers monde, tant à l’intérieur qu’à
l’extérieur de la prison. La Cour a également souligné
que l’arrêt Pratt n’avait pas établi le principe
que la détention prolongée avant l’exécution constituait
une peine cruelle et inusitée. C’était la cruauté
additionnelle de l’imposition de la peine après une période
de détention prolongée qui constituait une peine cruelle
et inusitée.
La Cour a également fait observer que, dans les cas où
un condamné était entravé, flagellé, torturé
ou détenu en isolement cellulaire, l’imposition de la peine
de mort après ce traitement serait cruelle et inusitée.
Dans cette affaire, toutefois, ni les conditions de détention
ni la durée de la détention n’étaient extrêmes
au point de faire de l’imposition de la peine de mort une peine cruelle
et inusitée.
- Dans Higgs v. Minister of National Security, [1999] J.C.J.
No 55 (P.C.), les appelants ont
fait valoir que, eu égard aux conditions dans lesquelles ils
avaient été détenus et à la durée
de leur détention, avant et après leur condamnation, l’imposition
de peines de mort serait qualifiée de « peine ou traitement
inhumains ou dégradants » contraires à la constitution
des Bahamas. Le Conseil privé a indiqué que le principe
pertinent était le suivant : « [traduction] si
un homme a été condamné à mort, il est abusif
d’ajouter d’autres cruautés aux conditions de sa mort. »
Ce principe ne s’applique pas à un traitement qui ne peut être
considéré comme une peine aggravante. Les délais
avant le procès et les conditions carcérales ne sont pas
des formes de châtiment additionnelles. Il s’agit de déterminer
l’existence d’un lien entre les questions faisant l’objet de la plainte
et la peine de mort ou, autrement dit, si le traitement dont se plaint
le prisonnier aggravait la peine de mort. Le Conseil privé a
souligné que cette évaluation est rendue plus difficile
lorsque les conditions sont aggravées par l’entassement et le
manque de ressources. Dans cette affaire, la période et les conditions
de détention n’étaient pas des peines qui aggravaient
l’imposition de la peine de mort; il n’y avait pas de lien.
- Dans Boodram et al. v. Baptiste (Commissioner of Prisons),
[1999] J.C.J. No 27 (P.C.), en appel
de la Cour d’appel de Trinité-et-Tobago, les appelants ont fait
valoir que la pendaison constituait une peine cruelle et inusitée.
La Cour a conclu que la pendaison était la seule méthode
d’exécution légale et qu’elle n’était pas nécessairement
cruelle, malgré les preuves produites par les appelants de la
souffrance qu’elle causait.
- Dans Briggs v.Baptiste (Commissioner of Prisons), [1999]
T.N.L.R. No 762 (P.C.), la Cour
a conclu que la lecture répétée du mandat d’exécution
n’était pas un traitement cruel et inusité.
- Dans Treadaway v. Chief Constable of West Midlands (29 juillet 1994),
la division du Banc de la Reine a octroyé des dommages-intérêts
exemplaires à un homme à qui des agents de police avaient
infligé des voies de fait graves pour lui tirer des aveux concernant
sa participation à des vols à main armée dont il
a par la suite été reconnu coupable par un jury. La Cour
a déterminé que le traitement du plaignant constituait
de la torture.
4.5.3. Australie : peine cruelle et inusitée
Un seul cas pertinent de la Cour supérieure de
l’Australie (Australian High Court) a été trouvé,
mais il existe de nombreuses affaires à des instances inférieures,
qui ne sont pas examinées dans ce document.
- L’arrêt-clé semble être Sillery v. The Queen
(1981) 55 ALJR 509, p. 513; 35 ALR 227.
Sillery a été reconnu coupable de piraterie aérienne
et condamné à une peine d’emprisonnement à perpétuité.
Le juge de première instance a décrété qu’une
peine d’emprisonnement à perpétuité s’imposait
en vertu de la loi. Sillery a interjeté appel. La question à
examiner portait sur l’interprétation législative :
la loi exigeait-elle une peine d’emprisonnement à perpétuité,
ou le juge de première instance avait-il le pouvoir discrétionnaire
de ne pas imposer de peine d’emprisonnement à perpétuité?
La Cour supérieure a conclu qu’une peine obligatoire d’emprisonnement
à perpétuité pour piraterie aérienne, compte
tenu de la large définition de l’infraction donnée dans
la loi, constituerait une peine « [traduction] cruelle et
inusitée parce qu’elle ne remplit aucun but législatif
valable ». La Cour a fait observer que le pouvoir d’infliger
des peines cruelles et inusitées ne devait pas être considéré
comme faisant implicitement partie de la constitution australienne et
qu’elle doutait que le Parlement ait le pouvoir d’adopter des lois autorisant
la cruauté. De plus, toutes les lois devaient être interprétées
(en l’absence de libellé non équivoque dans le sens contraire)
de façon humanitaire, selon les normes modernes civilisées.
4.5.4. États-Unis : peine cruelle
et inusitée
Le huitième amendement à la constitution
des États-Unis interdit les peines « cruelles et inusitées ».
Un grand nombre de causes traitent de cet amendement, plus particulièrement
dans le contexte de la peine capitale, des conditions carcérales
et de l’isolement cellulaire. Un examen complet de la jurisprudence américaine
dépasse la portée du présent document, mais une cause
est digne de mention.
- Dans Furman v. Georgia, [1972] SCT 2435, la Cour suprême
des États-Unis a examiné si la peine de mort constituait
une peine cruelle et inusitée. L’opinion du juge Marshall (concordante)
comporte un long historique de l’expression « cruel et inusité »
qui remonte aux procès de 1685 pour trahison – les
« Assises sanglantes » – qui a suivi une
rébellion avortée du duc de Monmouth et a marqué
la culmination d’une succession d’horreurs, et qui, selon la plupart
des historiens, a été à l’origine de l’adoption
de la Déclaration des droits de l’Angleterre (English Bill
of Rights), précurseur de l’interdiction des peines cruelles
et inusitées aux États-Unis (paragraphe 171).
Le juge Marshall énonce quatre critères
pour aider un tribunal à déterminer ce qui constitue une
peine cruelle et inusitée :
- Les peines qui supposent des douleurs physiques et des souffrances
si atroces que des personnes civilisées ne peuvent les tolérer
(paragraphe 203).
- Les peines inusitées (le sens n’est pas clair dans les dispositions
législatives). Si ces traitements existent, ils doivent viser
à remplir un but sans cruauté (paragraphe 204).
- Les peines excessives qui ne visent à remplir aucun but législatif
valable (paragraphe 205).
- Une peine peut être valable et remplir un but législatif,
mais elle peut être invalide si l’opinion populaire l’abhorre.
On peut déceler ce sentiment en examinant l’évolution
des normes de la décence qui marque les progrès d’une
société mûrissante. En ce sens, la doctrine stare
decisis s’incline devant l’évolution des valeurs (paragraphes 200
et 206).
4.5.5. Résumé et conclusions
Les arrêts australien et américain examinés
laissent entendre qu’on peut considérer comme « cruelle
et inusitée » une peine qui ne remplit aucun but législatif
valable.
Les causes examinées par le comité judiciaire
du Conseil privé du R.-U. (UK Judicial Committee of the Privy Council)
donnent un aperçu des situations concernant la peine capitale,
les conditions carcérales et la durée de détention
des prisonniers.
Les causes entendues par la CEDH s’appuient sur une
distinction entre la torture et une peine ou un traitement inhumains ou
dégradants. Tel que souligné dans Aydin, « torture »
renvoie aux causes où les mauvais traitements sont délibérés
et entraînent des souffrances particulièrement cruelles.
Le critère énoncé dans Irlande et Tyrer
sert à évaluer si le mauvais traitement est suffisamment
grave pour tomber sous le coup de l’article 3. L’évaluation
est relative et tient compte de toutes les circonstances de l’espèce.
Pour qu’un traitement constitue une peine dégradante,
il faut le distinguer d’une peine en général. Comme nous
l’avons souligné dans Tyrer, l’humiliation ou l’avilissement
associés à une peine dégradante doivent atteindre
un niveau de gravité plus élevé que le niveau associé
à la peine en général. Au nombre des facteurs examinés
par la CEDH pour déterminer si une peine ou un traitement est humain
ou dégradant figurent les suivants : le niveau d’humiliation
en cause; l’intensité des souffrances physiques ou mentales; les
délais; la préméditation; les sentiments de peur,
d’angoisse et d’infériorité éprouvés par la
victime; la publicité; la question de savoir si le traitement visait
à humilier ou avilir la personne qui l’a subi; et enfin, les effets
du traitement.
La CEDH a conclu à un traitement inhumain et
dégradant dans des cas très variés. Par exemple,
la disparition de membres de la famille, les conditions de détention,
l’incendie et la destruction des biens, la violence policière au
moment de l’arrestation ou durant la détention, la fustigation,
le « syndrome du couloir de la mort » et le renvoi
de réfugiés dans des endroits où ils craignent avec
raison d’être persécutés.
Parmi les situations où la CEDH n’a pas conclu
à un traitement inhumain et dégradant figuraient le renvoi
d’une fillette de neuf ans non accompagnée dans son pays d’origine;
les suspensions de l’école pour des témoins de Jéhovah
qui avaient refusé de participer aux célébrations
nationales; le défaut d’administrer des analgésiques à
des personnes en détention; la disparition de membres de la famille;
et enfin, l’exposition aux mauvaises odeurs, au bruit et à la pollution
provenant d’une installation industrielle.
L’application des principes établis par la CEDH
peut avoir une certaine utilité pour l’interprétation de
l’expression « peine ou traitement cruels et inusités »
qui figure dans la LIPR,
particulièrement depuis que la Cour suprême du Canada, dans
Burns, a indiqué que l’article 3 de la Convention
européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés
fondamentales (inhumains ou dégradants) était l’équivalent
de l’article 12 de la Charte. Par exemple, la distinction faite par
la CEDH entre « torture », réservée
à un traitement délibéré causant des souffrances
particulièrement cruelles, et « peine ou traitement
inhumains ou dégradants ». De plus, une peine ou un
traitement doit atteindre un niveau de gravité minimum pour être
considéré comme inhumain ou dégradant, et donc se
distinguer d’une peine ou d’un traitement légitimes. Sont également
utiles les facteurs examinés dans l’évaluation de la gravité
du traitement ou de la peine et les contextes dans lesquels on a conclu
à une peine ou un traitement inhumains ou dégradants peuvent
offrir des références utiles.
5. EXCLUSION
L’article 98 de la LIPR
énonce les motifs d’exclusion aux termes des sections 1E et 1F,
tant pour les réfugiés au sens de la Convention
que pour les personnes à protéger.
98. La personne visée aux sections E
ou F de l’article premier de la Convention sur les réfugiés
ne peut avoir la qualité de réfugié ni de personne
à protéger.
Comme les renvois aux sections E et F de l’article premier
de la Convention sur les réfugiés sont les mêmes
qu’à l’heure actuelle dans le contexte de la protection des réfugiés
au sens de la Convention, les principes et la jurisprudence exposés
dans le document des Services juridiques de la CISR
intitulé Jurisprudence sur la définition de réfugié
au sens de la Convention, 31 décembre 1999 et addenda
en date du 31 décembre 2001 (chapitre 10) peuvent
être appliqués dans le contexte du regroupement des motifs
de protection. Les considérations particulières applicables
sont énoncées ci-après.
5.1 Section 1E
Cette Convention ne sera pas applicable à
une personne considérée par les autorités compétentes
du pays dans lequel cette personne a établi sa résidence
comme ayant les droits et les obligations attachés à la
possession de la nationalité de ce pays.
La jurisprudence existante donne à penser que
la SSR
devrait examiner la question de savoir si le revendicateur craint avec
raison d’être persécuté pour un motif énoncé
dans la Convention dans le pays visé par la section 1E74.
Il est possible d’élargir la portée de cette approche pour
y inclure l’examen de la question de savoir si l’un ou l’autre
des motifs de protection regroupés s’appliquent à l’égard
du pays qui serait visé par la section 1E.
5.2 Section 1F
Les dispositions de cette Convention ne seront
pas applicables aux personnes dont on aura des raisons sérieuses
de penser :
a) Qu’elles ont commis un crime contre la paix, un crime de guerre
ou un crime contre l’humanité, au sens des instruments internationaux
élaborés pour prévoir des dispositions relatives
à ces crimes;
b) Qu’elles ont commis un crime grave de droit commun en dehors
du pays d’accueil avant d’y être admises comme réfugiés;
c) Qu’elles se sont rendues coupables d’agissements contraires
aux buts et aux principes des Nations Unies.
Les critères actuellement applicables au contexte
de la détermination du statut de réfugié peuvent
être appliqués au contexte du regroupement des motifs de
protection. Il convient de souligner que, au regard de l’exclusion aux
termes de la section 1F, la Cour fédérale s’est prononcée
contre la mise en balance de la gravité du risque et du crime commis75.
Ainsi, même si le revendicateur s’expose à une menace à
sa vie ou à un risque de traitements ou peines cruels et inusités,
les motifs d’exclusion s’appliquent 76.
5.3. Extradition
Aux termes du paragraphe 105(3), l’arrêté
visant la personne incarcérée sous le régime de la
Loi sur l’extradition pour une infraction grave (infraction punissable
d’une peine d’emprisonnement d’au moins dix ans) est assimilable au rejet
de la demande d’asile fondé sur l’alinéa 1Fb).
6. CHANGEMENT DE CIRCONSTANCES (PERTE DE
L’ASILE) ET RAISONS IMPÉRIEUSES
L’article 108 dispose que la perte de l’asile
et les raisons impérieuses s’appliqueront également
dans le contexte du regroupement des motifs de protection :
108. (1) Est rejetée la demande d’asile
et le demandeur n’a pas qualité de réfugié ou de
personne à protéger dans tel des cas suivants :
a. il se réclame de nouveau et volontairement de la
protection du pays dont il a la nationalité;
b. il recouvre volontairement sa nationalité;
c. il acquiert une nouvelle nationalité et jouit de
la protection du pays de sa nouvelle nationalité;
d. il retourne volontairement s’établir dans le pays
qu’il a quitté ou hors duquel il est demeuré et en raison
duquel il a demandé l’asile au Canada;
e. les raisons qui lui ont fait demander l’asile n’existent
plus.
(2) L’asile visé au paragraphe 95(1)
est perdu, à la demande du ministre, sur constat par la Section
de protection des réfugiés, de tels des faits mentionnés
au paragraphe (1).
(3) Le constat est assimilé au rejet de la demande d’asile.
(4) L’alinéa (1)e) ne s’applique pas si le demandeur prouve
qu’il y a des raisons impérieuses, tenant à des persécutions,
à la torture ou à des traitements ou peines antérieurs,
de refuser de se réclamer de la protection du pays qu’il a quitté
ou hors duquel il est demeuré.
Les différences entre les dispositions actuelles77
relatives à la perte de l’asile et aux raisons impérieuses
et les nouvelles dispositions78
reflètent tout simplement leur application dans le contexte du
regroupement des motifs de protection. Étant donné le libellé
très semblable, aucun changement important n’est envisagé
dans l’interprétation de ces dispositions. Par conséquent,
les principes et la jurisprudence énoncés dans le document
des Services juridiques de la CISR
intitulé La jurisprudence sur la définition de réfugié
au sens de la Convention, 31 décembre 1999 et addenda
en date du 31 décembre 2001 (chapitre 7) peuvent
être appliqués dans le contexte du regroupement des motifs
de protection élargis.
7. NORME DE PREUVE
La LIPR
est muette quant à la norme de preuve à appliquer aux demandes
de statut de réfugié. Aussi, ces demandes continueront d’être
tranchées en fonction du critère de possibilité
raisonnable ou de possibilité sérieuse d’être
persécuté, établi dans Adjei79.
Les prétentions à la « qualité de personne
à protéger » en raison d’un risque de torture
(al. 97(1)a)) doivent être tranchées en fonction
d’une norme de preuve selon laquelle « il y a des motifs sérieux »
de croire qu’il existe un risque. Dans le cas des prétentions à
la « qualité de personne à protéger »
en raison d’une menace à la vie ou du risque de traitements ou
peines cruels et inusités (al. 97(1)b)), la LIPR
n’énonce pas de norme de preuve prescrite.
La position privilégiée par les Services
juridiques de la CISR
estime que la même norme de preuve devrait s’appliquer aux trois
motifs de protection, à savoir le critère de la possibilité
raisonnable ou de la possibilité sérieuse établi
dans Adjei. Le critère est fondé sur la nature
prospective du risque et cet élément prospectif fait partie
des trois motifs de protection.
8. CADRE D’ANALYSE SUGGÉRÉ80
- Déterminer le ou les pays de référence.
- Déterminer s’il s’agit d’une menace à la vie ou d’un
risque de peine ou de traitement.
- Déterminer si la menace à la vie ou le risque de peine
ou de traitement est inhérent ou occasionné par des
sanctions légitimes. Il faudra également examiner si
la peine ou le traitement est imposé au mépris des normes
internationales reconnues. L’évaluation de la première
question doit être fondée sur un examen des lois du pays
de référence. Celle de la deuxième question doit
s’appuyer sur les instruments internationaux pertinents de défense
des droits de la personne (voir également le point 5).
Si la peine ou le traitement est inhérent ou occasionné
par des sanctions légitimes et s’il n’est pas imposé
au mépris des normes internationales reconnues, le demandeur
n’est pas une personne à protéger.
- Si cela est pertinent à l’espèce, déterminer
si le risque résulte de l’incapacité du pays de référence
fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.
Si c’est le cas, le demandeur n’est pas une personne à protéger.
- Si le traitement ou la peine n’est pas inhérent ou occasionné
par des sanctions légitimes ou s’il est imposé au mépris
des normes internationales reconnues, ou encore, s’il ne résulte
pas de l’incapacité de fournir des soins médicaux ou
de santé inadéquats, déterminer s’il s’agit d’une
peine ou d’un traitement « cruels et inusités ».
Cette évaluation sera fondée sur le droit national et
international.
- S’il s’agit d’une menace à la vie ou d’un risque de peine
ou de traitement cruels et inusités, déterminer si le
demandeur est exposé personnellement au risque et si d’autres
personnes dans ce pays ou de ce pays n’y sont pas exposées
de façon générale.
- Si le demandeur d’asile est exposé personnellement à
une menace à sa vie ou à un risque de traitement ou
de peine cruel et inusité qui n’est pas généralisé,
évaluer si l’État peut assurer la protection et évaluer
s’il y aurait une possibilité sérieuse ou une possibilité
raisonnable que le demandeur d’asile soit exposé à une
menace à sa vie ou à un traitement ou une peine cruel
et inusité.
- Évaluer si le risque est présent dans toutes les régions
du pays. S’il n’est présent que dans une partie du pays, déterminer
si le demandeur dispose d’une possibilité de refuge intérieur.
9. RÉGIMES DE PROTECTION DANS D’AUTRES
PAYS
Dans la plupart des pays d’Europe, une personne peut
demander le statut de réfugié au sens de la Convention et
un « statut subsidiaire ». Le statut subsidiaire
est accordé aux personnes qui méritent une protection mais
ne répondent pas aux critères applicables au statut de réfugié
au sens de la Convention. On constate dans ces pays une importante diminution
du nombre de personnes à qui l’on reconnaît le statut de
réfugié au sens de la Convention parce que le statut subsidiaire
est octroyé plus libéralement81.
Dans les pays qui offrent une protection subsidiaire,
on compte beaucoup sur les instruments internationaux de défense
des droits de la personne comme indicateurs pour déterminer à
quel moment la protection est justifiée pour l’intéressé.
Par exemple, aux É.-U., si une personne se voit refuser le statut
de réfugié au sens de la Convention, on procède à
un examen pour déterminer si la CCT s’applique. En Europe, les
violations de l’article 3 de la Convention européenne
de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales
sont les motifs les plus courants d’octroi du statut subsidiaire. L’article 7
du Pacte relatif aux droits civils et politiques et l’article 35
de la Convention relative aux droits de l’enfant sont aussi couramment
examinés. Au R.-U., l’autorisation exceptionnelle d’entrer au pays
ou d’y demeurer est accordée aux personnes qui fuient la guerre
civile, la violence généralisée ou les catastrophes
écologiques. Les violations du droit à la vie familiale
sont également examinées en tant que motif possible pour
justifier l’octroi d’une protection subsidiaire. Les instruments internationaux
de protection des droits de la personne jouent un rôle critique
en aidant les décideurs à désigner les personnes
susceptibles d’avoir la qualité de personnes à protéger.
Les Européens considèrent que le statut subsidiaire est
vital pour donner un sens aux obligations relatives aux droits de la personne
prévues dans des instruments comme les documents précités.
À l’opposé, les Canadiens ont donné un sens à
ces instruments par leur interprétation de la persécution
et du groupe social dans la définition de réfugié
au sens de la Convention.
Certains pays entendent lors d’une seule audience (« regroupement
des motifs ») les demandes de statut de réfugié
au sens de la Convention et de protection subsidiaire. C’est le genre
de système législatif qui sera adopté dans le cadre
de la LIPR. Au nombre des pays qui font actuellement appel au regroupement
des motifs pour accorder leur protection figurent la Suède et le
Danemark. D’autres pays, comme la France, l’Allemagne, les Pays-Bas, le
R.-U. et les É.-U., ont recours à des procédures
distinctes. Dans ce cas, les intéressés demandent une protection
subsidiaire lorsque le statut de réfugié au sens de la Convention
leur est refusé.t
9.1 Suède
En Suède, les demandes d’asile font l’objet d’une
procédure unique dans le cadre de laquelle l’intéressé
raconte son histoire et le décideur détermine s’il existe
des motifs justifiant l’octroi d’une protection. Les motifs sont toujours
examinés dans un ordre particulier. D’abord, la Convention est
appliquée aux circonstances de l’espèce. Si les faits n’appuient
pas l’octroi du statut de réfugié au sens de la Convention,
le décideur examine si l’article 3 de la Convention européenne
de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales
ou de la CCT s’applique. Enfin, on examine les motifs humanitaires justifiant
l’octroi d’une protection.
Si le décideur estime que la Convention ne s’applique
pas à la revendication en cause, il doit donner des raisons pour
justifier sa conclusion. L’intéressé a le droit d’interjeter
appel contre le rejet de sa revendication du statut de réfugié
au sens de la Convention, même si une protection lui a été
accordée pour un motif différent.
Selon le chef du système suédois de reconnaissance
du statut de réfugié (Goran Hakensson, directeur général
de l’Aliens Appeals Board [commission d’appel des étrangers]),
l’ordre dans lequel les motifs sont examinés est essentiel au maintien
de l’intégrité de la Convention. Lorsqu’une personne satisfait
aux critères applicables au statut de réfugié au
sens de la Convention, il est impératif qu’on lui reconnaisse le
statut de réfugié au sens de la Convention et non un statut
de protection « moindre ». Il importe de souligner
qu’en Suède, on accorde les mêmes droits aux personnes qui
se sont vu reconnaître le statut de réfugié et à
celles à qui l’on a conféré un statut subsidiaire.
Ainsi, il importe d’examiner d’abord la Convention, non pas pour assurer
à l’intéressé le plus de droits possible, mais plutôt
pour assurer la perpétuation de l’interprétation pertinente
de la Convention elle-même.
9.2 Danemark
Le Danemark dispose depuis avril 2001 d’une procédure
regroupée pour l’octroi de la protection. Tous les éléments
de preuve justifiant l’octroi de la protection sont entendus dans le cadre
d’une procédure unique. Les décisions doivent être
prises dans l’ordre suivant : premièrement, les décideurs
appliquent la Convention aux faits. Si la Convention ne s’applique pas,
on examine alors la Convention européenne de sauvegarde des
droits de l’homme et des libertés fondamentales et la CCT.
Enfin, on tient compte des conditions qui existent dans le pays. Si la
violence y est généralisée, on accordera une protection
à l’intéressé. Les considérations humanitaires
ne sont pas examinées dans le cadre de cette procédure unique.
L’intéressé peut se prévaloir d’un examen des considérations
humanitaires en présentant une demande distincte au ministère
compétent.
Comme dans le cas de la Suède, les demandeurs
au Danemark se voient accorder le même niveau de protection et les
mêmes droits, qu’on ait déterminé qu’elles ont la
qualité de réfugié au sens de la Convention ou en
raison de violations d’autres instruments de protection des droits de
la personne.
- L.C.
2001, ch. 27.
- S.R. 1985, ch. I-21.
- On trouvera une analyse de ce motif dans La
jurisprudence sur la définition de réfugié au sens
de la Convention, Services juridiques de la CISR,
31 décembre 1999 et l’addenda daté du 31 décembre
2001.
- Selon la définition donnée à
l’article premier de la Convention contre la torture (CCT).
- Une différence réside dans le fait
que le libellé utilisé dans la LIPR
suit de plus près celui de l’article 12 de la Charte (« traitements
ou peines cruels et inusités » plutôt que « sanctions
excessives »). Il y a une autre différence, à
savoir que l’article 97 exclut explicitement les risques associés
aux sanctions légitimes.
- Le Règlement sur l’immigration de
1978 définit les demandeurs non reconnus du statut de réfugié
au Canada (« CDNRSRC »)
comme des personnes qui seront exposées à un risque identifiable
si elles sont forcées de quitter le Canada. L’alinéa c
) de la définition donnée au paragraphe 2(1) définit
un membre de cette catégorie comme une personne :
c) dont le renvoi vers un pays dans lequel il peut être renvoyé
l’expose personnellement, en tout lieu de ce pays, à l’un des
risques suivants, objectivement identifiable, auquel ne sont pas généralement
exposés d’autres individus provenant de ce pays ou s’y trouvant :
(i) sa vie est menacée pour des raisons autres que l’incapacité
de ce pays de fournir des soins médicaux ou de santé
adéquats,
(ii) des sanctions excessives peuvent être exercées
contre lui,
(iii) un traitement inhumain peut lui être infligé.
- Voir la section 4.3 ci-après.
- Thabet c. Canada (Ministre de la Citoyenneté
et de l’Immigration), [1998] 4 C.F. 21
(C.A.. Voir aussi
le document des Services juridiques de la CISR,
La jurisprudence sur la définition de réfugié
au sens de la Convention, 31 décembre 1999, et
l’addenda daté du 31 décembre 2001, section 2.2.2.
- Le chapitre 2 du document des Services juridiques
de la CISR,
La jurisprudence sur la définition de réfugié
au sens de la Convention, 31 décembre 1999, et
l’addenda à ce chapitre, du 31 décembre 2001
analysent à fond ce qui fait d’un pays un pays de résidence
habituelle antérieure.
- Partie I de la Loi constitutionnelle
de 1982, qui est l’annexe B de la Loi de 1982 sur
le Canada (R.-U.), 1982, ch. 11.
- Canada (Procureur général)
c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689;
infirmant [1990] 2 C.F. 667.
- On trouvera une analyse complète de la
question de la protection de l’État dans le chapitre 6 de
La jurisprudence sur la définition de réfugié
au sens de la Convention, Services juridiques de la CISR,
31 décembre 1999 et dans l’addenda à ce chapitre
daté du 31 décembre 2001.
- Le critère pourrait également être
formulé ainsi : une PRI
dans une région du pays, (i) raisonnablement accessible pour
l’intéressé et (ii) où ce dernier ne serait pas
exposé à une possibilité sérieuse d’une
menace à sa vie ou d’un risque de traitements ou peines cruels
et inusités.
- Il est intéressant de noter que les lignes
directrices relatives à la CDNRSRC
utilisent le même libellé et les mêmes principes
que la jurisprudence de la SSR
pour définir ce qui constitue une PRI. Elles parlent d’une option
réaliste et réalisable, accessible sans grands dangers
physiques ou difficultés excessives. Elles soulignent que, si
le choix de l’endroit où vivre dans le pays n’est pas une question
de commodité personnelle, il serait déraisonnable d’obliger
une personne à se rendre dans un endroit où, du fait des
traditions, des antécédents et de l’absence de liens familiaux,
tribaux ou de clan, elle serait aliénée ou complètement
marginalisée. Aucune décision de la Cour fédérale
ne porte directement sur la question de la PRI
aux termes des dispositions réglementaires relatives à
la CDNRSRC,
mais dans Ahmed, Abdikarim Abdulle c. M.C.I. (C.F.
1re
inst., IMM-850-99), Gibson, 31 juillet 2000, la Cour
a renvoyé une affaire à l’ARRR notamment parce que celui-ci
n’avait pas tenu compte de l’absence de soutien familial et de la vulnérabilité
particulière du revendicateur (schizophrénie) en raison
de l’instabilité en Somalie. [Il peut être soutenu que
ces facteurs se rapportent au volet du « caractère
raisonnable ».] En outre, dans Maximenko, Natalia c.
M.C.I. (C.F.
1re
inst., IMM-5548-01), Lemieux, 8 février 2002, la
Cour a sursis au renvoi en s’appuyant sur le fait de l’existence d’une
question grave, à savoir si l’ARRR avait bien appliqué
le critère lié à la PRI
énoncé dans Ranganathan c. Canada (Ministre de la
Citoyenneté et de l’Immigration), [2001] 2 C. F. 164 (C.A.F.).
- Sinnapu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté
et de l’Immigration), [1997] 2 C. F. 791 (1re inst.). Dans cette
affaire, un spécialiste de la CDNRSRC
de CIC
a déclaré dans son témoignage devant la Section
de première instance de la Cour fédérale que l’obligation
que le risque ne soit pas un risque auquel les autres habitants du pays
seraient généralement exposés ne s’appliquerait
que dans des situations extrêmes, comme une catastrophe généralisée,
qui viseraient tous les habitants d’un pays donné.
- Civils non combattants qui craignent d’être
persécutés dans des situations de guerre civile, 7 mars 1996.
- On trouvera une analyse plus complète
de cette question à la section 4.4.5 et 4.4.6, et plus particulièrement
dans l’exposé des décisions rendues par la Cour suprême
dans les arrêts Kindler et Burns.
- L’exception liée aux soins médicaux
et de santé visée par les dispositions réglementaires
relatives à la CDNRSRC
est discutée dans l’arrêt Mazuryk, Antonina Ivanovna
c. M.C.I. (C.F.
1re
inst., IMM-6116-00), Dawson, 7 mars 2002.
- Ahmed, Ali c. Canada (Ministre de la Citoyenneté
et de l’Immigration) (C.F. 1re inst., IMM-5330-99), Tremblay-Lamer,
31 août 2000.
- 1960, ch. 44
- Nous avons tenté de mettre en relief les
dispositions les plus importantes. Lorsque l’on renvoie à ces
instruments, il faudrait consulter au besoin le texte du document entier.
- Rés. A.G. 217A (III), U.N. Doc A/810
(1948)
- Rés. A.G. 2200A (XXI), U.N. GAOR Supp.
(Nº 16) p. 52, U.N. Doc. A/6316 (1966), 999 R.T.N.U.
171, entrée en vigueur le 23 mars 1976. Ratifiée par le
Canada en 1976.
- Rés. A.G. 39/46, annexe, 39 U.N. GAOR
Supp. (Nº 51) p. 19, U.N. Doc. A/39-51 (1984), entrée en
vigueur le 26 juin 1987. Ratifiée par le Canada en 1987.
- OEA. rés XXX, adoptée par la Neuvième
conférence internationale des États américains
(1948), Réimprimée dans les Basic Documents Pertaining
to Human Rights in the Inter-American System, OEA/Ser.L.V/II.82 doc.
6 rév. 1 (1992).
- A.G. 44/25, annexe, 44 U.N. GAOR Supp. (Nº
49), U.N. Doc. A/44/49 (1989), entrée en vigueur le 2 septembre 1990.
Ratifiée par le Canada en 1991.
- (ETS) No 5), 213
R.T.N.U.
222, entré en vigueur le 3 septembre 1953, tel que modifié
par les Protocoles Nos 3,5 et 8,
qui sont entrés en vigueur les 21 septembre 1970, 20 décembre
1971 et 1er janvier 1990 respectivement.
- Il faut faire preuve de circonspection dans l’interprétation
de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme
(qui applique la Convention européenne de sauvegarde des
droits de l’homme et des libertés fondamentales), du moins
en ce qui a trait à l’application du principe de non-dérogation
relative à la prohibition du refoulement dans un pays
qui expose une personne au risque d’être torturée. Cependant,
l’interprétation des termes « peines ou traitements
inhumains ou dégradants » peut être utile à
la SPR et à la SAR. En fait, la Cour suprême du Canada
a indiqué que l’article 3 de la Convention européenne
de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales
était l’équivalent de l’article 12 de la Charte dans
l’arrêt États-Unis d’Amérique c. Burns,
[2001] 1 R.C.S.
283. Voir aussi infra, note 37.
- Recueil des traités de l’OEA No 36,
1144 R.T.N.U..
123, entré en vigueur le 18 juillet 1978, réimprimé
dans Basic Documents Pertaining to Human Rights in the Inter-American
System, OEA/Ser.L.V/II.82 doc. 6 rév. 1 (1992).
- Bassan, Daniela, « The Canadian
Charter and Public International Law: Redefining the State’s Power to
Deport Aliens », (1996) 34 Osgoode Hall L. J.
583-625.
- Seuls l’alinéa 1A2), les sections 1E
et 1F et l’article 33 de la Convention relative aux réfugiés
ainsi que l’article premier de la CCT ont été incorporés
explicitement à la LIPR.
- Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté
et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S.
817.
- Même si, comme l’indique la note 32, supra,
la Cour suprême du Canada a indiqué, dans l’arrêt
Burns, que l’article 3 de la Convention européenne
de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales
(qui utilise les mots « inhumains ou dégradants »)
était l’équivalent de l’article 12 de la Charte (qui
utilise les mots « cruels et inusités »).
- Le Guide sur le traitement des demandes de
la CDNRSRC
précise ce qui suit :
Ce que le demandeur doit établir
La catégorie DNRSRC désigne les personnes
qui feront l’objet de risques identifiables si elles sont forcées
de quitter le Canada. Sans limiter l’interprétation de la définition,
disons que le demandeur doit habituellement démontrer que le
risque est objectivement identifiable, que d’autres individus provenant
de ce pays ou s’y trouvant n’y sont pas généralement
exposés et qu’il existe en tout lieu du pays. Le type de risque
en question doit être une menace pour la vie de la personne,
des sanctions excessives contre elle ou un traitement inhumain. [
]
Les risques encourus comprennent des gestes qui
constitueraient une violation des droits fondamentaux, par exemple
des préjudices pour l’intégrité physique et psychologique
de la personne. Un exemple précis est l’interdiction de renvoyer
une personne « dans un État où on a des motifs
suffisants de croire qu’elle serait en danger de torture »
(article 3 de la Convention contre la torture et autres peines
ou traitements cruels, inhumains ou dégradants)
Dans certaines situations, les personnes qui ont
enfreint la loi ou les règles de leur propre société
font face à un risque de sanction sévère ou de
la peine de mort aux mains du système judiciaire de leur pays
d’origine. Pour les ARRR, dans les cas de sanctions excessives ou
de peine de mort, la question est de savoir s’il y a un risque réel
et important, par opposition à un risque hypothétique,
pour la vie ou l’intégrité de la personne. Est-il raisonnable
de penser que la peine imposée serait odieuse pour les Canadiens
et contraire aux normes canadiennes? Il faut se demander si la sanction
possible répugnerait aux Canadiens.
Même si ces peines sont imposées légalement,
ces cas doivent aussi être examinés à la lumière
des traités internationalement reconnus en matière de
droits de la personne. Aux termes du Pacte international relatif
aux droits civils et politiques (PIDCP), un tribunal compétent
peut imposer la peine de mort seulement pour les crimes les plus graves,
dans des circonstances qui ne vont pas à l’encontre du Pacte
et d’autres ententes internationales. Il faut étudier les faits
et les circonstances de chaque cas pour déterminer si la peine
de mort constitue une infraction au PIDCP. Lorsqu’il évalue
un cas, le Comité des droits de l’homme de l’ONU tient compte,
par exemple, des facteurs personnels pertinents et des conditions
de détention des condamnés à mort, et évalue
si la méthode prévue d’exécution est particulièrement
répugnante. Le demandeur doit établir que la situation
est inacceptable. Les facteurs pertinents sont la nature de l’infraction,
le système de justice dans lequel s’est déroulé
ou se déroulerait le procès et les protections juridiques
offertes dans ce système.
Notons que, lorsqu’il y a risque pour la vie du
demandeur, le Règlement exclut le risque causé par l’incapacité
du pays de destination de fournir des soins médicaux ou de
santé adéquats. L’intention de la catégorie DNRSRC
n’est pas de compenser les disparités entre les soins médicaux
et de santé disponibles au Canada et ailleurs dans le monde.
Il faut porter une attention particulière
aux cas où le risque est attribuable au sexe de la personne.
L’annexe 4 présente des lignes directrices générales
sur le traitement de ces cas dans le contexte du processus DNRSRC.
Les ARRR peuvent aussi bénéficier
de conseils pour traiter de cas où le syndrome de stress post-traumatique
(SSPT) entre en ligne de compte.
- Vetoshkin, Nikolay c. M.C.I. (C.F. 1re inst.,
IMM-4902-94), Rothstein, 9 juin 1995. Le revendicateur a été
victime d’extorsion en raison de son commerce et non de sa nationalité
russe. Il n’a pas été persécuté pour un
motif prévu dans la Convention, mais pourrait bien être
victime d’activités criminelles s’il retourne à Chechnya.
La Cour a conclu qu’il s’agissait d’une affaire à examiner au
titre de la CDNRSRC
et l’a renvoyé à l’agent d’immigration.
- Ladbon, Kamran Modaressi c. M.C.I. (C.F. 1re inst.,
IMM-1540-96), McKeown, 24 mai 1996. De l’avis de la Cour,
les conséquences d’être renvoyée en Iran pour une
personne faisant l’objet d’une enquête criminelle pourraient être
à ce point graves qu’il convenait de renvoyer l’affaire à
l’ARRR pour l’examen de nouveaux éléments de preuve.
- Baranchook, Peter c. M.C.I. (C.F. 1re inst.,
IMM-876-95), Tremblay-Lamer, 20 décembre 1995. L’ARRR
a examiné la peine applicable en cas de refus de servir dans
l’armée israélienne et a conclu qu’elle n’était
ni excessive ni draconienne. La Cour a souligné que le revendicateur
(un émigré d’origine russe) ne s’exposait à aucun
risque objectivement identifiable de sanctions excessives ou de traitements
inhumains.
- Moskvitchev, Vitalli c. M.C.I. (C.F. 1re inst.,
IMM-70-95), Dubé, 21 décembre 1995. L’ARRR a
conclu que la peine allant de six mois à cinq ans pour insoumission
en Moldovie ne pouvait être considérée comme inhumaine
ou excessive. La Cour n’a pas jugé cette conclusion déraisonnable.
- Lishchenko, Valentin c. M.C.I. (C.F. 1re inst.,
IMM-803-95), Tremblay-Lamer, 9 janvier 1996.
- Balasubramaniyam, Rasiah c. M.C.I. (C.F. 1re inst.,
IMM-5369-99), Hansen, 27 août 2001. La Cour a conclu
que l’ARRR avait fait une erreur concernant la nature de l’infraction
(sortie illégale) pour laquelle les revendicateurs pourraient
être arrêtés. Par conséquent, il a jugé
peu probable leur arrestation à leur retour au Sri Lanka. La
preuve faisait état du ciblage des Tamouls dans l’exécution
de la Immigrants and Emigrants Act du Sri Lanka ainsi que de
leurs souffrances dans les prisons du Sri Lanka. L’ARRR n’a pas évalué
les risques liés à l’incarcération. En outre, l’agent
n’a pas procédé à une évaluation indépendante
du risque que couraient les enfants mineurs compte tenu du fait qu’il
existait une possibilité réelle que les revendicateurs
adultes soient arrêtés et que ceux-ci ne semblaient pas
avoir de famille à Colombo.
- Sinnappu, Senar c. M.C.I. (C.F.
1re
inst., IMM-3659-95), McGillis, 14 février 1997.
La Cour a conclu qu’il n’y avait pas eu violation des droits des requérants,
même si ceux-ci seraient expulsés vers un pays aux prises
avec une guerre civile, puisqu’il y avait eu une évaluation du
risque, conformément au processus de traitement des demandes
de la CDNRSRC,
selon laquelle la vie du revendicateur ne serait vraisemblablement pas
menacée et qu’il ne serait probablement pas victime de sanctions
excessives ni de traitements inhumains.
- Il faut souligner qu’il n’est pas si simple d’énoncer
des principes généraux des jugements de la CSC
pour interpréter l’alinéa 2b) de la Déclaration
canadienne des droits ou l’article 12 de la Charte.
La Cour a souvent été divisée quant à la
justification de la conclusion des affaires, lorsque ce n’était
pas quant au résultat. Il faut lire le résumé présenté
dans ce document en ayant cet avertissement à l’esprit.
- [1987] 1 R.C.S. 1045.
- (1983), 8 C.C.C. (3d) 224, 3 D.L.R. (4th) 658, 35 C.R. (3d) 206 (C.B.R. Alb.).
- [1977] 2 R.C.S. 680.
- Supra, note 47.
- Ibid.
- (1978), 10 Ottawa L. Rev. 1,
cité par le juge Lamer dans R. c. Smith.
- [1983] 1 C.F. 152
(1re inst.).
- Supra, note 49
- Chiarelli c. Canada (Ministre de l’Emploi
et de l’Immigration), [1992] 1 R.C.S. 711.
- Canepa c. Canada (Ministre de l’Emploi et
de l’Immigration), [1992] 3 C.F. 270
(C.A.).
- Barrera c. Canada (Ministre de l’Emploi et
de l’Immigration), [1993] 2 C.F. 3
(C.A.).
- Nguyen c. Canada (Ministre de l’Emploi et
de l’Immigration), (1993), 18 Imm. L.R. (2d) 165 (C.A.F.),
p. 175-176.
- Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté
et de l’Immigration), [2002] S.C.J. No 3;
2002 CSC 1.
- Supra, note 48.
- Kindler c. Canada (Ministre de la Justice),
[1991] 2 R.C.S. 779.
- États-Unis d’Amérique c. Burns,
[2001] 1 R.C.S. 283.
- [1985] 2 R.C.S. 486.
- Voir aussi Slaight Communications Inc. c.
Davidson, [1989] 1 R.C.S. 1038;
Reference re Public Service Employee Relations Act (Alta.),
[1987] 1 R.C.S. 313;
et R. c. Keegstra, [1990] 3 R.C.S. 697.
- On peut consulter ces causes sur le site Web
de la CEDH, à l’adresse http://hudoc.echr.coe.int/hudoc
- Voir aussi CEDH, Selmouni c. France
(28 juillet 1999).
- L’affaire Soering a été
prise en compte au Canada à un certain nombre de reprises. Voir
États-Unis d’Amérique c. Burns, [2001] 1 R.C.S.
283; Renvoi : Extradition de Ng (Can.), [1991] 2 R.C.S 858;
Kindler c. Canada (Ministre de la Justice), [1991] 2 R.C.S. 779.
- Ce critère semble provenir de la CEDH,
Irlande c. Royaume-Uni (13 décembre 1977)
(voir la section 4.5.1.3. ci-après). Il a également
été souligné dans Tyrer.
- Voir aussi CEDH, Ribitsch c. Autriche,
21 novembre 1995, où plusieurs blessures ont été
infligées au requérant pendant qu’il était détenu
par la police. La Cour a suivi l’arrêt Tomasi.
- Voir Tyrer, supra.
- Les opinions dissidentes de quatre juges offrent
des points de vue très intéressants sur le sens de torture.
- Voir aussi CEDH, Vilvarajah et autres c.
Royaume-Uni (26 septembre 1991); CEDH, Chahal c.
Royaume-Uni (25 octobre 1996); CEDH, H.L.R. c. France
(22 avril 1997).
- Il importe de souligner que le sous-alinéa 97b)(iv)
exclut explicitement les cas où la menace à la vie ou
le risque de peine ou de traitement cruels et inusités sont causés
par des soins médicaux ou de santé inadéquats.
Comme ces affaires portent sur des questions liées à des
traitements médicaux ou psychiatriques, leur utilité est
peut-être minimale dans le contexte canadien.
- Voir aussi CEDH, Herczegfalvy c. Autriche
(24 septembre 1992).
- Voir CEDH, Timurtas c. Turquie (13 juin 2000),
où l’on a déterminé que le père d’une personne
disparue avait été victime d’un traitement inhumain contraire
à l’article 3, ayant été traité avec
mépris par les autorités en réponse aux questions
qu’il leur avait posées sur la situation de son fils; CEDH, Tas
c. Turquie (14 novembre 2000).
- Voir aussi CEDH, Bilgin c. Turquie (16 novembre 2000).
- Voir aussi CEDH, Valsamis c. Grèce
(18 décembre 1996).
- Kroon, Victor c. M.E.I. (C.F.
1re
inst., IMM-3161-93), MacKay, 6 janvier 1995.
- En ce qui concerne l’alinéa 1Fb),
crimes graves de droit commun, la Cour a affirmé qu’il convient
de recourir à un critère de proportionnalité dans
le contexte de l’alinéa 1Fb) lorsqu’il faut apprécier
la gravité de l’infraction dans le cadre du processus visant
à déterminer s’il s’agit d’un crime « politique ».
Voir Gil c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration),
[1995] 1 C.F. 508
(C.A.), p. 535.
- Quant aux perspectives de renvoyer une telle
personne du Canada, le processus sera assujetti aux principes adoptés
par la Cour suprême du Canada dans l’affaire Suresh,
supra, note 59.
- Loi sur l’immigration, paragraphe 2(2).
- LIPR,
article 108.
- Adjei c. Canada (Ministre de l’Emploi
et de l’Immigration), [1989] 2 C.F. 680; (1989), 7 Imm. L.R.
(2d) 169 (C.A.)
- Ce cadre s’applique strictement aux questions
soulevées à l’alinéa 97(1)b) et non
à toute la gamme de questions qu’il faudra trancher à
l’audience fondée sur le regroupement des motifs.
- Jens Vesled-Hansen, Complementary or subsidiary
protection? Offering an appropriate status without undermining refugee
protection. Présenté à la conférence
sur la protection internationale dans le cadre d’une procédure
unique d’octroi de l’asile (International Protection Within One
Single Asylum Procedure), Norrkoping, Suède, 23 et 24 avril 2001.
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