Comparution devant le
Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration
Notes pour une allocution
prononcée par
Jean-Guy Fleury
Président
Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada
le 17 octobre 2006
Ottawa (Ontario)
(Le discours prononcé fait foi)
Introduction
Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les membres du Comité,
je vous remercie de m’avoir invité à prononcer une allocution
devant vous aujourd’hui. Permettez-moi de vous présenter M. Tim Morin,
avocat général par intérim de la Commission de l’immigration
et du statut de réfugié du Canada (CISR).
Ma dernière comparution remonte au mois de mai dernier. Lors de
ma présentation, j’avais donné un aperçu du rôle de
la CISR
au sein du portefeuille de l’immigration, du travail de nos trois sections
et de notre programme visant à relever les défis à
venir dans un milieu en constante évolution. J’avais alors décrit
le programme de transformation de la CISR
ainsi que les progrès réels que nous avons observés
au cours des dernières années grâce à ces mesures.
Des copies de mon allocution prononcée à cette occasion
vous ont été fournies à titre d’information. En ce
qui concerne le rôle de la CISR
et notre programme de transformation pour l’avenir, tout ce que j’ai dit
en mai tient toujours. Nous avons perfectionné notre plan d’innovation
au cours de l’été et le poursuivons dans les domaines des
opérations et des pratiques de gestion.
Je comparais devant vous aujourd’hui pour des raisons différentes.
Depuis ma dernière comparution, un incident profondément
troublant s’est produit en ce qui concerne un commissaire de la Section
de la protection des réfugiés à Toronto. Jeudi dernier,
la GRC
a accusé ce commissaire d’abus de confiance en vertu du Code
criminel et d’avoir commis une infraction à la Loi sur
l’immigration et la protection des réfugiés. Je suis
certain que vous pouvez imaginer que cette situation a causé beaucoup
d’angoisse au sein de notre organisation, et à moi personnellement,
à titre de président.
Je dois préciser clairement dès le début que la
cour a prononcé une ordonnance de non-publication dans cette affaire,
et qu’il me faut donc faire preuve de circonspection dans les commentaires
que je vais vous faire aujourd’hui. Je ne pourrai pas faire d’autres commentaires
à propos du cas que ceux que je fais maintenant.
D’abord, laissez-moi vous dire ce que j’ai fait lorsque j’ai entendu
ces allégations. Dans les heures qui ont suivi, j’ai pris des mesures
de précaution décisives pour protéger l’intégrité
du processus décisionnel de la CISR.
J’ai immédiatement relevé le commissaire de ses fonctions,
lui ai interdit l’accès aux locaux de la CISR,
et ai déféré l’affaire aux autorités compétentes.
Ma deuxième priorité consistait à entreprendre une
enquête interne sur la conduite du commissaire. Bien que des accusations
aient maintenant été portées contre lui, le rôle
légal de la CISR,
à titre d’employeur, consiste à poursuivre cette enquête,
comme elle le ferait pour toute allégation pouvant être soulevée.
Une fois cette enquête terminée, je prendrai les mesures
appropriées. D’autres mesures pourraient être imposées
si nécessaire, jusqu’à la révocation du commissaire
par le gouverneur en conseil, pour motif valable. Je ne peux évidemment
pas, à ce moment-ci, préjuger de l’issue de l’enquête
interne.
Je veux que vous sachiez également qu’une partie de l’enquête
visera à déterminer si nous pouvons prendre d’autres mesures
en plus de celles que nous avons déjà mises en œuvre pour
faire en sorte que des incidents troublants ne se reproduisent plus.
Pour les fins de la diligence raisonnable, je commencerai un examen indépendant
externe des cas entendus par le commissaire en question. Nous retiendrons
les services d’un conseil expert indépendant, qui dirigera cet
examen et me conseillera sur sa portée et les mesures que nous
devrons prendre pour réparer toute injustice découverte.
Je préciserai en termes clairs et sans équivoque que la
CISR
ne tolère ni ne tolérera aucune forme d’abus. Nous nous
engageons à appliquer les normes d’éthique les plus élevées
et à protéger les droits de ceux qui comparaissent devant
nous.
Vous pouvez peut-être imaginer dans quelle mesure ces allégations
nous ont affectés à la Commission et m’ont affecté
personnellement. La CISR
est un organisme fier qui a un sens profond du devoir et qui est connu
pour ses réussites. Le Haut Commissariat des Nations Unies pour
les réfugiés (HCR)
a loué maintes et maintes fois le Canada et la CISR
pour leur système d’octroi de l’asile. Nous assumons un rôle
vital au sein du portefeuille de l’immigration, et remplissons notre mandat
en pleine connaissance des obligations qui nous sont conférées
par la loi, de nos devoirs à l’égard du Parlement et des
Canadiens ainsi que des conséquences de nos décisions. Il
n’y a pas de place pour des comportements sans scrupules à la CISR.
Malheureusement, il y aura toujours dans notre société
des personnes qui seront prêtes à enfreindre les règles
et à abuser de la confiance qui a été placée
en elles. Il n’y aura jamais assez de mesures de protection ou de contrôle
pour pouvoir protéger complètement un organisme des personnes
de mauvaise foi ou de moralité douteuse. Nous savons également
que les actes posés par certaines personnes peuvent porter atteinte
à l’intégrité de nombreuses personnes qui, jour après
jour, servent le public consciencieusement et honnêtement.
Il serait injuste de tirer des conclusions sur la Commission en se fondant
sur ces allégations. Mes commentaires d’aujourd’hui visent à
vous expliquer pourquoi vous pouvez continuer d’avoir confiance en l’intégrité
du processus décisionnel à la CISR.
Je vous assure que la Commission demeure déterminée dans
sa quête des normes de justice les plus élevées.
Laissez-moi maintenant vous expliquer les mesures concrètes en
place pour veiller à intégrer les valeurs et l’éthique
dans le travail de la Commission. Je vais également vous donner
un aperçu du processus de nomination fondé sur le mérite
de la CISR.
Je veux aller au-delà des gros titres publiés récemment
et vous donner une perception de la vraie nature de la CISR
ainsi que des normes d’éthique élevées selon lesquelles
elle fonctionne.
La CISR
dispose de nombreux instruments qui la protègent des manquements
à l’éthique et des conflits d’intérêts. L’élaboration
de ces instruments, les améliorations continues apportées
à notre processus de nomination fondé sur le mérite
et le programme de transformation que la Commission a poursuivi au cours
des dernières années illustrent l’évolution de la
Commission depuis ses débuts, en 1989, jusqu’au tribunal moderne,
élaboré et novateur d’aujourd’hui.
Le Code de déontologie des commissaires
La CISR
a son propre Code
de déontologie des commissaires pour régir la conduite
des commissaires dans leur vie professionnelle. Les commissaires sont
tenus de s’y conformer et font serment de respecter ses dispositions et
ses règlements.
Le Code indique que la CISR
« tient à encourager et à maintenir chez ses commissaires
des normes de professionnalisme et de comportement les plus élevées
possible ». Tous les titulaires de charges publiques doivent agir
honnêtement et respecter les normes d’éthique les plus élevées
pour que soit préservée la confiance du public en l’intégrité
du gouvernement.
Protocole relatif aux questions concernant la conduite des commissaires
Un complément important au Code de déontologie est le processus
permettant à la population de déposer des plaintes relativement
à la conduite des commissaires. En 1995, la Commission a élaboré
le Protocole relatif
aux questions concernant la conduite des commissaires. Le processus
prévoit l’examen de toutes les plaintes en vue d’assurer le respect
des normes de qualité élevées et des droits de toutes
les personnes en cause, tout en renforçant la crédibilité
de l’institution. En qualité de président, je possède
également le pouvoir discrétionnaire de prendre des mesures
additionnelles si c’est justifié.
Outre le Protocole relatif aux questions concernant la conduite des commissaires,
les personnes ayant des questions sur la partialité et d’autres
préoccupations liées aux décisions des commissaires
peuvent faire appel au processus de contrôle judiciaire de la Cour
fédérale. Toutes les décisions de la CISR
peuvent faire l’objet d’un contrôle judiciaire.
Rôle de l’agent supérieur de la CISR
La Commission compte également un agent supérieur auquel
tout commissaire ou fonctionnaire de la CISR
peut présenter des préoccupations ou des allégations
concernant des actes fautifs. L'agent supérieur doit s'assurer
que des mesures sont prises rapidement dans tous les cas et doit lancer
une enquête, le cas échéant.
Évolution du processus de nomination
Un autre domaine dans lequel nous avons accompli d’importants progrès
est le processus
de nomination fondé sur le mérite pour les décideurs
de la CISR.
Les décideurs de deux des trois sections de la CISR
sont nommés par le gouverneur en conseil, à savoir ceux
de la Section de la protection des réfugiés et de la Section
d’appel de l’immigration. Lors de la création de la Commission
en 1989, il n’existait aucun mécanisme formel ou institutionnalisé
pour devenir décideur nommé par décret, autre qu’une
nomination du gouverneur en conseil.
En 1995, le gouvernement a mis sur pied le Comité consultatif
ministériel afin d’aider à sélectionner les commissaires.
Au début de 2004, le système de nomination a encore évolué,
et d’importants changements y ont été apportés en
vue d’éliminer la perception selon laquelle la partisanerie est
plus importante que le mérite dans la sélection des décideurs
de la CISR.
L’objectif visé consistait à faire en sorte que seuls les
candidats les plus qualifiés seraient considérés.
Dans l’intérêt supérieur du gouvernement et de la
CISR,
le gouvernement a mandaté la Commission de mettre en œuvre un processus
de sélection entièrement fondé sur le mérite
pour les nominations par décret.
Conformément au nouveau processus, les candidats doivent faire
l’objet d’une présélection initiale et passer ensuite un
examen écrit qui vérifie leurs compétences. Les profils
de compétences permettent d’évaluer leurs capacités
décisionnelles, leur jugement et leur raisonnement analytique et
d’autres compétences professionnelles. Un comité consultatif
indépendant composé de Canadiens hautement qualifiés
dans leur domaine évalue ensuite les candidats. Je suis membre
de ce comité consultatif. Le comité examine les formulaires
de candidature, les CV
et les résultats des examens afin de déterminer si les candidats
devraient être convoqués à une entrevue.
Les personnes sélectionnées sont interviewées par
un comité de sélection, que je préside, qui est composé
d’experts possédant une compréhension approfondie de la
CISR
et de son processus décisionnel. Des vérifications approfondies
des références des personnes interviewées sont effectuées.
Tout au long du processus, nous souhaitons non seulement trouver des
décideurs qualifiés, mais également des personnes
qui se conforment aux normes éthiques de la Commission. Cela s’apparente
aux questions sur les qualités personnelles posées aux candidats
au poste de juge de la Cour fédérale. Durant l’entrevue,
les candidats doivent démontrer une maîtrise de l’éthique;
la vérification des références permet également
de contrôler cette exigence.
Depuis 2004, seuls les candidats hautement qualifiés acceptés
par le comité de sélection sont présentés
au ministre aux fins d’examen et de nomination potentielle.
Processus d’évaluation du rendement
L’évaluation régulière du rendement permet aussi
à la Commission de contrôler la qualité du travail
des décideurs. La CISR
a été l'un des premiers tribunaux administratifs canadiens
à mettre en œuvre un processus officiel d'évaluation du
rendement. Le processus vise à favoriser et à maintenir
les plus hautes normes de rendement. Il ne porte pas sur les décisions
rendues par les décideurs, mais sur des facteurs comme la productivité,
l’esprit d’analyse, l’habileté à rédiger des motifs
et les capacités de présider des audiences. Il convient
également de noter que l’évaluation porte notamment sur
l’observation générale du Code de déontologie.
Je souhaite également mentionner que les commissaires reçoivent
une formation sur le Code de déontologie et les conflits d’intérêts
durant les séances de formation exhaustives à l’intention
des commissaires.
Nominations et renouvellement des mandats
Je voudrais maintenant aborder le sujet des postes vacants à la
Commission, et des nominations et renouvellements des mandats. Comme je
l’ai mentionné durant mon allocution du 29 mai, en l’absence
de nominations et de renouvellement des mandats, je ne peux honorer mes
promesses envers le comité concernant les délais de traitement
et les réformes innovatrices.
Au cours des dernières semaines, les médias ont publié
beaucoup d’articles sur le nombre de postes vacants à la Commission
dont plusieurs étaient inexacts. Permettez-moi de vous donner les
statistiques officielles en date d’aujourd’hui. Cette année, la
CISR
compte un effectif de 156 commissaires. Il y a 40 postes vacants
à ce jour.
Conclusion
J’espère avoir communiqué le sentiment de fierté
que je ressens envers la CISR.
Mon allocution d’aujourd’hui n’aurait pas été aussi directe
si je n’étais pas intimement convaincu de l’intégrité
et de la réputation de la CISR.
La CISR
assume ses responsabilités avec une détermination inébranlable
en vue d’exceller dans tous les aspects de ses activités. J’estime
que nous avons créé un milieu éthique et que nous
avons inspiré un sentiment de responsabilité et d’obligation
chez nos employés. C’est pourquoi la situation récente est
si difficile; elle va à l’encontre de tout ce que nous défendons
et de nos normes de comportement et de conduite élevées.
Nous nous efforçons tous les jours de gagner la confiance des Canadiens,
et la situation actuelle ne freinera pas notre quête de l’excellence
ni ne diminuera la fierté que nous ressentons envers la façon dont
nous servons les Canadiens et les personnes qui comparaissent devant la
CISR.
Je suis honoré d’être président de la Commission
de l’immigration et du statut de réfugié du Canada, car
je sais que je suis entouré des personnes les plus dévouées
et consciencieuses avec qui toute personne aurait le privilège
de travailler.
Nous sommes des personnes responsables et dotées de principes,
qui servent la population canadienne. Il s’agit du message que je souhaite
vous transmettre aujourd’hui.
Je répondrai à vos questions avec plaisir.
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