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No dossier SPR :
VA2-01374, VA2-01722, VA2-01723, VA2-01724
Demandeur(e)s d'asile : Steven Wynn KUBBY, Michele Renee
KUBBY, Brooke Kona KUBBY, Crystal Bay KUBBY
Date(s) de l'audience : 5 mars 2003, 6 mars 2003, 7
mars 2003, 10 mars 2003, 8 avril 2003, 10 avril 2003, 11 avril 2003, 15
avril 2003, 16 avril 2003
Lieu de l'audience : Vancouver (C.-B.)
Date de la décision : 17 novembre 2003
Tribunal : Paulah Dauns
Conseil du demandeur d'asile : Néant
Agent de la protection des réfugiés : Marilyn Babcock
Représentant désigné : Michele Renee KUBBY pour Brooke
Kona KUBBY et Crystal Bay KUBBY
Conseil du ministre : G. Starr et S. Buckoll
TABLE DES MATIÈRES
MOTIFS
- DEMANDE D'ASILE DE M. KUBBY
- Réfugié au sens de la Convention (article
96 de la LIPR)
- Personne à protéger (article 97 de
la LIPR)
- DEMANDES D'ASILE DE Mme KUBBY ET DE SES ENFANTS
MINEURS
QUESTIONS À EXAMINER
TÉMOINS
RÉSUMÉ DE LA PREUVE PRÉSENTÉE
ANTÉCÉDENTS MÉDICAUX
DE M. KUBBY
BESOINS EN MARIHUANA DE M. KUBBY
LÉGISLATION EN MATIÈRE
DE MARIHUANA AUX ÉTATS-UNIS
DEMANDE D'ASILE FONDÉE SUR L'ARTICLE
96 DE LA LIPR
- Définition et fardeau de la preuve
- Nature de la demande d'asile de M. Kubby
- Crainte subjective
CRÉDIBILITÉ
POURSUITES JUDICIAIRES OU PERSÉCUTION
- Introduction
- Système judiciaire équitable
et indépendant
- Lois d'application générale
- Procès devant jury
- Droit à un avocat
- Indépendance et impartialité
du juge présidant le procès
- Risque allégué de poursuites
fédérales
- Fugitif recherché par la justice
- Résumé
DISPONIBILITÉ DE LA PROTECTION
DE L'ÉTAT
DEMANDE D'ASILE FONDÉE SUR L'ARTICLE
97 DE LA LIPR
- Définition et fardeau de la preuve
- Nature des allégations de menace à
la vie de M. Kubby
- Sanctions légitimes
POSSIBILITÉ DE REFUGE INTÉRIEUR
DEMANDES D'ASILE DE MICHELE KUBBY
ET DES DEMANDEURES MINEURES
RÉCAPITULATION
DÉCISION
- Steven Wynn KUBBY, 56 ans, Michele Renee KUBBY, 37 ans,
et leurs deux enfants mineurs, Brooke Kona KUBBY, 7 ans, et Crystal
Bay KUBBY, 3 ans, sont tous citoyens des États-Unis. Les
passeports américains de tous les demandeurs ont été
déposés en preuve1;
ainsi, la question de l’identité ne se pose pas en l’espèce.
Je suis convaincue que les quatre demandeurs d’asile sont citoyens des
États-Unis uniquement.
- Les demandeurs d’asile n’étaient pas représentés
par un conseil à l’audience, mais ils ont reçu l’aide
d’un conseil pour remplir leurs formulaires de renseignements personnels
(FRP)2.
Mme Kubby a été désignée
comme représentante des deux enfants mineurs.
MOTIFS
- Les quatre demandeurs fondent leurs demandes d’asile sur plusieurs
motifs.
DEMANDE D’ASILE DE M. KUBBY
(a) Réfugié au sens de
la Convention (article 96 de la Loi sur l’immigration et la protection
des réfugiés – LIPR)
- M. Kubby demande que la qualité de réfugié au
sens de la Convention3
lui soit reconnue parce qu’il craint d’être persécuté
du fait de ses opinions politiques et de son appartenance à un
groupe social, à savoir les malades qui consomment du cannabis
à des fins médicales (également appelés
ci-après les « consommateurs de marihuana à des fins
médicales »).
96. A qualité de réfugié
au sens de la Convention – le réfugié – la personne
qui, craignant avec raison d’être persécutée du
fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son
appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :
a) soit se trouve hors de tout pays
dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette
crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de
ces pays;
b) soit, si elle n’a pas de nationalité
et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence
habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.
(b) Personne à protéger
(article 97 de la LIPR)
- M. Kubby demande également que la qualité de personne
à protéger lui soit reconnue parce qu’il soutient que,
s’il est renvoyé aux États-Unis, il sera emprisonné
et empêché de consommer de la marihuana, ce qui l’exposerait
à une menace à sa vie.
- L’article 97 est ainsi libellé :4
97. (1) À qualité de personne
à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait
personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité
ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait
sa résidence habituelle, exposée :
a) soit au risque, s’il y a des
motifs sérieux de le croire, d’être soumise à
la torture au sens de l’article premier de la Convention contre
la torture;
b) soit à une menace à
sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités
dans le cas suivant :
(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut
se réclamer de la protection de ce pays,
(ii) elle y est exposée en tout lieu
de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou
qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,
(iii) la menace ou le risque ne résulte
pas de sanctions légitimes – sauf celles infligées
au mépris des normes internationales – et inhérents
à celles-ci ou occasionnés par elles,
(iv) la menace ou le risque ne résulte
pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux
ou de santé adéquats.
- Enfin, il dit craindre d’être soumis à la torture, conformément
à l’alinéa 97(1)a) de la LIPR.
II Demandes d’asile de Mme Kubby
et des enfants mineurs
- Mme Kubby demande que la qualité de réfugié
au sens de la Convention lui soit reconnue du fait de son appartenance
à un groupe social, à savoir la famille de M. Kubby.
Elle demande que la qualité de réfugié au sens
de la Convention soit également reconnue à ses enfants
mineurs du fait de leur appartenance à la famille de M. Kubby.
Elle soutient que ses deux enfants mineurs et elle s’exposent à
un risque ou à une menace au sens de l’article 97.
QUESTIONS À EXAMINER
- Sont déterminantes en l’espèce les questions de savoir,
premièrement, si les demandeurs craignent subjectivement d’être
persécutés étant donné notamment le temps
qu’ils ont mis à demander l’asile et, deuxièmement, dans
la mesure où ils éprouvent réellement une crainte
subjective, si leur crainte a un fondement objectif. Sous cette rubrique,
j’examinerai la question de la protection de l’État et la question
de la différence entre les poursuites judiciaires et la persécution.
Si je suis convaincue que les demandeurs craignent avec raison d’être
persécutés ou s’exposent à un risque ou à
une menace au sens de l’article 97 de la LIPR dans le comté
de Placer dans l’État de la Californie, je me pencherai sur la
possibilité de refuge intérieur (PRI) dans une autre partie
des États-Unis.
TÉMOINS
- La Commission a entendu un certain nombre de témoignages, dont
ceux des personnes suivantes : Patrick McCartney (journaliste);
James P. Gray (juge de la Cour supérieure de la Californie);
Angel McCleary Raich (défenseure de l’accès à la
marihuana); Edward Rosenthal (auteur); Dr Joseph
Michael Connors (oncologue de la Colombie-Britannique); Christopher Cattran
(substitut du procureur de l’État de la Californie); Peter Edmund Brady
(journaliste); William Gary Panzer (avocat de la défense);
Mary S. Leverette (directrice du Medical Marihuana Program
- programme d’accès à la marihuana à des fins médicales
- de l’Oregon) et Daniel T. Satterberg (procureur en chef
de l’État de Washington). M. et Mme Kubby ont
également témoigné. L’audience s’est étalée
sur neuf jours, entre le 5 mars 2003 et le 16 avril 2003.
Pendant les deux conférences tenues en application de l’article 205,
des questions procédurales et administratives ont été
examinées.
- Le conseil du ministre et les demandeurs d’asile ont utilisé
des tables des matières semblables pour présenter leur
preuve. Par souci de cohérence, j’ai suivi la même présentation
générale dans mes motifs de décision. L’analyse
qui suit vise la demande d’asile de M. Kubby. J’analyserai les
demandes d’asile des membres de sa famille par la suite.
RÉSUMÉ DE LA PREUVE PRÉSENTÉE
- Il ressort de la preuve6
que M. Kubby a pu consommer de la marihuana en Californie sans
problèmes pendant plus de seize ans (du début des années
1980 lorsqu’il a commencé à consommer de la marihuana
jusqu’à son arrestation en 1999), soit bien avant l’adoption
de la Compassionate Use Act (Loi sur l’accès à
la marihuana à titre humanitaire) (la CUA)7
en 1996.
- À la suite d’une indication (lettre anonyme) reçue le
2 juillet 19988,
les autorités de l’État de la Californie ont amorcé
une enquête sur ce qu’elles croyaient être une installation
de culture de marihuana dans le comté de Placer, au domicile
de la famille Kubby. Dans la lettre, il était allégué
que M. Kubby faisait la culture d’environ 1 500 plants
et vendait de grandes quantités de marihuana. Puisque la culture
est demeurée une infraction aux lois de l’État après
l’adoption de la CUA, les forces de l’ordre du comté de Placer
ont amorcé une enquête sur les activités de M. Kubby9
après avoir reçu cette lettre.
- M. Kubby aurait, semble-t-il, retenu les services de Robert Raich,
avocat qui a fait les démarches nécessaires pour que M. Kubby
soit reconnu par la ville d’Oakland comme agent autorisé à
produire ou à posséder de la marihuana destinée
à la consommation à des fins médicales10.
Je n’ai pas été saisie de preuve documentaire étayant
la reconnaissance de M. Kubby comme agent, mais j’accepte qu’il
l’a été. Selon la police et le ministère public,
le niveau de vie de M. Kubby semblait supérieur aux sources
déclarées de revenu de sa famille11.
- Un juge a délivré le mandat de perquisition, qui a été
exécuté au domicile de la famille Kubby. Selon les demandeurs,
les renseignements fournis au juge qui a délivré le mandat
étaient incorrects et avaient été fabriqués
de toutes pièces. Le juge du procès a statué avant
l’audience sur la validité du mandat de perquisition et la requête
en irrecevabilité du mandat de perquisition présentée
par M. Kubby. La requête en irrecevabilité a été
rejetée12.
Les éléments de preuve recueillis par suite de l’exécution
du mandat de perquisition ont été déposés
en preuve lors du procès criminel du demandeur tenu dans le comté
de Placer en Californie. M. Kubby a interjeté appel à
la Cour d’appel de la Californie de la décision du juge du procès
de rejeter sa requête en irrecevabilité13.
- En janvier 1999, la police de l’État et la Drug Enforcement
Administration (DEA) des États-Unis ont exécuté
un mandat de perquisition14
au domicile de M. Kubby. La perquisition a révélé
l’existence d’une installation résidentielle intérieure
de 265 plants de marihuana. M. Kubby a alors été
arrêté, puis remis en liberté sous engagement15.
Son épouse et lui ont ensuite été inculpés
de 13 infractions appelées « felony » (ci-après
« infraction majeure »)16,
y compris les suivantes : culture de marihuana, possession de marihuana
en vue d’en faire la vente, complot en vue de cultiver de la marihuana,
possession de cannabis concentré, possession de mescaline, possession
de psilocine, possession de matériel d’injection ou d’ingestion
et possession non autorisée de seringues.
- Selon Christopher Cattran, substitut du procureur de l’État
de la Californie, la DEA fédérale a participé à
l’exécution du mandat de perquisition à cause d’un manque
de ressources. L’exécution du mandat de perquisition et la saisie
de preuves ont été filmées, et la bande vidéo
a été déposée en preuve en l’espèce17.
Dans son témoignage, M. Cattran a dit avoir été
informé que la DEA n’était pas intéressée
à engager des poursuites fédérales contre M. Kubby
et qu’elle remettait l’affaire aux autorités de l’État18.
- De l’avis d’un policier spécialisé, 265 plants
de marihuana dépassent largement la quantité requise à
des fins médicales. Christopher Cattran, substitut du procureur
de l’État de la Californie, a autorisé les poursuites
engagées19 :
[Traduction]
Il était indiqué dans le mandat de perquisition que
M. Kubby avait des problèmes de santé. Ce fait
a été pris en compte également; toutefois, il
a été conclu que la quantité saisie dépassait
largement la quantité requise à des fins médicales20.
Très peu de consommateurs de marihuana à des fins
médicales peuvent cultiver une quantité viable inférieure
à 20, 30 ou 40 plants. C’est une culture typique. Vingt,
trente ou quarante plants. Les cultivateurs aux techniques plus
perfectionnées peuvent cultiver 100 ou 200 plants s’ils
font des expériences avec diverses variétés
de plants et ainsi de suite [
].21
- Le ministère de la Santé du Canada a donné à
M. Kubby l’autorisation de cultiver 117 plants de marihuana
à des fins médicales22
pendant qu’il attend la décision concernant sa demande d’asile
au Canada. Aux dires de M. Cattran, la norme suivante est utilisée
dans le comté de Placer pour déterminer s’il y a lieu
d’engager des poursuites au criminel contre un accusé :
[Traduction]
[les poursuites sont engagées] si la personne a en sa possession
une quantité de marihuana (soit en plants, soit sous une autre
forme) qui est raisonnable compte tenu de son état de santé
à ce moment.23
- M. et Mme Kubby ont par la suite subi un procès
devant jury à l’automne 2000. Comme il s’agissait d’une
poursuite intentée par l’État et non par les autorités
fédérales, M. Kubby n’a pas été reconnu
coupable des accusations de possession de marihuana puisqu’il a présenté
la défense de « nécessité médicale »24
prévue dans l’arrêt Mower25
et dans la CUA. Onze des douze jurés ont ajouté foi à
la défense présentée par M. Kubby et ont voté
pour l’acquittement. Toutefois, le juge a dû déclarer la
nullité du procès parce que l’un des jurés était
convaincu de la culpabilité de l’accusé et n’a pas modifié
sa position26.
Le ministère public a par la suite informé la Cour qu’il
ne demanderait pas la tenue d’un nouveau procès en ce qui concerne
les accusations reliées à la drogue portées contre
M. Kubby27.
Dans la pratique, la position du ministère public a entraîné
la fin de la poursuite par l’État, du moins en ce qui concerne
les accusations reliées à la marihuana.
- Toutefois, pour ce qui est des autres accusations non reliées
à la marihuana, le jury a reconnu M. Kubby coupable de possession
de mescaline et de psilocine (chefs d’accusation 5 et 6). Il a
rendu ce verdict même si M. Kubby a affirmé que la
mescaline en sa possession servait à de la recherche pour son
livre intitulé The Politics of Consciousness et, partant,
était « protégée ». Il a affirmé
que quelqu’un lui avait dit que la Religious Restoration Act
de 199528
l’autorisait à avoir en sa possession une « quantité
non utilisable » de mescaline. Quant à la psilocine, elle
a été trouvée dans la chambre d’amis; l’accusé
a dit ne pas savoir comment elle s’est retrouvée là ni
d’où elle venait. Le jury n’a pas ajouté foi à
ses explications et l’a reconnu coupable des deux infractions en matière
de drogue autre que la marihuana.
- Mme Kubby a été acquittée de toutes
les accusations qui pesaient contre elle29.
- La condamnation a été prononcée le 21 décembre 2000,
et l’affaire a été ajournée au mois de mars 2001
pour la détermination de la peine30.
Un rapport présentenciel a été rédigé
et une longue audience de détermination de la peine a été
tenue par le juge Cosgrove, qui a condamné M. Kubby à
une peine de 120 jours de détention à domicile, à
une amende et à une période de probation de trois ans31.
- Selon Mme Kubby, le juge aurait dit que la prison
n’était pas un endroit pour son mari32.
La possession de mescaline est une infraction majeure (l’équivalent
au Canada d’une infraction punissable par mise en accusation), tandis
que la possession de psilocine est une infraction appelée « wobbler »
(l’équivalent au Canada d’une infraction mixte et ci-après
appelée « infraction mixte »). Le juge a choisi de
considérer la possession de psilocine comme une infraction appelée
« misdemeanour » (ci-après « infraction mineure »),
comme il était en droit de le faire, mais il a aussi condamné
l’accusé à une infraction réduite pour ce qui est
de la possession de mescaline, ce qu’il n’était pas autorisé
à faire.
- La Cour a donné à M. Kubby, qui soutient qu’il
doit consommer de la marihuana à des fins médicales, l’autorisation
de consommer de la marihuana pendant sa période de détention
à domicile et de probation, en conformité avec la CUA33.
J’estime utile d’exposer le texte intégral de la Loi.
The Compassionate Use Act of 1996 (Loi sur l’accès
à la marihuana à titre humanitaire de 1996)
[Modification 215] Article 1. Le Health and Safety Code
(Code de la santé et de la sécurité) est modifié
par adjonction de l’article 11362.5 qui suit :
11362.5. a) Le présent article a pour titre Compassionate
Use Act of 1996.
b) (1) Par les présentes, l’État
de la Californie reconnaît que la Compassionate Use Act
of 1996 vise les objectifs suivants :
(A) veiller à ce que les Californiens
gravement malades aient le droit d’obtenir et de consommer de la
marihuana à des fins médicales lorsqu’une telle consommation
est jugée utile et a été recommandée
par un médecin qui estime que la marihuana peut soulager
les douleurs et être bénéfique à la santé
de toute personne qui subit un traitement pour le cancer, l’anorexie,
le SIDA, des douleurs chroniques, une paralysie spasmodique, le
glaucome, l’arthrite ou les migraines, entre autres.
(B) veiller à ce que les malades et
leurs soignants primaires qui obtiennent de la marihuana à
des fins médicales et l’utilisent sur la recommandation d’un
médecin ne fassent pas l’objet de poursuites au criminel
ni de sanctions pénales.
(C) encourager le gouvernement fédéral
et le gouvernement de l’État à mettre en oeuvre un
plan d’action pour la vente et la distribution sûres et abordables
de marihuana à tous les malades qui en ont besoin à
des fins médicales.
(2) Le présent article n’a pas pour effet de
remplacer les dispositions législatives interdisant toute
conduite qui met en danger la vie d’autrui ni d’autoriser l’utilisation
de la marihuana à des fins autres que médicales.
c) Par dérogation à
toute autre disposition législative, aucun médecin
de l’État ne peut être puni ni privé d’un droit
ou d’un privilège parce qu’il a recommandé la consommation
de marihuana à des fins médicales.
d) L’article 11357 (possession de
marihuana) et l’article 11358 (culture de marihuana) ne s’appliquent
pas au malade ni au soignant primaire du malade qui a en sa possession
de la marihuana ou en cultive pour la consommation personnelle du
malade sur la recommandation ou avec l’approbation écrite
ou verbale d’un médecin.
e) Pour l’application du présent
article, « soignant primaire » s’entend de la personne
qui a constamment assumé la responsabilité du logement,
de la santé ou de la sécurité de la personne
visée par l’exception prévue à cet article
et qui a été ainsi désignée par cette
dernière.
Article 2. En cas de déclaration d’invalidité de
toute disposition de la Compassionate Use Act of 1996 ou
de son application à une personne ou à une circonstance
quelconque, les autres dispositions ou applications qui peuvent
continuer de s’appliquer malgré la déclaration d’invalidité
demeurent en vigueur; à cette fin, les dispositions de la
Compassionate Use Act of 1996 sont divisibles.
- Après le prononcé de la peine, le ministère public
a demandé le rejet des accusations reliées à la
marihuana et a porté en appel la décision du juge de traiter
les accusations pendantes comme des infractions mineures plutôt
que majeures. Le ministère public a obtenu gain de cause en appel,
et l’accusation de possession de mescaline a été traitée
comme une infraction majeure34.
- Entre-temps, M. Kubby a fait des démarches35
pour obtenir l’autorisation de purger sa peine à domicile avec
surveillance électronique à San Francisco36
plutôt que dans le comté de Placer, parce que la tolérance
y est plus grande et qu’il y bénéficie d’un plus grand
soutien37.
Les autorités du comté de Placer et celles du comté
de San Francisco ont donné leur aval à la surveillance
électronique de M. Kubby dans le comté de San Francisco
et ont établi les conditions de la détention à
domicile38.
La période de détention à domicile devait commencer
le 10 avril 2001.
- M. Kubby a interjeté un appel incident à l’appel du
ministère public, invoquant comme moyen d’appel la perquisition
« illicite » effectuée à son domicile. La Cour
d’appel de la Californie a statué que l’appel incident ne pouvait
être entendu tant que M. Kubby était un « fugitif »39.
À son avis, M. Kubby est devenu un fugitif au moment où
il a sciemment quitté le ressort avant l’expiration de sa peine.
[Traduction]
Toute personne qui, sachant qu’elle est recherchée relativement
à une action en justice pénale, s’absente du ressort
ou le quitte est un fugitif recherché par la justice. Par conséquent,
il ne fait aucun doute que l’accusé est un fugitif recherché
par la justice. À ce titre et compte tenu du raisonnement avancé
dans les causes déjà citées, il a renoncé
à son droit d’interjeter appel de la peine d’emprisonnement
qui lui a été imposée pendant qu’il en fait fi.41
- En avril 2001, M. Kubby a déposé d’autres
documents dans le but de faire modifier sa peine pour qu’elle prévoie
un traitement (suivant la modification 36)42
plutôt qu’une sanction. Même s’il avait donné son
consentement aux conditions de la probation, il n’était plus
disposé à se conformer à l’ordonnance de probation43.
La requête de M. Kubby devait être entendue le 6 avril 2001,
mais l’audience a été ajournée au 27 avril 2001.
La date à laquelle M. Kubby devait se rendre aux autorités
de la prison du comté de Placer pour purger sa peine (en détention
à domicile ou dans une prison) a été reportée
au 11 mai 2001.
- La demande de M. Kubby de purger sa peine en prison plutôt
qu’en détention à domicile avec probation a fait l’objet
d’une audience. M. Kubby jugeait préférable de purger
sa peine en prison s’il pouvait avoir accès à du cannabis
pendant sa détention plutôt que de la purger à son domicile et
d’être en probation pendant trois ans. À son avis, il aurait
été trop difficile pour lui de trouver une résidence
à louer où il pouvait purger sa peine. Sa famille était
déjà déménagée au Canada pour exploiter
des occasions d’affaires rendues possibles par l’ALÉNA44.
Il a soutenu ne plus avoir de résidence aux États-Unis,
même s’il n’a été admis au Canada qu’à titre
temporaire. Il s’opposait à la période de probation de
trois ans, parce qu’il pouvait faire l’objet de fouilles personnelles,
ainsi que de perquisitions à son domicile et dans son véhicule.
Il croyait que les agents de probation et les forces de l’ordre abuseraient
de ce pouvoir. Sa demande de dispense au titre de la modification 36
a été rejetée45.
- Le 27 avril 200146,
après avoir examiné les observations des parties, le juge
Cosgrove a décidé de ne pas commuer la peine de M. Kubby
ni de mettre fin à sa période de probation47.
Toutefois, le juge Cosgrove a reporté au 20 juillet 2001
la date à laquelle M. Kubby devait se rendre, à la
demande du personnel de la prison qui attendait des instructions de
la Cour suprême des États-Unis concernant les soins médicaux
qui pouvaient être dispensés à M. Kubby pendant
son incarcération si ce dernier choisissait de purger sa peine
en prison plutôt qu’en détention à domicile.
- À l’audience d’avril, un agent de correction de la prison du
comté de Placer a demandé à la Cour de ne pas envoyer
M. Kubby en prison parce qu’il n’était pas clair si la prison
pouvait fournir de la marihuana à M. Kubby pendant qu’il
purgeait sa peine48.
Les autorités de la prison attendaient le jugement de la Cour
suprême des États-Unis dans l’affaire Oakland Cannabis
Buyers’ Cooperative49,
qui leur indiquerait, elles l’espéraient, l’orientation à
suivre.
- La date à laquelle M. Kubby devait se rendre, à savoir
le 20 juillet 2001, était aussi la date d’installation
du programme de surveillance à distance. En cas d’échec,
M. Kubby devait se rendre aux autorités de la prison du
comté de Placer50.
M. Kubby a soutenu avoir obtenu de la Cour l’autorisation de venir
au Canada en avril 2001 et ne pas devoir retourner en Californie
avant le 20 juillet 2001. Mme Kubby a déclaré
que son mari avait également obtenu de son agent de probation
l’autorisation de quitter le pays jusqu’au 20 juillet 200151.
Cette allégation va à l’encontre des documents judiciaires
et des documents du service de probation qui ont été déposés
en preuve52.
- M. Kubby a quitté les États-Unis à la fin
d’avril 2001 et est venu au Canada avant de purger sa peine de
détention à domicile et sa période de probation
pendant que les modalités régissant l’application de sa
peine étaient réglées.
- Le 20 juillet 2001, M. Kubby ne s’est pas rendu à
la prison du comté de Placer comme il devait le faire. Le service
de probation du comté de Placer a alors présenté
à la Cour une requête en révocation de la probation
en raison du défaut de M. Kubby de se présenter à
la prison du comté et de son changement non autorisé de
résidence. Le 30 juillet 2001, le juge a délivré
contre M. Kubby un mandat d’amener fondé sur la violation
des conditions de sa probation53.
- À ce jour, M. Kubby n’a pas payé les amendes qui lui
ont été imposées ni ne s’est conformé aux
conditions de sa probation. Il n’a pas purgé sa peine d’emprisonnement54.
Mme Kubby a déclaré que son mari et elle
étaient conscients de la date, mais ont choisi de ne pas rentrer
au pays pour que M. Kubby purge sa peine55.
En conséquence, M. Kubby n’a pas encore purgé la
peine qui lui a été imposée aux États-Unis
relativement aux déclarations de culpabilité visant une
infraction mineure et une infraction majeure.
- En termes généraux, M. Kubby dit qu’il est un réfugié
au sens de la Convention parce qu’il a été poursuivi en
justice par les autorités locales en raison de ses opinions politiques,
à savoir ses croyances favorables à l’accès à
la marihuana. Selon ses dires, il a été ciblé par
les forces de l’ordre, entre autres, parce qu’il était un activiste
au franc parler, un ancien candidat au poste de gouverneur et un consommateur
bien connu de marihuana à des fins médicales.
- Outre ses allégations concernant les poursuites intentées
par l’État, M. Kubby a également allégué
être exposé à des poursuites fédérales
s’il retourne aux États-Unis et que ces poursuites équivaudraient
à de la persécution du fait de ses opinions politiques
antigouvernementales. Il soutient que toute peine d’emprisonnement qui
lui serait imposée à la suite de poursuites fédérales
l’exposerait à une menace à sa vie parce qu’il serait
empêché de consommer du cannabis pendant qu’il purge sa
peine dans un pénitencier fédéral, ce qui entraînerait
sa mort et, partant, constituerait un traitement ou une peine cruel
et inusité.
ANTÉCÉDENTS MÉDICAUX DE M. KUBBY
- M. Kubby souffre d’un cancer des glandes surrénales (phéochromocytome)
depuis 1968. Lorsqu’ils ont posé le diagnostic, les médecins
lui ont dit qu’il ne lui restait que quelques années à
vivre, tout au plus. En fait, le diagnostic a été posé
il y a 35 ans et il vit encore. En raison du diagnostic médical,
M. Kubby croyait qu’il allait mourir. M. Kubby a été
opéré d’une tumeur maligne, puis a suivi une chimiothérapie
et une radiothérapie avant de se tourner vers des méthodes
non traditionnelles de traitement de sa maladie. Dans son témoignage,
il a affirmé qu’il se préparait à mourir56
lorsqu’un ami lui a conseillé d’essayer la marihuana pour voir
si celle-ci atténuerait ses symptômes. Depuis qu’il est
au Canada, M. Kubby a suivi une radiothérapie en plus de
sa consommation de cannabis à des fins médicales.
- Le Dr Connors est spécialiste du cancer des glandes
surrénales et son curriculum vitae57
laisse croire qu’il s’y connaît tout particulièrement dans
ce domaine de la médecine. Le Dr Connors a témoigné
à l’audience au sujet de l’état de santé de M. Kubby.
À son avis, la tumeur de M. Kubby produit en trop grande
quantité des hormones, les catécholamines, qui se trouvent
généralement dans les glandes surrénales. Cette
trop grande quantité de catécholamines dans le sang de
M. Kubby occasionne divers problèmes symptomatiques distincts,
dont les suivants : maux de tête paroxystiques, teint soudainement
rouge ou blafard, palpitations (battement rapide et irrégulier
du coeur), hypertension (montée soudaine et dangereuse de la
tension artérielle), transpiration abondante, crampes abdominales
soudaines et diarrhée, douleur à la poitrine, dyspnée,
nausée, faiblesse grave soudaine et anorexie (perte de l’appétit).
S’ils ne sont pas maîtrisés, les symptômes de M. Kubby
peuvent évoluer et occasionner un infarctus du myocarde (crise
cardiaque) ou un accident vasculaire cérébral (AVC)58.
- Comme il a déjà été mentionné,
le cancer de M. Kubby et les symptômes connexes ont été
traités pendant plus de dix ans par des moyens traditionnels,
dont la chirurgie, la chimiothérapie, la radiothérapie
et les médicaments. L’espérance de vie d’une personne
atteinte de phéochromocytome est généralement de
trois à cinq ans59.
- Au début des années 1980, M. Kubby a commencé
à fumer de la marihuana et a cessé de recourir aux moyens
traditionnels utilisés pour le traitement de son cancer et des
symptômes connexes. M. Kubby n’a pas eu recours à
des moyens traditionnels de traitement des symptômes de son cancer
et des symptômes connexes depuis qu’il consomme de la marihuana,
exception faite de la radiothérapie suivie au Canada. Le Dr Connors
a déclaré que la radiothérapie pourrait s’étaler
sur plusieurs mois, voire des années, mais que rien n’indiquait
que la tumeur de M. Kubby réagissait à cette thérapie60.
BESOINS EN MARIHUANA DE M. KUBBY
- La Commission a été saisie de preuves selon lesquelles
la marihuana aide à atténuer les symptômes de cancer
dont souffre M. Kubby, y compris l’hypertension61.
De l’avis du Dr Connors, la marihuana demeure le meilleur
traitement disponible pour M. Kubby62.
- La preuve ne permet pas de conclure avec certitude si M. Kubby
s’expose à une menace à sa vie s’il ne peut plus consommer
de marihuana pour traiter ses symptômes et est tenu, plutôt,
de suivre des traitements traditionnels. Le conseil du ministre soutient
que la durée de survie de M. Kubby est inhabituelle, mais
pas unique. Le Dr Connors s’est exprimé ainsi :
[Traduction]
Sa survie a largement dépassé l’espérance de
vie habituelle des personnes atteintes de ce type de maladie, mais
son cas n’est pas unique. Des cas d’autres personnes ayant survécu
aussi longtemps que lui et dont la maladie a évolué
aussi lentement que la sienne ont été documentés.63
- Par conséquent, à la lumière de l’avis du Dr Connors,
il ne peut être affirmé avec certitude que la marihuana
est responsable de la survie de M. Kubby, même si elle continue
de représenter le meilleur traitement pour lui à ce moment.
En revanche, M. Kubby soutient que la durée de sa survie
est unique dans les annales médicales et qu’elle a été
qualifiée de « miraculeuse » par l’oncologue californien,
le Dr DeQuattro64.
- Le Dr DeQuattro s’est exprimé ainsi :
[Traduction]
Selon les fidéistes thérapeutiques, ce n’est rien de
moins qu’un miracle que Steve vive encore depuis dix à quinze
ans. À mon avis, le miracle est en partie attribuable à
sa consommation de marihuana à des fins thérapeutiques.65
- Le ministre a fait remarquer que le cancer et les symptômes
de M. Kubby ont été traités par des méthodes
traditionnelles pendant quelque 15 ans, soit une période
qui dépasse largement l’espérance de vie de trois à
cinq ans des personnes atteintes de ce type de cancer, ce qui donne
à penser que les méthodes traditionnelles ont réussi
à le garder en vie pendant qu’elles étaient utilisées.
- Le Dr Connors est le seul médecin qui a présenté
des éléments de preuve indiquant que la vie de M. Kubby
serait en danger s’il ne pouvait pas consommer de marihuana. Il a affirmé
que le cannabis a permis d’atténuer plus que d’autres médicaments
les symptômes du cancer de M. Kubby. C’est pourquoi le Dr Connors
a recommandé à M. Kubby de continuer à consommer
du cannabis comme moyen d’atténuer les symptômes de sa
maladie66.
Le médecin a également déclaré qu’à
son avis, le cannabis est le meilleur traitement disponible pour M. Kubby67.
Toutefois, il a reconnu que d’autres médicaments, comme les agents
alphabloquants et bêtabloquants, pourraient peut-être atténuer
les symptômes de M. Kubby, mais que la marihuana semble être
le meilleur traitement68.
- En 1999, le Dr DeQuattro a évalué les
réactions de M. Kubby à la thérapie à
la marihuana ainsi que les traitements futurs qui seraient nécessaires.
Il a adressé M. Kubby au Dr Weiss, qui a
évalué M. Kubby avant et après l’ingestion
de marihuana. Le Dr Weiss a conclu que le profil neuropsychologique
de M. Kubby indiquait un fonctionnement cognitif qui était
intact, voire excellent. Elle a conclu que l’amélioration la
plus importante observée après la consommation de marihuana
se reflétait dans la fonction mnésique de rappel tant
verbale que visuelle69.
Le Dr Weiss n’a pas été appelée
à témoigner dans cette affaire pour confirmer l’utilité
de la consommation de marihuana par M. Kubby dans le traitement
de son cancer. Il n’est pas clair non plus si elle peut donner un tel
avis.
- Malheureusement, le Dr DeQuattro est décédé
dans un accident survenu pendant qu’il était en vacances à
Hawaii70
et n’a pas pu rendre compte des résultats de son évaluation
ni donner son avis médical sur la menace à la vie à
laquelle s’exposerait M. Kubby s’il n’avait pas accès à
de la marihuana. Le témoin McCartney a indiqué dans son
témoignage que l’échange de courriels71
entre lui et le Dr DeQuattro le 7 juillet 2001
représentait les dernières paroles du Dr DeQuattro
sur la question. Il ressort de cet échange de courriels que le
Dr DeQuattro était convaincu que la consommation
de marihuana aidait à atténuer les symptômes de
M. Kubby. Ainsi, le tribunal est saisi de certaines preuves indiquant
que la marihuana a permis d’atténuer les symptômes de M. Kubby
et vraisemblablement de prolonger sa vie.
- M. Kubby a déposé après l’audience un article
publié dans un périodique72
portant sur les effets anticancéreux des cannabinoïdes.
Le document a été déposé le 13 novembre 2003.
J’estime que l’article est pertinent en l’espèce, mais il ne
soulève aucune nouvelle question. La question n’est pas de savoir
si la marihuana est un remède contre le cancer des glandes surrénales
ou tout autre cancer, mais s’il constitue un traitement utile dans le
cas de M. Kubby. Comme je l’ai indiqué plus tôt, j’estime
que le témoignage du Dr Connors à cet
égard est convaincant. L’article du périodique laisse
entendre que le cannabis freine la croissance de cellules tumorales
dans le modèle de culture cellulaire et le modèle animal
par la modulation des principales voies de signalisation cellulaire.
- La mise en garde suivante est servie dans l’article :
[Traduction]
Sur le plan de l’efficacité, les cannabinoïdes exercent
une grande activité antitumorale dans le modèle animal
de cancer, mais leurs effets antitumoraux possibles chez les humains
n’ont pas été démontrés.
L’article conclut en précisant la nécessité
de poursuivre la recherche.
- Étant donné mon évaluation de la preuve et afin
de clore le débat, je n’ai pas demandé au ministre de
présenter des observations sur la question de savoir si ce document
devait être admis en preuve.
LÉGISLATION EN MATIÈRE DE MARIHUANA AUX
ÉTATS-UNIS
- Il est utile de comprendre le contexte historique des lois et des
politiques en matière de drogue aux États-Unis pour bien
saisir la situation qui avait cours au moment de l’enquête et
des poursuites judiciaires visant M. Kubby ainsi que la situation
actuelle.
- À cette époque et à l’heure actuelle, la question
de savoir si la marihuana a une valeur thérapeutique et si elle
doit être consommée à des fins médicales
fait l’objet d’un débat public aux États-Unis. En Californie,
une majorité d’électeurs a donné son aval à
la modification 215, adoptée par scrutin en 1996. Aux termes
de la CUA73
(auparavant la modification 215), les dispositions du Health
and Safety Code de l’État interdisant la possession et la
culture de la marihuana ne « s’appliquent pas au malade ni au soignant
primaire du malade qui a en sa possession de la marihuana ou en cultive
pour la consommation personnelle du malade sur la recommandation ou
avec l’approbation écrite ou verbale d’un médecin »74.
- L’intention du législateur est claire : soustraire à
l’application des lois pénales les consommateurs de marihuana
à des fins médicales et leurs soignants primaires. La
loi ne fixe pas de limite quant à la quantité, laquelle
ne peut pas non plus être fixée par ordonnance médicale;
de plus, il n’y a pas de registre central des malades autorisés
à consommer de la marihuana en Californie, contrairement à
d’autres États75.
L’absence de limites quant à la quantité autorisée
a posé des problèmes tant aux policiers qu’aux consommateurs
de marihuana à des fins médicales. L’interprétation
de la loi est fonction des lignes directrices élaborées
dans chaque comté, ce qui crée un manque d’uniformité.
Il en résulte des tensions quant à l’application et à
l’interprétation des dispositions régissant la possession
et la culture de marihuana en toute légalité.
- De nombreuses recommandations de lignes directrices ont été
faites afin que les malades et les soignants ne cultivent que la quantité
nécessaire. Par exemple, le Dr Mikuriya a proposé
la méthode suivante de calcul du montant utilisable de marihuana 76:
Nombre total de plants (T)
Soustraire (-) nombre de jeunes plants (I)
Soustraire (-) nombre de plants impropres (u)
Résultat (=) nombre de plants utilisables
Multiplier par (x) hauteur en centimètres (H)
Multiplier par (x) largeur (W)
Diviser par (/) densité (D)
Soustraire (-) eau (w)
Soustraire (-) feuilles et tiges inférieures (L)
Soustraire (-) graines (S)
Résultat (=) quantité nette utilisable
Diviser par (/) nombre de souches (s)
Résultat (=) quantité réelle utilisable (A) en
grammes
Équation : A={[T - (I + U)] x (H x W) / D - (w + L + S)}
est (/s)
- Le Dr Mikuriya a conclu que le nombre raisonnable
de plants s’élevait à quatorze. Comme l’indique clairement
cette formule, les forces de l’ordre auraient eu beaucoup de mal à
établir ce qui était raisonnable dans les circonstances.
Les consommateurs de marihuana à des fins médicales n’étaient
pas tous d’accord avec cette formule, et plusieurs autres formules ont
été proposées dans les documents déposés
en preuve. Les formules, comme celle-ci, n’ont pas fait avancer le débat
sur ce qui constitue une quantité raisonnable de plants.
- Le gouverneur Davis (démocrate de la Californie) a édicté
un nouveau projet de loi le 13 octobre 2003. Le projet de
loi entre en vigueur le 1er janvier 200477.
Cette nouvelle loi aborde bon nombre des questions soulevées
en l’espèce au sujet de la culture, de la possession et du transport
de la marihuana consommée à des fins médicales.
L’article 11362.71 donne au consommateur de marihuana à
des fins médicales l’autorisation de posséder une carte
d’identification valide et de se soustraire à l’arrestation et
aux poursuites judiciaires, à moins que la carte ait été
obtenue par des moyens frauduleux78.
- En outre, l’article 11362.77 précise que les consommateurs
de marihuana à des fins médicales peuvent avoir en leur
possession 227 g de marihuana séchée et jusqu’à
12 plants. Si cette quantité ne permet pas, de l’avis du
médecin, de répondre aux besoins en marihuana du malade
reconnu, ce dernier peut posséder une quantité de marihuana
qui correspond à ses besoins79.
- Les lignes directrices servent de guide sur les circonstances dans
lesquelles les policiers peuvent procéder à une arrestation80.
- Les lignes directrices adoptées par le comté de Sonoma
permettent la possession de 1,36 kg et 99 plants81.
- De l’avis du gouvernement fédéral américain et
de l’American Medical Association (association médicale américaine),
la marihuana n’a aucune valeur thérapeutique reconnue actuellement.
Ainsi, la Controlled Substances Act82
(la CSA) (Loi réglementant certaines drogues et autres substances),
d’application fédérale, interdit notamment la production,
la distribution et la possession de marihuana. De plus, la marihuana
est une substance visée à l’annexe I de la Loi. Puisque
les substances visées à l’annexe I n’ont pas de valeur
thérapeutique, la défense de « nécessité
médicale » ne peut être soulevée dans le cas
d’accusations fédérales de possession ou de culture de
marihuana83,
même si la marihuana est censée être cultivée
en conformité avec une loi d’État comme la CUA.
- Aux termes de la CUA, il est permis à une personne non seulement
d’invoquer sa qualité de malade ou de soignant reconnu lors d’un
procès, mais aussi de présenter une requête
en annulation des accusations portées contre elle avant le procès.
Il s’agit d’un élément important qui permet d’éviter
la tenue d’un procès si l’accusé peut faire la preuve
de la nécessité médicale.
- Il suffit que l’accusé soulève un doute raisonnable
quant à la possession ou à la culture de marihuana à
des fins médicales personnelles. Il ne lui est pas nécessaire
de faire la preuve de sa consommation à des fins médicales
selon la prépondérance de la preuve. En d’autres termes,
l’accusé doit simplement établir qu’il avait de la marihuana
en sa possession à des fins médicales et qu’il la consommait
sur la recommandation d’un médecin84.
- La CUA va directement à l’encontre de la loi fédérale
qualifiant la marihuana de substance sans valeur thérapeutique
et très susceptible d’usage abusif. Après la mise en oeuvre
de la CUA, des consommateurs de marihuana à des médicales
et les clubs donnant accès à la marihuana à titre
humanitaire ont fait l’objet de descentes par des agents de la DEA.
Selon le témoin Patrick McCartney, la stratégie première
des forces de l’ordre était d’éliminer l’approvisionnement
du public85.
- La Oakland Cannabis Buyers’ Cooperative, coopérative formée
par la ville d’Oakland, cultive ou distribue de la marihuana aux malades
reconnus. Le gouvernement fédéral a inculpé les
personnes qui distribuaient de la marihuana sous les auspices de la
ville d’infractions fédérales, dont la distribution et
le trafic de marihuana.
- Edward Rosenthal, témoin à la présente audience,
et d’autres personnes qui étaient des « agents » de
la ville d’Oakland autorisés à cultiver de la marihuana
pour des tierces parties n’étaient pas en possession de marihuana
ni ne la cultivaient uniquement pour répondre à leurs
propres besoins médicaux, comme M. Kubby soutenait le faire.
Plusieurs des témoins et procès aux États-Unis
dont il a été question pendant l’audition de la présente
demande d’asile sont reliés de près ou de loin aux poursuites
fédérales contre l’Oakland Cannabis Buyers’ Cooperative.
M. Kubby a recueilli des fonds pour aider cette organisation à
payer les frais d’appel devant la Cour suprême des États-Unis86;
Angel McCleary Raich achetait de la marihuana de ce club,
et son mari Robert Raich (M. Kubby a retenu les services de
cet avocat pour que la ville d’Oakland lui reconnaisse à lui
aussi la qualité d’agent) en était l’un des avocats.
- Toutes les poursuites fédérales dont il a été
question avaient un lien avec la distribution à une tierce partie
à un moment ou à un autre. Le gouvernement des États-Unis
a intenté des poursuites pour qu’une ordonnance soit rendue contre
l’Oakland Cannabis Buyers’ Cooperative, soutenant que cette organisation
violait l’interdiction, prévue par la CSA, de distribution et
de culture d’une substance contrôlée ou de possession d’une
telle substance à des fins de distribution. La Cour d’appel,
neuvième circuit, a fini par accepter la défense de nécessité
médicale invoquée par l’Oakland Cannabis Buyers’ Cooperative,
mais sa décision a été portée en appel devant
la Cour suprême des États-Unis qui l’a infirmée
en mai 200187.
- A été déposé en preuve le mémoire
présenté par le Département de la justice à
la Cour suprême des États-Unis. Il y est soutenu que la
décision de la Cour du neuvième circuit est scandaleuse
et a de graves répercussions juridiques parce que la marihuana
est une substance visée à l’annexe I très susceptible
d’usage abusif qui a été frappée d’une interdiction
formelle par le Congrès88.
- Dans sa décision, la Cour suprême des États-Unis
a déclaré que la nécessité médicale
n’était pas une exception reconnue à l’interdiction, prévue
dans la CSA, de production et de distribution de marihuana. La décision
de la Cour n’invalide pas la loi de l’État, mais empêche
les clubs et les coopératives de distribuer de la marihuana à
des tierces parties. Le juge Clarence Thomas s’est exprimé
ainsi au nom de la majorité :
[Traduction]
[
] la Controlled Substances Act ne peut admettre la
défense de nécessité médicale dans le
cas de la distribution de marihuana, et
ce principe d’évitement ne peut nous servir de guide.89
[gras et italiques ajoutés]
- La Cour a ajouté :
[Traduction]
[
] en l’espèce, on ne demande pas à la Cour de
priver tous les malades (ayant une recommandation de leur
médecin) du droit d’invoquer la défense de nécessité
médicale dans le cadre de poursuites fédérales,
lorsque l’affaire en cause ne porte sur aucun de ces malades.90
[en italiques dans l’original]
- Enfin, la Cour a infirmé la décision parce que le distributeur
de marihuana ne peut invoquer la défense de nécessité
médicale suivant la CSA91.
- Il importe de noter que le jugement ne porte pas sur la simple possession.
La Cour suprême des États-Unis a abordé la question
de la distribution de marihuana à des fins médicales par
des clubs, mais n’a pas eu à se pencher sur la simple possession
ni sur la culture de marihuana à des fins médicales personnelles.
- En 2001, il y avait quelque 25 000 à 100 000 consommateurs
de marihuana à des fins médicales en Californie au titre
de la CUA. Selon les estimations, plus de 30 organisations distribuent
ou délivrent actuellement de la marihuana à des fins médicales
en Californie92.
- D’autres règlements ont été édictés
aux États-Unis pour régir le traitement des consommateurs
de marihuana à des fins médicales. Par exemple, l’État
de Washington autorise le malade reconnu ou le soignant primaire désigné
à avoir en sa possession une quantité de marihuana équivalant
à la quantité nécessaire pour une période
de 60 jours93.
Au moins neuf États ont adopté des lois régissant
la consommation de marihuana à des fins médicales et ont
éliminé les sanctions pénales94.
Bon nombre des lois édictées dans 35 États
depuis 1978 sont sans effet en raison de l’interdiction générale
imposée par le gouvernement fédéral95.
Il y a de nombreux défenseurs de la cause à tous les paliers
de gouvernement. Selon les résultats d’un sondage récent96,
80 p. 100 des Américains estiment que les adultes devraient
pouvoir consommer de la marihuana à des fins médicales
en toute légalité et 47 p. 100 disent en avoir
déjà consommé au moins une fois. Plus le débat
était passionné, plus la confusion était grande
chez les législateurs et les forces de l’ordre. Si la loi fédérale
l’emporte sur les lois des États, comme nous l’avons entendu
dire à maintes reprises en l’espèce, comment les forces
de l’ordre décident-elles qu’une quantité de marihuana
est trop élevée pour constituer une culture, même
si elles sont convaincues qu’il s’agit de malades réels agissant
sur la recommandation de leur médecin?
- Chaque État et chaque comté ont élaboré
leurs propres lignes directrices; certaines d’entre elles sont plus
permissives que d’autres. Il découle de l’arrêt Mower
que les personnes qui cultivent de la marihuana à des fins médicales
en toute légalité peuvent invoquer la défense de
nécessité médicale si elles font l’objet de poursuites
par l’État. Toutefois, la portée de cet arrêt ne
s’étend pas aux poursuites fédérales et n’offre
donc pas la même protection ni ne permet d’invoquer la défense
de nécessité médicale en cour fédérale.
La confusion créée parmi les consommateurs de marihuana
à des fins médicales est devenue une source de préoccupations
pour le ministère public et les juges des faits.
- Le débat s’est intensifié entre les ressorts (gouvernement
fédéral et États) et, selon certains, les consommateurs
de marihuana à des fins médicales étaient pris
entre l’arbre et l’écorce97.
Les médias ont présenté des images de présumés
consommateurs légitimes de marihuana à des fins médicales
arrêtés dans le cadre d’une série de descentes anti-drogues
dans des clubs donnant accès à la marihuana à titre
humanitaire en 2002 en Californie. Selon au moins un reportage98,
la DEA a :
[Traduction]
[
] amené de force des paraplégiques et des cancéreux
qui cultivaient de la marihuana en toute légalité, suivant
les lois de la Californie, dans une prison fédérale
à San Jose, parce qu’ils avaient contrevenu aux lois fédérales.
« Quand je me suis ouvert les yeux, cinq agents fédéraux
avaient leurs fusils d’assaut braqués sur ma tête. Ils
m’ont dit : ‘Les mains au-dessus de la tête. Levez-vous.
Levez-vous.’ J’ai retiré l’appareil respiratoire et je leur
ai expliqué que j’étais paralysée », a affirmé
Susanne Pheil, une paraplégique de 44 ans handicapée
depuis qu’elle a eu la polio infantile.99
- Ces images n’ont pas amélioré l’image de la DEA auprès
de certains membres du public américain. M. Kubby, qui se
proclame défenseur de la consommation de la marihuana à
des fins médicales, s’est employé à faire connaître
son mépris pour les autorités fédérales
et les représentants de l’État chaque fois qu’il était
devant un micro pendant sa campagne électorale comme candidat
au poste de gouverneur. Il a affirmé dans son témoignage
qu’il croyait avoir fait l’objet d’une surveillance prolongée,
que les autorités savaient qu’il cultivait de la marihuana et
qu’il a été ciblé parce qu’il est activiste.
- Toutefois, il importe de noter que, même si la CSA fédérale
n’autorise pas la culture ni la possession de marihuana à des
fins médicales, les lois des États autorisant la consommation
de marihuana à des fins médicales ont un effet réel
parce que 99 p. 100 des arrestations reliées à
la marihuana sont faites par les autorités de l’État ou
les autorités locales qui veillent à l’exécution
des lois de l’État ou des lois locales et non des lois fédérales100.
Les États de la Californie et de Washington ont des lois généreuses
et indulgentes en matière de consommation de marihuana à
des fins médicales. Bref, les lois de l’État favorables
à la cause peuvent protéger avec efficacité 99 p. 100
des consommateurs de marihuana à des fins médicales qui
auraient autrement fait l’objet de poursuites101.
- De toute évidence, le débat entourant la consommation
de marihuana à des fins médicales se poursuit aux États-Unis.
Depuis l’audition de la demande d’asile de M. Kubby, plusieurs
événements que je juge importants sont survenus. Le gouverneur
Davis a signé le projet de loi 420 qui reconnaît que
des lignes directrices régissant la consommation de marihuana
à des fins médicales pourraient être nécessaires
pour que les prisonniers aient eux aussi accès à de la
marihuana.
- Ce projet de loi est le résultat de consultations menées
auprès des groupes de défense des droits des malades,
des cultivateurs de marihuana consommée à des fins médicales,
des forces de l’ordre, du ministère public et des avocats de
la défense. Ces groupes ne sont pas tous satisfaits du produit
final, mais dans l’ensemble, ce projet de loi a été qualifié
de pas dans la bonne direction pour les consommateurs de marihuana à
des fins médicales.
- Depuis l’entrée en vigueur de la CUA il y a sept ans, la question
épineuse suivante n’a manifestement pas été réglée :
Quelle quantité de marihuana un malade devrait-il être
autorisé à avoir en sa possession et à cultiver?
Il n’est pas tout à fait clair si le projet de loi 420 fournira
au ministère public ou aux malades une réponse satisfaisante
à cette question. Certains défenseurs des droits des consommateurs
de marihuana à des fins médicales ont donné leur
appui au projet de loi, tandis que des défenseurs plus radicaux
se sont opposés à l’établissement des quantités
limites qu’un malade peut avoir en sa possession ou cultiver. M. Kubby
soutient que rien ne garantit que le projet de loi 420 influera
sur sa situation. Or il est clair que le débat est loin d’être
clos102.
- En outre, la Cour suprême des États-Unis a confirmé
la décision rendue par la Cour d’appel, neuvième circuit,
dans l’affaire Conant v. Walter, no 00-17222
(auparavant Conant v. McCaffrey, Cour d’appel, neuvième
circuit), selon laquelle les médecins peuvent recommander la
consommation de marihuana comme traitement pour leurs patients gravement
malades ou donner leur aval à une telle consommation. Cette décision
a été qualifiée de victoire importante pour les
consommateurs de marihuana à des fins médicales. La décision
s’applique dans neuf États, dont sept qui ont décriminalisé
la consommation de marihuana à des fins médicales. La
Californie figure au nombre des neuf États visés103.
- Les médecins perçoivent cette décision comme
un résultat favorable qui leur permettra de parler ouvertement
avec leurs patients de la possibilité de consommer de la marihuana
dans le cadre de leur traitement médical104.
- Dans l’arrêt Conant, la Cour a statué ce qui
suit :
[Traduction]
La preuve présentée à l’appui de la consommation
de marihuana à des fins médicales ne démontre
pas que cette drogue est en fait bénéfique. Il y a également
de nombreuses preuves du contraire, et les défenseurs des lois
fédérales ont peut-être raison de croire que la
marihuana ne présente aucun avantage supplémentaire
par rapport aux médicaments sur ordonnance approuvés,
mais comporte divers risques graves. Toutefois, il y a lieu de noter
que les avis de spécialistes diffèrent grandement, et
les preuves scientifiques et non scientifiques à l’appui des
deux points de vue sont abondantes.105
- M. Kubby n’est pas convaincu que le projet de loi 420 lui garantira
l’accès à la marihuana pendant son incarcération.
Comme il est indiqué ci-après, une garantie n’est pas
nécessaire.106
DEMANDE D’ASILE FONDÉE SUR L’ARTICLE 96 DE
LA LIPR
(a) Définition et fardeau de la preuve
- Comme il est indiqué ci-dessus, aux termes de l’article 96
de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés,
M. Kubby doit démontrer qu’il craint avec raison d’être
persécuté107.
- M. Kubby doit établir le bien-fondé des faits de
l’espèce selon la prépondérance des probabilités.
Une fois ces faits ainsi établis, il doit démontrer qu’il
y a une possibilité sérieuse qu’il sera persécuté
pour un motif prévu dans la Convention et qu’il ne peut obtenir
la protection de l’État. Il doit également établir
l’absence d’une possibilité de refuge intérieur (PRI).
Il n’a qu’à établir qu’il y a plus qu’une simple possibilité108
qu’il sera persécuté s’il retourne aux États-Unis.
(b) Nature de la demande d’asile de M. Kubby
- M. Kubby demande que la qualité de réfugié au
sens de la Convention lui soit reconnue parce qu’il a été
persécuté par les autorités de l’État du
fait de ses opinions politiques et que les poursuites intentées
contre lui constituaient de la persécution. Il soutient avoir
été la cible de harcèlement parce qu’il est un
fervent défenseur de la cause des consommateurs de marihuana
à des fins médicales.
- M. Kubby soutient que l’enquête menée par les forces
de l’ordre du comté de Placer et les poursuites intentées
contre lui en application du Health and Safety Code de l’État
constituent de la persécution. Il compare le traitement que lui
ont réservé les forces de l’ordre de la Californie au
traitement des Juifs par les nazis. Il allègue que le processus
judiciaire a été utilisé comme subterfuge pour
dissimuler la persécution.
[Traduction]
Et, comme vous le savez, sous le régime nazi, tous les Juifs
ont été traduits en justice, leurs causes ont été
entendues. Vous auriez pu dresser la liste de toutes ces choses, des
choses semblables auraient pu être rassemblées à
l’égard de tout Juif qui a été envoyé
aux camps de la mort, parce qu’il y a apparence de justice sans l’intention
réelle de rendre justice.109
- Selon M. Kubby, la police harcèle les consommateurs de marihuana
à des fins médicales parce qu’elle les considère
comme des « indésirables ». À son avis, les
autorités policières utilisent les tribunaux pour harceler
et persécuter les défenseurs des droits des consommateurs
de marihuana à des fins médicales.
- Outre ses allégations au sujet des poursuites engagées
par l’État, M. Kubby soutient qu’il s’expose à des
poursuites fédérales s’il retourne aux États-Unis
et que ces poursuites seraient assimilables à de la persécution
du fait de ses opinions politiques.
(c) Crainte subjective
- Je suis convaincue que M. Kubby craint, subjectivement, d’être
emprisonné aux États-Unis. Je constate que M. Kubby
a mis beaucoup de temps à informer les autorités canadiennes
de l’Immigration de son intention de demander l’asile au Canada (17 mai 2002)
après son arrivée au pays (4 mai 2001). Je ne
crois pas que ce retard soit une indication de l’absence de crainte
subjective dans le cas de M. Kubby. Il était en situation
régulière à son arrivée au Canada; de plus,
son conseil l’avait informé que ses circonstances ne lui permettraient
pas d’obtenir l’asile. Il s’agit à mon avis d’une explication
vraisemblable qui justifie son retard à demander l’asile. En
outre, je ne crois pas que le retard soit un facteur déterminant
ni l’indication d’une absence de crainte de persécution.
- Par conséquent, M. Kubby a établi l’existence de sa
crainte subjective d’être persécuté aux États-Unis.
CRÉDIBILITÉ
- M. Kubby a l’intime conviction, notamment, que la marihuana a sauvé
sa vie. Dans son témoignage, le Dr Connors a
indiqué que la marihuana semble freiner la progression du cancer
des glandes surrénales, cette maladie mortelle dont souffre le
demandeur. Il m’aurait été utile d’entendre un témoin
qui adhère avec plus de certitude à l’opinion de M. Kubby,
à savoir que la marihuana le tient en vie. Bien qu’il soit celui
qui a exprimé le plus de certitude, le Dr Connors
n’a jamais vraiment dit que c’était le cas. En fait, le Dr Connors
a affirmé que M. Kubby aurait accès aux États-Unis
à tous les traitements médicaux auxquels il a accès
au Canada.
- Je crois que M. Kubby a été un témoin honnête;
il s’est montré intelligent et informé pendant son témoignage,
quoiqu’il était parfois excitable. Toutefois, j’estime qu’il
avait tendance à exagérer et à conjecturer. Il
a pris des décisions qui lui semblaient raisonnables dans les
circonstances, comme quitter les États-Unis pendant qu’il était
sous le coup d’accusations criminelles en instance. Toutefois, le fondement
de ses décisions ou la prémisse sous-jacente n’ont pas
été confirmés par les faits.
- À titre d’exemple d’exagération, mentionnons que la
famille Kubby semble s’attribuer le mérite de la mise en oeuvre
de la modification 215, intitulée Compassionate Use
Act. Or, le témoin Patrick McCartney a indiqué
que M. Kubby a joué un rôle minime mais important
dans l’adoption de la loi. À plusieurs reprises, Mme Kubby
a tenu les propos suivants : [Traduction] « J’ai fait adopter
la loi »110
qui permettrait à M. Kubby de consommer de la marihuana
à des fins médicales. Il a fallu les efforts constants
de bon nombre de personnes pour faire adopter la Compassionate Use
Act, mais la famille Kubby a semblé s’attribuer presque
tout le mérite à certains moments.
- La représentation de M. Kubby par un avocat lors de son
procès criminel en Californie constitue un autre exemple d’exagération
ou de déclaration erronée. M. Kubby allègue
que l’avocate commise d’office, Mme Mumma, l’a laissé
tomber, en refusant de répondre à ses appels ou à
ceux de M. McCartney. M. Kubby a affirmé qu’il a été
laissé à lui-même pendant son séjour au Canada.
Il soutient qu’il n’a pour ainsi dire pas été représenté
lors du procès qui se déroulait en Californie pendant
qu’il était au Canada. Il ressort d’un examen raisonnable de
la transcription des débats de la Cour111
que Mme Mumma a fait preuve de ténacité
et de diligence en soulevant des défenses et en présentant
des observations au tribunal au sujet de la dispense prévue par
la modification 36, soit les fins limitées pour lesquelles
ses services avaient été retenus. Mme Mumma
a peut-être jugé qu’elle ne pouvait pas discuter avec M. McCartney
en raison du secret professionnel de l’avocat. Les transcriptions indiquent
que Mme Mumma était présente et a avancé
des arguments pour le compte de M. Kubby le 27 avril 2001
et le 20 juillet 2001, même si M. Kubby a affirmé,
dans son témoignage, ne plus être représenté
par elle à ce moment112.
- Par ailleurs, M. Kubby s’est livré à des conjectures.
Par exemple, il croit que M. Lungren a été mêlé
de quelque façon à l’envoi de la lettre anonyme de dénonciation
qui a donné lieu aux poursuites. Rien dans la preuve ne confirme
ce fait.
- Un autre exemple de conjecture (et il y en a d’autres ci-après)
est le fait que M. Kubby est toujours convaincu qu’il était
sur le point d’être inculpé par la DEA fédérale
à son départ des États-Unis en 2001, mais aucune
accusation n’a été portée à ce jour, soit
quelque deux ans plus tard (et quatre ans après l’enquête
initiale). Il croyait qu’il ferait l’objet d’une procédure d’extradition
dans un autre État, voire peut-être au Canada. En fait,
aucune procédure de ce genre n’a été amorcée.
- De plus, après l’audience, le témoin Satterberg a affirmé
que, même si l’infraction relative à la mescaline est passée
d’une infraction mineure à une infraction majeure, il était
fort peu probable, à son avis, que M. Kubby soit extradé
d’un autre État vers la Californie en raison de contraintes financières113.
Qui plus est, le témoin Cattran a déclaré que M. Kubby
n’était pas visé par un mandat fédéral non
exécuté114.
- La preuve démontre que le déménagement de M. Kubby
au Canada était prématuré. M. Kubby éprouve
une grande méfiance à l’égard des autorités
américaines de lutte antidrogue (surtout la DEA). Or, plutôt
que de discuter avec les autorités de l’État de la quantité
de marihuana qu’il devait consommer à des fins médicales
(et fournir des preuves médicales de cette nécessité),
M. Kubby a choisi de faire connaître ses besoins en marihuana
à la police pendant qu’il était sous surveillance en laissant
des notes dans ses ordures qui étaient, selon lui, interceptées
par la police.
- Le document A Guide for Patients and Physicians in Washington
State (guide à l’intention des malades et des médecins
dans l’État de Washington) donne des conseils sur la façon
dont le consommateur de marihuana à des fins médicales
peut se comporter avec les autorités s’il fait l’objet d’une
enquête policière. Il y est proposé ce qui suit :
[Traduction]
[
] même si la Loi ne leur interdit pas expressément
de faire des arrestations, les policiers reçoivent maintenant
une formation sur la façon de déterminer si la personne
interceptée avec de la marihuana consomme cette drogue à
des fins médicales ou la consomme illégalement dans
un contexte social. Vous pouvez faciliter le travail des policiers
et vous protéger en gardant sur vous des documents qui indiquent
que vous consommez de la marihuana à des fins médicales,
y compris une copie de l’autorisation de votre médecin.115
- Rien n’empêchait M. Kubby de se présenter au poste
de police, au bureau de la DEA ou au bureau du ministère public
de l’État, accompagné de son avocat, pour les informer
des raisons pour lesquelles il cultivait un si grand nombre de plants
de marihuana, de demander leur collaboration et d’entretenir une relation
de travail avec les forces de l’ordre, comme l’a fait Angel McCleary Raich.
Il a en main des preuves solides, soit les lettres des Drs DeQuattro
et Connors, qui pourraient être remises aux forces de l’ordre
pour faire la preuve de la nécessité médicale de
sa consommation de marihuana. Or ce n’est pas ce qu’il a fait. Selon
M. Kubby, l’enquête et les poursuites en découlant
sont un complot ourdi contre lui parce qu’il défend ouvertement
la cause de la consommation de marihuana à des fins médicales
et qu’il était le rival du procureur général de
l’État de la Californie lors des élections au poste de
gouverneur de l’État. À mon avis, il s’agit tout simplement
des efforts faits par les autorités de l’État pour remplir
leurs obligations de protéger le public contre les trafiquants
de drogues.
- Je ne veux nullement laisser entendre que M. Kubby est un trafiquant
de drogues. C’est tout le contraire. Toutefois, on peut difficilement
conclure à l’intention de nuire de la part de la police.
- J’accepte que M. Kubby est atteint d’un cancer des glandes surrénales
et qu’il a constaté que la marihuana est le traitement qui soulage
le mieux ses symptômes. Santé Canada lui a accordé
une dispense116,
ce qui laisse supposer qu’il est effectivement un malade qui doit consommer
de la marihuana à des fins médicales. Il convient de noter
que M. Kubby a fait l’objet d’une enquête au Canada et qu’il
a été inculpé d’infractions criminelles reliées
à la marihuana au Canada. Ces accusations ont été
suspendues par le ministère public, et son équipement
de culture de marihuana lui a par la suite été retourné
par la Gendarmerie royale du Canada (GRC), ce qui donne à penser
que le gouvernement du Canada est convaincu qu’il consomme de la marihuana
à des fins médicales117.
- Exception faite de la tendance du demandeur à se livrer à
des conjectures et de sa théorie de complot démesurée,
je juge son témoignage généralement crédible
dans l’ensemble. Bref, j’estime qu’il n’y a pas de gros problèmes
de crédibilité en l’espèce, bien que la tendance
de M. Kubby à exagérer et à se livrer à
des conjectures soit une source de préoccupation.
POURSUITES JUDICIAIRES OU PERSÉCUTION
(a) Introduction
- M. Kubby a soutenu que les accusations criminelles portées
contre lui étaient d’origine politique. Il dit avoir joué
un rôle dans l’adoption de la Compassionate Use Act.
Après l’adoption de cette loi, des malades reconnus ont continué
d’être arrêtés et poursuivis en justice; M. Kubby
a alors brigué le poste de gouverneur de l’État de la
Californie. L’un de ses adversaires était le procureur général
Daniel Lungren, l’homme qui, selon M. Kubby, avait fait obstacle
à la mise en oeuvre de la CUA.
- M. Kubby croit que M. Lungren ou d’autres agissant en son
nom ont joué un rôle dans l’envoi de la lettre anonyme
qui a donné lieu aux poursuites engagées contre lui. L’opposition
de M. Kubby dans sa localité aux mesures prises par la DEA
et les autorités de l’État n’a rien fait, semble-t-il,
pour accroître sa popularité dans certains milieux policiers.
Il est probable que les autorités se sont intéressées
à lui à cause de son opposition ouverte en ce qui concerne
une question litigieuse. M. Kubby s’est montré provocant,
comme il était en droit de le faire. Il a exercé son droit
constitutionnel à la liberté d’expression.
- Toutefois, je ne peux en déduire que le système de justice
pénale aux États-Unis est entaché au sens de la
décision Satiacum118.
Je dois trancher la question de savoir si les poursuites judiciaires
engagées contre M. Kubby avaient une origine politique.
(b) Système de justice équitable
et indépendant
- Il ne fait aucun doute que les États-Unis sont un pays démocratique
doté d’un système de contrôle inhérent aux
trois branches de gouvernement : l’exécutif, le législatif
et le judiciaire. Selon M. Kubby, le système américain
n’est pas équitable ni indépendant, en partie parce que
c’est le pays où il y aurait le plus grand nombre de citoyens
emprisonnés. M. Kubby n’a toutefois présenté
aucune preuve documentaire à l’appui de cette déclaration,
mais il a cité à l’appui l’avis du juge Gray, ancien procureur
fédéral et juge actuel de la Cour supérieure. Je
m’attarderai au témoignage du juge Gray un peu plus loin.
- Selon la Cour d’appel fédérale du Canada, le demandeur
doit faire la preuve de « circonstances exceptionnelles »
qui donneraient à penser que le processus judiciaire équitable
et indépendant a fait défaut lors de son procès
criminel aux États-Unis. En outre, les événements
ayant mené aux poursuites judiciaires engagées contre
M. Kubby et à son procès criminel doivent également
être considérés comme une partie intégrante
du système judiciaire et ne peuvent être réexaminés
par un tribunal canadien.
- Pour réfuter la présomption voulant que le système
judiciaire américain soit équitable et indépendant,
M. Kubby doit présenter des preuves qui entachent l’ensemble
du système de poursuites, de sélection du jury et de contrôle
judiciaire. Il ne peut pas choisir quelques indiscrétions ou
irrégularités attribuables à certains participants
pour faire la preuve de l’effondrement de l’ensemble du système
gouvernemental119.
À mon avis, même s’il y a eu abus de pouvoir de la part
de certains policiers ou procureurs et que M. Kubby pouvait le
démontrer, ces incidents isolés seraient assujettis aux
« mécanismes de correction »120
prévus par le système. M. Kubby n’a pas démontré
qu’il y a eu effondrement de l’ensemble du système ni que les
forces de l’ordre, le ministère public ou les juges de l’État
de la Californie ou ailleurs aux États-Unis avaient l’intention
de le persécuter.
(c) Lois d’application générale
- Je dois présumer qu’une loi d’application générale
comme le Health and Safety Code de la Californie est valide
et neutre. Il incombe au demandeur d’asile de démontrer que la
persécution est un objet fondamental de la loi ou est visée
pour un autre motif121.
Aucune des preuves présentées ne donne à penser
que l’État a, de quelque façon, ciblé M. Kubby
pour un motif prévu dans la Convention par son application du
Health and Safety Code de la Californie. Il est allégué
que les opinions politiques antigouvernementales de M. Kubby ont
donné lieu à des abus lors des poursuites engagées
contre lui pour de présumées violations du Health
and Safety Code de la Californie. En fait, M. Panzer, avocat
criminaliste de la défense, a exprimé l’opinion pendant
son témoignage que les accusations portées dans l’affaire
Kubby étaient justifiées eu égard aux circonstances122.
M. Kubby soutient que le témoignage de M. Panzer aurait
été différent s’il avait été possible
de lui montrer le caractère mensonger du rapport de la DEA au
sujet de Pete Brady123.
À mon avis, cette preuve n’aurait rien changé au témoignage
de M. Panzer, qui a fondé son opinion sur le nombre de plants
trouvés au domicile de la famille Kubby.
- M. Kubby soutient qu’il ne conteste pas le Health and Safety Code
de la Californie, mais plutôt le défaut du système
judiciaire de protéger adéquatement les consommateurs
de marihuana à des fins médicales, comme lui, contre des
poursuites pour trafic de drogues et les condamnations qui s’ensuivent.
À son avis, les systèmes judiciaires, y compris celui
de la Californie, sont manifestement inéquitables et persécuteurs
s’ils ne protègent pas les malades contre les descentes de la
police et les privent de l’accès à une thérapie
autorisée par leur médecin. Je ne conteste pas ces propos,
mais je note que le demandeur n’explique pas comment il a été
privé de l’accès à une thérapie autorisée
après avoir été acquitté des accusations
relatives à la marihuana qui pesaient contre lui. Il n’a pas
non plus démontré qu’il ne serait pas autorisé
à bénéficier dans l’avenir de l’exception prévue
dans la CUA avec la recommandation d’un médecin.
- À mon avis, il est raisonnable que l’État de la Californie
impose des restrictions à la consommation de marihuana à
des fins médicales. Il n’est pas raisonnable que M. Kubby
suppose que l’État doive le laisser décider quelle quantité
il peut cultiver et transformer. Par exemple, au Canada, le ministère
de la Santé détermine le nombre de plants qui peuvent
être cultivés. De même, en Californie, il fallait
que le demandeur convainque les forces de l’ordre qu’il avait une quantité
raisonnable en sa possession, compte tenu de ses besoins médicaux.
En l’absence de lignes directrices claires, il incombait à M. Kubby
de convaincre le ministère public de la légitimité
de ses activités de culture. Il a échoué; un procès
était donc le lieu propice au règlement de la question.
- Je suis convaincue que les consommateurs de marihuana à des
fins médicales auraient moins de problèmes aux États-Unis
si la Compassionate Use Act prévoyait la constitution
d’un organisme neutre chargé de déterminer le nombre de
plants qu’un malade peut cultiver. Il n’en a pas été ainsi
et je ne peux pas récrire la CUA pour remédier à
ses présumées faiblesses.
(d) Procès devant jury
- Outre les commentaires que j’ai faits ci-dessus, le conseil du ministre
fait valoir que je devrais conclure que, comme il a été
jugé devant un jury composé de ses pairs (c’est-à-dire
que l’issue de son procès était entre les mains de ses
pairs, et non entre les mains de la police, des procureurs ou du juge),
M. Kubby a reçu un procès équitable. M. Kubby,
par contre, avance que le jury ne se composait pas de ses pairs du comté
de Placer, car le ministère public avait réussi à
obtenir le renvoi devant un autre ressort. J’estime néanmoins
que les faits de l’affaire ont été entendus par un jury
composé de pairs, concitoyens américains. M. Kubby
cite le procès d’Edward Rosenthal comme preuve de l’iniquité
du système. Dans ce procès, les jurés se sont sentis
trahis par le juge, qui ne leur a pas révélé que
M. Rosenthal cultivait la marihuana pour consommation à
des fins médicales, et non pour en faire le trafic. M. Kubby
ignore toutefois que les tribunaux inférieurs sont liés
par l’arrêt de la Cour suprême des États-Unis dans
l’affaire Oakland Cannabis Buyers’ Cooperative, et que, pour
cette raison, le juge n’était pas autorisé à laisser
M. Rosenthal invoquer la défense de « nécessité
médicale » parce qu’il cultivait la marihuana pour autrui.
En bout de ligne, M. Rosenthal a reçu un emprisonnement
d’un seul jour.
- Pour prouver que son procès était teinté de partialité
et d’iniquité, M. Kubby ajoute que le ministère public
a tenté de récuser irrégulièrement certains
candidats jurés. Il n’y a toutefois aucune preuve pour étayer
ses dires, et certainement aucune preuve qui permettrait de condamner
la procédure de sélection des jurés dans son ensemble
ni autrement de réfuter la présomption de l’équité
et de l’indépendance de l’appareil judiciaire américain.
Au contraire, le seul fait que 11 jurés étaient prêts
à acquitter M. Kubby relativement aux accusations touchant
la marihuana montre que le jury n’avait pas un parti pris contre lui.
(e) Droit à un avocat
- En lisant attentivement les actes judiciaires déposés,
je constate qu’à chaque étape cruciale, on a demandé
à M. Kubby s’il voulait que la Cour lui désigne d’office
un avocat. Parfois, il a accepté; parfois, non124.
Quoi qu’il en soit, il a été représenté
la plupart du temps par un avocat compétent, et lorsqu’il n’était
pas représenté, la décision avait été
la sienne. Je conclus donc que, dans l’ensemble de la poursuite judiciaire
dont il a été l’objet, on a respecté le droit à
un avocat que garantit la Constitution des États-Unis à
tout inculpé.
(f) Indépendance et impartialité
du juge présidant le procès
- Pour ce qui est de la preuve présentée au sujet de l’impartialité
du juge qui a présidé le procès de M. Kubby,
je suis convaincue, à la lecture des documents produits, que
le juge Cosgrove s’est montré impartial et indépendant,
et que le procès de M. Kubby a été équitable.
Ce dernier a d’ailleurs reconnu avoir déclaré que le juge Cosgrove
a agi en toute indépendance et impartialité tout au long
de son procès. Durant les débats du 6 avril 2001,
M. Kubby a déclaré ce qui suit au juge Cosgrove :
[Traduction]
J’estime en effet que les juges sont indépendants et que vous
avez entre les mains le pouvoir voulu pour mettre fin au cauchemar
que ma femme, ma famille et moi-même vivons.125
Je crois que vous êtes le genre de juge
Je
crois que, tout au long du procès, vous avez fait preuve, en
nous permettant, à nous et au ministère public, d’explorer
toutes les avenues qui s’ouvraient, et à quelques reprises
nous avons été contrariés et, je suis sûr,
à quelques reprises le ministère public a été
contrarié, mais vous avez certainement montré la volonté
de voir le tableau dans son ensemble.126
- Outre l’aveu de M. Kubby, de nombreux éléments
de preuve montrent que le juge Cosgrove et les autres juges qui
ont présidé à diverses étapes de la procédure
ont traité M. Kubby équitablement. Le conseil du
ministre dresse la liste suivante dans ses observations :
a) M. Kubby a eu droit à une défense
pleine et entière contre les accusations qui pesaient contre
lui, notamment en invoquant la défense de la consommation de
la marihuana à des fins médicales prévue par
la CUA, défense qui s’est, par la suite, avérée
fructueuse.
b) La Cour a accordé à M. Kubby
de nombreux ajournements pour lui permettre de préparer sa
défense.
c) Le juge Cosgrove a tenu compte de l’état
de santé de M. Kubby en abrégeant les séances
de la Cour et en lui permettant de fumer de la marihuana sur les lieux
du palais de justice durant le procès.
d) Après le verdict de culpabilité
du jury, le juge Cosgrove a réduit, malgré l’opposition
du ministère public, les accusations pour infractions majeures
à des accusations pour infractions mineures et a autorisé
M. Kubby à continuer à avoir en sa possession de
la marihuana et à en consommer, en conformité avec la
CUA, pendant sa probation.
e) Le juge Cosgrove a condamné M. Kubby
à purger sa peine à domicile.
- Aux États-Unis, les juges sont des représentants élus
qui occupent leurs fonctions à titre amovible. Le juge Gray,
un des témoins de M. Kubby, juge élu en Californie,
est un bon exemple de l’indépendance de la magistrature américaine.
Il conserve sa charge de juge bien qu’il critique publiquement depuis
des années la politique américaine de lutte contre la
drogue. Selon toute apparence, sa charge ne l’empêche pas d’exprimer
son opinion sur la politique américaine de lutte contre la drogue.
- Par ailleurs, j’estime digne d’intérêt le fait que le
juge fédéral qui a présidé le procès
de M. Rosenthal a condamné ce dernier à une peine
d’emprisonnement d’un jour, réputée avoir déjà
été purgée. Ce fait montre en effet que, même
si le ministère public fédéral demandait que M. Rosenthal
reçoive une peine d’emprisonnement de six ans, le système
de justice est, somme toute, indépendant. Il semblerait que,
en infligeant cette peine, le juge ait pu, en fait, faire ce qu’il n’était
pas autorisé à faire, en droit, au procès.
- Il semblerait que M. Kubby soit d’avis que le seul redressement
équitable qu’il aurait pu recevoir est une ordonnance du juge
qui présidait son procès enjoignant aux autorités
locales et aux autorités de l’État chargées de
l’application de la loi de se tenir à l’écart du jardin
de marihuana destinée à la consommation à des fins
médicales des Kubby et permettant à M. Kubby de cultiver
le nombre de plants que ce dernier estime nécessaire à
sa survie. Rien de moins serait perçu comme [Traduction] « inique ».
M. Kubby compare ses besoins thérapeutiques en cannabis
aux besoins du diabétique en insuline : [Traduction] « Aucun
juge n’aurait l’idée d’empêcher un diabétique de
prendre son insuline ». La distinction est toutefois claire :
l’insuline est approuvée par le milieu médical pour traiter
le diabète, tandis que la marihuana ne l’est pas. La recherche
sur les effets bénéfiques de la marihuana est horriblement
inadéquate et peu concluante, rendant ainsi illogique la comparaison
entre ces traitements.
- Dans ses observations, M. Kubby allègue ce qui suit :
[Traduction]
Le juge aurait dû rendre une ordonnance informant M. Kubby
du nombre exact de plants qu’il pouvait cultiver en toute quiétude
sans craindre un prochain raid policier. Or, il a mis M. Kubby
et sa famille dans la ligne directe de tir des forces de l’ordre en
mettant M. Kubby en probation, durant trois années. Les
forces de l’ordre avaient ainsi carte blanche pour faire irruption
dans la vie de M. Kubby et déterminer si ce dernier et
sa famille respectaient les normes de la police.127
- M. Kubby n’a aucune idée des limites judiciaires. Le juge
qui présidait le procès tranchait une affaire pénale,
il ne lui appartenait pas d’établir les directives sur le nombre
de plants de marihuana que l’accusé pouvait cultiver. De fait,
le nombre de plants cultivés chez les Kubby justifiait le dépôt
d’accusations, comme l’a reconnu M. Panzer, l’avocat chargé
de défendre M. Kubby. Je ne suis pas convaincue par l’argument
de M. Kubby voulant que la loi ait été appliquée
de façon irrégulière dans les poursuites pénales
intentées contre lui en Californie. Il me semble évident,
d’après la preuve produite en l’espèce, que M. Kubby
a eu droit à un procès équitable aux États-Unis.
(g) Risque allégué de poursuites
fédérales
- M. Kubby allègue qu’il risque d’être poursuivi par
le ministère public fédéral soit pour ses actes
passés, soit pour ses actes futurs. Plusieurs témoins
ont déclaré que M. Kubby serait, selon eux, poursuivi
par les autorités fédérales s’il devait retourner
aux États-Unis. M. Kubby, lui-même, soutient que s’il
devait être poursuivi par les autorités fédérales
pour infraction en matière de drogue, il ne pourrait invoquer
la défense de « nécessité médicale »
prévue par la CUA dans les affaires intéressant l’État
de la Californie. Il craint que, son besoin continu de marihuana l’amène
tôt ou tard à contrevenir aux lois fédérales
du fait qu’il cultive la marihuana. Il craint de s’exposer par mégarde
à des poursuites fédérales et de recevoir ainsi
une lourde peine, si le ministère public a gain de cause.
- De toute évidence, aux États-Unis, la culture et la
consommation de la marihuana, peu importe la raison, enfreint le droit
fédéral. En conséquence, M. Kubby commettrait
une infraction à une loi fédérale s’il cultivait
de la marihuana à des fins autres que celles protégées
par la CUA.
- Quoi qu’il en soit, la preuve, dans son ensemble, donne à croire
que la DEA se concentre principalement sur le trafic de la drogue à
grande échelle. J’ai à maintes reprises entendu durant
l’audience que la DEA ne se mêle pas, en général,
des enquêtes et des poursuites de moindre importance en matière
de drogue, surtout parce que ses ressources sont limitées. M. Satterberg
a fait la déclaration suivante :
[Traduction]
J’ai parlé ce matin même avec le chef adjoint du substitut
du procureur [à la DEA], et il n’y a aucune ligne directrice
en ce sens. La DEA est très flexible quant aux cas qui lui
sont soumis [
]. En général, elle ne s’occupe que
des cas impliquant au moins 500 plants et/ou 22,68 kg de
marihuana transformée. Ce sont là les lignes directrices
générales qu’elle suit [
]. Elle veut s’en prendre
aux trafiquants de drogues.128
- D’un côté, plusieurs témoins ont dit être
d’avis que les autorités fédérales poursuivront
probablement M. Kubby parce qu’il est un défenseur notoire
de l’accès à la marihuana. Si l’on s’en tient à
cette preuve, M. Kubby, s’il retourne aux États-Unis, court
un grand risque d’être poursuivi par les autorités fédérales.
- De l’autre côté, la preuve présentée montre
que certains défenseurs notoires de la marihuana n’ont pas été
poursuivis par la DEA. Angel McCleary Raich, qui s’affiche comme militante
de la légalisation de l’usage du cannabis à des fins médicales129,
a été l’un des témoins les plus éloquents
et les plus convaincants. Elle fait appel à plusieurs soignants
qui cultivent 500 plants de marihuana pour sa consommation personnelle.
Elle a déclaré que les autorités fédérales
n’ont pas fait enquête sur elle ou ses soignants, ni autrement
intenté des poursuites contre eux, bien qu’elle attende avec
angoisse le jour où la DEA s’en prendra à elle. Elle a,
en partie pour apaiser cette angoisse, établi de bons rapports
avec les autorités locales chargées de l’application de
la loi. Elle a toutefois ajouté que l’identité de ses
soignants est gardée secrète pour les protéger
contre d’éventuelles poursuites. On ne saurait, d’après
la preuve, déterminer avec exactitude ce que craint Mme McCleary
Raich étant donné qu’elle n’a jamais été
ciblée par les forces de l’ordre et qu’elle entretient avec ces
dernières de bons rapports. Ce serait une crainte imprécise
et généralisée du fait, selon ses dires, qu’elle
est malade et, par conséquent, vulnérable130.
- Le témoignage de M. Satterberg contredit directement l’opinion
exprimée par certains témoins voulant que M. Kubby
soit poursuivi par les autorités fédérales du fait
de ses opinions politiques. Selon ce dernier, les autorités fédérales
n’ont aucune politique sur la consommation de la marihuana à
des fins médicales, et leur pratique ou leur intention n’est
pas de poursuivre les consommateurs de marihuana à des fins médicales
simplement par quelque motivation politique131.
Il précisait, bien sûr, sa relation avec les procureurs
fédéraux de l’État de Washington et n’exprimait
pas son opinion sur la position de la DEA en Californie.
- Quoi qu’il en soit, il faut garder à l’esprit que la DEA est
un organisme fédéral et que sa politique doit par conséquent
s’appliquer à l’échelle nationale. Les propos de M. Satterberg
quant à l’État de Washington caractériseraient
donc la politique de lutte contre la drogue appliquée à
l’ensemble des États-Unis.
- À titre d’exemple, le chef de la Brigade des moeurs et des
stupéfiants de Seattle a demandé par écrit au Département
américain de la justice de préciser les conséquences
que subiraient les policiers qui remettent la marihuana médicinale
saisie dans le cadre d’enquêtes en matière de drogue lorsqu’il
existe une recommandation médicale authentique. La police s’inquiétait
que la remise d’une substance visée à l’annexe I
(la marihuana) contrevienne aux lois fédérales132.
- La procureure générale des États-Unis a répondu
que, même si les mesures de l’État de Washington visant
l’accès à la marihuana à des fins médicales
contreviennent de toute évidence aux lois fédérales
interdisant la culture, la possession et la distribution de marihuana
ainsi qu’à la politique nationale de lutte contre la drogue (voulant
que la légalisation de l’accès à des substances
contrôlées à des fins médicales repose sur
la recherche médicale), le Département américain
de la justice comprend que le conflit entre les lois de l’État
et les lois fédérales met le service de police de Seattle
dans une [Traduction] « situation embarrassante »133.
- S’exprimant au nom du Département américain de la justice,
la procureure générale a déclaré :
[Traduction]
Étant donné notre financement limité et les responsabilités
accablantes qui nous incombent d’intenter des poursuites pour un nombre
sans cesse croissant d’infractions fédérales, nous ne
pouvons nous permettre d’affecter des ressources de poursuite à
un cas d’une telle ampleur.
- En somme, elle confirme qu’elle refuserait d’intenter des poursuites
et que le Département américain de la justice n’est pas
intéressé à ce que la police fasse enquête
sur les cas de consommateurs de marihuana à des fins médicales
et qu’elle les lui défère.
- Les autorités fédérales n’étaient pas
responsables des poursuites intentées contre M. Kubby au
moment de l’arrestation de ce dernier. On serait en droit de croire
que si elles avaient été intéressées, elles
se seraient manifestées dès l’arrestation de M. Kubby,
en 1999. À cette époque, M. Kubby était un
défenseur notoire de l’accès à la marihuana à
des fins médicales. Il venait tout juste de terminer sa campagne
pour se faire élire gouverneur libertarien de la Californie,
et durant sa campagne, il a ouvertement critiqué la politique
américaine de lutte contre la drogue et exprimé son appui
à la légalisation de la marihuana. En dépit de
la notoriété publique qu’avait acquise M. Kubby à
titre de défenseur de l’accès à la marihuana et
de la participation de la DEA à l’exécution du mandat,
chez lui, aucune accusation pour infraction fédérale n’a
été portée contre lui. En fait, aucune accusation
pour infraction fédérale n’a jamais été
portée contre lui depuis qu’il a été acquitté
des accusations pour infraction aux lois de l’État.
- En outre, il n’existe aucune preuve voulant que les autorités
fédérales aient pris des mesures pour déposer des
accusations pour infraction fédérale contre M. Kubby
depuis que ce dernier a été acquitté des accusations
pour infraction aux lois de l’État touchant la marihuana. Plusieurs
témoins ont allégué avoir eu vent qu’un procureur
fédéral avait l’intention de faire arrêter M. Kubby,
mais aucune preuve n’a été présentée pour
étayer ces allégations. M. Kubby lui-même semble
reconnaître qu’il ne dispose d’aucune preuve qui permettrait de
croire que les autorités fédérales ont l’intention
de reprendre les poursuites contre lui134.
- Quatre années se sont écoulées depuis l’arrestation
de M. Kubby en Californie. Rien dans la preuve ne permet de croire
que la DEA s’intéresse à lui maintenant. Gerald Uelmen,
professeur à la faculté de droit de l’Université
de Santa Clara qui a pris part tant à l’affaire Mower,
devant la Cour suprême de la Californie, qu’à l’affaire
Oakland Cannabis Buyers’ Cooperative, devant la Cour suprême
des États-Unis, a déclaré que le gouvernement fédéral
n’a jamais poursuivi qui que ce soit atteint du cancer ou du SIDA pour
simple possession de marihuana à des fins personnelles et a dit
être d’avis qu’il ne le fera jamais parce que les fonctionnaires
fédéraux sont conscients qu’aucun jury ne rendrait un
verdict de culpabilité en pareil cas135.
(h) Fugitif recherché par la justice
- M. Kubby me presse de conclure qu’il n’est pas un fugitif recherché
par la justice, mais plutôt une victime d’une arrestation et de
poursuites arbitraires qui se sont soldées par une peine d’emprisonnement
qui, selon lui, entraînera sa mort s’il devait être obligé
de la purger en prison. Dans ses observations, M. Kubby soutient
que les allégations selon lesquelles il serait un fugitif n’ont
jamais été tranchées aux États-Unis et qu’au
Canada, où elles ont été tranchées, l’arbitre
de l’immigration a de fait établi que M. Kubby est entré
légalement au Canada et qu’il n’est pas un fugitif136.
Le 30 juillet 2001, un mandat d’amener a été
délivré en Californie contre M. Kubby en raison du
non-respect des conditions de sa probation. Je conclus donc que M. Kubby
est un fugitif recherché par la justice américaine en
dépit du fait qu’il est entré légalement au pays.
D’ailleurs, le juge Kolkey, de la Cour d’appel de la Californie, a déclaré
que M. Kubby est un fugitif137.
- M. Kubby me presse en outre de conclure qu’il est, en raison
de ses opinions politiques, victime d’un système de justice qui
est tiraillé par ses priorités et qui, dans sa quête
pour enrayer la consommation de la drogue et gagner la « Guerre
contre la drogue », fait fi de la Constitution des États-Unis
et empiète sur les libertés fondamentales des individus.
Selon lui, l’infraction qu’il a commise, à savoir omettre de
comparaître pour purger sa peine, combinée à sa
fuite vers un autre pays en contravention avec les conditions de sa
probation, ne devraient pas mener automatiquement à la conclusion
qu’il craint d’être poursuivi et d’être puni, mais bien
qu’il craint d’être persécuté pour l’un des motifs
prévus par la Convention.
- Étant arrivée à la conclusion que M. Kubby
est un fugitif recherché par la justice, je dois maintenant souligner
la distinction à établir entre le « fugitif »
et le « réfugié » exposé à la
persécution. Le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés
(HCR) s’est penché sur cette distinction dans son guide :
[Traduction]
[
] le fugitif recherché par la justice ne [peut] invoquer
la Convention pour obtenir une protection, ce serait abuser de la
procédure de détermination du statut de réfugié.
« Il faut distinguer nettement la persécution d’avec le
châtiment prévu pour une infraction de droit commun.
Les personnes qui s’enfuient pour échapper aux poursuites ou
au châtiment pour une infraction de ce genre ne sont normalement
pas des réfugiés. Il convient de rappeler qu’un réfugié
est une victime – ou une victime en puissance – de l’injustice, et
non une personne qui cherche à fuir la justice. »138
(i) Résumé
- Malgré son fervent témoignage, M. Kubby n’est pas
parvenu à établir qu’il n’a pas eu droit à un procès
équitable en Californie. À mon avis, M. Kubby s’est
amplement prévalu des droits fondamentaux et procéduraux
prévus par la loi aux États-Unis. Il prétend toutefois
que ses témoins, dont certains se trouvent dans une situation
similaire à la sienne, ont montré les faiblesses de l’appareil
judiciaire américain. Il m’apparaît évident, après
avoir lu les arrêts rendus par la Cour d’appel et la Cour suprême
des États-Unis et après avoir dûment pris connaissance
des témoignages en l’espèce, que la question de la consommation
de la marihuana à des fins médicales aux États-Unis
est débattue, que des jugements sont rendus, mais que la question
est loin d’être épuisée139.
- Le fait que l’issue d’une affaire déplaise aux parties n’est
pas une preuve de partialité, d’iniquité, de violation
des droits protégés par la Constitution ou de persécution.
On ne peut que conclure que le débat entourant ce domaine du
droit hautement politisé qu’est la consommation abusive et l’usage
de la marihuana à des fins médicales se poursuit toujours.
La triste réalité est que c’est aussi un domaine susceptible
d’abus de la part de toxicomanes, de trafiquants de drogues et de toute
autre personne prête à tirer profit des lois régissant
l’accès à la marihuana à des fins médicales
au détriment des personnes souffrantes et des malades en phase
terminale.
- Aujourd’hui, le débat entourant l’usage de la marihuana a lieu
dans de nombreux pays, y compris au Canada, et il n’est pas près
de tarir. Sur la foi des documents déposés, M. Kubby
a reçu un procès juste et équitable aux États-Unis
et a disposé de nombreux recours en appel. Il n’a donc pas réussi
à établir que la procédure dont il a été
l’objet était marquée au coin de l’iniquité ou
de la persécution.
- Je rejette la preuve voulant que M. Kubby ait été
victime d’une « chasse aux sorcières » déclenchée
par les procureurs, les représentants des forces de l’ordre et
les juges. Je privilégie la preuve produite par les témoins
du conseil du ministre selon laquelle il n’y a pas eu persécution,
et cette preuve, jumelée à la preuve documentaire déposée,
établit que le gouvernement américain est lié par
la Constitution des États-Unis et offre les protections juridiques
voulues en ce qui concerne les droits des individus140.
- Le préambule de la Constitution des États-Unis n’est
la source habilitante d’aucun département fédéral;
toutefois, la Cour suprême des États-Unis y renvoie souvent
pour définir l’origine, la portée et l’objet de la Constitution.
Le Cinquième Amendement prévoit que nul ne peut subir
plus d’un procès pour une même infraction et que nul ne
peut, dans les affaires pénales, être forcé de témoigner
contre lui-même. Le Sixième Amendement garantit à
tout accusé [Traduction] « le droit d’être jugé
promptement et publiquement par un jury impartial de l’État et
du district où le crime reproché a été commis
[
], d’être instruit de la nature [
] de l’accusation
[
], et d’être assisté d’un conseil pour sa défense. »141
- Je conclus que la Constitution des États-Unis et, dans son
ensemble, le système de justice de ce pays sont conçus
pour protéger les droits et libertés fondamentaux des
individus.
- Comme je l’ai mentionné plus haut, M. Kubby a pu sans
histoire consommer de la marihuana aux États-Unis depuis plus
de 15 ans, exception faite d’une brève période après
son arrestation de janvier 1999. Même après son arrestation,
M. Kubby a pu continuer à fumer de la marihuana sans craindre
l’intervention des forces de l’ordre bien qu’il soutienne avoir été
obligé d’acheter sa marihuana illégalement. La Cour a
même facilité pour M. Kubby, durant son procès,
l’usage de la marihuana.
- J’accepte que M. Kubby craigne de retourner aux États-Unis
pour y purger sa peine, mais je n’admets pas que sa crainte soit objectivement
fondée. Visiblement, M. Kubby et certains de ses supporters
ont perdu la foi en l’appareil judiciaire américain. Nombreux
sont les écrits exposant le mandat fédéral et le
mandat des États dans la « Guerre contre la drogue »
qui dépeignent de façon peu flatteuse le « Tsar de
la drogue »142
et la DEA. De toute évidence, les États-Unis doivent concilier
deux théories juridiques divergentes : les États
ont adopté des lois pour régir l’accès à
la marihuana à titre humanitaire, lesquelles contreviennent aux
lois fédérales qui prévoient que la possession
de toute substance visée à l’annexe I est punissable
d’une peine d’emprisonnement rigoureuse. Comme le dit la procureure
générale des États-Unis, il s’agit là [Traduction]
« d’une facette complexe et contradictoire de la lutte contre la
drogue ».143
DISPONIBILITÉ DE LA PROTECTION DE L’ÉTAT
- Selon la définition de « réfugié au sens
de la Convention », le demandeur d’asile doit ne pas avoir la capacité
ou la volonté, du fait qu’il craint la persécution, de
se réclamer de la protection du pays dont il a la nationalité
ou la citoyenneté, en l’espèce, les États-Unis.
Dans l’arrêt Ward, la Cour suprême du Canada a
exploré en profondeur la question de la protection de l’État.
Ayant établi que le demandeur éprouve une
crainte, la Commission a, selon moi, le droit de présumer que
la persécution sera probable, et la crainte justifiée,
en l’absence de protection de l’État. La présomption touche
le coeur de la question, qui est de savoir s’il existe une probabilité
de persécution. [
] Une fois établie l’existence
d’une crainte et de l’incapacité de l’État de l’apaiser,
il n’est pas exagéré de présumer que la crainte
est justifiée. Bien sûr, la persécution doit être
réelle – la présomption ne peut pas reposer sur
des événements fictifs – mais le bien-fondé
des craintes peut être établi à l’aide de cette
présomption.144
[italiques ajoutés]
Bien que cette présomption accroisse l’obligation
qui incombe au demandeur, elle ne rend pas illusoire la fourniture par
le Canada d’un havre pour les réfugiés. La présomption
sert à renforcer la raison d’être de la protection internationale
à titre de mesure auxiliaire qui entre en jeu si le demandeur
ne dispose d’aucune solution de rechange. Les revendications du statut
de réfugié n’ont jamais été destinées
à permettre à un demandeur de solliciter une meilleure
protection que celle dont il bénéficie déjà.145
- La capacité de l’État de protéger le demandeur
d’asile est un élément essentiel à la détermination
du bien-fondé de la crainte de celui-ci et, à ce titre,
n’est pas indépendant de la définition. La question de
la protection de l’État permet de déterminer si la crainte
de persécution est objectivement fondée.
- Le demandeur d’asile est venu au Canada pour y demander la protection
conférée aux réfugiés. La responsabilité
de tout État autre que le sien de lui fournir une protection,
appelée « protection internationale » ou « protection
auxiliaire » dans l’arrêt Ward, n’est engagée
que si le demandeur d’asile ne dispose pas de la protection nationale
ou de la protection de l’État dans son pays. Si l’État
en question est capable de protéger le demandeur d’asile, la
crainte de persécution de ce dernier n’est pas fondée
sur le plan objectif.
- En outre, on présume, sauf dans le cas où il y a effondrement
complet du pays étranger, que les États sont capables
de protéger leurs ressortissants. Cette présomption ne
peut être réfutée que par une preuve « claire
et convaincante » de l’incapacité de l’État de fournir
une protection. Le danger que cette présomption ait une application
trop générale est atténué par l’exigence
d’une preuve claire et convaincante de l’incapacité d’un État
d’assurer la protection.
En l’absence d’une preuve quelconque, la revendication
devrait échouer, car il y a lieu de présumer que les
nations sont capables de protéger leurs citoyens. La sécurité
des ressortissants constitue, après tout, l’essence de la souveraineté.
En l’absence d’un effondrement complet de l’appareil étatique,
comme celui qui a été reconnu au Liban dans l’arrêt
Zalzali, il y a lieu de présumer que l’État
est capable de protéger le demandeur.146
[italiques ajoutés]
Le degré de preuve claire et convaincante exigé
pour réfuter la présomption de la capacité d’un
État d’assurer la protection dépendra du caractère
démocratique de ses processus.147
- M. Kubby a présenté le témoignage de personnes
qui se trouvent dans une situation semblable et qui n’ont pas, selon
lui, été aidées par les mesures prises par l’État
pour les protéger. Il soutient que l’État cible les consommateurs
de marihuana à des fins médicales et, ce faisant, met
leur vie en péril. Il prétend que l’État ne peut
ou ne veut le protéger contre l’ambiguïté des lois
aux États-Unis.
- Dans l’arrêt Satiacum, la Cour d’appel fédérale
a déclaré ce qui suit :
En l’absence d’une preuve de circonstances exceptionnelles
faite par le revendicateur, il me semble que lors de l’audition d’une
revendication du statut de réfugié, comme dans une requête
en extradition, les tribunaux canadiens doivent tenir pour acquis
qu’il existe un processus judiciaire équitable et impartial
dans le pays étranger. Dans le cas d’un État non démocratique,
il peut être facile de faire la preuve contraire, mais en ce
qui a trait à un État démocratique comme les
États-Unis, il se peut qu’il faille aller jusqu’à démontrer,
par exemple, que le processus de sélection du jury est gravement
atteint dans la région en question ou que l’indépendance
ou le sens de l’équité des juges est en cause. [italiques
ajoutés]
- Dans l’arrêt Kadenko,148
la Cour d’appel fédérale a établi que le fardeau
de preuve est :
directement proportionnel au degré de démocratie
atteint chez l’État en cause : plus les institutions de
l’État seront démocratiques, plus le revendicateur devra
avoir cherché à épuiser les recours qui s’offrent
à lui.
- Il incombe toujours au demandeur d’asile de réfuter la présomption
selon laquelle l’État est capable de protéger ses citoyens.
Les jugements postérieurs à l’arrêt Ward
ont établi à cet effet qu’il n’est pas nécessaire
que la protection de l’État soit parfaite149.
- La lecture de l’arrêt Satiacum150
aide à analyser la crainte subjective de persécution du
demandeur d’asile pour déterminer si cette dernière est
objectivement fondée parce que les faits sont similaires à
ceux de l’espèce. Dans cet arrêt, Robert Satiacum, chef
indien héréditaire de Tacoma, dans l’État de Washington,
a demandé l’asile et fait valoir qu’il ne pouvait obtenir la
protection du gouvernement américain.
- En mai 1982, M. Satiacum a été accusé
et, au terme de son procès devant jury, déclaré
coupable, conjointement avec deux de ses co-accusés. Il n’a jamais
été condamné parce qu’il s’est enfui au Canada,
alors qu’il était en liberté sous caution en attendant
sa sentence, et n’était donc pas présent lorsque ses deux
co-accusés ont reçu leur peine.
- M. Satiacum a été arrêté au Canada
en 1983 et a demandé l’asile. Dans une décision de 77 pages,
la Commission d’appel de l’immigration (CAI), telle qu’elle s’appelait
à l’époque, a rendu une décision partagée.
Deux des trois commissaires ont reconnu à M. Satiacum la
qualité de réfugié au sens de la Convention. En
vertu des dispositions en vigueur à cette époque, la décision
partagée équivalait à une décision favorable
à M. Satiacum. Le troisième commissaire, dissident,
a déclaré que M. Satiacum n’avait pas raison de craindre
la persécution en partie du fait que les États-Unis sont
une démocratie et que sa crainte ne pouvait donc être objectivement
fondée.
- M. Satiacum craignait de se faire tuer pendant qu’il purgeait
sa peine en prison. La CAI a établi que cette crainte était
raisonnablement justifiée, tant dans le passé que dans
le présent.
- La CAI en est arrivée à cette conclusion sur la foi
de la preuve qui avait été produite à l’audience.
Rien ne laissait croire que le gouvernement américain prenait
une part active dans la persécution, mais il avait été
allégué qu’il ne pouvait protéger M. Satiacum.
- La CAI, faisant fond sur les arrêts Rajudeen151
et Surujpal152,
a déclaré :
Il n’est pas nécessaire pour que soit accueillie
la revendication du demandeur qu’il soit établi que les autorités
fédérales l’ont harcelé activement, dans la mesure
où il est démontré qu’elles étaient incapables
ou refusaient de le protéger de façon efficace.
- Les commissaires majoritaires de la CAI ont établi que la crainte
de persécution de M. Satiacum était objectivement
fondée, car le gouvernement fédéral ne pouvait
le protéger contre les groupes protestataires puissants de l’État
auxquels M. Satiacum s’était opposé. Il importe de
garder à l’esprit que le tribunal n’avait aucune idée
des raisons de l’inaction de la part des autorités fédérales
puisque aucune preuve n’avait été produite à ce
sujet. La CAI a conclu que M. Satiacum craignait pour sa vie s’il
devait être incarcéré dans une prison fédérale.
- La Cour d’appel fédérale a déclaré que
le degré de risque ou de probabilité de persécution
à appliquer est celui exposé dans l’arrêt Adjei153.
Les expressions telles que « [craint] avec raison »
et « possibilité raisonnable » signifient d’une part
qu’il n’y a pas à y avoir une possibilité supérieure
à 50 % (c’est-à-dire une probabilité), et
d’autre part, qu’il doit exister davantage qu’une possibilité
minime. Nous croyons qu’on pourrait aussi parler de possibilité
« raisonnable » ou même de « possibilité
sérieuse », par opposition à une simple possibilité.
- Pour cette raison, le juge MacGuigan, s’exprimant au nom de la majorité,
dans l’arrêt Satiacum, a déclaré que l’arrêt
Rajudeen avait été appliqué de façon
inopportune aux faits de l’affaire Satiacum. Dans l’arrêt
Rajudeen, il s’agissait de harcèlement illégal
et violent de la part de groupes majoritaires intolérants, avec
l’accord ou l’indifférence de la police, ce qui équivalait
à la complicité de l’État à la persécution.
Dans l’arrêt Rajudeen (Sri Lanka) comme dans l’arrêt
Surujpal (Guyana), il n’y avait ni État fédéral
(comme aux États-Unis) et ni système judiciaire en jeu.
Dans les deux cas, l’application des lois pouvait constituer
un véritable moyen de persécution. Il n’était
aucunement question du processus judiciaire et encore moins d’un processus
judiciaire juste et impartial. La majorité de la Commission
a donc commis une erreur de droit en appliquant l’arrêt Rajudeen
à l’espèce.154
- La Cour fédérale a clairement établi ce qui suit :
Encore une fois, en l’absence de preuve à l’effet
contraire présentée par le revendicateur du statut de
réfugié, les tribunaux canadiens doivent tenir pour
acquis qu’il aura droit à un procès équitable.
La notion de procès équitable dans un système
judiciaire équitable et impartial doit tenir compte des mécanismes
de correction qu’offre le système, par exemple, le contrôle
qu’exerce le juge de première instance sur les abus commis
par les parties et la révision par les cours d’appel des erreurs
qu’aurait pu faire le juge de première instance.
Sauf dans les circonstances les plus extraordinaires,
tous les événements qui ont donné lieu à
une poursuite et ceux oui entourent le déroulement d’un procès
dans un système judiciaire libre et impartial à l’étranger
doivent être considérés comme partie intégrante
du processus judiciaire et ne peuvent faire l’objet d’un examen par
un tribunal canadien. À titre d’exemple de circonstances
extraordinaires : celles qui tendent à entacher tout
le régime de poursuites, la sélection du jury ou le
jugement, et non de simples indiscrétions ou illégalités
commises par des parties et qui, si la preuve en est faite, peuvent
être corrigées à l’intérieur même
du processus.155
[italiques ajoutés]
- Dans l’arrêt Ward, la Cour suprême du Canada
a formulé des remarques sur l’arrêt Satiacum :
L’arrêt Satiacum de la Cour d’appel fédérale
peut mieux s’expliquer comme illustrant un tel cas de présomption
de la capacité de l’État d’assurer une protection et
du caractère objectivement déraisonnable de l’omission
du demandeur de se réclamer de cette protection.
- Ainsi, que l’on applique le raisonnement de l’arrêt Satiacum
(rendu avant l’arrêt Ward) ou la présomption énoncée
dans l’arrêt Ward, le résultat est le même.
- Les tribunaux canadiens doivent présumer que l’appareil judiciaire
d’États démocratiques étrangers, tels les États-Unis,
est équitable et indépendant. M. Kubby a tenté
d’établir, par sa preuve, que le gouvernement fédéral
des États-Unis, par l’intermédiaire de la DEA et sous
le régime Bush, est devenu non démocratique depuis le
11 septembre 2001. J’estime qu’il ne s’agit pas là
de « circonstances exceptionnelles » au sens de l’arrêt
Satiacum.
- Bien que M. Kubby et ses témoins aient déclaré
avec ferveur que les États-Unis ne sont plus une démocratie
et qu’ils bafouent les droits les plus fondamentaux des consommateurs
de cannabis médicinal156,
trop peu d’éléments de preuve ont été présentés
pour étayer de telles déclarations, dans le cas précis
de M. Kubby.
- Le demandeur d’asile n’est pas parvenu à établir qu’il
existe en l’espèce des « circonstances exceptionnelles »
qui justifieraient la protection internationale. Aucune « circonstance
exceptionnelle » ne caractérise la perquisition de la résidence
de M. Kubby ou le dépôt des accusations qui en ont
découlé. L’État de la Californie a accusé
M. Kubby de culture et de complot – de très graves accusations
– ainsi que d’autres infractions en matière de drogue ayant trait
à ses activités de culture de la marihuana. Les forces
de l’ordre estimaient qu’il cultivait un trop grand nombre de plants
pour être un véritable consommateur de marihuana à
des fins médicales. Durant son témoignage, Patrick McCartney
a déclaré que la CUA ne prévoyait [Traduction]
« à dessein » aucune limite quant au nombre de plants
cultivés et possédés, ou que les limites étaient
[Traduction] « vagues »157.
M. Kubby prétend avoir respecté les directives de
la ville d’Oakland158
au sujet du nombre de plants à cultiver. Ces directives ont été
modifiées depuis l’arrestation de M. Kubby159,
et le projet de loi 420, qui entrera en vigueur en janvier 2004,
changera la situation des consommateurs de marihuana à des fins
médicales du tout au tout160.
Comme les instructions qu’avaient reçues les forces de l’ordre
en 1999 étaient floues, la marche à suivre, en cas de
doute, était de laisser la décision à la discrétion
du procureur, et c’est ce qui s’est produit dans le cas de M. Kubby.
Le substitut du procureur Christopher Cattran a assisté à
l’exécution du mandat de perquisition à la résidence
des Kubby161
et a décidé qu’il était raisonnable, dans les circonstances,
de déposer des accusations. Il savait que M. Kubby entendait
invoquer la défense de nécessité médicale.
Le recours qu’avait M. Kubby était de s’adresser aux tribunaux.
M. et Mme Kubby ont tous deux bénéficié
de l’application régulière de la loi tant et si bien qu’aucune
accusation relative à la marihuana ne pèse plus contre
eux. En fait, le système a fonctionné comme il se devait.
Loin de moi l’idée de minimiser le traumatisme qu’ont dû
subir et les dépenses qu’ont dû engager les Kubby pour
se défendre; toutefois, mon raisonnement repose sur le droit,
et il ne m’appartient pas de tenir compte de considérations d’ordre
humanitaire.
- Les États-Unis sont dotés d’un appareil judiciaire qui
ressemble beaucoup à celui du Canada. Le système de justice
comporte ses propres garanties, par exemple, le droit à un avocat,
le droit au silence et le droit de ne pas être forcé de
témoigner contre soi-même. Il ressort de l’arrêt
Satiacum que la Section de la protection des réfugiés
doit agir avec circonspection lorsqu’elle est saisie de cas provenant
d’États démocratiques, tels les États-Unis, avant
d’accorder une protection internationale. Même lorsque l’on allègue,
comme en l’espèce, l’abus de pouvoir, il faut tenir compte des
« mécanismes de correction ». M. Kubby était
représenté par un avocat compétent, jouissait de
pleins droits d’appel et a exercé certains de ces droits. Il
existe contre les procureurs et les représentants des forces
de l’ordre des mécanismes de traitement des plaintes dont M.
Kubby aurait pu se prévaloir s’il estimait qu’il y avait eu abus
de pouvoir ou poursuite abusive162.
- Il appartient aux forces de l’ordre de l’État d’intenter des
poursuites pénales dans les affaires de drogue lorsque le nombre
de plants saisis est inférieur à celui auquel s’intéresse
la DEA fédérale. Plusieurs chiffres ont été
avancés en ce qui concerne le nombre minimal de plants, et l’on
ne sait toujours pas avec exactitude à quel point la DEA décide
que son intervention est nécessaire. Quoi qu’il en soit, le substitut
du procureur dans le cas de M. Kubby, M. Cattran, a déclaré
qu’il faudrait probablement un millier de plants pour que la DEA engage
ses ressources limitées. Selon les dires de M. Satterberg,
les autorités fédérales n’intenteraient sans doute
aucune poursuite dans les cas où il y a moins de 500 plants
ou de 22,68 kg de marihuana séchée. M. Kubby
lui-même semble admettre ce fait dans ses observations :
[Traduction]
On reconnaît d’emblée dans le milieu de la justice pénale
que les procureurs fédéraux ne sont intéressés
à engager des poursuites que dans les cas impliquant plus de
500 plants, voire 1 000 plants dans certains ressorts.163
- Environ 265 plants ont été saisis chez les Kubby,
soit un nombre bien inférieur à celui où la DEA
interviendrait. Bien que ce soit la DEA qui a exécuté
le mandat à la résidence des Kubby, il ressort clairement,
après visionnement de la bande vidéo164
de la perquisition, que la DEA ne visait qu’à préserver
la preuve, et non à persécuter M. Kubby. Après
la saisie, l’enquête a été confiée aux autorités
de l’État. Rien dans la preuve n’indique que les autorités
fédérales ont continué de s’intéresser au
cas de M. Kubby, contrairement à ce que ce dernier prétend.
Cette constatation revêt une certaine importance, car M. Kubby
a déclaré qu’on l’empêcherait d’invoquer la défense
de « nécessité médicale » dans les poursuites
que les autorités fédérales intenteraient contre
lui; toutefois, comme je l’ai déjà mentionné, il
n’est pas parvenu à établir qu’il s’exposerait vraisemblablement
à des poursuites fédérales.
- L’intérêt des autorités de l’État à
appliquer les lois régissant l’accès à la marihuana
à des fins médicales et l’intérêt de la DEA
fédérale à enrayer le trafic et la possession de
drogues ne s’excluent pas mutuellement. Les autorités de l’État
et la DEA peuvent coexister et collaborer. M. Satterberg a déclaré
que tel est le cas dans le comté de King.
- Le gouvernement des États-Unis est aux prises avec la dichotomie
entre les pouvoirs fédéraux et les pouvoirs des États,
et de nombreux juristes experts se sont penchés sur les questions
qui sous-tendent cette dichotomie165.
- M. Kubby a choisi de quitter les États-Unis après
que le procès intenté contre lui et sa femme fut terminé
et la sentence rendue. Il a pris des mesures extraordinaires pour s’assurer
qu’on accepterait qu’il porte un dispositif de surveillance électronique
pour purger sa peine dans le confort de son foyer afin de se soigner
en consommant au besoin de la marihuana. Il s’oppose à la peine
qu’il a reçue en partie parce qu’il a été mis en
probation pour trois ans et qu’aux termes d’une des conditions de sa
probation, son agent de probation peut perquisitionner sa résidence
s’il le soupçonne de consommer des drogues illicites. L’ordonnance
de probation prévoit une dispense pour la culture et la consommation
de marihuana166.
M. Kubby en est venu à la conclusion qu’il serait trop difficile
de trouver quelqu’un qui accepterait de lui louer une résidence
dans ces conditions, mais a cependant produit peu de preuve, outre son
témoignage, qui expliquerait pourquoi il en aurait été
ainsi. Il a décidé que l’octroi de tels pouvoirs, pendant
trois ans, à l’agent de probation constituerait une violation
injustifiée de ses droits de la personne, mais n’a présenté
aucune preuve tangible des difficultés qu’il aurait subies. Christopher Cattran,
substitut du procureur, a mentionné que les probationnaires qui
estiment que leur agent de probation abuse de la clause de perquisition
disposent d’un recours167.
- En somme, M. Kubby n’a pas réussi à réfuter
la présomption voulant que l’État soit capable de le protéger
contre les agents de probation ou des forces de l’ordre qui excèderaient
le cadre de leurs fonctions. De même, il n’a pas établi
qu’il y a effondrement complet de l’appareil étatique. Je suis
convaincue que le gouvernement des États-Unis a la capacité
de protéger M. Kubby contre la persécution, si ce
dernier devait un jour y être exposé aux États-Unis.
DEMANDE D’ASILE FONDÉE SUR L’ARTICLE 97 DE LA LIPR
(a) Définition et fardeau de la preuve
- Comme je l’ai mentionné plus tôt, le demandeur d’asile
doit, aux termes de l’article 97 de la LIPR168,
établir qu’il serait, par son renvoi vers son pays d’origine,
exposé à une menace à sa vie ou au risque de traitements
ou peines cruels et inusités. Ce risque doit être évalué
suivant la norme de la « possibilité sérieuse »169.
Toujours selon l’article 97, l’asile est aussi conféré
à la personne exposée au risque, s’il y a des motifs sérieux
de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article
premier de la Convention contre la torture170.
(b) Nature des allégations de menace
à la vie de M. Kubby
- M. Kubby allègue qu’il sera incarcéré en
prison s’il retourne aux États-Unis. Il soutient en outre que,
s’il va en prison, on lui interdira l’accès au médicament
de son choix, le cannabis, et qu’il mourra s’il ne peut consommer de
cannabis. Je conclus qu’il s’agit d’une pure conjecture de la part de
M. Kubby.
- Le projet de loi 420 endossé par le gouverneur Davis et
cité plus tôt, renferme la disposition 11362.785c),
dont le libellé est le suivant :
[Traduction]
Le présent article n’a pas pour effet d’empêcher les
autorités de tout établissement carcéral, notamment
d’une prison ou d’un établissement correctionnel, où
sont logés des prisonniers ou détenues des personnes
arrêtées d’autoriser un prisonnier [
] à
consommer de la marihuana à des fins médicales lorsque
la situation ne met pas en péril la santé et la sécurité
des autres prisonniers ou la sécurité de l’établissement.171
- Il n’y a pas assez de preuve qui permettrait de croire que l’on niera
à M. Kubby l’accès aux soins médicaux voulus, s’il
devait en avoir besoin, pendant son incarcération dans la prison
de l’État. La preuve qu’il a présentée quant à
l’avant-goût qu’il a eu pendant sa brève détention
immédiatement après avoir été accusé
d’infractions relatives à la drogue, n’est pas concluante. M. Kubby
soutient qu’il fera de l’insuffisance surrénale, de l’hypertension
artérielle et qu’il pourrait avoir un AVC ou faire une crise
de coeur s’il ne reçoit pas des soins. Le Dr Connors
convient avec M. Kubby que cette description correspond à
l’état dans lequel celui-ci plongera probablement s’il devait
être sevré de la marihuana172.
- La preuve ne permet pas de conclure que les autorités carcérales
ne retireraient pas M. Kubby de sa cellule pour l’emmener immédiatement
recevoir des soins médicaux à l’hôpital en cas de
crise. Rien ne permet de croire que M. Kubby ne serait pas autorisé,
dans un hôpital américain, à consommer de la marihuana
à des fins médicales au moyen d’un vaporisateur, par exemple.
- En fait, la preuve, à savoir le témoignage d’Angel McCleary
Raich, indique le contraire. Celle-ci a déclaré173
avoir été autorisée à utiliser un vaporisateur
pendant son hospitalisation pour se soigner à la marihuana. M. Kubby
n’a pas établi qu’il serait traité différemment
s’il devait être hospitalisé. On a demandé au Dr Connors
s’il avait déjà traité un prisonnier atteint du
cancer des glandes surrénales, ce à quoi il a répondu :
[Traduction]
Vous devez savoir que sa maladie est très rare et que les probabilités
qu’un autre prisonnier incarcéré en soit atteint sont
infinitésimales.174
- On peut donc raisonnablement présumer que, si les autorités
correctionnelles de l’État étaient mises au courant de
l’état de santé de M. Kubby, le traitement administré
tiendrait compte de la rareté de la maladie, et elles pourraient
conclure qu’autoriser M. Kubby à absorber du cannabis ou
du dronabinol175
par voie orale pendant qu’il est en prison ne constitue pas un dangereux
précédent, pour les malades en situation semblable, puisque
sa maladie est si rare. La rareté de sa maladie suffit en soi
pour donner à croire que M. Kubby recevra probablement un
traitement unique. On a demandé à M. Kubby s’il avait
déjà pris du dronabinol, et il a répondu qu’il
n’en a jamais pris et qu’il n’en prendrait pas parce qu’il craignait
les effets secondaires. Le dronabinol est un succédané
du cannabis qui est utilisé lorsqu’il est interdit de fumer et
qui peut être absorbée par voie orale176.
- M. Kubby a présenté sa preuve pour établir
la défaillance des systèmes judiciaire et médical
des États-Unis qui l’exposerait, lui et sa famille, à
un risque de préjudice. Il a fait état de la surveillance
continue, de l’exécution d’un mandat de perquisition, des menaces
d’accusations fédérales qui ne se sont jamais concrétisées,
de l’impossibilité de savoir si on lui permettrait d’ingérer
de la marihuana dans les prisons fédérales ou les prisons
d’État, du refus de lui accorder plus d’une heure à l’extérieur
de chez lui lorsqu’il purgeait sa peine à domicile, du refus
de révoquer les droits de perquisition de l’agent de probation,
des menaces d’intervention des autorités de protection de l’enfance
s’il devait fumer devant ses enfants et du refus de retirer toutes les
accusations criminelles qui pesaient contre lui. À mon avis,
toutes les allégations de M. Kubby sont couvertes par les
« mécanismes de correction » dont parlait le juge MacGuigan,
dans l’arrêt Satiacum. Même prises cumulativement,
elles ne me permettent pas de conclure que M. Kubby s’expose à
un risque de traitements ou peines cruels et inusités ou à
une menace à sa vie.
- M. Kubby soutient qu’il ne peut purger sa peine de 120 jours
en prison parce qu’il mourra s’il ne peut consommer de marihuana. La
preuve médicale ne permet toutefois pas de conclure (a) qu’il
mourra s’il est sevré de la marihuana ou (b) qu’il ne recevra
pas les soins médicaux voulus si, pendant sa détention
carcérale, il tombe dans un état de crise aiguë du
fait qu’il est privé de cannabis.
- Durant la séance du 6 avril 2001, M. Kubby a
demandé au juge Cosgrove si la Cour [Traduction] « porte[rait]
une attention particulière à mes arguments concernant
la nécessité médicale – de vie ou de mort – de
consommer de la marihuana au cas où je serais incarcéré »,
ce à quoi le juge a répondu : [Traduction] « Je
suis sûr que si vous êtes emprisonné, on s’occupera
de vous d’une façon ou d’une autre. »177
Le juge s’est également penché sur le Huitième
Amendement pour déterminer si pareil traitement serait cruel
et inusité et a conclu : [Traduction] « J’en ai tenu
compte. Ce n’est certainement pas un traitement inusité que d’être
traité comme les autres prisonniers se trouvant dans une situation
semblable. Ce n’est ni cruel ni inusité. »178
- Bon nombre de prisonniers notoires reçoivent une protection
pendant toute leur incarcération. Cette protection vise à
assurer la sécurité personnelle ainsi que le bien-être
physique et mental des prisonniers en question. Je ne suis pas convaincue
que les autorités correctionnelles américaines ne pourront
ou ne voudront s’assurer que M. Kubby survit à son incarcération,
s’il purge effectivement sa peine en prison, fait qu’il n’a pas établi.
On peut raisonnablement penser que le Département des services
correctionnels (pour les prisonniers d’État) ou le Bureau des
prisons (pour les prisonniers fédéraux) sont capables
de répondre aux besoins spéciaux de M. Kubby, s’il
est en danger pendant qu’il est en prison. Ils ont le devoir de protéger
M. Kubby pendant qu’il est incarcéré dans l’un de
leurs établissements. M. Kubby n’a pas établi qu’ils
négligeraient de le faire dans son cas.
- M. Kubby a déposé un document179
à ce sujet. L’auteur de ce document, John Gordiner, procureur
général adjoint principal de l’État de la Californie,
y déclare ceci :
[Traduction]
[
] Les établissements correctionnels exploités
par le gouvernement fédéral et les États sont
en général réputés avoir l’obligation
de s’assurer que les personnes détenues chez eux reçoivent
les soins médicaux nécessaires. Cette obligation s’accompagne
du droit de faire évaluer de façon indépendante
l’état de santé des détenus pour déterminer
le traitement approprié. Il semblerait ainsi que le médecin
au service de l’établissement puisse déterminer de façon
indépendante si le détenu a ou non le droit de consommer
de la marihuana à des fins médicales. [Note : Les
désaccords entre médecins traitants ou entre les détenus
et leur médecin traitant quant aux soins médicaux adéquats
ou nécessaires dans leur cas ne donnent pas ouverture à
recours fondé sur la Constitution et ne constituent donc pas
une cause d’action aux termes du paragraphe 1983 de la Civil
Rights Act fédérale (voir Sanchez v. Vild,
897 F. 2d 240, 242 (9th Circ. 1989); Franklin v. Oregon,
662 F. 2d 1337, 1344 (9th Circ. 1981).]
- La décision de donner ou non l’accès au cannabis à
des fins médicales appartient donc au médecin traitant
à la prison.
[Traduction]
Certains s’inquiètent que les détenus des prisons d’État
ou des prisons fédérales invoquent la maladie pour réclamer
de la marihuana, mais les médecins au service des prisons doivent
évaluer de façon indépendante s’il y a lieu de
donner accès à la marihuana, en conformité avec
les politiques de sécurité des prisons en question.180
- J’en déduis donc que, dans certains cas, notamment dans la
situation de M. Kubby, on pourrait fournir du cannabis au prisonnier.
- Je dispose d’autres preuves, à savoir le témoignage
du juge Gray, qui contredisent les allégations de M. Kubby
selon lesquelles on lui niera l’accès au cannabis en prison :
[Traduction]
Je peux vous assurer que la Constitution garantit le droit au traitement
médical à ceux et celles qui sont détenus sous
l’autorité du Marshall Office [
] c’est pourquoi
il est trop coûteux de détenir des personnes âgées
en prison.181
- Le juge Gray ajoute que le préambule de la Constitution des
États-Unis confirme l’obligation incombant au gouvernement de
promouvoir le bien-être général182.
- En outre, William Panzer, durant son témoignage, a déclaré
qu’on autoriserait M. Kubby à purger sa peine à l’hôpital
de la prison, si la chose devait s’avérer nécessaire,
et que le droit au traitement médical est fondamental et ne tolère
aucune ingérence déraisonnable de la part du gouvernement.
Toujours selon ses dires, il s’agit d’une question qui tombe sous le
coup de [Traduction] « l’application régulière de
la loi quant aux règles de fond du droit »183.
M. Panzer a fait état de cas de prisonniers atteints du
SIDA, branchés sur un coeur-poumon artificiel ou nécessitant
une dialyse. Il a dit être d’avis que la Constitution garantit
le droit fondamental d’accès au traitement médical, mais
a mis en doute la nécessité ou le caractère adéquat
du traitement184.
- Le juge Gray et M. Panzer, du fait des charges qu’ils occupent
au sein de l’appareil judiciaire américain, connaissent le système
correctionnel. Il ressort de leur témoignage donné objectivement
en tant qu’officier judiciaire que la situation pourrait être
très différente de celle alléguée par M. Kubby.
- Enfin, M. Satterberg a déclaré qu’il existe des
normes correctionnelles nationales concernant les prisonniers qui sont
pupilles de l’État et qui nécessitent des soins médicaux :
les comtés engagent leur responsabilité s’ils omettent
de dispenser les soins médicaux voulus185.
- Par ailleurs, M. Cattran a déclaré, durant son
témoignage, qu’une fois que M. Kubby aura fini de purger
sa peine, à la suite des condamnations reçues, il n’y
a plus aucune accusation contre lui, et que l’État de la Californie
n’a pas l’intention de reprendre les accusations pour lesquelles il
a déjà été poursuivi186.
- La common law établit une distinction entre la « déduction
raisonnable » tirée de faits établis et la « pure
hypothèse ». C’est une pure hypothèse que de dire
que les autorités correctionnelles, pour des raisons politiques
ou autres, ne feraient aucun cas d’une crise aiguë pendant que
M. Kubby est sous leur tutelle et qu’il purge sa peine. À
ce sujet, les propos de lord Macmillan sont riches en enseignements :
[Traduction]
Il est souvent très difficile de faire la distinction entre
une hypothèse et une déduction. Une hypothèse
peut être plausible mais elle n’a aucune valeur en droit puisqu’il
s’agit d’une simple supposition. Par contre, une déduction
au sens juridique est une déduction tirée de la preuve
et, si elle est justifiée, elle pourra avoir une valeur probante.
J’estime que le lien établi entre un fait et une cause relève
toujours de la déduction.187
- Le cas de M. Kubby est unique en ce sens que personne n’a jamais
soutenu pareilles prétentions devant la Commission de l’immigration
et du statut de réfugié et que le Dr Connors
a déclaré que la situation de M. Kubby est extrêmement
rare. William Panzer a déclaré qu’à sa connaissance
jamais aucun accusé n’a jusqu’alors invoqué la [Traduction]
« nécessité de vie ou de mort » de consommer
de la marihuana. M. Kubby prétend que, du fait de son état
de santé unique, toute incarcération, peu importe la durée,
pourrait lui être fatale. Pourtant, lorsqu’il a à deux
reprises été incarcéré, M. Kubby a
reçu des soins médicaux immédiatement après
s’être plaint de son état de santé. Aucun témoin
n’a pu affirmer que M. Kubby, s’il devait être incarcéré,
ne recevrait pas les soins médicaux dont il a besoin.
- Les faits indiquent le contraire : (1) le système pénitentiaire
a la capacité de protéger les détenus; (2) l’ordonnance
de probation autorise M. Kubby à purger sa peine à
domicile; (3) la capacité du Dr Connors de s’exprimer
au nom M. Kubby en faisant autorité devant la Section de
la protection des réfugiés donne à croire qu’il
pourrait faire de même aux États-Unis si besoin est; (4)
la publicité entourant les déclarations de M. Kubby
selon lesquelles il mourra sans marihuana. On peut raisonnablement déduire
de ces faits que l’emprisonnement ne mettra pas la vie de M. Kubby
en danger. Par contre, on ne saurait tirer de ces mêmes faits
la déduction contraire, à savoir que M. Kubby mourrait
s’il était incarcéré dans une prison américaine.
Il s’agit là d’une pure hypothèse.
(c) Sanctions légitimes
- En analysant, ci-dessus, la menace à sa vie et le risque de
traitements ou peines cruels et inusités, j’ai conclu que M. Kubby
n’a pas établi pareille menace ni pareil risque. J’en suis arrivée
à la conclusion que ce à quoi M. Kubby allègue
être exposé est le risque de poursuites pénales
résultant de sanctions légitimes. M. Kubby doit alors
établir que la menace à sa vie résulte de sanctions
légitimes infligées au mépris des normes internationales.
- M. Kubby ne saurait être envoyé en prison qu’aux
termes de sanctions légitimes. Les États-Unis sont un
pays signataire de traités internationaux, notamment de conventions
visant à réprimer le trafic national et international
de substances contrôlées. La CUA a été adoptée
en partie pour honorer les obligations qui incombent aux États-Unis
aux termes de ces conventions. Les lois canadiennes – apparemment plus
souples – sur l’accès à la marihuana à des fins
médicales sont une première mondiales188.
La possession (du moins, pour le moment) et la distribution de la marihuana
demeurent par ailleurs illégales au Canada. La dispense médicale
accordée à M. Kubby par Santé Canada prévoit
les quantités qu’il peut posséder et cultiver, suivant
ses besoins personnels189.
- L’Association médicale canadienne (à l’instar de son
pendant américain) s’oppose à la dispense médicale
parce qu’il y a actuellement trop peu d’études scientifiques
empiriques disponibles pour que les médecins puissent établir
la posologie. Même s’ils peuvent maintenant se procurer légalement
de la marihuana par l’entremise de Santé Canada, bon nombre de
médecins hésitent à en garder à leur bureau
vu le risque élevé d’abus190.
Le tribunal ne dispose d’aucune preuve indiquant que les lois américaines
sur la marihuana et les sanctions inhérentes à celles-ci
sont appliquées au mépris des normes internationales.
- Je conclus qu’il n’y a pas assez de preuve pour établir que
les autorités carcérales ignoreraient l’état de
santé de M. Kubby si ce dernier devait être incarcéré.
Ce dernier n’a donc pas établi qu’il a qualité de personne
à protéger.
- L’analyse portant sur la protection de l’État, ci-dessus, s’applique
aussi à la demande d’asile fondée sur l’article 97.
POSSIBILITÉ DE REFUGE INTÉRIEUR
- J’ai entendu des témoins d’autres ressorts, notamment de l’État
de Washington (M. Satterberg) et de l’Oregon (Mme Leverette),
faire état de leur politique d’accès à la marihuana
à des fins médicales. M. Kubby n’a pas établi
qu’il craint avec raison la persécution ou qu’il s’expose à
une menace ou à un risque, en Californie, aux termes de l’article 97
de la LIPR, du fait que la menace à sa vie ou sa crainte subjective
n’ont pas été établies objectivement, comme en
fait foi l’analyse ci-dessus. En conséquence, il n’est pas nécessaire
de déterminer s’il dispose d’une possibilité de refuge
intérieur, ailleurs aux États-Unis.
DEMANDES D’ASILE DE MICHELE KUBBY ET DES DEMANDEURES MINEURES
- La demande d’asile de Mme Kubby repose sur celle de
son mari. Mme Kubby soutient qu’elle est personnellement
exposée à un risque, indépendamment de son mari.
Elle déclare souffrir du syndrome du côlon irritable et
avoir choisi de consommer de la marihuana pour se soigner. Elle dispose
d’une recommandation médicale pour consommer de la marihuana
aux États-Unis, mais ne l’a pas fournie à la Commission.
Je suis néanmoins disposée à admettre qu’elle a
reçu cette recommandation en Californie. Mme Kubby
reconnaît n’avoir aucune nécessité médicale
de consommer de la marihuana et que d’autres médicaments pourraient
l’aider à soulager ses maux, quoique pas aussi bien que la marihuana.
Elle reconnaît aussi que bon nombre de médecins sont d’avis
que son état ne justifie pas une recommandation pour consommer
de la marihuana à des fins médicales191.
- Mme Kubby déclare qu’elle pouvait utiliser
de la marihuana à des fins médicales aux États-Unis,
mais qu’elle ne possède, au Canada, aucune recommandation ou
dispense médicale de Santé Canada à cette fin.
À mon avis, Mme Kubby était dans une meilleure
situation aux États-Unis, où elle pouvait consommer du
cannabis, qu’elle ne l’est maintenant au Canada, où elle ne jouit
d’aucun accès à la marihuana à des fins médicales.
- Mme Kubby soutient que le fait qu’elle ne consomme
pas de cannabis affecte sa qualité de vie, mais elle reconnaît
qu’elle n’est personnellement exposée à aucun risque si
elle n’en consomme pas.
- Le risque que Mme Kubby court est en partie lié
au fait qu’elle a été arrêtée simultanément
avec son mari parce que leur résidence servait à la culture
de la marihuana. Elle craint que d’autres accusations soient portées
contre elle parce qu’elle aide son mari et entretient le jardin de marihuana.
Elle craint d’être accusée de culture et, peut-être,
de complot. Elle prétend que les autorités fédérales
la traduiront en justice en raison de ses activités à
la chaîne Pot TV et des reportages qu’elle a faits sur la politique
américaine de lutte contre la drogue. Elle craint en outre le
sort que l’avenir réserverait à elle et à ses enfants
si son mari devait retourner aux États-Unis192.
Je constate que Mme Kubby a été acquittée
de toutes les accusations qui pesaient contre elle et M. Kubby,
et aucune autre accusation contre elle n’est actuellement en instance.
Mme Kubby prétend craindre les « poursuites »193.
- Le ministre, par contre, soutient que Mme Kubby n’a
pas établi qu’il existe une possibilité sérieuse
qu’elle soit victime de persécution si elle devait retourner
aux États-Unis, avec ou sans son mari. Mme Kubby
n’a en effet déposé aucune preuve qui donnerait à
croire que les représentants des forces de l’ordre soit de l’État
de la Californie, soit de tout autre État, soit du palier fédéral
s’intéressent à elle.
- Par ailleurs, Mme Kubby reconnaît qu’elle consomme
de la marihuana pour soulager son syndrome du côlon irritable
par choix, et non par nécessité médicale. Elle
n’a produit aucune preuve voulant qu’elle soit exposée, par son
renvoi vers les États-Unis, à une menace à sa vie
ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités. Elle
soutient craindre que ses enfants lui soient retirés si elle
devait retourner aux États-Unis; toutefois, elle n’a pas réussi
à me convaincre qu’il s’agit d’une possibilité réelle
dans les circonstances.
RÉCAPITULATION
- Les faits allégués par M. Kubby n’équivalent
pas à de la persécution. Ce dernier a été
traduit en justice pour avoir enfreint une loi d’application générale;
et les poursuites intentées contre lui relativement à
la marihuana ne se sont soldées par aucune condamnation.
- M. Kubby fait l’analogie entre sa situation et celle d’un diabétique.
Il soutient que l’État ne priverait jamais un diabétique
de son insuline et qu’il ne devrait pas, par conséquent, le priver
de sa marihuana vitale. Comme je l’ai mentionné plus tôt,
il y a une distinction claire entre l’insuline, qui est approuvée
par l’American Medical Association, et le cannabis, qui ne l’est pas.
Le cannabis est non seulement non approuvé à des fins
médicales, mais il est aussi décrié par certains
comme étant un « pseudo-médicament ». Je ne
suis pas de cet avis. Il est évident, sur la foi de la preuve
dont je dispose, que la marihuana aide à contrôler les
symptômes du cancer de M. Kubby. Toutefois, il faudra attendre
d’autres études pour établir le lien médical entre
la longévité de M. Kubby, malgré sa maladie
fatale, et sa consommation de marihuana194.
- Comme l’a précisé le juge qui a déterminé
la peine à appliquer :
[Traduction]
Cette affaire était au départ une affaire de marihuana.
Tel n’est plus le cas aujourd’hui. Au terme du procès, le jury
a en somme décidé que la question de la marihuana [
]
n’[était] pas en cause. Il s’agit maintenant d’un cas de possession
de deux substances illégales : des champignons et des
peyotl. L’argumentation a surtout porté sur la marihuana alors
qu’il ne s’agit pas de cela.195
- M. Kubby tente toujours de présenter les faits comme s’il
s’agissait de la violation de son droit de posséder de la marihuana
et d’en cultiver. Tel n’est pas le fondement de sa demande d’asile.
M. Kubby soutient que les consommateurs de marihuana à des
fins médicales devraient être soustraits aux poursuites.
En fait, il a prouvé qu’ils le sont.
- Il importe de garder à l’esprit, en dépit de la preuve
de M. Kubby selon laquelle il craindrait avec raison la persécution
aux États-Unis, que les consommateurs de marihuana à des
fins médicales qui sont titulaires d’une recommandation à
cet effet jouissent, en Californie, d’une immunité partielle
contre les poursuites.
- L’État de la Californie, par la modification 215 et, plus
tard, par la CUA, a choisi de ne pas décriminaliser la consommation
et la possession de la marihuana à des fins médicales.
Cet État a en fait décidé d’autoriser les Californiens
souffrants et mourants à posséder de la marihuana et à
en cultiver dans la mesure où ils satisfont à ses critères
et, de ce fait, la possession et la consommation de la marihuana ne
sont pas plus criminelles que la possession et l’acquisition d’un médicament
prescrit sur ordonnance médicale196.
- Il appartient au malade – du moins pour le moment – de convaincre
les forces de l’ordre de la nécessité médicale
et de convaincre un soignant de lui procurer le médicament pour
répondre à cette nécessité. Tout autre arrangement
donnerait lieu à des poursuites où le juge trancherait
la légalité de l’arrangement. Voilà l’option équitable
qu’ont retenue les Californiens pour fournir de la marihuana aux malades
et pour contrôler le risque élevé d’abus. Il n’appartient
pas à la Commission de l’immigration et du statut de réfugié
de juger de l’à-propos de l’option choisie par la population
et les tribunaux de la Californie.
- Le juge Ronald M. George, juge en chef, s’exprimant au nom de la Cour,
a déclaré ce qui suit :
[Traduction]
Par son libellé et son objet, la [modification 215] doit
être raisonnablement interprétée de façon
à accorder à l’accusé une immunité limitée
contre les poursuites, immunité qui lui permet non seulement
d’invoquer sa qualité de malade ou de soignant primaire reconnu
à titre de défense au procès, mais aussi d’invoquer
cette qualité pour faire annuler l’acte d’accusation ou la
dénonciation, avant le procès, pour cause d’absence
de motifs raisonnables de croire qu’il est coupable.197
- Lorsqu’il retournera aux États-Unis, M. Kubby aura la
possibilité d’invoquer sa qualité de malade reconnu autorisé
à cultiver le nombre de plants dont il a besoin dans le cadre
de toute enquête éventuelle. Si des accusations sont portées,
il pourra encore une fois invoquer la défense de nécessité
médicale dans une requête avant procès, et même
au procès. À chaque étape, il aura droit à
une défense pleine et entière. M. Kubby aurait quant
à lui préféré qu’on l’avise du nombre de
plants qu’il peut cultiver en toute quiétude et, en s’en tenant
à ce nombre, il aurait eu la garantie de ne pas être traduit
en justice. C’est sans doute la meilleure option; c’est en tout cas
l’option que le Canada privilégie. Les options sont nombreuses,
et les gouvernements sont en droit de déterminer celle qui leur
convient le mieux pour résoudre cette question épineuse.
Il y a aux États-Unis 52 États; certains, comme l’État
de Washington et la Californie, ont adopté des lois très
libérales et claires pour régir l’accès à
la marihuana à des fins médicales. M. Kubby est libre
de s’installer dans l’État qui répondra le mieux, selon
lui, à ses besoins médicaux.
- M. Kubby ne craint pas la persécution aux États-Unis.
En outre, il n’a pas, pour les raisons susmentionnées, réfuté
la présomption voulant que l’État soit capable de le protéger.
- Par ailleurs, j’ai conclu que M. Kubby n’est exposé ni
au risque de traitements ou peines cruels et inusités ni à
une menace à sa vie. M. Kubby allègue qu’il risque
d’être emprisonné et que, si tel est le cas, il mourra
parce qu’on lui niera l’accès au cannabis. Il n’a toutefois pas
réussi à établir qu’il s’agit là d’une possibilité
vraisemblable, aussi mince soit-elle. La portée de l’alinéa 97(1)b)
est très restreinte. La protection visée par cet alinéa
n’est accordée qu’aux personnes qui s’exposent à un risque
non généralisé.
- En outre, le risque auquel s’expose M. Kubby résulte de
sanctions légitimes et est inhérent à celles-ci
ou occasionné par elles, et le demandeur d’asile ne peut, pour
cette raison, avoir qualité de personne à protéger.
Certes, les sanctions légitimes ne peuvent être infligées
au mépris des normes internationales reconnues. J’ai examiné
de près cette possibilité et j’en suis arrivée
à la conclusion que les lois américaines visées
par la demande d’asile de M. Kubby ne violent pas les normes internationales
et, partant, M. Kubby ne peut prouver qu’il existe une menace à
sa vie ou un risque de traitements ou peines cruels et inusités.
- Enfin, pour trancher la présente demande d’asile, je me suis
fondée sur le droit canadien, plus précisément
la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés,
et j’ai tenu compte de la présomption de common law voulant que
les lois du Canada soient adoptées dans le respect des obligations
internationales du Canada. J’ai donc aussi pris en considération
les lois canadiennes telles que la Charte canadienne des droits
et libertés198,
qui prévoit notamment que chacun a droit à la vie, à
la liberté et à la sécurité de sa personne,
et la Déclaration canadienne des droits199,
qui prévoit des dispositions semblables au sujet du droit fondamental
à la sécurité de la personne et dispose qu’aucune
loi du Canada ne peut être interprétée ou appliquée
de manière à infliger des peines ou traitements cruels
et inusités ou à en autoriser l’infliction. J’ai en outre
tenu compte d’instruments internationaux, notamment la Déclaration
universelle des droits de l’homme200,
qui prévoit, entre autres choses, que nul ne doit être
soumis à la torture ni à des peines ou traitements cruels,
inhumains ou dégradants, et le Pacte international relatif
aux droits civils et politiques201,
qui aborde également la question des peines ou traitements cruels,
inhumains ou dégradants.
- Je ne prends pas à la légère les droits protégés
par ces instruments internationaux; toutefois, je ne suis pas persuadée
que le risque allégué par M. Kubby équivaut à
des traitements ou peines cruels et inusités et, si tel devait
être le cas, que l’État ne pourrait ou ne voudrait le protéger
contre ce risque. Je suis donc convaincue que le risque de préjudice
allégué par M. Kubby ne constitue pas un risque de
préjudice tels ceux contre lesquels la LIPR ou les instruments
internationaux offrent une protection.
- Finalement, j’ai envisagé la possibilité que M. Kubby
soit soumis à la torture, s’il devait retourner aux États-Unis.
« Torture », au sens de l’alinéa 97(1)a),
s’entend de :
[
] tout acte par lequel une douleur ou des souffrances
aiguës, physiques ou mentales, sont intentionnellement infligées
à une personne aux fins notamment d’obtenir d’elle ou d’une
tierce personne des renseignements ou des aveux, de la punir d’un
acte qu’elle ou une tierce personne a commis ou est soupçonnée
d’avoir commis, de l’intimider ou de faire pression sur elle ou d’intimider
ou de faire pression sur une tierce personne, ou pour tout autre motif
fondé sur une forme de discrimination quelle qu’elle soit,
lorsqu’une telle douleur ou de telles souffrances sont infligées
par un agent de la fonction publique ou toute autre personne agissant
à titre officiel ou à son instigation ou avec son consentement
exprès ou tacite. Ce terme ne s’étend pas à la
douleur ou aux souffrances résultant de sanctions légitimes
inhérentes à ces sanctions ou occasionnées par
elles.202
- Le risque allégué par M. Kubby ne concorde pas avec
cette définition. Ce dernier soutient qu’on lui refusera l’accès
à des médicaments, et non qu’un agent de l’État
ou autre personne, avec le consentement exprès ou tacite de ce
dernier, le torturera afin d’obtenir de lui des renseignements. La Convention
contre la torture n’a pas été adoptée dans le but
de viser des situations telle celle de M. Kubby. Par ailleurs,
j’estime que l’exception des sanctions légitimes s’applique en
l’espèce.
- En conclusion, M. Kubby n’a pas établi qu’il craint avec raison
la persécution au sens de l’article 96 (LIPR) ni qu’il s’expose
à une menace à sa vie selon l’article 97 (LIPR).
DÉCISION
- Je conclus que Steven Wynn KUBBY n’a pas qualité de réfugié
au sens de la Convention, car il n’a pas raison de craindre, aux États-Unis,
la persécution pour l’un des motifs prévus par la Convention.
Je conclus en outre qu’il n’a pas qualité de personne à
protéger, car il n’est pas personnellement, par son renvoi vers
les États-Unis, exposé à une menace à sa
vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités,
et qu’il n’y a aucun motif sérieux de croire que son renvoi vers
les États-Unis le soumettrait au risque de torture. Pour les
raisons susmentionnées, la Section de la protection des réfugiés
rejette la demande d’asile de Steven Wynn KUBBY.
- Il n’y a aucun fondement valable aux allégations de Mme Kubby
selon lesquelles elle serait exposée à une possibilité
raisonnable de persécution fondée sur l’un des motifs
prévus par la Convention si elle devait retourner aux États-Unis.
Par ailleurs, elle n’a produit aucune preuve montrant qu’elle serait
exposée à une menace à sa vie, à un risque
de traitements ou peines cruels et inusités ou à un risque
de torture.
- La demande d’asile de son mari ayant été rejetée,
la demande d’asile de Mme Kubby doit aussi être
rejetée dans la mesure où elle repose sur celle de son
mari. Mme Kubby n’est pas parvenue à établir
qu’elle craignait avec raison la persécution du fait qu’elle
est membre de la famille de M. Kubby et n’a produit aucune preuve
qui permettrait de croire qu’elle subirait un préjudice, peu
importe le motif, indépendamment de son mari.
- Mme Kubby soutient que ses enfants pourraient lui
être enlevés parce que son mari consomme de la marihuana203.
Les autorités de protection de l’enfance n’ont pas placé
Brooke en garde préventive lorsque les Kubby ont été
arrêtés, en 1999, même si la lettre anonyme204
qui était à l’origine de l’enquête renfermait des
allégations de mauvais traitements à l’égard des
enfants. Il n’existe aucune preuve indépendante de persécution
des enfants ni aucune preuve indiquant tout autre risque de préjudice,
et Mme Kubby a confirmé que les enfants n’ont
pas été menacés. Les demandes d’asile des enfants
doivent donc être rejetées pour les mêmes raisons.
- Je conclus que Mme Kubby et ses filles n’ont pas qualité
de réfugié au sens de la Convention, car elles n’ont pas
raison de craindre, aux États-Unis, la persécution pour
l’un des motifs prévus par la Convention. Je conclus en outre
qu’elles n’ont pas qualité de personne à protéger,
car elles ne sont pas personnellement, par leur renvoi vers les États-Unis,
exposées à une menace à leur vie ou au risque de
traitements ou peines cruels et inusités, et qu’il n’y a aucun
motif sérieux de croire que leur renvoi vers les États-Unis
les soumettrait au risque de torture. Pour les raisons susmentionnées,
je ne reconnais ni à Mme Kubby ni à ses
deux filles la qualité de réfugié au sens de la
Convention ou la qualité de personne à protéger.
Je rejette donc leurs demandes d’asile.
- La Section de la protection des réfugiés rejette donc
les demandes d’asile de Michele Renee KUBBY, de Brooke Kona KUBBY et
de Crystal Bay KUBBY.
Signé par Paulah Dauns
Date : le 17 novembre 2003
- Pièce 3.1.
- Pièces 1.1, 1.2, 1.3 et 1.4.
- Article 96 de la Loi sur l’immigration et
la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27.
- Article 97 de la Loi sur l’immigration et
la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27.
- Article 20 des Règles de la Section de
la protection des réfugiés, DORS/2002-228, 11 juin 2002.
20. (1) La Section peut exiger qu’une partie participe
à une conférence pour discuter des points litigieux, des faits pertinents
de l’affaire ou de toute autre question afin que les procédures soient
plus équitables et efficaces.
- Transcription du témoignage de Steven Wynn Kubby,
7 mars 2003, page 23, ligne 22 à 27; page 24,
lignes 23 à 39; page 25, lignes 23 à 31; page 44,
lignes 14 à 22.
- Compassionate Use Act, 1996, articles
11357 à 11362.9 du Health and Safety Code (Code de la santé
et de la sécurité); pièce 11.2, page 1.
- Pièce 17, page 1 à 3 et pièce 21, page 174
à 176, lettre anonyme et note d'accompagnement.
- Pièce 21, page 212 à 280, rapports d'enquête,
comté de Placer, 2 juillet 1998, et documents connexes.
- Transcription du témoignage de Steven Wynn Kubby,
7 mars 2003, page 47, lignes 31 à 37.
- Transcription du témoignage de Christopher Cattran,
substitut du procureur, 11 avril 2003, page 36, ligne 8.
- Transcription du témoignage de Christopher Cattran,
substitut du procureur, 11 avril 2003, page 45, lignes 19
à 28.
- Infra, note 41 .
- Pièce 21, pages 169 à 173 et pages
177 à 211, mandat de perquisition et affidavit; voir aussi la pièce 24,
bande vidéo de la perquisition au domicile Kubby et de la saisie de
preuves.
- Pièce 21, pages 281 à 287, documents
relatifs à l'arrestation et à la mise en liberté sous caution.
- Pièce 21, pages 288 à 291, plainte
initiale d’infraction majeure (M. Kubby – chefs d’accusation 1
à 7 et Mme Kubby – chefs d’accusation 1 à 6).
- Pièce 24.
- Transcription du témoignage de Christopher Cattran,
substitut du procureur, 11 avril 2003, page 33, lignes 25
et 26.
- Transcription du témoignage de Christopher Cattran,
substitut du procureur, 11 avril 2003, page 35, ligne 35.
- Transcription du témoignage de Christopher Cattran,
substitut du procureur, 11 avril 2003, page 35, lignes 13
à 15.
- Transcription du témoignage de Patrick McCartney,
5 mars 2003, page 57, lignes 18 à 21. [Débats publics]
- Pièce 44 [déposée après l'audience], « Licence
de production à des fins personnelles » délivrée par Santé Canada
et valide jusqu'au 9 novembre 2004 autorisant la possession
maximale de 117 plants à l'intérieur et aucun à l'extérieur.
- Transcription du témoignage de Christopher Cattran,
substitut du procureur, 11 avril 2003, page 50, lignes 26
à 30.
- Transcription du témoignage de Steven Wynn Kubby,
8 avril 2003, page 99, lignes 12 à 39.
- P. v. Mower, (2002) DJDAR 8025 (décision
unanime des sept juges de la Cour suprême de la Californie), à la pièce 7,
page 148 (texte intégral de la décision).
- Pièce 11.1, onglet 4, pages 7 et 8, minute
du jugement.
- Transcription du témoignage de Christopher Cattran,
11 avril 2003, page 42, lignes 1 à 3.
- Transcription du témoignage de Steven Wynn Kubby,
7 mars 2003, page 54, lignes 20 à 24.
- Pièce 11.1, onglet 4, page 7, minute du
jugement.
- Ibid., pages 9 à 11, et pièce 21, pages
44 et 45.
- Pièce 21, pages 77 à 89. Requête visant à faire
qualifier les infractions d'infractions mineures et à limiter les conditions
de la probation.
- Transcription du témoignage de Michele Renee
Kubby, 6 mars 2003, page 88, ligne 33. [Débats publics] Voir
aussi les Observations du demandeur d'asile, 30 juillet 2003,
page 8 où il y a un renvoi à la transcription des débats, 6 avril 2001,
classées pièce 39(b).
- Supra, note 7.
- Pièce 41 [déposée après l’audience], P. v.
Kubby, CA 3, 6/23/03, affaire dans laquelle la Cour d’appel a infirmé
la décision du juge du procès de réduire l’accusation de possession
de mescaline à une infraction mineure. Le juge du procès a jugé que
la possession de peyotl est une infraction appelée « wobbler »
(l’équivalent au Canada d’une infraction mixte et désignée ainsi dans
ce document) et la plus grave des deux infractions, concluant que l’infraction
de possession de mescaline devait donc être réduite à une infraction
mineure tout comme l’accusation de possession de peyotl. La Cour d’appel
a déclaré que les règles d’interprétation des lois ne permettent pas
à un tribunal judiciaire de récrire l’article 11350 et de ne pas
tenir compte de son libellé simple qui précise clairement que la possession
de mescaline est une infraction majeure. Le jugement a été modifié de
manière à indiquer qu’il s’agissait d’une infraction majeure. Sauf pour
cette modification, la décision a été confirmée.
- Pièce 21, page 68. Lettre du service de probation
du comté de Placer.
- Pièce 21, pages 53 à 67. Renseignements sur le
programme de détention à domicile avec surveillance électronique du
comté de San Francisco.
- Pièce 39(a) [déposée après l'audience], transcription
des débats, 27 avril 2001, page 3, ligne 28 et page 4,
ligne 1.
- Pièce 21, pages 69 à 71. Instructions sur la
détention à domicile à l'intention des requérants données par le comté
de San Francisco.
- Pièce 11.1, onglet 4, pages 10 et 11.
- Transcription du témoignage de Christopher Cattran,
11 avril 2003, page 45, lignes 22 à 40.
- Pièce 25, page 662, P. v. Steven
Wynn Kubby, Cour d’appel de la Californie, C038631, (Kolkey, Blease,
Hull), motifs du juge Kolkey (mention de l’arrêt Estate of Scott,
150 Cal. App. 2d, page 592).
- Transcription du témoignage de Christopher Cattran,
substitut du procureur, 11 avril 2003, page 44; voir
aussi la pièce 17, pages 11 à 22. Modification 36
– La Substance Abuse and Crime Prevention Act of 2000
(Loi sur la consommation abusive et la prévention du crime de 2000)
a été adoptée par l’électorat le 7 novembre 2000. Cette loi
régit la manière dont le système de justice pénale de la Californie
doit traiter les toxicomanes ou alcooliques qui contreviennent aux lois
de la Californie. Les dispositions législatives édictées par la modification 36
prévoient une période de probation et un traitement pour toxicomanie
pour les accusés reconnus coupable d’une infraction de possession de
drogue sans violence. L’incarcération est interdite comme condition
de la probation lorsque la peine est imposée à l’accusé. M. Kubby
avait espéré que l’interdiction d’incarcération s’applique à lui, mais
en vain parce qu’elle s’applique uniquement aux personnes qui ont commis
une infraction après le 1er juillet 2001. Comme
M. Kubby a été inculpé en 1999, il ne pouvait pas bénéficier des
dispositions régissant le prononcé de la peine prévues par la modification 36.
Toute nouvelle condamnation serait assujettie à ces dispositions.
- Transcription du témoignage de Michele Renee
Kubby, 6 mars 2003, page 90, lignes 7 à 20. [Débats publics]
- Accord de libre-échange nord-américain intervenu
entre le gouvernement du Canada, le gouvernement des États-Unis du Mexique
et le gouvernement des États-Unis d’Amérique, 17 décembre 1992,
[1994] R.T. Can. no 2, al. 1015(4)d) et
art. 1017, annexe 1001.1b-1, al. 5h), annexe
1001.1b-2, art. J019, annexe 1001.2b.
- Transcription du témoignage de Steven Wynn Kubby,
8 avril 2003, page 32, ligne 34; voir aussi la pièce 21,
page 46.
- Pièce 39(a) [déposée après l'audience], transcription
des débats, 27 avril 2001.
- Pièce 21, pages 72 à 75. Mémoire favorable au
traitement pour toxicomanie en remplacement de sanctions.
- Transcription du témoignage de Michele Renee
Kubby, 6 mars 2003, page 94, ligne 29. [Débats publics]
Voir aussi la transcription du témoignage de Steven Wynn Kubby, 8 avril 2003,
page 61, ligne 39, et la pièce 39(a) [déposée après l'audience],
transcription des débats, 27 avril 2001.
- United States v. Oakland Cannabis Buyers’
Cooperative et al. (2000) certiorari à la Cour d’appel des États-Unis,
neuvième circuit, Cour suprême des États-Unis, figurant à la pièce 7,
page 125 (texte intégral de la décision).
- Transcription du témoignage de Christopher Cattran,
substitut du procureur, 11 avril 2003, page 44, lignes 9
à 11.
- Transcription du témoignage de Michele Renee
Kubby, 6 mars 2003, page 96, ligne 24. [Débats publics]
Voir aussi la pièce 21, page 29 : permis de voyage daté
du 6 avril 2001 qui précise que [Traduction] « l’intéressé doit
se présenter au service de probation à son retour, qui ne doit pas dépasser
le 27 avril 2001. » Voir aussi la pièce 25,
page 659, P. v. Kubby CA3, page 664, où le juge Kolkey
a affirmé que l’accusé a obtenu l’autorisation de se rendre au Canada
et de revenir au pays le 27 avril 2001 uniquement, ce qui
ne l’autorisait nullement à faire fi de la date à laquelle il devait
se rendre, soit le 20 juillet 2001, et à demeurer au Canada.
- Pièce 17, pages 658 à 695.
- Pièce 17, pages 663 à 671 et pièce 2.1, mandat
d'amener.
- Transcription du témoignage de Christopher Cattran,
substitut du procureur, 11 avril 2003, page 45, lignes
2 et 3.
- Transcription du témoignage de Michele Renee
Kubby, 6 mars 2003, page 116, ligne 14. [Débats
publics]
- Transcription du témoignage de Steven Wynn Kubby,
7 mars 2003, page 23, lignes 22 et 23.
- Pièce 35.
- Pièce 11.1, onglet 5, pages 28 et 29, lettre
du Dr Connors datée du 8 août 2002.
- Transcription du témoignage du Dr
Connors, 11 avril 2003, page 27, ligne 40, et page 28,
lignes 1 et 2.
- Transcription du témoignage du Dr
Connors, 11 avril 2003, page 12, lignes 10 à 20.
- Pièce 11.1, onglet 2, pages 3 et 4, lettre du
Dr DeQuattro datée du 4 février 1999; pièce 11.1,
page 41, lettre du Dr Connors datée du 16 août 2002.
- Transcription du témoignage du Dr
Connors, 11 avril 2003, pages 14, lignes 39 et 40, et
page 15, ligne 1.
- Transcription du témoignage du Dr Connors, 11 avril 2003, page 17, lignes 25 à 29.
- Pièce 17, page 4 et 5 (Lettre du Dr DeQuattro,
4 février 1999), et pièce 11.1, page 41 (Lettre du Dr Connors,
16 août 2002), pièce 9, bande vidéo.
- Pièce 11.1, onglet 2, page 3 (Lettre du
Dr DeQuattro, 4 février 1999); pièce 24,
entrevue du Dr DeQuattro enregistrée sur bande vidéo.
- Transcription du témoignage du Dr Connors,
11 avril 2003, page 9, lignes 1 et 2.
- Transcription du témoignage du Dr Connors,
11 avril 2003, page 15, ligne 1; pièce 24,
entrevue du Dr Connors enregistrée sur bande vidéo.
- Transcription du témoignage du Dr Connors,
11 avril 2003, page 18, lignes 27 à 40, et page 19,
lignes 1 à 16; pièce 24, entrevue du Dr Connors
enregistrée sur bande vidéo.
- Pièce 3.6, évaluation neuropsychologique de Steve
Kubby le 15 avril 1999 par le Dr Dorothy Weiss,
neuropsychologue clinicienne, page 5.
- Transcription du témoignage de Patrick McCartney,
5 mars 2003, page 14, lignes 35 à 38. [Débats publics]
- Pièce 17, pages 6 à 10.
- Pièce 45 [déposée après l’audience], Manuel Gugman,
« Cannabinoids: Potential Anticancer agents »,
Nature, octobre 2003, page 745.
- Supra, note 7 .
- Pièce 11.2, pages 1 à 9, Health and Safety
Code de la Californie, articles 11357 à 11362.9.
- Voir toutefois le projet de loi 420 qui établit
des lignes directrices d’aide aux patients, à leurs soignants et aux
médecins, à la pièce 4, infra, note 77 .
- Pièce 21, page 140.
- Pièce 43 [déposée après l’audience], projet de
loi 420, projet de loi du Sénat présenté par le sénateur Vasconcellos
le 20 février 2003; il s’agit d’une loi portant ajout de l’article 2.4
(en commençant par l’article 11362.7) au chapitre 6 de la
section 10 du Health and Safety Code, se rapportant aux
substances contrôlées. Ce projet de loi a été adopté par l’assemblée
législative de l’État à 42 contre 32 et par le Sénat de l’État à 24
contre 14.
- Pièce 43, page 5.
- Pièce 43, page 8.
- Pièce 43, page 12.
- Pièce 43, page 12.
- Controlled Substances Act, 84 Stat.
1242, 21 U.S.C. 801.
- Transcription du témoignage du juge James P.
Gray, 10 avril 2003, page 52, lignes 31 à 37.
- Supra, note 25, P. v. Mower.
- Transcription du témoignage de Patrick McCartney,
6 mars 2003, page 69, lignes 2 et 3. [Débats publics]
- Transcription du témoignage de Steven Wynn Kubby,
7 mars 2003, page 59, lignes 17 à 20.
- Supra, note 49 .
- Pièce 6, United States v. Oakland Cannabis
Buyers’ Cooperative, mémoire de réplique du Département de la justice,
pages 40 à 45.
- Ibid., page 137.
- Ibid., page 146.
- Ibid., page 147; voir aussi la
pièce 7, page 122, Karen Ocamb, « Reefer Madness:
The DEA Raids WeHo Cannabis Club », GayLesbian News, citant
la Cour suprême des États-Unis [Traduction] « qui a conclu, dans
un jugement de 8 contre 0, que le club ne pouvait pas invoquer la défense
de nécessité médicale comme le font généralement les accusés »,
ce qui laisse supposer que la Cour a estimé que les distributeurs choisissaient
de venir en aide aux personnes souffrantes et n’agissaient pas par nécessité
médicale comme le font les patients.
- Pièce 27, onglet 2, page 40, Richard Schmitz
et Chuck Thomas, « State-By-State Medical Marijuana Laws »,
Marijuana Policy Project, février 2001; voir aussi la
pièce 39(a) [déposée après l’audience], « Pot Grower Spared
prison time - medical marijuana advocates claim victory in pivotal Rosenthal
sentencing », San Francisco Chronicle, 4 juin 2003.
- Pièce 11.2, onglet 3, page 20 à 24, législation
de l'État de Washington sur la consommation de marihuana à des fins
médicales.
- Pièce 27, onglet 2, page 8 : les États
sont : Alaska, Arizona, Californie, Colorado, Hawaii, Maine, Nevada,
Oregon, Washington. Trente-cinq autres États ont édicté des lois reconnaissant
la valeur thérapeutique de la marihuana. Voir aussi : pièce 26,
article du Times intitulé : « Is America Going to
Pot? », 4 novembre 2002, pages 35 à 46.
- Ibid.
- Pièce 26, article du Times intitulé :
« Is America Going to Pot? », 4 novembre 2002, pages
35 à 46.
- Pièce 17, pages 313 à 395.
- Pièce 26, article du Times intitulé :
« Is America Going to Pot? », 4 novembre 2002, pages
35 à 46.
- Ibid., page 38.
- Pièce 27, onglet 2, pages 12 et 13, législation
de l'État de Washington sur la consommation de marihuana à des fins
médicales.
- Ibid., page 12.
- Pièce 43 [déposée après l'audience], page
16.
- Pièce 43 [déposée après l'audience], page 36.
- Ibid., page 37.
- Pièce 43, page 65.
- [Dépôt après l'audience] Observations de Steven
Wynn Kubby déposées le 27 octobre 2003, page 3.
- Supra, note 3 .
- Adjei c. Canada (Ministre de l’Emploi et
de l’Immigration), [1989] 2 C.F. 680; (1989)
7 Imm. L.R. (2d) 169 (C.A.).
- Transcription du témoignage de Steven Wynn Kubby,
8 avril 2003, page 72, lignes 25 à 28.
- Transcription du témoignage de Michele Renee
Kubby, 6 mars 2003, page 107, ligne 40, et page 108,
lignes 1 à 3 et ligne 17. [Débats publics]
- Pièce 39(b).
- Pièce 39, pages 35 à 43.
- Pièce 42, page 3.
- Pièce 42, page 4.
- Pièce 11.2, page 151.
- Pièce 44 [déposée après l’audience], Licence
de production à des fins personnelles.
- Pièce 24, reportage télévisé sur les accusations
criminelles portées contre Kubby à Sechelt, Canada.
- Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) c. Satiacum (C.A.F., A-554-87), MacGuigan, Urie,
Mahoney, 16 juin 1989. Publié : Canada (Minister
of Employment and Immigration) v. Satiacum (1989),
99 N.R. 171 (C.A.F.). Voir l’analyse de la question de la protection
de l’État ci-après.
- Ibid.
- Ibid.
- Zolfagharkhani c. Ministre de l’Emploi et
de l’Immigration, [1993] 3 C.F. 540 (C.A.F.).
- Transcription du témoignage de William Gary
Panzer, 15 avril 2003, page 54, lignes 13 à 18.
- Observations du demandeur d'asile, 30 juillet 2003,
page 26.
- Voir, par exemple, pièce 39, page 15,
lignes 20 et 21.
- Pièce 39(a) [déposée après l'audience],
transcription des débats, 6 avril 2003, page 11, lignes 26
à 28, et page 12, ligne 1.
- Ibid., page 12, lignes 23
à 28.
- Observations du demandeur d'asile, 30 juillet 2003,
page 17.
- Transcription du témoignage de Daniel T. Satterberg,
16 avril 2003, page 23, lignes 14 à 40, et page 24,
lignes 8 à 13.
- Transcription du témoignage d'Angel McCleary
Raich, 10 avril 2003, page 6, ligne 7.
- Transcription du témoignage d'Angel McCleary
Raich, 10 avril 2003, page 19, et pièce 25, déclaration
d'Angel McCleary Raich.
- Transcription du témoignage de Daniel T. Satterberg,
16 avril 2003, pages 23 à 25.
- Pièce 11.2, onglet 4, page 25.
- Pièce 11.2, onglet 4, page 26.
- Transcription du témoignage de Steven Wynn Kubby,
8 avril 2003, page 101, lignes 21 à 28.
- Pièce 27, G. Uelmen, « Compassion
and Common Sense », San Jose Mercury News, 23 juillet 1999,
onglet 13, pages 134 et 135.
- Observations du demandeur d'asile, 30 juillet 2003,
page 29.
- Supra, note 41 .
- Guide des procédures et critères à appliquer
pour déterminer le statut de réfugié du HCR aux termes de la Convention
relative au statut de réfugiés et du Protocole relatif au statut
des réfugiés, Genève, réédition de janvier 1992, page 16,
paragraphe 56, tel que cité dans SSR V99‑02159, Dauns,
Vanderkooy, 6 octobre 1999 (motifs signés le 20 octobre 1999).
- P. v. Mower, (2002) DJDAR 8025; United
States v. Oakland Cannabis Buyers’ Cooperative et al., (2000) certiorari
à la Cour d’appel des États-Unis, neuvième circuit, Cour suprême des
États-Unis; P. v. Kubby, Cour d’appel de la Californie, C038631;
US v. Edward Rosenthal, CR02-0053CRB, Cour de district des
États-Unis, Nord de la Californie, pièce 40, en l’espèce, et pièce 43.
- Le préambule de la Constitution des États-Unis
énonce ce qui suit : [Traduction] « Nous, Peuple des États-Unis,
en vue de former une Union plus parfaite, d'établir la justice, de faire
régner la paix intérieure, de pourvoir à la défense commune, de développer
le bien-être général et d'assurer les bienfaits de la liberté à nous-mêmes
et à notre postérité, nous décrétons et établissons cette Constitution
pour les États-Unis d'Amérique. »
- Jacobson v. Massachusetts, 197 U.S.
11, 22 (1905).
- John P. Walters, directeur du Bureau de la Maison
Blanche chargé de la politique nationale de lutte contre la drogue,
souvent surnommé le « Tsar de la drogue ».
- Pièce 11.2, onglet 4, page 27.
- Canada (Procureur général) c. Ward,
[1993] 2 R.C.S. 689, page 722; 103 D.L.R. (4th)
1; 20 Imm. L.R. (2d) 85 (C.S.C.).
- Ibid., page 726.
- Ibid., page 725.
- Canada (Ministre de la Citoyenneté et de
l’Immigration) c. Smith (1re inst.), [1999] 1 C.F. 310,
paragraphe 23.
- M.C.I. c. Kadenko,
Ninal (C.A.F., A‑388‑95), Hugessen, Décary, Chevalier,
15 octobre 1996. Publié : Canada (Minister of Citizenship
and Immigration) v. Kadenko (1996), 143 D.L.R. (4th) 532 (C.A.F.).
- M.E.I. c. Villafranca, Ignacio (C.A.F., A‑69‑90), Hugessen, Marceau,
Décary, 18 décembre 1992. Publié : Canada (Minister
of Employment and Immigration) v. Villafranca (1992), 18 Imm. L.R. (2d) 130 (C.A.F.).
- Supra, note 118 .
- Rajudeen c. Canada (Ministre de l’Emploi
et de l’immigration) (C.A.F., A‑1779‑83), Heald, Hugessen,
Stone, 4 juillet 1984. Publié : Rajudeen v. Canada
(Minister of Employment and Immigration) (1984), 55 N.R. 129 (C.A.F.).
- Surujpal c. Canada (Ministre de l’Emploi
et de l’Immigration) (C.A.F., A‑515‑84), Mahoney, Stone,
MacGuigan, 25 avril 1985. Publié : Surujpal v. Canada
(Minister of Employment and Immigration) (1985), 60 N.R. 73 (C.A.F.).
- Adjei c. Canada (Ministre de l’Emploi et
de l’Immigration), [1989] 2 C.F. 680; (1989); 7 Imm. L.R. (2d)
169 (C.A.F.), paragraphe 8.
- Supra, note 118 .
- Supra, note 118 , page 5.
- Transcription du témoignage du juge James P.
Gray, 10 avril 2003, page 35, lignes 12 à 17; page 41,
lignes 16 à 26; page 43, lignes 36 à 40; page 44,
lignes 3 à 5; page 47, lignes 22 à 30.
Transcription du témoignage d’Angel McCleary Raich, 10 avril 2003,
page 23, lignes 28 à 40; page 24, lignes 1 à 11;
page 25, lignes 39 et 40; page 26, lignes 1 et
2.
Transcription du témoignage de Patrick McCarthy, 5 mars 2003,
page 20, lignes 29 à 40; page 21, lignes 1 à 16.
[Débats publics]
Transcription du témoignage de William Gary Panzer, 15 avril 2003,
page 54, lignes 18 à 22.
- Transcription du témoignage de Patrick McCarthy,
5 mars 2003, page 55, ligne 37; page 56, ligne 30;
page 57, lignes 9 à 11. [Débats publics]
- Pièce 21, pages 138 et 139.
- Pièce 31.
- Pièce 43 [déposée après l'audience], preuve
du conseil du ministre déposée le 15 octobre 2003, page 1.
- Transcription du témoignage de Christopher Cattran,
11 avril 2003, page 53, ligne 24.
- Transcription du témoignage de Christopher Cattran,
11 avril 2003, page 71, lignes 11 à 30, [Traduction]
« les perquisitions arbitraires peuvent être contestées en justice »,
ligne 13.
- Observations du demandeur d'asile, 30 juillet 2003,
page 20.
- Pièce 24.
- P. v. Mower, (2002) DJDAR 8025 (décision
unanime des sept juges de la Cour suprême de la Californie), à la pièce 7,
page 148 (texte intégral de la décision).
- Supra, note 29 (minute du jugement)
et note 31 (ordonnance de probation).
- Supra, note 162.
- Supra, note 4 .
- Supra, note 153.
- Article premier de la Convention contre
la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,
R.T. Can. 1987, no 36; A.G. rés. 39/46 [annexe,
39 U.N. GAOR Supp. (no 51), p. 197, Doc. NU A/39/51 (1984)].
- Pièce 43, page 9.
- Transcription du témoignage du Dr Connors,
11 avril 2003, page 8, lignes 1 à 20.
- Transcription du témoignage d'Angel McCleary
Raich, 10 avril 2003, page 14, lignes 23 et 24.
- Transcription du témoignage du Dr Connors,
11 avril 2003, page 13, lignes 6 à 8.
- Selon le dictionnaire médical en ligne publié
par le département d’oncologie médicale de l’Université Newcastle upon
Tyne, le « dronabinol » est [Traduction] « une substance
stimulant l’appétit composée de THC, l’ingrédient actif que l’on retrouve
dans la marihuana » (http://cancerweb.ncl.ac.uk/cgi-bin/omd?marinol).
- Voir également le projet de loi 420, qui
pourrait avoir une incidence sur les mesures que les prisons voudront
prendre à l'intention des consommateurs de marihuana à des fins médicales.
- Pièce 39(a) [déposée après l'audience],
transcription des débats, 27 avril 2001, page 15, lignes 24
à 28.
- Ibid., page 16, lignes 8
à 10.
- Pièce 17, page 193.
- Ibid.
- Transcription du témoignage du juge James P.
Gray, 10 avril 2003, page 51, lignes 14 à 17.
- Ibid., page 51, lignes 24;
voir également la note 140.
- Transcription du témoignage de William Gary
Panzer, 15 avril 2003, page 57, lignes 5 à 8.
- Ibid., page 60, lignes 3
à 7.
- Transcription du témoignage de Daniel T. Satterberg,
16 avril 2003, page 37, lignes 1 à 40.
- Transcription du témoignage de Christopher Cattran,
11 avril 2003, page 42, ligne 3.
- Jones v. Great Western Railway Co.
(1930), 47 T.L.R. 39, page 45, 144 L.T. 194, page 202 (H.L.).
- Pièce 7, page 14.
- Pièce 6, pages 4, 6, 7 et 8.
- Pièce 7, page 15.
- Transcription du témoignage de Michele Renee
Kubby, 6 mars 2003, page 86, lignes 9 à 16. [Débats
publics]
- Transcription du témoignage de Michele Renee
Kubby, 6 mars 2003, page 82, lignes 5 à 11. [Débats
publics]
- Transcription du témoignage de Michele Renee
Kubby, 6 mars 2003, page 82, lignes 10 et 11. [Débats
publics]
- La pièce 45 montre que la recherche scientifique
sur la consommation du cannabis chez les personnes atteintes du cancer
se poursuit toujours.
- Pièce 39(a), transcription des débats,
6 avril 2001, Cour supérieure de la Californie, page 13.
- Pièce 11.2, page 154, Lori Aratani,
« Medicinal Marijuana is Legal, Court Says », San Jose
Mercury News, 19 juillet 2002.
- Pièce 11.2, page 195, « Medical
Pot Patients Afforded Same Legal Protections as Other Prescription Drug
Users, California’s Top Court Rules », NORML News, 24 juillet 2002.
- Charte canadienne des droits et libertés,
article 7.
- Déclaration canadienne des droits,
1960, ch. 44, articles 1 et 2.
- Déclaration universelle des droits de l’homme,
A.G. rés. 217A (III), Doc. NU A/810 (1948), article 5.
- Pacte international relatif aux droits civils
et politiques, A.G. rés. 2200A (XXI), 21, U.N. GAOR Supp.
(no 16) p. 52, Doc. NU A/6316 (1966), 999 R.T.N.U. 171, entré
en vigueur le 23 mars 1976. Ratifié par le Canada en 1976.
- Supra, note 170.
- Transcription du témoignage de Michele Renee
Kubby, 6 mars 2003, page 83, lignes 32 à 39, et
page 84, ligne 1. [Débats publics]
- Pièce 17, page 3.
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