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Évaluation du risque et des besoins chez les jeunes contrevenants : un aperçu

Les opinions exprimées sont celles des auteures et ne sont pas nécessairement partagées par le ministère de la Justice Canada.

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5.0 L'évaluation du risque et des besoins et la Loi sur le système de justice pénale pour adolescents (LSJPA)

[TRADUCTION] « La nécessité d'évaluer et de minimiser le risque est très différente de la nécessité de soigner et de contrôler, ou d'aider et de   réintégrer » (Rose 1998:186).

5.1 Conséquences de la LSJPA sur l'évaluation du risque et des besoins

Comme les résultats des évaluations peuvent se prêter à de nombreuses utilisations abusives et donner lieu à de sérieuses méprises, ils ne doivent pas servir pour la détermination de la peine. L'utilisation d'instruments actuariels à cette fin peut mener à une « justice statistique » (Reichman 1986), où la peine serait fixée en fonction de l'étroitesse de la correspondance entre le jeune contrevenant et un certain profil criminel, plutôt qu'en fonction du crime effectivement commis. La logique de l'évaluation du risque et des besoins contredit l'un des grands principes de la LSJPA voulant que « les jeunes doivent être tenus responsables au moyen d'un traitement équitable et proportionnel à la gravité de l'infraction ». Les cotes de risque et de besoins ne constituent pas une mesure de la gravité d'une infraction, et elles ne permettent pas de prédire que d'éventuelles infractions graves seront commises dans le futur. Et la criminalité future n'a aucun rapport avec la proportionnalité (voir Hudson 2001 pour une analyse portant sur la justice, la proportionnalité, l'application régulière de la loi et le risque).

Voici quelques aspects de la LSJPA pour lesquels il y a lieu d'examiner quel usage on fera des évaluations formelles du risque et des besoins. Plutôt que de proposer des solutions, nous soulignerons les questions qui se posent entourant l'utilisation des évaluations du risque et des besoins dans ce contexte.  

5.2 Mesures extrajudiciaires

L'avantage de recourir aux évaluations du risque et des besoins pour faciliter les décisions sur l'opportunité de prendre des mesures extrajudiciaires seraient que ces décisions seraient plus cohérentes et efficientes. La mesure recommandée pourrait être adaptée aux besoins précis du jeune. Il n'a toutefois pas été établi que les instruments d'évaluation qui existent actuellement conviennent à cette fin. Il est difficile de d'imaginer comment un instrument d'évaluation du risque et des besoins peut servir à prendre des décisions fiables et valides sur un ensemble de sujets variés visant des objectifs différents et fondés sur des critères parfois contradictoires.

En utilisant les évaluations du risque pour déterminer s'il y a lieu d'adopter une mesure extrajudiciaire pour un jeune contrevenant en particulier, on met l'accent sur la moralité et la situation sociale du jeune   plutôt que sur l'infraction elle-même. On peu se demander s'il est approprié que des policiers aient recours à ces instruments pour prendre des décisions discrétionnaires de ce type. On peut ainsi s'interroger sur le rôle des mesures extrajudiciaires, la formation des policiers, l'interprétation de l'information, la tendance à « élargir ou renforcer le filet », la disponibilité des programmes, l'utilisation future de l'information   devant le tribunal et la représentation du jeune par avocat. Aucune des questions de la version du YLS/CMI mise à l'essai par la police d'Ottawa pour décider des mesures extrajudiciaires ne porte sur l'infraction, sa gravité ou le tort qu'elle a causé, ni sur la volonté de la victime ou d'autres membres de la collectivité d'être mis en cause.

Il y a bien des questions non résolues entourant le rôle que peuvent jouer les évaluations du risque et des besoins pour décider des mesures extrajudiciaires. Il faudrait examiner plus en détail ce qui se fait en pratique dans les provinces pour en évaluer les conséquences sur le nombre et le type de jeunes contrevenants admis dans le système.

5.3 Détention préventive

Aucune des provinces et territoires n'utilise l'évaluation du risque et des besoins pour prendre des décisions relativement à la détention préventive. Certains répondants se sont dits préoccupés par le fait qu'on s'appuyait sur le pouvoir d'appréciation du professionnel pour prendre ces décisions, estimant que les évaluations formelles du risque pouvaient mieux justifier la détention ou les conditions qui étaient imposées.

Plusieurs questions ont été soulevées au sujet du recours aux instruments d'évaluation du risque et des besoins pour prendre ce type de décision. Certains s'interrogent sur les droits de l'accusé, les renseignements liés à l'infraction communiqués en l'absence d'un avocat, les délais courts, la pertinence des besoins et la disponibilité d'instruments ayant une capacité de prédiction à court terme. À ce chapitre, la plupart des instruments actuellement disponibles ne permettent pas de bien mesurer le risque immédiat ou à court terme. Si on voulait procéder à des évaluations du risque à cette étape, il faudrait régler plusieurs questions d'ordre méthodologique et juridique. Les instruments actuels ne conviennent pas à ce type de décision.

5.4 Détermination de la peine

Plusieurs agents de probation estimaient que leur travail auprès des délinquants, notamment la rédaction de rapports prédécisionnels,   allait sans doute changer avec la nouvelle LSJPA, mais ils ignoraient comment. Certains pensaient qu'il y aurait de nouvelles sanctions dont ils seraient chargés d'assurer l'exécution. D'autres prévoyaient des changements dans le type de jeunes placés sous surveillance dans la collectivité. Plus précisément, on prévoyait qu'un plus grand nombre de jeunes ayant contrevenu à une ordonnance de probation ou ayant commis des infractions plus graves se retrouveraient à exécuter une peine dans la collectivité. D'autres étaient d'avis que les ressources communautaires seraient mise à rude épreuve et que des programmes additionnels seraient requis.

La recherche actuelle suggère que les rapports prédécisionnels ont une grande influence pour la détermination de la peine, et que ces rapports font de plus en plus appel, à des degrés divers, à l'évaluation du risque et des besoins[24]. Plusieurs répondants estimaient que les évaluations du risque et des besoins, si elles étaient effectuées correctement, pouvaient les aider à faire de meilleures recommandations aux juges. Ils soulignent que l'évaluation du risque et des besoins leur fournit des critères normalisés et justifiables leur permettant de préciser les types d'intervention requis. De nombreux répondants croyaient que les juges portaient beaucoup d'attention aux recommandations formulées dans les rapports prédécisionnels avant de fixer la peine. L'un d'eux pensait que le recours accru à l'évaluation du risque et des besoins permettrait aux juges [TRADUCTION] « d'utiliser le plan de gestion de cas et de fixer une peine en conséquence ». De telles perceptions soulèvent différentes questions au sujet des relations qui existent entre le juge et les agents de probation et de leurs rôles respectifs. On peut s'interroger sur le but poursuivi par les rapports prédécisionnels ainsi que sur le contenu, l'opportunité et l'utilité des recommandations (implicites ou explicites) formulées par les délégués à la jeunesse au sujet de la peine. On peut aussi s'interroger sur le choix et la fiabilité des tiers auprès de qui l'information nécessaire pour compléter les évaluations est obtenue.

Plusieurs de ces préoccupations devraient être examinées en lien avec les deux sanctions suivantes :  

· ordonnance de suivre un programme d'assistance et de surveillance intensives ;

· ordonnance de placement et de surveillance dans le cadre d'un programme intensif de réadaptation.

Comme ces sanctions sont nouvelles, il est difficile de savoir comment l'information obtenue grâce à l'évaluation du risque et des besoins sera utilisée à cet égard. Il serait utile d'assurer un suivi afin de déterminer si et comment les évaluations sont utilisées, et si les jeunes qui sont condamnés à ces peines sont classés comme étant à risque élevé ou à risque modéré.

5.5 Rapports prédécisionnels

La recherche semble suggérer que les juges s'appuient sur le contenu des rapports prédécisionnels pour formuler leur condamnations (Cole et Angus 2003). Ce rapport est donc un document important et l'évaluation du risque et des besoins ainsi que l'information et les sources nécessaires pour compléter l'évaluation revêtent également une importance particulière.

En ce qui a trait à l'information contenue dans les rapports prédécisionnels et les sources d'information, il y avait des différences parmi les répondants sur la façon de recueillir les renseignements présentés dans les rapports et utilisés pour formuler des recommandations. La plupart ont dit qu'ils recouraient à des entretiens avec les jeunes et avec des tiers (normalement les victimes, des enseignants ou des membres de la famille). Mais l'information peut aussi provenir d'autres délégués à la jeunesse ou d'autres établissements ayant une connaissance du jeune contrevenant, de la police, d'une agence de protection de l'enfance, d'un fournisseur de services ou d'un professionnel en santé mentale (après obtention des autorisations requises). Comme l'un de nos répondants l'a fait remarquer [TRADUCTION] « Je mets tout ce que je trouve - de l'école, de l'employeur, de la victime, de la police, des parents, des gardiens, des parents adoptifs, des anciens rapports carcéraux, des anciens rapports de probation ainsi que des jeunes eux-mêmes ».

L'un des auteurs du YLS/CMI, Robert D. Hoge, déconseille le recours à des instruments normalisés pour déterminer les interventions. Comme il le fait remarquer, [TRADUCTION] « il y a un risque que l'instrument soit utilisé pour imposer des décisions… Là n'est pas l'intention. Le YLS/CMI vise à aider la profession à formuler une recommandation ou un plan d'intervention, pas à imposer des décisions" (Hoge 2001:30).

La plupart des agents de probation interrogés ont dit qu'ils incluaient des recommandations quant à la peine dans leurs rapports prédécisionnels. Ils pouvaient recommander les conditions de la probation, liées à des besoins identifiés, ou même recommander la détention plutôt qu'une peine à purger dans la collectivité. Aux yeux de Cole et Angus (à paraître, p. 37-38), ces recommandations posent problème à la fois au niveau de la jurisprudence,   au niveau des critères juridiques et au niveau du « fondement factuel » des   affirmations (fournissant des détails supplémentaires obtenus auprès de la police ou des témoins). Au niveau de la jurisprudence, Cole et Angus (p. 38) notent que la Cour d'appel de la Nouvelle-Écosse, dans un arrêt clé portant sur cette question, a nettement déclaré que [TRADUCTION] « il n'appartient pas à ceux qui rédigent [les rapports prédécisionnels] … de dire au tribunal quelle peine devrait être imposée[25]». Cependant, comme Cole et Angus le montrent, cette « règle » est constamment ignorée en pratique par les agents de probation qui formulent régulièrement des recommandations dans leurs rapports prédécisionnels, et cette pratique est même une politique locale encouragée.

Même si Cole et Angus ( p. 42-43) sont sceptiques quant à l'utilité des évaluations du risque dans les rapports prédécisionnels et mettent en garde contre la pratique de formuler des recommandations, ils notent que [TRADUCTION] « un rapport prédécisionnel qui tente d'expliquer le comportement criminel dans des termes reliés aux plans de gestion de cas conçus pour réduire le facteur de risque à l'avenir nous paraît plus utile que les 'antécédents sociaux' vagues, trop flatteurs, qui malheureusement semblent caractériser bon nombre des rapports prédécisionnels présentés aux juges. Une telle approche nous semble aussi conforme au type d'enquête… que le juge d'instance devrait mener avant d'imposer des conditions facultatives… ». Cole et Angus prévoient également que les juges canadiens accueilleront sans doute positivement la venue des évaluations du risque.

Il faut examiner quel rôle joue l'évaluation du risque et des besoins dans la formulation des rapports prédécisionnels et des recommandations qu'ils contiennent, comment l'information sur le risque et les besoins est présentée et enfin, quels sont les rapports entre l'objectif de réadaptation et les autres buts, principes et objectifs à prendre en compte dans la détermination de la peine.  

5.6 Réadaptation

Selon la LSJPA, les peines imposées aux jeunes contrevenants doivent être proportionnelles, axées sur la collectivité et les moins contraignantes possibles. Les dispositions de la LSJPA relatives à la détermination de la peine soulignent aussi l'importance de la réadaptation (dans le contexte mentionné plus haut). L'un des avantages des évaluations du risque et des besoins est d'indiquer les domaines dans lesquels une intervention est souhaitable. De façon générale, l'évaluation permet de structurer l'information concernant le délinquant et de saisir systématiquement les différents besoins susceptibles de constituer des cibles prudentes pour la réadaptation. Le problème, c'est qu'il y a une disjonction entre la logique du traitement individuel propre à la réadaptation qui sous-tend les évaluations et la notion juridique de proportionnalité axée non pas sur l'individu, mais sur l'infraction commise. Il est nécessaire de clarifier quel rôle l'information obtenue grâce à une évaluation du risque et des besoins doit jouer dans la détermination de la peine.  

5.7 Garde et réinsertion sociale

Les évaluations du risque et des besoins sont utilisées en lien avec les décisions en matière de réinsertion sociale. La logique qui sous-tend l'évaluation du risque et des besoins est d'identifier les domaines d'intervention et de cibler les besoins dans le cadre de programmes (communautaires or institutionnels). Théoriquement, il devrait y avoir une continuité entre les programmes institutionnels et ceux qui sont offerts dans la collectivité. Pour garantir la conformité et la continuité dans la gestion de cas, les agents de liberté conditionnelle ont tendance à imposer des conditions supplémentaires (ou dans le cas des adultes, des conditions spéciales)[26]. Le nombre et le type de conditions sont donc liés aux besoins perçus et à la gestion de ces besoins, ainsi qu'à la réduction du risque pour le public en termes de récidive. Cette pratique mériterait une enquête plus poussée afin de déterminer le nombre et les types de conditions imposées aux jeunes contrevenants, le fréquence et les types de manquements à ces conditions, les circonstances entourant ces manquements, les motifs pour retourner le jeune en détention, si des conditions additionnelles intensifient inutilement la surveillance, et si la remise en liberté est retardée parce que les programmes nécessaires au plan de réadaptation ne sont pas disponibles. De plus, en se concentrant sur les besoins criminogènes, on passe souvent sous silence la dimension structurelle et systémique ainsi que la propre perception qu'a le jeune contrevenant de ses besoins de réinsertion sociale (Hannah-Moffat 2002).

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