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![]() HUIS CLOS T98-04435 Demandeur(e)s : XXXXXX XXXXXX, XXXXXX XXXXXX, XXXXX XXXXXXXXX, XXXXXXX XXXXXX, XXXXXX XXXXXX, XXXXXX XXXXXX XXXXXX Date(s) de l'audience : 7 octobre 1998, 4, 5, 16, 17, 18, 19, 20, 23 et 24 novembre 1998 Date de la décision : 20 janvier 1999 CORAM : V. Bubrin, Barbara Berger Pour le(s) demandeur(s) : Peter Wuebbolt, avocat Agent chargé de la revendication : Hilda Cukavac Représentant désigné : XXXXXX XXXXXX Représentant du ministre : Don Collison Voici les motifs de la décision concernant la revendication du statut de « réfugié au sens de la Convention »1 de XXXXXX XXXXXX fils, de sa conjointe de fait, XXXXX XXXXXXXXX, de leur fille, XXXXXXX XXXXXX, de ses deux jeunes frères, XXXXXX XXXXXX et XXXXX XXXXXX, et de son père XXXXXX XXXXXX XXXXXX. Ils sont citoyens de la Hongrie et affirment qu'ils ont raison de craindre d'être persécutés s'ils retournent en Hongrie, parce qu'ils sont Roms. M. XXXXXX XXXXXX fils a été désigné pour représenter XXXXXXX XXXXXX et XXXXX XXXXXX, tous les deux mineurs. La preuve comprenait essentiellement le témoignage des revendicateurs, leur formulaire de renseignements personnels (FRP) et des documents personnels ainsi qu'une vaste preuve documentaire sur la situation sociale et politique en Hongrie, surtout celle de la population rome. Six témoins ont été appelés à témoigner sur la situation actuelle des Roms en Hongrie : deux en faveur des revendicateurs et quatre en faveur de la ministre. ALLÉGATIONS Tous les revendicateurs prétendent être Roms, du côté maternel et paternel. Ils ont vécu dans des villes de petite et moyenne taille en Hongrie, sauf pour de brèves périodes quand MM. XXXXXX fils et père ont travaillé en Allemagne. Jusqu'en 1973, la famille XXXXXX a vécu à Kisvarda. Cette année-là, ils ont déménagé à Kazingbarcika et, en 1988, ils sont retournés à Kisvarda. En 1991, la famille a déménagé à Aika, où ils ont vécu jusqu'à leur départ pour le Canada. Mme XXXXXXXXX a toujours résidé à Aika. Kisvarda et Kazingbarcika sont de petites villes industrielles situées au nord-est de la Hongrie près des frontières ukrainienne et roumaine. M. XXXXXX fils évalue à environ 50 % la population rome de ces deux villes. Aika est une ville minière située au centre de la Hongrie. La région est surtout habitée par des Hongrois de souche. M. XXXXXX fils évalue à 10 % ou moins la population rome à Aika. La famille XXXXXX XXXXXXXXX prétend que pendant toute leur vie en Hongrie ils ont été victimes de discrimination et de persécution parce qu'ils sont Roms. Par conséquent, ils n'ont pu terminer que des études secondaires dans une école professionnelle et ont dû accepter les pires emplois, les plus salissants et les moins bien payés. Comme Roms, MM. XXXXXX fils et père ont eu de la difficulté à trouver du travail, ont été congédiés à cause de leurs origines et ont été forcés par la suite d'accepter du travail en Allemagne pour le compte de leur compagnie. Tous les deux ont aussi été victimes de discrimination dans l'armée. La famille XXXXXX prétend qu'en 1988, à cause des nombreux attentats contre les Roms perpétrés par les skinheads et d'autres groupes racistes, ils ont décidé de quitter Kizingbarcika pour retourner à Kisvarda, et par la suite, quand les skinheads ont commencé à attaquer les Roms à Kisvarda en 1991, ils ont déménagé à Aika, où ils ont réussi à vivre une vie normale. Mais, en septembre 1994, les skinheads ont commencé à commettre des attentats à Aika. Selon les revendicateurs, la situation globale des Roms en Hongrie s'est considérablement dégradée depuis la chute du régime communiste. Les activités antiromes des skinheads et d'autres groupes néonazis ont considérablement augmenté, et la police ne fournirait pas de protection contre ces attentats. M. XXXXXX XXXXXX fils prétend qu'après être déménagé à Aika, il a été « persécuté et battu très souvent » par des skinheads. C'est pourquoi, grâce à la compagnie où il avait l'habitude de travailler, il a réussi à trouver un emploi en Allemagne. Comme la situation des Roms en Allemagne était aussi difficile, il est retourné en Hongrie. En raison des « nombreux attentats par des skinheads et parce qu'il craignait d'être tué par eux »2, il a décidé de quitter la Hongrie et de chercher refuge au Canada. Il a décidé de quitter la Hongrie parce qu'il ne pouvait plus supporter la persécution et l'humiliation dans son pays. M. XXXXXX fils et son plus jeune frère, XXXXXX XXXXXX, qui craignait aussi pour sa sécurité à cause des attentats des skinheads contre les Roms, sont arrivés au Canada le 13 janvier 1998. M. XXXXXX fils a revendiqué le statut de « réfugié au sens de la Convention » le 2 mars 1998, et son frère XXXXXX a demandé la protection du Canada le 29 avril 1998. Mme XXXXX XXXXXXXXX prétend que, en raison de ses origines ethniques, outre la discrimination générale subie à l'école et dans la vie de tous les jours, elle n'a pas reçu les soins voulus et a été malmenée à l'hôpital local où elle a donné naissance à sa fille, XXXXXXX, en décembre 1995. « La persécution constante des autres Roms et l'expérience que j'avais moi-même m'ont conduite à quitter la Hongrie », écrit-elle dans son FRP3. Elle a peur de retourner dans son pays à cause des attentats constants contre les Roms par des skinheads et d'autres groupes néonazis. Elle a l'impression que sa vie est menacée en Hongrie à cause de son ethnicité. Elle est arrivée à Toronto le 20 avril 1998 avec sa fille, XXXXXXX XXXXXX, et XXXXX XXXXXX, le plus jeune frère de son conjoint de fait. Le même jour, ils ont demandé le statut de « réfugié au sens de la Convention ». M. XXXXXX XXXXXX XXXXXX père prétend qu'en mars 1997, le traitement réservé aux Roms par les skinheads à Aika lui était devenu « intolérable ». Envoyé par sa compagnie en Allemagne une deuxième fois, il a été congédié à son retour en juillet 1997. Ne pouvant trouver d'autre travail, il a dû accepter des emplois temporaires dans la construction. À cette époque, la famille s'est rendue compte que la Hongrie n'était plus un endroit sûr pour eux à cause des attentats par les skinheads contre les Roms. M. XXXXXX père, qui en avait assez de la persécution et du climat de pressions dans lequel il devait vivre en Hongrie, a vendu sa propriété et a suivi ses trois fils au Canada. Il est arrivé à Toronto le 21 juillet 1998, et a revendiqué le statut de « réfugié au sens de la Convention » le même jour. M. XXXXXX XXXXXX prétend qu'il a été victime de persécution à l'école et qu'en raison des attentats par les skinheads il avait peur de sortir seul la nuit. Dans le cas des deux revendicateurs mineurs, les allégations de XXXXX XXXXXX sont très générales, portent essentiellement sur la discrimination dont il aurait été victime à l'école, d'une insécurité générale et du fait qu'en Hongrie il a l'impression d'être un citoyen de deuxième ordre. XXXXXXX XXXXXX a maintenant trois ans. Il n'y a pas d'allégation sur des événements particuliers dans son cas. M. XXXXXX XXXXXX fils a indiqué que ses frères et sa fille avaient en Hongrie les mêmes problèmes que lui et le reste de la famille. ANALYSEL'identité des revendicateursLes revendicateurs ne pouvaient produire de document prouvant qu'ils sont Roms, puisqu'en Hongrie la nationalité ne figure pas sur le certificat de naissance ni sur aucun autre document officiel délivré par les autorités hongroises. Ils n'ont pas non plus déposé d'autre document à cet égard, qu'aurait pu leur délivrer une instance locale d'autonomie gouvernementale rome ou une organisation communautaire rome. Aucun des revendicateurs ne parlent la langue rome. Les commissaires acceptent toutefois que les revendicateurs soient Roms. Cette conclusion se fonde sur leur déposition au sujet de leur vie quotidienne en Hongrie et sur celle de la communauté rome en générale. Nous avons aussi accepté leur témoignage, c'est-à-dire qu'en raison de leurs noms, particulièrement du nom de famille XXXXXX, de leur physionomie, de leur comportement et de leur façon de s'exprimer, ils peuvent être perçus comme des Roms en Hongrie. Nous avons aussi accepté que dans les villes de petite et moyenne taille, comme dans celles où ils ont vécu, les gens sauraient généralement qui est Rom et qui ne l'est pas. M. Gabor Miklosi, du Centre de presse rom4, dont le siège se trouve à Budapest, indique ce qui suit : [traduction] Je ne suis pas parfaitement convaincu [ ] qu'un ensemble de critères objectifs peut ou doit être établi et servir de fondement pour vérifier que quelqu'un est un Rom ou n'en est pas un [...]. C'est une question épineuse qu'il faut traiter avec beaucoup de précaution [...]. En Hongrie, les citoyens n'enregistrent pas leur ethnicité, puisqu'ils leur revient entièrement de se considérer comme Rom, Hongrois, Juif ou autre chose. L'ethnicité concerne [...] des données délicates et leur collecte et leur enregistrement sont strictement réglementés. Le professeur Martin Kovats de la School of Slavonic and East European Studies de l'Université de Londres5 indique que : [traduction] [...] beaucoup de Roms se distinguent des non-Roms par la couleur de la peau, mais pour beaucoup d'autres ce n'est pas possible. [...] Même si les Romungros parlent hongrois, beaucoup, surtout ceux qui sont moins instruits, le parlent de telle sorte que leur identité de non-Magyar ressort, soit par l'accent, le vocabulaire ou la construction grammaticale. Pour ce qui est de la langue, le professeur Kovats et le professeur Zoltan Barany de l'Université du Texas à Austin indiquent qu'en Hongrie seul un petit pourcentage de la population rome parle le romani (20 %) et le beash (7 %)6 . Tous les témoins, à l'exception du professeur Hancock, conviennent que la population en Hongrie a des moyens de reconnaître les Roms, moyens qu'il est difficile de décrire précisément. Nous avons aussi conclu que, d'après les témoignages des revendicateurs et des témoins ainsi que de la preuve documentaire, cette reconnaissance intuitive n'est pas exacte à 100 %. Des erreurs se produisent dans les deux sens : certains Roms ne seraient pas reconnus comme tels, et dans certains cas, un non-Rom hongrois pourrait être perçu comme un Rom à cause de son teint foncé. On rapporte par exemple un incident où une Hongroise non-Rome a été attaquée par des skinheads qui croyaient, à cause de son apparence, qu'elle était Rome. La crédibilité du récit des revendicateurs Nous jugeons que le témoignage oral des revendicateurs est crédible en ce qui concerne la description générale des conditions de vie des Roms en Hongrie. La déposition des revendicateurs à cet égard était ouverte, franche, spontanée et sans contradictions évidentes. Elle est également généralement appuyée par la preuve documentaire et par la déposition des autres témoins. Nous avons cependant conclu que les témoignages oraux et écrits des revendicateurs au sujet de leur propre situation et des problèmes qu'ils auraient eus étaient exagérés et, en partie, tout simplement non véridiques, surtout en ce qui concerne les actes de violence dont ils auraient été victimes aux mains des skinheads. Les témoignages oraux de MM. XXXXXX fils et père ainsi que de Mme XXXXXXXXX différaient sur plusieurs points substantiels de leurs récits écrits. M. XXXXXX XXXXXX fils Au sujet des problèmes qu'il a eus à l'école, le revendicateur a écrit dans son FRP ce qui suit : [traduction] [...] Pendant mes années d'études, j'ai été l'objet de beaucoup de persécutions. Je n'ai pas pu faire des études poussées à l'école à cause des raclées, des humiliations et mauvais traitements de la part de mes camarades de classe et de mes professeurs. Pendant son témoignage oral, le revendicateur a toutefois brossé un tableau quelque peu différent. Il a dit qu'à Kazingbarcika, les enfants roms représentaient 50 % de l'effectif à l'école primaire et qu'ils étaient en quelque sorte isolés des autres enfants, car on les assoyait à l'arrière de la classe. Il n'y avait pas de professeur rom, pas de directeur d'école rom ni de membres roms dans l'administration scolaire. Selon ses dires, il n'aurait pas pu s'inscrire à des études secondaires générales et devenir un jour ingénieur comme il l'aurait souhaité parce que les enseignants abaissaient délibérément les notes des enfants roms. L'attitude des enseignants était très décourageante pour le revendicateur. Il croit qu'en tant qu'enfant rom il n'aurait pas pu obtenir de bourses normalement offertes aux autres enfants. Quand on lui a demandé s'il avait été battu à l'école primaire, le revendicateur a dit qu'il n'avait pas été battu par les autres enfants parce que les enfants roms représentaient la moitié de l'effectif scolaire, mais qu'à l'occasion il avait été giflé par un professeur. Le revendicateur a toutefois admis que les élèves non roms étaient aussi giflés, mais croyait-il, moins souvent que les enfants roms. Après l'école primaire, le revendicateur a été admis dans une école secondaire professionnelle à Miscolc, une ville voisine, où il a reçu une formation de charpentier. Dans sa classe, il y avait 6 élèves roms et 14 non roms, et la résidence d'étudiants comptait la moitié de Roms. On lui a demandé s'il avait été battu à l'école secondaire. Il a d'abord répondu qu'il avait été battu si souvent qu'il ne pouvait pas les compter, presque chaque jour, à l'école et à la résidence d'étudiants. Mais, plus tard pendant l'audience, en réponse à des questions précises de l'ACR, le revendicateur a modifié ses propos, parlant plutôt de bagarres entre les élèves roms et non roms, provoquées habituellement toujours selon lui par des élèves non roms. Il a admis qu'il y avait diverses raisons à ces bagarres, pas nécessairement toujours liées à l'origine ethnique. Les professeurs intervenaient quand ils étaient témoins d'une bagarre en séparant les élèves impliqués, mais quand le revendicateur se plaignait des mauvais traitements qu'il subissait, les professeurs promettaient d'en discuter mais rien ne changeait. Pendant son témoignage oral, le revendicateur n'a pas mentionné une seule fois avoir été battu ou frappé par ses professeurs pendant ses études secondaires. Nous estimons que le témoignage oral du revendicateur ne correspond pas à son récit écrit. D'après sa déposition, il semble que son incapacité à faire des études plus poussées pourrait être attribuable aux attitudes discriminatoires des enseignants plutôt qu'aux persécutions sous forme de coups et de violence physique de la part des enseignants et des élèves comme il l'avait prétendu dans son récit écrit. Interrogé au sujet des bagarres entre les jeunes roms et non roms à l'extérieur de l'école, le revendicateur a donné deux réponses contradictoires : d'abord, que de tels incidents s'étaient produits une fois ou deux et ensuite que de tels incidents s'étaient produits si souvent qu'il ne pouvait les différencier les uns des autres. Il pouvait toutefois se rappeler les circonstances d'un seul incident, quand lui et deux de ses amis auraient été attaqués par 6 ou 7 skinheads de l'école de leur ville. Les agresseurs les auraient frappés à quelques reprises, les auraient traités de noms et se seraient enfuis. Lui et ses amis se seraient plaints au directeur de l'école, qui a promis d'enquêter sur l'incident. Finalement, rien n'est ressorti de cette histoire, parce que l'administration scolaire n'a pas pu trouver les coupables et que les quelques agresseurs de l'école que le revendicateur avait identifiés ont nié le méfait. Étant donné ce qui précède, nous ne croyons pas que le revendicateur a subi de graves préjudices à l'école sous la forme de violence physique ou de toute autre forme de persécution persistante. Le revendicateur a écrit dans son FRP que, dès septembre 1994, les skinheads avaient commencé à commettre beaucoup d'attentats à Aika aussi, et qu'il avait été persécuté et battu très souvent. Quand on lui a demandé pendant l'audience s'il avait été personnellement attaqué par des skinheads à Aika en 1994, le revendicateur s'est contredit en disant qu'il n'avait pas été personnellement attaqué mais « plutôt ennuyé » par eux, c'est-à-dire qu'il avait été insulté dans la rue, et qu'il y avait des slogans anti-roms sur les murs. Il a fini par se rappeler « une petite agression » qui se serait produite en 1995 quand 7 skinheads l'aurait empêché lui et un ami rom d'entrer dans un cinéma. Son ami a couru chercher de l'aide et le revendicateur a été bousculé et frappé à l'estomac. Nous estimons que le revendicateur a beaucoup exagéré quand il a écrit dans son FRP qu'en septembre 1994 il avait été « persécuté et battu très souvent » par des skinheads, ce qu'il l'avait forcé à chercher du travail en Allemagne. De fait, selon son témoignage oral, en septembre 1994, il n'avait jamais été personnellement agressé physiquement par des skinheads à Aika. Somme toute, les deux seuls incidents de violence physique dont il aurait été victime dans la rue et qu'il pouvait se rappeler se seraient produits à Miscolc avant 1988 et à Aika en 1995. Selon le revendicateur, les deux incidents étaient plutôt sans importance et les agresseurs se sont enfuis après avoir frappé le revendicateur une fois ou deux. Le revendicateur a expliqué la contradiction en disant qu'il avait été battu une fois et « persécuté » très souvent. Et que cette persécution ne le visait pas lui seulement mais aussi ses amis et sa famille. Nous n'acceptons pas cette explication comme satisfaisante. Au sujet de la protection de la police, le revendicateur a écrit dans son FRP que « la police n'intervenait jamais dans les activités des skinheads ». Nous estimons que ces propos ne sont pas plausibles étant donné le témoignage oral du revendicateur et la preuve documentaire à cet égard. À partir des propres observations du revendicateur, nous pouvons déduire que cela ne pouvait pas toujours être vrai. Après l'avoir supposément attaqué devant un cinéma en 1995, les skinheads se seraient enfuis parce qu'ils auraient cru que son ami était allé appelé la police. Même s'il ne s'agit là que d'une hypothèse de la part du revendicateur, le fait qu'il y ait pensé indique à notre avis qu'au moins quelques fois la police intervenait effectivement contre les skinheads. Autrement, il n'aurait pas dit qu'ils s'étaient enfuis croyant que la police était sur le point de venir. De fait, la preuve documentaire indique que la police a agi contre les skinheads et qu'il y a même eu plusieurs procès et sentences d'emprisonnement contre eux. En outre, le revendicateur a dit qu'après le présumé incident à Aika en 1995, il a arrêté une voiture de police qui passait et s'est plaint de l'agression. La police a accepté sa plainte, a pris note du signalement des skinheads et a promis d'enquêter sur le cas. Toutefois il ne s'est rien passé. Quand le revendicateur est allé demander ce qui se passait, deux semaines plus tard, la police lui a dit qu'elle ne pouvait trouver les agresseurs. La description des agresseurs qu'il aurait donnée à la police était plutôt générale. Il a dit qu'ils avaient le crâne rasé ou les cheveux coupés très courts, qu'ils portaient des vêtements de cuir et des bottes de travail et que l'un d'entre eux avait une cicatrice au visage. Il considère toutefois que malgré cette vague description la police aurait pu les trouver si elle avait voulu même s'il croit qu'il y a « pas mal » de skinheads à Aika. Étant donné ce qui précède, nous avons même de la difficulté à croire que l'incident s'est jamais produit. Ni l'incident ni la plainte du revendicateur à la police ne sont mentionnés dans son FRP; le revendicateur semblait aussi avoir de la difficulté à nous donner une description plus détaillée de l'agression, contrairement à son témoignage au sujet de la situation générale des Roms en Hongrie. Mais surtout, quand son avocat lui a demandé pendant l'interrogatoire principal (7 octobre 1998) s'il s'était déjà lui-même plaint à la police, il a répondu : « Non, je n'ai pas osé ». Cette réplique est en flagrante contradiction avec sa dernière déclaration du 3 novembre 1998. Répondant à la même question posée par un des commissaires, il a répondu : « Oui » et il a précisé qu'il s'était plaint à la police après avoir été agressé devant un cinéma à Aika en 1995. À la lumière des problèmes de crédibilité susmentionnés, nous ne croyons pas que le revendicateur a été agressé par des skinheads en 1995, au moment où il essayait d'entrer dans un cinéma, ni qu'il a demandé la protection de la police à cette occasion. Nous avons aussi de sérieux doutes sur la crédibilité du revendicateur pour ce qui est de ses antécédents de travail. Dans son FRP, il écrit qu'en 1991 il avait été « congédié de son travail » parce qu'il était Rom. En raison des agressions de plus en plus nombreuses des skinheads contre les Roms à Kisvarda, la famille a déménagé à Aika en décembre 1991 : [traduction] Nous étions employés et nous étions heureux de pouvoir conserver notre emploi. Nous avons réussi à vivre un vie normale là. Dès septembre 1994, les skinheads ont commencé à commettre beaucoup d'attentats à Aika. J'étais persécuté et battu très souvent. Et c'est pourquoi par l'entremise de la compagnie pour laquelle j'avais l'habitude de travailler je me suis arrangé pour obtenir un travail en Allemagne. Ces propos sont conformes à la réponse du revendicateur à la question 18, où il indique qu'il a travaillé pour la compagnie « XXXXXXXXXXXX » à Aika à partir de janvier 1992, un mois après le déménagement de la famille dans cette ville, jusqu'à ce qu'il aille en Allemagne en septembre 1994. Or, pendant son témoignage oral, le revendicateur a présenté un tableau tout à fait différent de ses antécédents de travail. Il nous a dit qu'il avait travaillé à Aika pour un entrepreneur privé pendant 2 mois, avant d'être congédié à cause de son ethnicité rome. Il n'a pas pu trouver d'autre travail, puisqu'on les lui refusait tous dès que l'employeur se rendait compte qu'il était Rom. Il a fini par chercher du travail à Budapest et il a été embauché par la « XXXXXXXXXXXX » en 1994 à la condition d'accepter d'aller travailler en Allemagne. Après une semaine de formation à Budapest, il a été envoyé en Allemagne. Devant ces contradictions et ces divergences, le revendicateur a expliqué qu'il avait peut-être fait des erreurs dans les dates en remplissant son FRP et qu'il ne s'était peut-être pas exprimé correctement quand il avait écrit qu'il avait réussi à se trouver un emploi en Allemagne par l'entremise de la compagnie pour laquelle il avait l'habitude de travailler. Nous n'acceptons pas cette explication comme crédible. Nous croyons que le récit présenté dans son FRP est vrai, puisque les réponses aux questions 18 et 23 correspondent logiquement au récit écrit. Nous croyons que pendant l'audience, le revendicateur a voulu présenter ses antécédents de travail comme faisant partie d'un profil de discrimination contre les Roms, ce qui se produit souvent à Hongrie, afin de donner plus de poids à sa revendication. Nous croyons qu'en tant que Rom, le revendicateur s'est peut-être vu à l'occasion refuser du travail ou offrir un emploi pire que celui qui aurait été offert à un candidat non-rom. Nous ne croyons pas toutefois qu'il a été en chômage pendant des périodes prolongées et qu'il a été « forcé » d'aller en Allemagne comme il a essayé de l'établir à l'audience. Mme XXXXX XXXXXXXXX Mme XXXXXXXXX a dit avoir quitté la Hongrie parce qu'elle craignait d'être persécutée et de faire l'objet de discrimination. Quand on lui a demandé pourquoi elle avait peur, elle a répondu que c'était parce qu'elle était « persécutée et ennuyée constamment par les skinheads ». Cependant, quand le représentant de la ministre lui a demandé plus tard si elle avait jamais été victime d'un attentat par des skinheads, elle a répondu qu'elle ne l'avait pas été personnellement, mais qu'elle était au courant de deux ou trois incidents impliquant des membres de sa famille, notamment son mari et des connaissances. Quand un des commissaires lui a demandé d'expliquer la contradiction entre ces deux affirmations, la revendicatrice a dit qu'elle était « harcelée » par les skinheads, précisant que quand elle marchait dans la rue elle était arrêtée par des skinheads qui menaçaient de la « battre à mort » si elle ne quittait pas la ville. Pourquoi n'a-t-elle pas répondu ainsi à la première question du représentant de la ministre? Elle doit avoir mal compris la question, a-t-elle répondu. Pourquoi n'a-t-elle pas mentionné ces attentats et ces menaces par les skinheads dans son FRP? Parce qu'elle a tout simplement oublié; parce qu'elle ne s'en rappelait pas à ce moment-là. Nous ne considérons pas cette explication comme crédible. Nous ne croyons tout simplement pas que la revendicatrice a jamais été personnellement attaquée, « ennuyée », « harcelée » ou menacée par les skinheads. Nous considérons que son affirmation portant qu'elle a été « constamment persécutée et ennuyée par des skinheads » n'est pas vrai et qu'elle a été formulée afin d'étayer sa revendication. Elle a en outre écrit dans son FRP qu'après la chute du communisme : [traduction] [...] Beaucoup de Roms ont commencé à être persécutés et battus par les skinheads ou le soi disant « Czigany Pusztito Garda » (C.P.G.). C'est un groupe qui a pour but d'exterminer tous les Tziganes en Hongrie. Ces groupes ont attaqué les Roms à plusieurs reprises. Pourtant, quand on lui a demandé à l'audience si elle connaissait des groupes antiroms autres que les skinheads, elle a répondu qu'elle n'en connaissait pas et ne semblait pas familière avec le nom « Czigany Pusztito Garda ». Cela confirme notre opinion, c'est-à-dire le manque de crédibilité des allégations de la revendicatrice au sujet des attentats perpétrés contre les Roms par les skinheads et un groupe connu sous le nom de « Czigany Pusztito Garda ». Nous croyons aussi que la revendicatrice n'a pas été franche au sujet de ses antécédents de travail en Hongrie. Elle a dit avoir travaillé comme auxiliaire familiale pour des familles romes à Aika jusqu'en mars 1998. Elle a été très vague cependant quand on lui demandé des détails sur son emploi. Elle ne pouvait pas dire par exemple dans quelle domaine travaillaient ces familles, ce qui semble peu plausible, surtout dans une petite ville comme Aika, ou, comme la revendicatrice l'a dit, elle connaissait la plupart des Roms. Elle ne pouvait se rappeler pour combien de familles elle avait travaillé, ni pendant combien de temps, ni combien de jours par semaine, bien que, paraît-il, elle avait cessé de travailler seulement quelques mois auparavant. Quant à ses études, la revendicatrice a écrit dans son FRP : « Pendant mes années d'études, j'ai fait l'objet de discrimination et j'ai même été persécutée par mes camarades et mes professeurs. J'ai souvent été battue comme enfant seulement à cause de mes origines romes ». Quand son avocat l'a interrogée au sujet de ses années d'études, elle a dit que ces années avaient été mauvaises, parce qu'en tant que Rome elle ne pouvait jamais participer avec les autres enfants aux excursions scolaires à l'extérieur de la ville, et qu'on l'avait empêchée, en lui donnant des notes injustes, de poursuivre ses études. Elle n'a jamais rien mentionné au sujet des persécutions ou des coups qu'elle aurait reçus aux mains d'autres enfants ou aux mains des professeurs, contrairement à ce qu'elle avait écrit dans son récit. Par conséquent, nous croyons que la revendicatrice a pu faire l'objet de discriminations pendant ses études, mais nous ne croyons pas qu'elle a été persécutée ou battue à l'école. La revendicatrice et son conjoint de fait ont tous deux indiqué dans leur FRP que, à cause de ses origines romes, Mme XXXXXXXXX avait reçu de très mauvais traitements médicaux à l'hôpital local, ce qui lui avait causé une blessure grave nécessitant par la suite une chirurgie. Nous pouvons accepter que la revendicatrice ait pu être traitée différemment d'une patiente non rome, par exemple en étant gardée dans le corridor plus longtemps qu'une patiente non rome ne l'aurait été ou en se faisant parler impoliment par les employés. Cependant, la revendicatrice n'a pas établi qu'on lui avait donné délibérément des soins médicaux négligents mettant ainsi sa vie en danger ni que la négligence possible du médecin était liée à ses origines ethniques. Selon son témoignage, elle avait reçu des soins médicaux adéquats pendant sa grossesse. Après que son artère eut été accidentellement sectionnée pendant l'accouchement, elle a été traitée pendant six jours, ce qui lui a permis de se rétablir complètement. Nous n'acceptons pas comme raisonnable l'explication qu'elle donne, à savoir que ce genre de blessure n'arrive jamais à une femme non rome. M. XXXXXX XXXXXX XXXXXX père Dans son FRP, le revendicateur parle abondamment des attentats contre les Roms par des skinheads. Il ne mentionne toutefois aucun incident l'impliquant lui personnellement ou des membres de sa famille immédiate. Toutefois, quand on lui a demandé à l'audience s'il avait jamais été attaqué par des skinheads, le revendicateur a dit qu'il n'avait jamais été victime de tels incidents mais qu'à deux reprises il s'était trouvé en danger immédiat d'être battu par des skinheads. Une fois, en sortant d'un autobus, un groupe de quatre ou cinq skinheads ont commencé à faire des remarques désobligeantes au sujet des Roms. Il ne s'est rien passé à ce moment-là, car d'autres mineurs sont débarqués de l'autobus et que les skinheads sont partis. À un autre moment, le revendicateur a été sur le point d'être attaqué par quatre ou cinq individus. Par chance, la police est arrivée. En voyant les policiers, les agresseurs éventuels se sont enfuis. Le revendicateur a porté plainte à la police qui a promis de faire enquête. Il est retourné voir la police un mois plus tard, mais l'enquête n'avait donné aucun résultat. Quand on lui a demandé de décrire l'incident, le revendicateur avait des difficultés à donner plus de précisions. En essayant de décrire ce qui était arrivé, il s'est aussi contredit. Il a dit que les agresseurs avaient commencé à le bousculer alors que plus tôt en parlant du même incident il avait dit « ils étaient sur le point d'attaquer (le revendicateur), quand ils ont vu la police ». En parlant des agresseurs, le revendicateur les nommaient parfois « skinheads » et parfois « gardes », bien que plus tôt durant l'entrevue il avait dit qu'il s'agissait de deux groupes distincts et qu'ils étaient habillés différemment. Étant donné ce qui précède et le fait que le revendicateur n'a rien dit de cet incident ni de sa plainte à la police dans son FRP, nous ne croyons pas que l'incident se soit jamais produit. Nous estimons que tous les éléments importants de la revendications doivent être indiqués dans le FRP. En l'espèce, les attentats par les skinheads et la protection de l'État sont au coeur même de la revendication et nous croyons que s'ils s'étaient réellement produits ils n'auraient pas été omis dans le récit écrit. La même remarque s'applique au présumé attentat commis par les skinheads contre XXXXX XXXXXX. MM. XXXXXX fils et père ont dit qu'ils avaient été battus par des skinheads dans la rue. M. XXXXXX père a aussi dit qu'il était allé se plaindre à la police à ce sujet sans obtenir de résultat positif. Or, cet incident n'est pas indiqué dans le FRP de XXXXX XXXXXX, où il a simplement écrit qu'il avait été « victime d'une certaine forme de discrimination et de persécution de la part de ses professeurs à l'école » et qu'il avait « peur de sortir seul la nuit ». Cet incident n'est pas non plus mentionné dans le récit écrit du père de XXXXX ou de son frère. Par conséquent, nous n'accordons aucune crédibilité à ce témoignage. Nous ne croyons pas non plus qu'à son retour d'Allemagne la deuxième fois, M. XXXXXX père a été congédié de son travail à cause de ses origines romes. Quand nous l'avons interrogé à ce sujet, il est clairement apparu, que les mines à Aika étaient fermées et que 90 % des employés, tous des mineurs, étaient congédiés. Plus tôt, M. XXXXXX avait dit que presque tous les mineurs étaient des Roms, alors que les non-Roms occupaient des postes administratifs à la mine. Il est évident pour nous que M. XXXXXX avait été envoyé en Allemagne parce que la mine où il travaillait avait été fermée et qu'il n'y avait plus de travail pour les mineurs à Aika, puisque l'autre mine avait également considérablement réduit ses activités licenciant la plupart de ses employés. Les revendicateurs ont-ils été persécutés ou fait l'objet de discrimination en Hongrie? Pour évaluer le bien-fondé de la crainte de persécution des revendicateurs, nous pouvons nous fonder sur les persécutions passées dont ils ont pu être victimes personnellement ou qui sont susceptibles de se produire encore à l'avenir, ou sur la preuve d'actes répréhensibles commis ou susceptibles d'être commis contre des membres d'un groupe auquel ils appartenaient, comme il est indiqué dans Salibian7. Dans le cas qui nous occupe, nous devons donc évaluer si la discrimination que les revendicateurs ont indéniablement subi par le passé équivaut à de la persécution et justifie une crainte fondée de retourner dans leur pays. Pour être considéré comme de la persécution, les mauvais traitements subis ou anticipés doivent être graves8. Et pour déterminer cette gravité, nous devons examiner quels droits des revendicateurs ont pu faire l'objet de préjudices et dans quelle mesure l'existence, la possession, l'expression ou l'exercice de ces droits peuvent avoir été compromis. Dans Ward9, la Cour suprême du Canada décrit la persécution comme étant des « actions qui nient d'une manière fondamentale la dignité humaine, et que la négation soutenue ou systémique des droits fondamentaux de la personne est la norme appropriée ». Pour être considérée comme de la persécution, le préjudice causé doit l'être d'une manière répétée ou avec persistance, ou d'une manière systématique10. L'exigence voulant que le préjudice soit grave a amené à faire une distinction entre persécution d'une part et discrimination ou harcèlement d'autre part, la persécution étant caractérisée par la plus grande gravité du mauvais traitement qu'elle suppose11. En général, les tribunaux ont reconnu que les actes de discrimination doivent être suffisamment graves et infligés pendant suffisamment longtemps pour que l'intégrité morale ou physique du revendicateur en soit menacée :12 Il est admis sans réserve acune, tant en droit interne qu'en droit international, que la violation de droits fondamentaux justifie une personne d'affirmer qu'elle craint avec raison d'être persécutée [...]. les droits et libertés essentiels au respect de la dignité d'une personne et de son intégrité physique, morale et intellectuelle doivent être reconnus et appliqués d'une manière non discriminatoire. [...] Au sein de la hiérarchie des principaux droits et libertés [...] quatre types de droits ont été établis, principalement sur la base d'une distinction intrinsèque entre les droits civils et politiques d'une part, et les droits économiques, sociaux et culturels, d'autre part. [...] Il a été jugé qu'une atteinte à des droits économiques n'amène pas nécessairement à conclure qu'il y a persécution [...] si cette atteinte n'a pas causé de privations graves ayant une incidence sur la vie13. En nous fondant sur le cadre juridique existant, sur l'évaluation faite par les commissaires des témoignages écrits et oraux des revendicateurs, nous jugeons que les actes de discrimination que les revendicateurs ont indéniablement subis en Hongrie n'équivalent pas à de la persécution, pris individuellement ou cumulativement, et que par conséquent ils ne justifient pas une crainte fondée de persécution. Les revendicateurs ont été l'objet d'un traitement discriminatoire à l'école, ce qui a probablement diminué leurs chances de poursuivre des études. Mme XXXXXXXXX a été exclue des excursions scolaires. Ils ont été insultés par leurs camarades de classe, et des bagarres ont éclaté entre les enfants Roms et non-Roms. Mais tous les revendicateurs, à l'exception de l'enfant mineure XXXXXXX, ont terminé leurs études primaires. Mme XXXXXXXXX a complété un cours d'économie domestique. Tous les revendicateurs adultes avaient onze ans d'études et avaient terminé des études secondaires dans une école professionnelle. XXXXX XXXXXX était à l'école secondaire quand la famille a quitté la Hongrie. La jurisprudence canadienne14 indique que la négation systématique ou soutenue de droits fondamentaux comme l'emploi, l'éducation et les soins médicaux pour l'un ou plusieurs motifs prévus à la définition de réfugié au sens de la Convention constitue de la persécution. Nous ne pouvons toutefois conclure que les revendicateurs ont été privés de leur droit à une éducation de base. Nous ne pouvons non plus conclure, en nous fondant sur leurs témoignages, que la discrimination et le harcèlement qu'ils ont subis à l'école équivalent, par la gravité du préjudice, à de la persécution. MM. XXXXXX père et fils ont dit qu'ils avaient subi de la discrimination dans leur travail, qu'ils avaient eu plus de difficultés à trouver un emploi et qu'ils avaient toujours dû accepter les pires emplois, les plus salissants et les moins bien payés. Néanmoins et malgré cela, tous les revendicateurs adultes ont travaillé la plupart du temps et ils ont travaillé dans leur domaine. Quand ils étaient sans travail permanent, ils prenaient des emplois temporaires et recevaient des prestations de chômage de l'État. Ils vivaient bien, puisque MM. XXXXXX père et fils possédaient leur propre appartement, situation pas si fréquente en Hongrie, pour les Roms comme pour les non-Roms, et M. XXXXXX fils a même possédé sa voiture, objet de luxe en Hongrie. Dans Araya Heredio15, la Cour fédérale a indiqué : [...]il y aurait effectivement persécution si une personne se voyait refuser toute occasion de travailler, ou même dans les cas où une personne, afin d'assurer sa survie, était contrainte d'accepter un travail manifestement incompatible avec sa formation professionnelle. Dans plusieurs de ses décisions16, la Section du statut de réfugié (SSR) a jugé que la discrimination dans l'emploi équivaut à de la persécution quand le revendicateur est privé d'une possibilité de gagner sa vie ou quand il y a « refus d'accorder la possibilité de gagner sa vie », ce qui de toute, évidence n'était pas le cas des revendicateurs devant nous. Nous ne considérons donc pas que la discrimination qu'ont subie les revendicateurs dans leur emploi équivaut à de la persécution. Les revendicateurs ont témoigné au sujet d'incidents de harcèlement dans leur vie de tous les jours, comme le fait d'être « ennuyé » ou « harcelé » par des non-Roms surtout par des skinheads, sur le fait d'être obligé d'accepter dans des magasins des produits de moins bonne qualité, d'être traité avec moins d'égards dans les bureaux de l'administration publique, d'être légèrement harcelé par des agents des douanes, d'être moins bien examiné par les médecins, et de subir un traitement discriminatoire dans l'armée. Ici encore, nous ne considérons pas que ces traitements discriminatoires, même cumulés, peuvent être considérés comme de la persécution. Dans le cas de Mme XXXXXXXXX, elle prétend qu'elle a été l'objet de discrimination parce qu'elle a été placée dans le corridor de l'hôpital avant de donner naissance à sa fille. Dans Ramassarran17, la preuve établissant l'application de droits d'accès différents, fondés sur la race, à des approvisionnements scolaires de base et au service d'urgence dans les hôpitaux a été qualifiée de mesures de « discrimination draconienne », mais non de persécution. Dans le cas de la revendicatrice, la différence dans le traitement exercé par les employés de l'hôpital était beaucoup moins draconienne, et a consisté principalement à la garder pendant quelques temps dans le corridor ou à lui envoyer l'ambulance plus tard qu'elle ne l'aurait voulu, sans toutefois mettre en danger sa sécurité ou sa vie. Au sujet de la discrimination sur le logement, souvent signalée dans la preuve documentaire, les revendicateurs ne se sont pas plaints qu'ils avaient été victimes de discrimination dans ce domaine. M. XXXXXX fils a dit que, à Kisvarda et à Kazingbarcika, ils ont vécu dans les quartiers roms mais que s'ils l'avaient voulu ils auraient pu déménager dans un autre secteur. À Aika, ils vivaient parmi les non-Roms, puisque dans cette ville la population rome était relativement peu nombreuse. Pour ce qui est des attentats contre les revendicateurs par des skinheads, nous ne croyons pas, comme nous l'avons indiqué précédemment, que de tels attentats se soient produits, à part l'incident impliquant M. XXXXXX fils, avant 1988, quand il était à l'école à Miscolc. Même dans ce cas, nous ne croyons pas qu'il a été attaqué par des skinheads, comme il l'indique, puisque, selon la documentation18, le premier attentat signalé des skinheads s'est produit en Hongrie seulement vers 1988, à Kispest, et les victimes n'étaient pas des Roms mais plusieurs travailleurs immigrants. Les agresseurs ont finalement été jugés par M. Vascuti et ils ont reçu des peines d'emprisonnement de 3 ans 4 mois à 1 an 10 mois. Chose intéressante, quand on lui a demandé à l'audience d'expliquer comment il comprend les termes « persécution » et « discrimination », puisqu'il utilisait les deux dans son témoignage écrit et oral, M. XXXXXX fils a dit qu'il y avait discrimination quand « ils font une différence entre deux citoyens dans les bureaux, en fonction de leur nationalité », alors que la persécution se produit quand « je suis blessé physiquement, à cause de mes origines romes et que si je me plains aux autorités, la police ne fait rien pour moi ». Après avoir analysé les faits en l'espèce et avoir pris en considération le droit et la jurisprudence existants, les commissaires en sont venus à la conclusion que la discrimination et le harcèlement subis par les revendicateurs en Hongrie n'étaient pas assez graves, même cumulés, pour établir une crainte fondée de persécution. Et plus encore, puisque les revendicateurs ont identifié les skinheads comme leur principaux agents de persécution. M. XXXXXX fils a même dit qu'il n'aurait pas peur de retourner en Hongrie, si le gouvernement rend hors la loi les skinheads et les jettent en prison. Nous ne croyons pas, d'après les sources que nous avons examinées, que, si les revendicateurs retournent en Hongrie, il y a une possibilité raisonnable qu'ils soient persécutés par des skinheads. D'après M. Zoltan Barany de l'Université du Texas19, les attentats par des skinheads contre des Roms ne sont pas communs et, de fait, les attentats violents ont diminué considérablement depuis le début des années 1990. La violence par les skinheads n'est pas un problème important en Hongrie. Selon nous, notre conclusion correspond à la compréhension qu'a M. XXXXXX fils des termes « discrimination » et « persécution », comme il les a définis. Les Roms sont-ils un groupe persécuté en Hongrie? Les revendicateurs ont établi qu'ils étaient Roms et que, comme tels, ils ont été l'objet de discrimination et de harcèlement en Hongrie. Dans la première partie de notre analyse, nous en sommes venus à la conclusion que ce dont ils avaient souffert, en tant qu'individus, ne justifie pas une crainte fondée de persécution. Cependant, une telle analyse serait incomplète si elle n'examinait pas la situation générale des Roms en Hongrie. Les Roms sont-ils un groupe persécuté en Hongrie? Dans l'affirmative, les revendicateurs, parce qu'ils appartiennent à ce groupe, auraient-ils raison de craindre d'être persécutés? Témoins Six témoins ont été appelés à témoigner sur la situation qui règne dans le pays, en plus de l'abondante preuve documentaire produite en l'espèce. Ils ont tous été convoqués en raison de leur expertise sur les droits de la personne et sur la situation des Roms en Europe de l'Est, particulièrement en Hongrie. Deux témoins ont témoigné en faveur des revendicateurs : M. Orest Subtelny, professeur d'histoire et de sciences politiques à l'Université York, auteur de divers articles et livres savants sur l'histoire de l'Europe de l'Est. M. Ian Francis Hancock, professeur à la Faculté de linguistique et d'anglais, membre du Centre pour les études asiatiques et du Centre d'éducation en langues étrangères, à l'Université du Texas à Austin, membre du conseil d'administration de plusieurs organisations internationales et projets sur les Roms. Quatre témoins ont témoigné en faveur de la ministre : M. Jenö Kaltenbach, commissaire parlementaire (protecteur) des Droits des minorités nationales et ethniques en Hongrie et chef du Département d'administration publique de la Faculté de droit à l'Université XXXXXX à Szeged, représentant de la Hongrie devant la Commission européenne contre le racisme et l'intolérance et membre du Centre de surveillance européen concernant le racisme et la xénophobie. M. Lipot Höltzl, sous-secrétaire d'État, ministère de la Justice, Hongrie, membre de l'Association du barreau canado-hongrois et de la Société des avocats germano-hongrois. M. Florian Farkas, président de l'instance nationale d'autonomie gouvernementale rome et président de l'organisation « Lungo Drom » en Hongrie, membre et secrétaire exécutif du Conseil national rom, co-fondateur du Parlement rom et fondateur de « Lungo Drom » et de « Cigany Hirlap », deux journaux roms. M. Andreas Biro, journaliste, président du conseil d'administration du Centre européen pour les droits des Roms, du Bureau de défense juridique des minorités nationales et ethniques (NEKI) et de la Fondation « Otherness » (qui s'est vu décerner le prix Nobel de remplacement), membre du groupe des spécialistes sur les Roms et les Tziganes du Conseil de l'Europe et conseiller sur les Roms à l'Institut de la société ouverte, en Hongrie. Les commissaires reconnaissent que les six témoins possèdent des connaissances spécialisées (d'expert) dans leurs domaines respectifs, en fonction de leurs études et de leurs recherches (les témoins des revendicateurs), de leurs travaux et de leur participation directe à la communauté rome et aux questions des droits de la personne (les témoins de la ministre). Nous considérons que, en général, tous les témoins connaissaient la situation des droits de la personne en Hongrie et particulièrement celle des Roms. Nous avons toutefois remarqué que les professeurs Subtelny et Hancock n'étaient pas au courant des renseignements les plus récents sur certains aspects de la situation des Roms. Étant des spécialistes des minorités nationales et ethniques en Europe de l'Est (M. Sbutelny) et de l'histoire, de la langue, de la culture et de la situation des Roms dans les pays d'Europe de l'Est, (M. Hancock), les deux universitaires ne se spécialisent pas sur les Roms de Hongrie. Ils n'ont pas non plus fait de travaux pratiques en Hongrie ni rédigé précisément sur le sujet. Ils sont bien informés, mais leurs renseignements sur la situation actuelle des Roms à Hongrie se fondent sur d'autres sources, en grande partie sur les rapports des organismes internationaux des droits de la personne, plutôt que sur leurs travaux directs ou leurs recherches sur les Roms en Hongrie. Nous accordons donc moins de poids à leurs dépositions, surtout dans le domaine concernant les mesures et les initiatives concrètes prises par le gouvernement et par des organismes non gouvernementaux afin de remédier à la situation des Roms. En évaluant la valeur probante des dépositions des quatre autres témoins, nous avons pris en considération le fait que M. Holtzl est un haut fonctionnaire et le fait que M. Kaltenbach fait partie de la classe dirigeante hongroise. Les deux, d'une certaine façon, représentent l'État hongrois. Nous tenons compte aussi du fait que M. Florian Farkas, collaborant étroitement avec le gouvernement pour améliorer la situation des Roms, est peut-être intéressé sur le plan politique à présenter cette collaboration comme une réussite. Avec ces éléments en tête, nous avons décidé de donner plus de poids à leurs témoignages, ainsi qu'au témoignage de M. Biro, un militant très respecté et très crédible dans le domaine des droits de la personne, parce qu'ils ont tous vécu et travaillé en Hongrie et parce qu'ils ont donc une information directe sur la situation des Roms et sur les mesures prises par l'État à ce sujet. À l'exception de M. Holtzl, dont l'expertise porte plutôt sur le cadre juridique général et sur l'évaluation des programmes de l'État destinés aux Roms, les trois autres témoins susmentionnés sont personnellement concernés par les questions relatives aux minorités nationales en Hongrie et plus précisément par les Roms. Ils ont tous voyagé dans le pays, connaissent les problèmes auxquels se heurtent les Roms et peuvent trouver des solutions à ces problèmes. Nous considérons qu'ils ont non seulement une expérience pratique mais aussi, de par leurs antécédents et leurs fonctions, une vue générale de la situation. Néanmoins, il n'y a pas de grandes contradictions dans les témoignages des six témoins, mais plutôt quelques différences dans l'évaluation de l'impact des initiatives du gouvernement sur la vie de la minorité rome. Législation et mesures gouvernementales portant sur les problèmes des minorités nationales et ethniques, particulièrement des Roms L'article 68 de la Constitution hongroise, modifiée en 1989, indique que les minorités nationales et ethniques qui vivent en République de Hongrie participent au pouvoir du peuple et constituent des composantes de l'État20. La Constitution interdit la discrimination au motif de la race, de la couleur, du sexe, de la langue, de la religion, des opinions politiques ou autres, de l'origine nationale ou sociale, de la propriété, de la naissance ou d'autres statuts21. La Hongrie a aussi ratifié et intégré dans son système juridique un certain nombre d'accords internationaux et européens au sujet des droits des minorités, notamment la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale et la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales22. Le 7 juillet 1993, la Hongrie a adopté la Loi LXXVII sur les droits des minorités nationales et ethniques. Cette loi reconnaît 13 groupes nationaux et ethniques, y compris les Roms, comme des minorités. Elle interdit toute forme de discrimination raciale contre eux ainsi que les mesures destinées à assimiler les minorités contre leur gré. Elle prévoit aussi des droits pour les minorités dans l'éducation, la culture, l'association personnelle et politique. La loi établit le concept des droits collectifs des minorités et prévoit des dispositions pour l'élection d'instances locales et nationales d'autonomie gouvernementale pour les minorités. Élue pour la première fois en 1994, l'instance locale d'autonomie gouvernementale fonctionne essentiellement avec l'appui financier du gouvernement et avec l'appui logistique des administrations locales. Elles ont une autonomie complète dans la gestion de leurs affaires financières. La principale responsabilité de l'instance locale d'autonomie gouvernementale est d'influencer et de surveiller toutes les questions qui ont un impact sur les minorités, particulièrement dans les domaines de l'éducation et de la culture. L'instance locale a un droit de veto sur les projets qui concernent les minorités et sur la nomination des directeurs des écoles locales. Elle a le droit d'établir ses propres institutions d'enseignement, culturelles et scientifiques et de diriger ses propres entreprises économiques. Ses membres sont élus en même temps que ceux des administrations locales et tous les citoyens ont un droit de vote. L'instance nationale d'autonomie gouvernementale rome fonctionne comme partenaire du gouvernement dans les négociations au sujet des modifications législatives touchant les programmes concernant les minorités, surtout les Roms. La plupart des sources conviennent qu'il s'agit là d'un progrès important, même s'il reste encore plusieurs difficultés liées au fonctionnement de ces entités, de leur situation financière et leur pouvoir réel. Selon MM. Farkas et Biro, les attentes concernant les instances d'autonomie gouvernementale rome étaient très élevées, et certaines personnes ont été déçues de ce qu'elles ont considéré comme des résultats modestes obtenus après les quatre premières années de leur existence. Néanmoins, les instances d'autonomie gouvernementale sont un lien entre les collectivités romes et les autorités locales, et elles jouent un rôle important dans l'émancipation politique et sociale des Roms. Malgré certaines critiques, le nombre d'instances romes a plus que doublé depuis 1994. Selon M. Farkas, aux élections d'octobre 1998, 850 instances locales d'autonomie gouvernementales rome ont été élues, sur 1 300 villages ayant une population importante de roms. (L'agence de presse MTI indique que les Roms ont élu des instances dans 915 collectivités, suivis par les Allemands qui ont élu 264 instances). L'instance nationale d'autonomie gouvernementale rome a été constituée; elle est composée de 53 personnes. Le gouvernement a octroyé 90 millions de HUF en 1997 et en 1998 aux instances romes. Aux mêmes élections, selon M. Farkas, deux maires roms ont été élus dans des villes ne comptant qu'environ 15 % de Roms et plusieurs centaines de membres roms dans des administrations locales. Trente-six maires ont été élus avec l'appui du « Lungo Drom », organisation rome présidée par M. Farkas, et trois autres, dans la ville ayant le pire dossier de discrimination contre les Roms, n'ont pas été réélus en raison des efforts des chefs roms. Aussi en 1993, le Parlement hongrois a adopté la Loi sur le commissaire parlementaire des droits des citoyens (protecteur du citoyen). Parmi les quatre commissaires, un est nommé pour les droits des minorités nationales et ethniques. Le premier protecteur des droits des minorités, M. Yenö Kaltenbach, a été nommé en 1995. Selon M. Kaltenbach, son bureau fait enquête sur les plaintes individuelles présentées par des citoyens des minorités au sujet des violations des droits civils de base par l'administration publique (excluant les tribunaux). Le protecteur du citoyen peut faire enquête d'office et peut proposer des modifications aux lois et à la législation chaque fois qu'il décide qu'il y a des anomalies liées au droit constitutionnel des minorités. Il peut aussi jouer le rôle de médiateur entre les parties concernées. À la suite de son enquête, le protecteur du citoyen formule des recommandations et, si elles ne sont pas acceptées par l'administration concernée, il peut se tourner vers un palier plus élevé de l'administration ou même vers le Parlement. Depuis son élection en 1995, le bureau de M. Kaltenbach a fait enquête dans 1 368 cas dont plus de 750 concernant des Roms. Des plaintes sont déposées le plus souvent afin de chercher réparation contre la discrimination exercée par les forces de la police, les administrations locales et les établissements d'enseignement. Un effectif de 120 personnes travaillent pour les quatre bureaux des protecteurs du citoyens, y compris 18 affectées directement aux questions concernant les minorités. La charge de travail de M. Kaltenbach augmente systématiquement. Il a entrepris un examen complet de la discrimination dans l'emploi et dans les possibilités d'emploi, dans l'éducation et dans les procédures de la police. Il a proposé une formation spéciale pour les professeurs et pour les fonctionnaires. Pour donner de la formation au public, le protecteur des minorités organise souvent des conférences de presse, publie des communiqués et anime une émission régulière de 45 minutes deux fois par semaine à la télévision nationale. M. Kaltenbach a cité un sondage fait par le journal « Nepszavad », selon lequel le prestige du protecteur du citoyen est maintenant de 65 à 66 %, tout de suite après celui du président (69 à70 %) et du Tribunal de la constitution (67 %). Un autre sondage, réalisé il y a un an et demi, indiquait que 50 % des gens interrogés connaissaient l'existence du protecteur du citoyen. Il es vrai que le protecteur du citoyen n'a pas le pouvoir d'ordonner la réparation. Il ne peut faire que des recommandations. Cependant, selon le directeur du programme du Comité Helsinki hongrois23, puisque ces recommandations : [traduction] [ ] obtiennent une attention considérable de la presse et du public en général, et que la plupart des recommandations sont acceptées par l'autorité respective sans de plus amples débats, le protecteur du citoyen est devenu une institution puissante dans les trois dernières années depuis sa création. En février 1998, le gouvernement a adopté une résolution prévoyant des mesures en vue de promouvoir la tolérance dans la société hongroise, plus précisément des mesures à l'appui des bureaux d'aide juridique et des organisations sans but lucratif agissant afin de prévenir et de résoudre des conflits intercommunaux. La résolution comprend aussi des mesures visant à surveiller les attitudes et les actions de la police à l'égard des Roms. Outre les instances nationales et locales d'autonomie gouvernementale des minorités, plusieurs organismes gouvernementaux ont été établis dans les dernières année afin de s'attaquer aux problèmes auxquels se heurtent les minorités en Hongrie et plus précisément pour s'occuper des affaires relatives aux Roms24. Il existe aussi beaucoup d'organisations générales importantes des droits de la personne, qui, entre autres, protègent les droits des Roms. Il existe un éventail impressionnant d'ONG roms qui sont voués à la défense des droits des Roms et qui s'occupent des divers problèmes sociaux, économiques et culturels. La presse écrite et électronique rome est abondante. Selon M. Biro, il y aurait 240 organisations romes actives en Hongrie. La plupart de ces organisations sont entièrement ou partiellement financées et appuyées par le gouvernement. Par exemple, 150 millions de HUF ont servi à la création en 1997 du Centre national rom pour l'information et la culture et 30 millions de HUF alloués en 1998 pour ses activités. Le gouvernement a consenti 250 millions de HUF en 1998 à la Fondation publique des Tsiganes hongrois, 82 millions de HUF en 1997 à des projets roms pour la Fondation publique des minorités nationales et ethniques hongroises et 230 millions de HUF en 1998 à la Fondation publique Ghandi25. Le Lungo Drom qui reçoit des contributions du gouvernement possède maintenant des chapitres locaux dans 800 collectivités. Les sources citées dans la preuve documentaire de même que les témoins conviennent en principe que la Hongrie est maintenant une société démocratique fidèle à la primauté du droit. Il semble aussi y avoir consensus, c'est-à-dire que depuis la chute du régime communiste il y a eu un ensemble exemplaire et impressionnant de mesures législatives et administratives et divers programmes mis en place par les gouvernements successifs afin de garantir des droits égaux aux minorités nationales et ethniques en Hongrie. M. Andras Biro en parle ainsi.26 : [traduction] Du point de vue institutionnel, les Roms de Hongrie sont en bien meilleure position que les autres Roms de la région, car le gouvernement hongrois a adopté une législation et créé des institutions destinées à protéger les droits des Roms et à régler leurs problèmes. Il est donc plus difficile de faire valoir une demande d'asile politique. Il semble aussi y avoir consensus au sujet de l'engagement à long terme du gouvernement hongrois de régler les problèmes des Roms, bien que les opinions varient quant aux motifs de cet engagement. Selon le professeur Subtelny, ces mesures et cette législation ne sont pas une ex-croissance organique du processus de démocratisation dans le pays. C'est plutôt un programme appuyé par la communauté européenne, une « façade » afin d'être accepté comme partie de l'Europe. Comme ces mesures ne viennent pas de l'intérieur de la société hongroise, mais qu'elles sont imposées de l'extérieur, il y a des doutes quant à la volonté réelle de la majorité hongroise d'approuver la situation des Roms. Selon l'avocat, cette absence de volonté s'exprime par l'absence d'une réelle volonté politique et par l'insuffisance des ressources, ce qui rend le changement purement illusoire sans aucun impact pratique sur la situation des Roms. Nous ne partageons pas ce point de vue. Quelle que soit la motivation du gouvernement hongrois, il nous semble que, même s'ils sont insuffisants de l'avis de certaines sources, les investissements humains et financiers dans ce domaine sont trop importants pour simplement faire office de « façade ». Nous ne voyons pas nécessairement comme négatif le fait que l'amélioration de la situation des Roms fasse partie des grands enjeux européens avec lesquels la Hongrie doit composer. Nous croyons plutôt que c'est une garantie supplémentaire que les problèmes des Roms continueront d'être pris en charge indépendamment des opinions particulières des gouvernements successifs. Pour l'instant, même si le nouveau gouvernement hongrois est plus à droite, il ne semble pas vouloir reprendre les promesses faites par son prédécesseur, et, selon MM. Holtzl, Kaltenbach et Farkas, il s'est déjà engagé à poursuivre la mise en place des mesures à moyen terme et il a déjà prévu au budget les fonds nécessaires pour la prochaine année. M. Stefan Berglung, chef du Bureau du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) à Budapest, convient que l'entrée de la Hongrie dans l'Union européenne (UE) est un élément important de ces enjeux. Il est persuadé toutefois que le nouveau gouvernement, tout comme l'ancien, est déterminé à faire quelque chose pour améliorer le sort de toutes ses minorités, particulièrement des Roms. Selon M. Berglung, tout semble indiquer que le nouveau gouvernement a l'intention de poursuivre le plan que le gouvernement précédent avait proposé, mais qu'il n'avait pas eu le temps de mettre en place, et que la nouvelle administration pourrait même aller plus loin27. Principaux secteurs de discrimination contre les Roms et mesures de redressement La discrimination et les préjugés de la société contre la minorité rome sont profondément inscrits dans l'histoire et sont toujours répandus en Hongrie28. Les Roms font l'objet de discrimination à divers degrés dans presque toutes les sphères de la vie, mais plus particulièrement en éducation, dans le logement, l'emploi, la santé, les services sociaux et l'application de la loi. La situation semble pire dans les zones rurales que dans les zones urbaines. Dans les dernières années toutefois, le gouvernement hongrois a pris plusieurs mesures concrètes pour lutter contre la discrimination faite aux Roms et pour redresser la situation. En juillet 1997, le gouvernement a approuvé un programme de gestion à moyen terme, sorte de plan d'action du gouvernement, faisant intervenir divers ministères et départements et destiné à aider la communauté rome à surmonter ses désavantages sur le plan social. Ce programme comprend des mesures concernant l'éducation, l'emploi, les questions sociales, les soins de santé, les affaires régionales, la lutte contre la discrimination et des émissions de télévision. Selon M. Holtzl, ce programme est maintenant supervisé par le ministère de la Justice. Le nouveau gouvernement, élu en juin 1998, a ordonné de procéder à l'évaluation globale de ce programme, et les résultats devraient être disponibles sous peu.29. Toutes les sources conviennent que l'éducation est le secteur qui jouerait un rôle crucial pour l'avancement futur de la population rome. Selon le rapport de l'agence de presse hongroise MTI (8 janvier 1998), des 80 000 élèves roms inscrits dans le système d'éducation publique, seulement de 500 à 600 se rendent au secondaire alors que de 200 à 300 s'inscrivent au collège ou à l'université.30. Selon des rapports crédibles, confirmés par les témoins, beaucoup d'enfants roms ne terminent pas leurs études primaires. Les enfants roms sont nettement sureprésentés dans les écoles et les classes spéciales destinées aux enfants ayant un handicap mental ou physique (de 40 à 50 % comparativement à 7,2 % d'enfants roms dans le système d'éducation). Il y a toujours des cas de ségrégation dans le système scolaire hongrois31. Cependant, M. Farkas a indiqué que maintenant cela ne se produit que dans de rares endroits et que la ségrégation n'est plus une caractéristique des écoles en Hongrie. Il y a toujours des préjugés antiroms largement répandus chez les professeurs qui ne sont pas bien formés pour s'occuper des enfants roms, culturellement différents. Il y a toutefois d'importantes initiatives gouvernementales destinées à améliorer la situation des enfants roms dans le système d'éducation. Selon la déclaration écrite de M. Holtzl32, le ministère de l'Éducation a alloué plus de 7 millions de HUF en bourses d'études pour 108 étudiants roms inscrits au collège ou à l'université. Jusqu'à maintenant, 108 étudiants ont obtenu ces bourses d'études en 1998. En 1998, le gouvernement a attribué plus de 34 millions de HUF en contributions normatives accessoires à des écoles ayant une grande proportion d'élèves roms. Plus de 28 millions de HUF ont été investis jusqu'à maintenant dans des pensionnats d'élèves roms, 150 millions de HUF ont servi à créer en 1997 le Centre national rom pour l'information et la culture, et 30 millions en 1998 pour financer ses activités. En 1998, 30 millions de HUF ont été consentis pour aider 800 élèves roms qui suivaient des cours enrichis à l'école primaire ou des cours du soir ou des cours par correspondance.33. Selon le témoignage de M. Farkas, 600 professeurs dans 300 collectivités ont participé à un programme spécial de formation pour les professeurs enseignant à des enfants roms. Il y a maintenant de 80 à 100 professeurs roms en Hongrie. Le gouvernement appuie les écoles romes, entre autre les Écoles Ghandi, Opportunity, Kalyi Jag Apprenticeship et d'autres. La situation du logement est encore mauvaise, puisque bien des Roms vivent dans de moins bonnes conditions que la population non rome. Il y a des rapports crédibles au sujet de l'éviction forcée et de mesures administratives et populaires visant à expulser des habitants de villages ou à les empêcher de s'y relocaliser. Les Roms peuvent aussi avoir des difficultés à acheter ou à louer des appartements ou des maisons dans les quartiers non roms. Dans l'exposé intitulé « Les Roms en Hongrie », publié en mars 199834, on cite les propos de M. Kaltenbach recueillis à l'été de 1997 et selon lequel il y aurait eu depuis 1989 au moins 30 cas de villageois désireux de se débarrasser des Roms vivant dans leur village. M. Kaltenbach a affirmé que 2,1 % des Roms hongrois ont déjà été victimes d'expulsion et 3,8 % ont vu leur habitation détruite. Toutefois, le protecteur des droits des minorités, les organisations générales des droits de la personne, les instances romes d'autonomie gouvernementale et les ONG ont réagi vivement dans plusieurs de ces cas et la plupart du temps ils ont réussi à redresser la situation. Selon M. Farkas, des dizaines de milliers de familles romes ont bénéficié du programme de logement du gouvernement de 1985 à 1992, programme destiné à supprimer les taudis. Cette année, 250 familles romes profiteront d'un programme semblable destiné à combler les besoins spéciaux des grandes familles (3 enfants et plus). En 1971, les deux tiers de la population rome vivaient dans des villages situés dans des secteurs séparés, sans eau courante, ni électricité ni autre service public. En 1993, cette proportion n'était plus que de 14 %35. La situation des Roms dans l'emploi semble s'être considérablement détériorée depuis la chute du régime communiste et la mise en place d'une économie de marché. En dépit d'un préjugé général antirom, les travailleurs roms, moins formés et moins instruits que la population en général, deviennent les principales victimes de la restructuration de l'économie hongroise. Jusqu'au milieu des années 1980, le taux d'emploi des Roms et des non-Roms était semblable (si nous pouvons donner foi aux statistiques publiées sous le régime communiste). Présentement, le taux de chômage chez les Roms se situe aux environs de 60 % et, dans certaines zones rurales, il est même près de 90 %, alors que le taux général de chômage en Hongire est de 8,1 %. Les sources conviennent toutefois que la situation économique des Roms a quelque peu empiré depuis l'introduction de l'économie de marché, ce qui pourrait bien être l'une des principales raisons poussant certains Roms à quitter la Hongrie. Mais ces chiffres sont purement estimatifs, puisqu'il n'y a pas de données officielles précises au sujet de l'emploi des minorités ethniques ou nationales en Hongrie. M. Biro a dit pour sa part que beaucoup de Roms travaillent maintenant dans des marchés parallèles, gris ou noir, et qu'ils ne sont pas officiellement employés. Le gouvernement et les ONG font toutefois de grands efforts pour améliorer la situation. Selon M. Biro, la Fondation hongroise d'autodéveloppement a appuyé dans les 8 dernières années 450 projets générateurs de revenus avec un budget de 4 millions $US, provenant surtout de sources étrangères, mais en partie aussi du gouvernement hongrois. La Fondation publique des Tsiganes hongrois a reçu du gouvernement 1 million $US en quatre ans pour des projets générateurs de revenus pour les Roms, surtout pour les jeunes et les médias. Le gouvernement a consacré 1 milliard de HUF en 1996, 4 milliards en 1997 et 5,7 milliards en 1998 au programme des travaux communautaires; or, 40 % des personnes employées dans ce programme sont des Roms36. Plus de 20 millions de HUF ont été distribués à 27 collectivités de production et de subsistance agricoles et 30 millions sous forme de prêts sans intérêts ont été consentis à 50 entrepreneurs et cultivateurs privés roms37.. En 1996 et 1997, grâce à des programmes agricoles subventionnés, surtout par le gouvernement, de 7 000 à 8 000 familles romes ont reçu de l'aide, c'est-à-dire 40 000 personnes, pour débuter et maintenir une activité agricole. C'est dire que dans les deux dernières années, plus de 10 % de la population rome du pays, répartie dans environ 50 villages, ont eu recours à cette aide. La plupart des sources conviennent qu'il est trop tôt pour pleinement évaluer l'impact des mesures gouvernementales sur la situation des Roms. Tous sont d'accord pour dire qu'il s'agit d'un problème très complexe et que, même dans le meilleur des cas, il faudra beaucoup de temps pour pleinement redresser les discriminations et les injustices passées et surtout pour changer les perceptions populaires négatives à l'endroit des Roms en Hongrie. M. Adreas Biro estime que même s'il y a de lents progrès il est peu probable que le problème des Roms soit jamais résolu38. M. Farkas semble plus optimiste. Interrogé sur l'efficacité des initiatives du gouvernement et des ONG, il a répondu : [traduction] Il y a du pour et du contre. Je pense qu'en général on peut dire que c'est 50 : 50. D'un côté, je vois la volonté du gouvernement à aider les Tsiganes. Je vois aussi des organisations non gouvernementales s'attaquer de plus en plus activement à ce problème. Il y a donc une bonne chance qu'un consensus émerge et qu'on commence à opérer un changement positif dans la situation des Tsiganes. Le Human Rights Watch de 199639 s'exprime ainsi : [traduction] Le gouvernement hongrois a fait des efforts pour régler certains de ses problèmes les plus graves concernant les droits de la personne, surtout pour protéger les minorités. [...] Il continue toutefois d'y avoir d'importantes violations des droits de la personne, surtout contre la minorité rome. Les rédacteurs du rapport poursuivent : [traduction] [ ] En général, la Hongrie a été reconnue à l'échelle internationale comme ayant fait des progrès substantiels dans le domaine des droits de la personne et de l'édification d'institutions démocratiques. [...] La Hongrie a été jugée comme ayant rempli les conditions générales d'admission à l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), y compris le respect des droits de la personne, la démocratie et l'économie de marché ouvert. La Hongrie a aussi satisfait aux exigences générales pour appartenir à l'Union européenne, y compris aux exigences précises relatives au respect des droits de la personne. À notre avis, ces propos résument bien la situation actuelle de la minorité rome en Hongrie. Nous croyons que dans l'évaluation de la situation des Roms en tant que groupe et de la crainte objective des revendicateurs de retourner dans leur pays, les commissaires ne doivent pas fixer de normes irréalistes. Nous ne devons pas comparer la situation dans leur pays d'origine à quelque idéal utopique, pas toujours atteint dans notre propre pays, mais à des normes adéquates de protection des droits de la personne, normes qu'on peut raisonnablement exiger d'un pays démocratique. Nous ne devons pas, comme il est indiqué dans Smirnov40, imposer à d'autres États les normes auxquelles notre propre pays peut seulement aspirer parfois. Une analyse approfondie du témoignage des revendicateurs et des témoins ainsi que de toute la preuve documentaire nous amène à conclure qu'il existe toujours en Hongrie un préjugé antirom. Il existe des cas bien documentés de ségrégation et de traitement différent en éducation, des préjugés dans le logement, notamment des incidents d'éviction forcée, de la discrimination dans l'emploi, des cas d'indifférence et même de brutalité de la part de la police, des cas de traitement inégal par le système judiciaire, de la violence, des insultes et l'exclusion de Roms dans la vie de tous les jours. Par contre, nous avons aussi conclu que le gouvernement a adopté une vaste gamme de mesures législatives et concrètes en faveur des Roms. Bien qu'imparfaites et peut-être insuffisantes pour réparer dans un bref délai toutes les injustices accumulées depuis longtemps, ces mesures peuvent, à notre avis, être considérées en général comme valables pour redresser la situation des Roms en Hongrie. Quand des actes de discrimination se produisent, l'État est prêt à tenir les auteurs de ces actes légalement responsables, grâce à des mécanismes établis accessibles aux minorités nationales et ethniques, y compris aux Roms. Le Guide du HCR41 indique au paragraphe 54 que : Dans de nombreuses sociétés humaines, les divers groupes qui les composent font l'objet de différences de traitement plus ou moins marquées. Les personnes qui , de ce fait, jouissent d'un traitement moins favorable ne sont pas nécessairement victimes de persécutions. Ce n'est que dans des circonstances particulières que la discrimination équivaudra à des persécutions. Il en sera ainsi lorsque les mesures discriminatoires auront des conséquences gravement préjudiciables pour la personne affectée, par exemple de sérieuses restrictions du droit d'exercer un métier, de pratiquer sa religion ou d'avoir accès aux établissements d'enseignement normalement ouverts à tous. La preuve documentaire indique que l'État ne veut plus tolérer de traitement discriminatoire à l'endroit des Roms et qu'il prend des mesures concrètes pour obliger les responsables des violations des droits des minorités à rendre compte de leurs gestes. Notre analyse de toute la preuve nous amène à conclure que les Roms en tant que groupe ne sont pas ciblés pour être persécutés en Hongrie, ni par le gouvernement ni par les non-Roms. Comme membres de ce groupe, les revendicateurs n'ont donc pas établi un fondement objectif à leur crainte subjective de persécution. Le chef du Bureau du HCR à Budapest, M. Stefan Berlung, considère que, pour les Roms en Hongrie, l'expression « citoyen de second ordre » est trop forte et, d'après lui, « persécution » n'est pas non plus le terme qui convient 42. Il est possible, dans certaines circonstances particulières, qu'il y ait des cas individuels de Roms en Hongrie qui soient victimes d'actes de persécution ou de discrimination équivalant à de la persécution. Selon M. Biro, il n'y a effectivement aucune persécution ni persécution généralisée des Roms en Hongrie. Mais il y a des cas de violation des droits de la personne qui peuvent viser une famille ou une personne plusieurs fois pendant sa vie dans le pays. De façon analogue, M. Farkas croit que les Roms ne sont pas persécutés en Hongrie, mais, comme M. Biro, il n'exclut pas non plus qu'il puisse y avoir des cas d'individus pouvant prouver qu'ils ont été personnellement persécutés. Ce n'est toutefois pas le cas des revendicateurs qui sont devant nous. Violence contre les Roms et protection de l'État Gardant à l'esprit le fait que des violations des droits de la personne se produisent toujours en Hongrie, et compte tenu de la vaste preuve présentée, nous avons sentis l'obligation d'aborder aussi la question de la violence par des groupes extrémistes et de l'existence de la protection de l'État, même si ce n'était pas réellement nécessaire pour trancher le cas dont nous étions saisis. Dans Ward43,la Cour suprême du Canada a indiqué que : [...] le droit international relatif aux réfugiés a été établi afin de suppléer à la protection qu'un État doit fournir à son ressortissant. Il ne devait s'appliquer que si la protection ne pouvait pas être fournie, et même alors, dans certains cas seulement. Cette protection, selon Ward, doit toutefois être « raisonnablement assurée » et la preuve à ce sujet peut comporter le « témoignage de personnes qui sont dans une situation semblable et que les dispositions prises par l'État pour les protéger n'ont pas aidées ou son propre témoignage au sujet d'incidents personnels antérieurs au cours desquels la protection de l'État ne s'est pas concrétisée. » Ward a introduit la présomption que les nations sont capables de protéger leurs citoyens, à moins qu'il y ait « effondrement complet de l'appareil étatique ». Si ce n'est pas le cas, il faut « confirmer d'une façon claire et convaincante l'incapacité de l'État d'assurer la protection. » La norme de preuve est d'une certaine façon proportionnelle à l'ampleur de la démocratie dans un pays donné. Dans Kadenko44, la Cour fédérale a indiqué : [traduction] Le fardeau de la preuve que doit assumer le demandeur est en quelque sorte directement proportionnel à l'ampleur de la démocratie dans l'État en question : plus les institutions étatiques sont démocratiques, plus le demandeur doit avoir épuisé tous les recours qui lui sont offerts. Selon Zalzali45, il faut fournir une protection qui « sans être nécessairement parfaite soit adéquate. » Nous pouvons trouver d'autres indications au sujet de la norme de protection attendue des États dans Villafranca46. Aucun gouvernement qui professe des valeurs démocratiques ou affirme son respect des droits de la personne ne peut garantir la protection de chacun de ses citoyens en tout temps. Ainsi donc, il ne suffit pas que le demandeur démontre que son gouvernement n'a pas toujours réussi à protéger des personnes dans sa situation. [...] Par contre, lorsqu'un État a le contrôle efficient de son territoire, [...] le seul fait qu'il n'y réussit pas toujours ne suffit pas à justifier la prétention que les victimes du terrorisme ne peuvent pas se réclamer de sa protection. Dans Smirnov47, le juge Gibson indique : Il est également difficile premièrement d'enquêter efficacement sur des agressions commises au hasard, comme celles subies par les [revendicateurs], où les agresseurs ne sont pas connus de la victime et dont aucun tiers n'a été témoin et deuxièmement de protéger efficement la victime contre ses agresseurs. Dans de tels cas, même la police la plus efficace, la mieux équipée et la plus motivée aura de la difficulté à fournir une protection efficace. Notre Cour ne devrait pas imposer à d'autres pays une norme de protection « efficace » que malheuresement la police de notre propre pays ne peut parfois qu'ambitionner d'atteindre. Dans Kadenko48, le juge indique en outre que le refus de certains agents de police d'agir ne peut en soi rendre l'État incapable de protéger ses citoyens. Le revendicateur doit faire plus que simplement montrer qu'il est allé voir certains membres des forces de police et que ses efforts ont été vains. Il n'y a pas de doute que la Hongrie est maintenant un pays démocratique appliquant la primauté du droit et qu'elle a mis en place un cadre normatif et administratif afin de protéger les droits fondamentaux de ses citoyens, dont des dispositions spéciales concernant les droits des minorités nationales et ethniques, notamment ceux de la minorité rome. Toutes les sources sont d'accord pour dire que les attitudes sociales, les perceptions individuelles et le comportement institutionnel sont en retard sur les mesures législatives et administratives. Au sujet de la violence par des groupes extrémistes, les attentats contre des Roms et des étrangers appartenant aux minorités visibles perpétrés par des skinheads et d'autres groupes extrémistes ont atteint leur apogée en 1991, mais ils ont régulièrement diminué dans les dernières années. Les U.S. Country Reports de 1997 mentionnent trois attentats racistes en 1997, l'un contre un Rom et deux contre des étrangers. Selon la Martin Luther King Organization, citée dans les mêmes US Country Reports, six agressions contre des non-Blancs se sont produites dans les six premiers mois de 1996; en 1995, il y en a eu au total sept. Il se peut que certaines agressions n'aient pas été signalées. En 1995, le nombre de skinheads en Hongrie se situait entre 4 500 et 5 000, alors que maintenant les sources parlent d'au plus et peut-être de moins de 1 000 skinheads et néonazis actifs en Hongrie. Ils sont surtout concentrés à Budapest, Eger, Miskolc et Szeged, bien qu'ils soient très mobiles et qu'ils puissent surgir n'importe où. En 1996, afin de permettre des poursuites plus efficaces, de nouvelles dispositions ont été ajoutées au Code pénal au sujet des crimes à caractère raciste. Selon l'article 156, la violence faite à des individus au motif de leur nationalité, de leur ethnicité ou de leur religion est un crime punissable d'au plus cinq ans de prison dans les cas « simples » et d'au plus huit ans dans les agressions « qualifiées » (avec l'utilisation d'armes par exemple). D'autres articles du Code pénal hongrois concernent les minorités, notamment l'article 174B, violence contre un membre d'un groupe national, ethnique, racial ou religieux, et l'article 269, incitation à la violence contre une communauté (punissable d'au plus trois ans de prison). Il y a aussi des dispositions concernant le génocide et l'apartheid.49. Selon le Bureau de défense juridique des minorités nationales et ethniques (NEKI), environ huit causes classées comme étant à caractère raciste se trouvent actuellement devant les tribunaux hongrois. NEKI indique toutefois que la loi n'est pas appliquée correctement, surtout à l'étape de l'enquête, en raison du manque d'expérience du procureur et de la police dans de tels cas. Selon Marta Pardavi, du Comité Helsinki hongrois, « depuis 12 à 18 mois, la police et les procureurs semblent plus enclins à engager des poursuites dans les cas de crimes à caractère raciste. »50 Les auteurs du Human Rights Watch World Report de 199651, considèrent qu'il : [traduction] [...] continue d'y avoir un nombre considérable de violations des droits de la personne, surtout contre la minorité rome. La brutalité et les mauvais traitements de la police contre les personnes en détention continuent aussi d'être un sujet de préoccupation. [...] Les Roms continuent d'être l'objet d'un profil évident de discrimination ouverte par la société et le gouvernement dans l'éducation, le monde du travail, le logement et l'accès aux établissements publics. En outre, les actes de violence par des particuliers ont souvent été ouvertement appuyés ou passivement tolérés par la police et les enquêteurs au criminel. Quand les enquêtes ont finalement abouti à des accusations au criminel, celles-ci ont été habituellement beaucoup moins importantes que les faits ne l'auraient justifié. Très souvent, les procureurs nient que les attentats violents contre des Roms sont à caractère raciste, diminuant ainsi de beaucoup la peine maximale pour la condamnation, ce qui n'arriverait pas si le racisme était reconnu comme un facteur de motivation. [...] Les Roms sont plus susceptibles de faire l'objet d'un traitement discriminatoire dans le processus judiciaire, restant plus longtemps en détention avant le procès et se voyant imposer des sentences plus élevées quand ils sont condamnés. Ce qui semble toutefois indiquer un changement de situation en Hongrie, poursuit le Human Rights Watch, c'est le fait que les victimes romes semblent de plus en plus déterminées à chercher des recours contre de telles violations en s'adressant au système judiciaire52. Nous considérons que cette évaluation de la situation est assez juste pour 1996. Toutefois, des sources plus récentes ainsi que des témoins signalent certains progrès dans divers secteurs de la protection. Par exemple, selon Zoltan Barany, les dispositions sur les crimes à caractère raciste sont maintenant utilisées efficacement en Hongrie, même si, selon lui, le ministère de la Justice devrait faire plus pour inciter les tribunaux locaux à invoquer ces dispositions plus souvent. À son avis, la police et l'appareil judiciaire améliorent régulièrement la protection accordée aux Roms. Il prétend que la situation est certainement meilleure qu'il y a 8 ou 9 ans. Dans l'introduction du « White Booklet »53, M. Istvan Szikinger, spécialiste de la police hongroise, collaborant avec l'Institut des politiques constitutionnelles et législatives à Budapest, reconnaît que : [traduction] [ ] dans la majorité des cas signalés, il est difficile d'établir des intentions ou des résultats discriminatoires explicites. NEKI lui-même admet cette difficulté, par exemple dans la description du cas J.O. C'est un fait que la police maltraite aussi les membres de la majorité, par conséquent l'origine ethnique des victimes d'actes de violence commis par les autorités ne prouve pas la discrimination en soi. Le professeur Barany indique que : [traduction] [...] dans les temps difficiles aux environs de 1989 et 1990, beaucoup d'agents de police locaux partageaient presque certainement les sentiments antiroms que l'on retrouvait dans la population en général et pourraient ne pas avoir été vigilants dans leurs efforts pour combattre la violence raciale, la discrimination contre les Roms et les activités des skinheads. La situation a toutefois changé, en partie à cause de la publicité générée par de tels attentats et incidents et parce que la Hongrie ne peut se permettre d'avoir une mauvaise réputation si elle veut intégrer les structures européennes ou l'Union européenne (UE). Bien qu'il y ait eu des exceptions, depuis 1991, la tendance générale se traduit par une vigilance accrue de la part des agents d'application de la loi qui cherchent à contrôler les skinheads et les groupes néonazis. La police a reçu un message ferme de la part du ministère de l'Intérieur indiquant que les agents qui ne remplissent pas leurs fonctions seront punis, congédiés, etc..54. Les U.S. Country Reports on Human Rights Practices de 199755 indiquaient qu'un total de 164 agents de police avaient été accusés de violence physique en 1995 (dernière donnée disponible), soit trois fois plus qu'en 1994. M. Farkas a indiqué que dans une large mesure la violence par la police a cessé. Selon les témoins et diverses autres sources, les Roms disposent maintenant de moyens pour intenter des appels judiciaires et demander réparation et ils peuvent même s'adresser à la Cour européenne de justice à Strasbourg. Depuis 1989, un certain nombre de bureaux nationaux et internationaux de défense juridique des Roms ont été constitués.56. D'autres ONG de défense des droits de la personne, les instances locales et nationale d'autonomie gouvernementale rome et des ONG ainsi que les médias roms ont joué un rôle important pour informer les Roms de leurs droits et les aider à obtenir une plus grande protection. Le NEKI a noté que l'attitude des autorités policières et judiciaires s'améliore lorsqu'une organisation de défense des droits civils intervient dans une affaire concernant des Roms. [...] Un nombre croissant de personnes font appel aux organisations de défense des droits de la personne pour intenter une action lorsqu'elles sont victimes de discrimination ou de mauvais traitements.57 Les organisations romes et les associations de défense des droits de la personne sont parfois déçues de la réaction des policiers et du système judiciaire. Elles ont toutefois remporté d'importants succès dont on a fait grand bruit comme la condamnation en 1997 d'un propriétaire de bar qui avait refusé de servir un client rom (l'affaire Goman), et l'interdiction de l'utilisation de la Benzidine sur des gens, après une plainte déposée par NEKI indiquant que ce produit chimique avait été utilisé par un agent de police sur un détenu rom, et d'autres exemples dont il est question dans le « White Booklet »58 de NEKI et dans d'autres sources. D'après le « White Booklet », en 1997 cet ONG a reçu 105 plaintes. La discrimination a été établie dans 27 de ces plaintes, et la présumée violation des droits attribuée à la police dans 8 cas, aux gouvernements locaux dans 5 cas, aux groupes communautaires locaux dans 4 cas, à des particuliers dans 5 cas et à d'autres dans 5 cas. L'avocat a présenté plusieurs exemples de brutalité commise par la police ainsi que des actes de violence et de la discrimination grave de la part de la société contre des Roms, exemples qui figurent dans d'autres documents que les commissaires peuvent consulter. Ces comptes rendus décrivent par ailleurs les actions entreprises par les organisations romes et les associations de défense des droits de la personne avec les autorités, comme il est indiqué ci-dessus, pour redresser la situation. Ces exemples démontrent à notre avis que même si la violation des droits de la personne se produit encore, la protection est maintenant disponible de façon générale, bien qu'elle ne soit pas toujours à l'entière satisfaction du plaignant et des défenseurs des droits civils. M. Kaltenbach s'est occupé d'un certain nombre d'actes de brutalité commis par la police. Il a été possible de prouver les mauvais traitements, a-t-il dit, de condamner certains agents de police et d'obliger ainsi la police à rendre compte de ses gestes. Rien n'empêche les Roms de se faire représenter s'ils sont l'objet de discrimination, a dit M. Farkas, mais il y a des gens qui ne connaissent pas les possibilités qui leur sont offertes. C'est pourquoi l'aide juridique fournie par des ONG est si importante. M. Biro a convenu que l'existence d'ONG aidant les Roms dans leurs rapports avec le système judiciaire est très utile à cette étape-ci. Le professeur Subtelny et M. Kaltenbach estiment que les ONG jouent un rôle important pour regrouper les exigences des Roms et qu'ils viennent compléter les structures gouvernementales pour aider les Roms à formuler leurs plaintes et à se faire représenter par un avocat. Même si les Roms ne chercheront pas à obtenir une protection contre des injustices mineures, dans les cas les plus graves, selon M. Barany, ils chercheront habituellement l'aide de la police59. Il y a encore de graves préjugés antiroms chez les agents de police60. Pressés par la communauté européenne et par les organisations locales de défense des droits de la personne, la police hongroise et le ministère de l'Intérieur ont mis en place plusieurs programmes destinés à faire en sorte que plus de Roms s'adressent aux forces de police, en donnant une formation appropriée aux agents de police et aux cadets de l'Académie de police et en mettant en branle des projets pilotes sur les rapports entre la police et les Roms comme celui qui donne de bons résultats dans le comté de Nograd depuis 1996. Selon M. Farkas, il y a maintenant de 40 à 50 policiers roms en Hongrie, 35 jeunes Roms étudient à l'Académie de police, avec une aide financière du ministère de l'Intérieur. D'après la déclaration de M. Holtzl, durant l'année scolaire de 1996-1997, le siège social national de la police a consacré 2 millions de HUF aux étudiants roms du secondaire pour qu'ils joignent les rangs de la police. Les US Country Reports indiquent que : [traduction] La police et le ministère de l'Intérieur travaillent pour changer l'image autoritaire de la police, et les organisations de défense des droits de la personne nous signalent que la police est en général plus coopérative avec les instances externes qui suivent le comportement des policiers. Ces efforts sont gênés parfois par de faibles salaires et un manque de ressources physiques.61 En juillet 1997, la Commission européenne a publié un rapport intitulé « Agenda 2000 : Commission Opinion on Hungary's Application for Membership of the European Union »62. Selon ce rapport : [...] l'accès à la justice est garanti en Hongrie [...] Les droits de la défense semblent bien assurés, sauf pour certaines catégories d'étrangers et les Tsiganes qui ont de la difficulté à faire valoir leurs droits devant la loi. [...] bien que certaines améliorations doivent être encore faites, des progrès ont été effectués avec les mesures que le gouvernement a prises récemment pour assurer la justice et la protection des Roms. En nous fondant sur l'analyse qui précède, nous sommes arrivés à la conclusion que, en général, malgré certaines difficultés qui existent encore, l'État hongrois veut et peut offrir à ses minorités, y compris aux Roms, une protection qui, sans être parfaire est adéquate. DÉCISION Pour tous les motifs susmentionnés, nous concluons que les revendicateurs ne se sont pas acquittés du fardeau de la preuve et n'ont pas établi qu'ils s'exposent à une possibilité raisonnable ou sérieuse de persécution au motif de leur nationalité rome ou de leur appartenance à un groupe social particulier s'ils retournent en Hongrie. Nous décidons donc que les revendicateurs XXXXXX XXXXXX fils, sa conjointe de fait, XXXXX XXXXXXXXX, leur fille, XXXXXXX XXXXXX, ses deux jeunes frères, XXXXXX XXXXXX et XXXXX XXXXXX, et son père XXXXXX XXXXXX XXXXXX, ne sont pas des « réfugiés au sens de la Convention » comme il est défini au paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration. Barbara Berger Y a souscrit : Fait à Toronto, le 1999. ![]()
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