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Le Ministère

Examen de la légitime défense

RAPPORT FINAL

11 juillet 1997

Présenté au
MINISTRE DE LA JUSTICE DU CANADA
et au
SOLLICITEUR GÉNÉRAL DU CANADA


Lettre d'accompagnement du rapport final

Examen de la légitime défense

Le 11 juillet 1997

Madame Anne McLelland, c.p., députée
Ministre de la Justice et
Procureur général du Canada
Ministère de la Justice
239, rue Wellington
Ottawa (Ontario)
K1A 0H8

Monsieur Andy Scott, c.p., député
Solliciteur général du Canada
Immeuble Sir Wilfrid Laurier
340, avenue Laurier ouest
Ottawa (Ontario)
K1A 0P8

Madame la Ministre,
Monsieur le Ministre,

J'ai le plaisir de vous présenter mon troisième rapport, le Rapport final. Il marque l'achèvement du mandat qui m'avait été confié, à savoir procéder à l'Examen de la légitime défense.

Veuillez agréer, Madame la Ministre et Monsieur le Ministre, l'assurance de ma très haute considération.

Le juge Lynn Ratushny



Remerciements

Je suis reconnaissante envers les personnes et les organismes dont les noms suivent ainsi qu'à tous les autres qui, dans l'ensemble du Canada, nous ont donné généreusement leur temps pour nous fournir leur aide :

Christine Boyle
Mary Campbell
Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry
Susan Chapman
Jo-Ann Connolly
Fonctionnaires de Service correctionnel Canada
Andrée Côté
Liza Daniel
Procureurs de la défense
Ministère de la Justice du Canada
Sociétés Elizabeth Fry
Sylvie Frigon
Patrick Healy
Susan Hendricks
Natalie Isaacs
Michael Jackson
Sharon Kennedy
Lee Lakeman
Sharon MacIver
Allan Manson
Ministère du Solliciteur général du Canada
Ministère de la sécurité publique
Patricia Monture-Okanee
Sheila Noonan
David Paciocco
Dr. Nathan Pollock
Ministères de la Justice des provinces et des territoires
Dr. Fred Shane
Elizabeth Sheehy
Mary Ellen Turpel-Lafond


Équipe chargée de l'Examen de la légitime défense

Présidente : Juge Lynn Ratushny
Conseiller juridique : James W. O'Reilly
Conseillères juridiques adjointes : Jacqueline Palumbo
Lisa Clifford
Sally Keilty
Paula MacPherson
Conseillères juridiques des requérantes : Anne Derrick
Michelle Fuerst
Élise Groulx
Bonnie Missens
Administratrice : Céline Carrier



Mandat de l'équipe chargée de l'Examen de la légitime défense

Au cours des dernières années, notre compréhension des règles applicables à la légitime défense a évolué en ce qui a trait aux femmes victimes de mauvais traitements dans le cadre de relations personnelles empreintes de violence. On s'inquiète du fait que certaines femmes reconnues coupables d'homicide n'ont peut-être pas eu la possibilité d'invoquer la légitime défense alors que les circonstances le permettaient.

Nous comprenons également mieux les relations empreintes de violence et leurs conséquences sur les personnes victimes de mauvais traitements, et la façon dont cet élément peut renforcer l'utilisation de ce moyen de défense. On s'est également demandé dans quelles circonstances ces types d'infractions se produisaient et si notre droit pénal, notre régime de peines et nos outils de détermination de la peine étaient appropriés dans ces circonstances.

Par conséquent, le juge Lynn Ratushny de la Cour de l'Ontario (division provinciale) est chargée :

- d'examiner les dossiers des femmes incarcérées dans les établissements fédéraux et provinciaux, qui ont présenté une demande de redressement et qui purgent une peine pour un homicide commis dans des circonstances où il est allégué que la mort a été causée pour empêcher, qu'avant son décès, l'agresseur ne cause des lésions corporelles graves ou la mort;

- de faire des recommandations au gouvernement du Canada, dans les cas appropriés, à l'égard des femmes dont le dossier devrait être étudié en vue d'exercer la prérogative royale de clémence;

- de préciser l'admissibilité et la portée des moyens de défense pouvant être invoqués par les femmes accusées d'homicide dans les circonstances énoncées ci-dessus;

- de faire les recommandations qu'il juge appropriées sur les initiatives de réforme du droit que pourrait suggérer l'examen effectué.

Le juge Ratushny aura le pouvoir :

- d'adopter les procédures et les méthodes qu'il jugera utiles pour mener à bien ses enquêtes;

- d'embaucher le personnel et les conseillers techniques selon qu'il le jugera nécessaire ou souhaitable, et de retenir les services d'avocats en vue de l'aider à effectuer ses enquêtes, aux taux de rémunération et d'indemnisation approuvés par le Conseil du Trésor.


Avant-propos -- Aux requérantes

J'ai abordé les responsabilités qui m'ont été confiées aux termes de l'Examen de la légitime défense de la même façon que je m'acquitte de mon rôle de juge. Je m'efforce de garder à l'esprit un passage que le romancier anglais G.K. Chesterton a écrit, après avoir siégé comme juré, sur les êtres humains derrière les données statistiques et le système :

[TRADUCTION] C'est une tâche terrible que de soumettre un homme à la vengeance des hommes. C'est néanmoins une tâche à laquelle l'homme peut s'habituer, comme il s'habitue à d'autres choses horribles... Et ce qui est terrible chez les fonctionnaires judiciaires, les avocats, les enquêteurs et les policiers, ce n'est pas qu'ils soient méchants (en fait, certains sont très bons) ou stupides (bon nombre sont très intelligents), c'est simplement qu'ils ont fini par s'habituer. À strictement parler, ils ne voient plus le prisonnier au banc des accusés, tout ce qu'ils voient c'est que, comme d'habitude, il y a un homme à l'endroit habituel. Ils ne voient pas la salle d'audience : ils ne voient plus qu'un lieu où ils travaillent.

La même chose s'applique, il va sans dire, lorsqu'une femme se retrouve au banc des accusés. Ce passage nous invite à ne pas oublier la dimension humaine du droit et à nous efforcer de voir les choses selon le point de vue des personnes qui ont des démêlés avec la justice.

eu importe les milliers de mots que j'ai lus dans le cadre de l'Examen de la légitime défense et les principes juridiques appliqués, j'ai toujours eu conscience que je scrutais en fait la vie des gens -- vie bien souvent remplie d'abus, de misère et de tragédies, qui, en bout de ligne, a mené à la perte de la vie d'autrui. Toutes les requérantes qui ont fait appel à moi, indépendamment du fait qu'elles aient été considérées comme une << bonne >> ou une << mauvaise >> personne au moment de l'homicide, avaient le droit de se défendre. C'est sur cela qu'a porté l'Examen de la légitime défense : le respect de la dignité de la personne et des vies en cause ainsi que la question de la légitime défense. Il n'y avait ainsi donc aucune place pour les préjugés sur le genre de vie que les requérantes avaient menée. La plupart de ces dernières n'ont eu aucun choix. Ma mission à moi consistait simplement à tenter de comprendre une tranche de vie de chacune d'elles et de me mettre à sa place au moment de l'homicide.

Je tiens à exprimer ma gratitude envers les requérantes qui ont eu le courage de me révéler, comme l'une d'entre elles l'a si bien dit, tous les << coins et recoins >> de leur vie intime. Je sais que ce n'est jamais facile pour qui que ce soit, et encore moins pour les personnes vulnérables et privées de leurs moyens. Je reconnais que toutes les requérantes, en me présentant leur demande, ont couru un risque, à savoir le risque de se donner un espoir puis d'être amèrement déçues du fait que je ne pouvais les aider. Je me suis efforcée d'aider sur le plan humain et de traiter avec respect les requérantes que je n'ai pu aider sur le plan juridique. Cela a peut-être été la partie la plus difficile du processus : tenter de comprendre la situation tragique de chacune de ces femmes puis, en bout de ligne, ne réussir à en aider que quelques-unes.

Je souhaite que le lecteur sache que l'Examen de la légitime défense a été beaucoup plus qu'une analyse aride de notions juridiques abstraites. Pour toutes les personnes qui y ont participé, l'Examen a, en fait, été d'abord et avant tout une expérience humaine unique et émouvante. Que toutes les requérantes qui ont souffert durant leur vie puissent un jour trouver l'espoir!


Résumé du rapport final

Le présent rapport final est le troisième rapport que je présente. Mon Premier rapport provisoire - Les femmes incarcérées a été remis le 6 février 1997. Il comprenait deux volumes -le premier décrivait le processus suivi, la norme d'examen et contenait des recommandations générales, tandis que le deuxième contenait six résumés de dossier confidentiels et des recommandations détaillées. Mon Deuxième rapport provisoire - Les femmes non incarcérées a été présenté le 9 juin 1997 et contenait uniquement le résumé de dossier d'une requérante dont j'avais accepté la demande et la recommandation la concernant. Je n'ai pas encore reçu de réponse de la part du ministère de la Justice ou du Solliciteur général ni à mon Premier rapport provisoire ni à mon Deuxième rapport provisoire. Le rapport final reprend en partie les sujets qui étaient abordés dans le premier volume de mon premier rapport provisoire et, conformément à mon mandat, contient également des propositions de réforme du droit.

Chapitre 1 - Introduction et aperçu de la procédure d'examen

L'Examen a été effectué en six étapes :

Étape 1: Organisation
Étape 2: Services d'approche des requérantes potentielles de l'Examen de la légitime défense
Étape 3: Première sélection et nomination de conseillères juridiques régionales pour les requérantes
Étape 4: Élaboration et analyse des dossiers
Étape 5: Interviews en personne, conclusions et recommandations
Étape 6: Rapports

Il était important, à mon sens, d'essayer de rejoindre toutes les femmes qui auraient pu être admissibles à l'Examen conformément à mon mandat. J'ai donc envoyé un dossier initial de demande à toutes les femmes qui purgeaient une peine pour homicide au Canada, soit 236, en tout. Quatre-vingt-dix-huit formules de demandes remplies ont été retournées. J'ai maintenant achevé mon examen de ces 98 dossiers.

Chapitre 2 - La portée et l'importance de l'arrêt Lavallée

L'importance de la décision qu'a prononcée la Cour suprême du Canada en 1990 dans l'affaire Lavallée qui a marqué un tournant sur le plan des règles de la légitime défense réside, d'après moi, dans le fait que la Cour a étendu les catégories de preuve qui peuvent être prises en considération pour établir les éléments juridiques de ce moyen de défense. La Cour a en effet reconnu que les antécédents, les circonstances et les perceptions de l'accusée devaient être prises en considération lorsqu'il s'agit de déterminer si l'accusée pensait réellement qu'elle risquait de subir la mort ou des lésions corporelles graves et qu'elle était obligée d'utiliser la force pour se défendre, ainsi que pour déterminer le caractère raisonnable de ses croyances.

Bien entendu, l'arrêt Lavallée est particulièrement important pour ce qui est de la légitime défense lorsqu'elle est invoquée par des femmes. Le juge Wilson reconnaît que la taille, la force, la socialisation et le manque d'entraînement des femmes sont des éléments dont il faut tenir compte pour évaluer si elles étaient justifiées à employer la force. Il demeure toutefois que l'approche utilisée pour analyser la légitime défense s'applique quelles que soient les circonstances dans lesquelles l'accusée invoque la légitime défense. En fait, cette analyse a été appliquée à des hommes, même si c'est dans un contexte différent.

Mon mandat ne limitait pas mon examen aux seuls cas où se manifestait << le syndrome de la femme battue >>. Ma tâche consistait à examiner les dossiers dans lesquels la requérante alléguait qu'elle avait tué en réaction aux menaces du défunt. Cela comprenait bien entendu les situations comparables à celles de l'affaire Lavallée mais ne me limitait pas nécessairement à ce type d'affaires. C'est pourquoi j'ai examiné la question de la légitime défense dans des circonstances très variées. Ce faisant, j'ai appliqué ce qui me paraissait être l'approche adoptée par la Cour suprême du Canada dans Lavallée et j'ai tenu compte de l'effet que pouvaient avoir sur ses croyances les antécédents de la femme, y compris les mauvais traitements subis par elle, le cas échéant.

Chapitre 3 - Norme d'examen

Une des premières questions de fond qu'il fallait aborder dans le cadre de l'Examen de la légitime défense consistait à déterminer la norme d'examen qu'il convenait d'appliquer aux demandes qui m'étaient présentées. Cette question pouvait également être formulée de la façon suivante : dans quelle mesure devais-je être convaincue du bien-fondé d'une demande pour pouvoir recommander une mesure de redressement?

Je voulais m'assurer que, grâce à la norme d'examen choisie, les recommandations que j'allais formuler auraient une base factuelle et juridique solide. Avec une norme trop lâche, les ministres n'auraient pas eu l'assurance que les dossiers dans lesquels les femmes avaient invoqué la légitime défense et pour lesquels j'avais formulé les recommandations étaient suffisamment solides pour résister à un examen indépendant. Après avoir créé l'Examen de la légitime défense pour déterminer s'il y avait des femmes qui avaient été déclarées coupables d'homicide alors qu'elles avaient peut-être agi en état de légitime défense, les ministres devaient être assurés que les recommandations que j'avais formulées dans certains dossiers reposaient sur une base solide. Seule une norme d'examen stricte pouvait donner aux ministres une telle assurance.

Le caractère strict de la norme utilisée découle de trois aspects distincts de cette norme. Tout d'abord, j'ai appliqué une série de normes progressives (qualifiées plus loin de << normes minimales >>) pour écarter les dossiers qui manquaient de substance. Deuxièmement, j'ai appliqué une définition rigoureuse de la légitime défense selon laquelle je devais disposer d'éléments de preuve fiables relatifs à tous les éléments juridiques distincts de la légitime défense. Troisièmement, j'ai appliqué une dernière norme aux cas qui respectaient toutes les normes antérieures. Cette norme finale consistait à apprécier l'ensemble des éléments de preuve concernant la légitime défense. Si ces éléments de preuve étaient suffisants pour que je sois convaincue que la requérante aurait été acquittée si elle avait été jugée par un jury raisonnable qui aurait correctement appliqué la loi, alors j'ai recommandé que la requérante obtienne un pardon. Je n'ai recommandé le pardon que lorsqu'il m'est apparu évident qu'aucun jury raisonnable n'aurait condamné la requérante, compte tenu des éléments de preuve que j'avais en ma possession.

J'ai en fait utilisé une série de normes que l'on peut résumer de la façon suivante :

- Est-ce que l'allégation de légitime défense de la requérante
a) a une apparence de vraisemblance;
b) s'appuie sur une preuve raisonnablement digne de foi;
c) comporte des éléments de preuve raisonnablement dignes de foi qui concernent les éléments juridiques essentiels de la légitime défense énumérés en d) qui sont nouveaux ou dont l'importance n'a pas été appréciée correctement au moment de la condamnation de la requérante (pour les condamnations postérieures à l'arrêt Lavallée);
(d) comporte des éléments de preuve raisonnablement dignes de foi concernant chacun des éléments juridiques essentiels de la légitime défense (en utilisant, pour les fins de ce résumé, la définition 1 de la légitime défense utilisée pour l'Examen de la légitime défense), à savoir, des éléments de preuve établissant que

(i) la requérante a été illégalement agressée par le défunt ou croyait réellement que le défunt l'agressait illégalement ou allait le faire;
(ii) la requérante croyait réellement qu'elle risquait la mort ou des lésions corporelles graves de la part du défunt;
(iii) la requérante croyait réellement qu'il était nécessaire de causer la mort ou des lésions corporelles graves pour se protéger;
(iv) chacune des convictions de la requérante aux termes des alinéas (i), (ii) et (iii) était raisonnable dans le sens qu'elle ne constituait pas un écart marqué par rapport à ce qu'une personne ordinaire sobre aurait cru si elle s'était trouvée dans les circonstances dans lesquelles s'est produit le meurtre, telles que la requérante les percevait, et les circonstances qui doivent être prises en compte pour déterminer ce qui précède sont les circonstances qui ont pu influencer les convictions de la requérante notamment
A. les antécédents de la requérante, y compris les mauvais traitements antérieurs subis par elle;
B. la nature, la durée et les antécédents de la relation entre la requérante et le défunt, y compris les actes antérieurs de violence ou les menaces de la part du défunt, qu'ils aient visé la requérante ou des tiers;
C. l'âge, la race, le sexe et les caractéristiques physiques du défunt et de la requérante;
D. la nature et l'imminence de la force utilisée ou menacée de l'être par le défunt;
E. les moyens dont la requérante disposait pour réagir à l'agression, notamment ses capacités mentales et physiques et l'existence de solutions autres que le recours à la force;
F. tout autre facteur pertinent;
(e) compte tenu de l'ensemble des autres éléments de preuve présentés, aurait pu ou dû créer un doute raisonnable dans l'esprit d'un juge des faits raisonnable ayant reçu des directives appropriées concernant les règles de droit applicables?

En plus des normes précédentes, j'ai examiné les dossiers où les éléments de preuve relatifs à la légitime défense dont je disposais auraient pu avoir un effet sur la peine imposée à la femme et non sur sa condamnation. Dans ces cas-là, j'ai appliqué la norme suivante :

(a) Existe-t-il de nouveaux éléments de preuve relatifs à la légitime défense ou des éléments dont l'importance n'a pas été suffisamment appréciée?
(b) Ces éléments de preuve sont-ils raisonnablement dignes de foi?
(c) Ces éléments de preuve auraient-ils dû ou pu avoir un effet sur l'infraction dont la requérante a été déclarée coupable ou sur sa peine?

Chapitre 4 - Résumé des 98 dossiers et recommandations

En fin de compte, j'ai proposé des recommandations concernant 7 des 98 requérantes. Ces recommandations peuvent être résumées de la façon suivante :

Redressement recommandé dans le cadre de l'Examen de la légitime défense

STATUT ACTUEL DE LA REQUÉRANTE

PARDONS

(lorsque l'allégation de légitime défense présentée par la requérante a été retenue)

REMISES DE PEINE

(lorsque l'allégation de légitime défense présentée par la requérante n'a pas été retenue mais que les éléments de preuve concernant la légitime défense établissent la provocation)

NOUVEAUX APPELS

(lorsque l'allégation de légitime défense de la requérante n'a pas été retenue mais que les éléments de preuve concernant la légitime défense concernent une question juridique qui devrait être soumise à une cour d'appel)

Libérée - Peine purgée
2


Libérée - Libération conditionnelle
1
1

En détention - droit à la libération conditionnelle

2

En détention - pas de droit à la libération conditionnelle


1
Total
3
3
1


Chapitre 5 - Possibilités de réforme

1. Problèmes juridiques révélés par l'Examen de la légitime défense

Conformément à mon mandat, j'ai examiné les aspects des règles de la légitime défense qui pouvaient être améliorés. J'ai constaté que les règles actuelles de la légitime défense soulevaient deux problèmes principaux :

a) Complexité des règles de la légitime défense

Lorsque j'ai relu les transcriptions des exposés donnés aux jurés dans des procès pour homicide, je me suis rendu compte que très souvent les membres des jurys ont dû être complètement perdus. Si les membres des jurys sont souvent déroutés par les règles de la légitime défense, cela ne veut pas dire nécessairement que les exposés des juges ne sont pas clairs. En fait, j'ai été impressionnée par la qualité et la clarté de la plupart des exposés que j'ai lus. C'est la nature des règles elles-mêmes qui explique la plupart du temps que les exposés donnés aux jurés contiennent parfois des erreurs. Les juges doivent en effet expliquer en quelques heures, aux membres du jury, toutes les subtilités de ces questions ainsi que les rapports entre elles, tout en rappelant les faits qui se rapportent à chacune.

b) Manque de principes directeurs

Il existe deux aspects pour lesquels j'estime que les juges et les jurés qui examinent des cas de légitime défense auraient besoin de principes directeurs. Le premier concerne le sens de l'expression << caractère raisonnable >>. J'estime qu'il serait utile de préciser cette norme en l'incluant expressément dans la définition de la légitime défense. Je pense que les jurés devraient comprendre et seraient capables d'appliquer facilement la norme du << caractère raisonnable >> que je propose, c.-à-d. qu'un comportement raisonnable serait défini comme étant une conduite qui ne constitue pas un écart marqué par rapport à ce qu'une personne ordinaire aurait fait dans des circonstances comparables. Le deuxième aspect à considérer est, d'après moi, celui des circonstances dont il faut tenir compte pour apprécier le caractère raisonnable du comportement en utilisant cette norme. J'ai appliqué l'élément subjectif du moyen de défense et la norme du caractère raisonnable tels que définis par les règles actuelles, compte tenu de l'arrêt Lavallée, en tenant compte de la perspective de la requérante - c'est-à-dire en examinant les circonstances dans lesquelles elle se trouvait et en tenant compte de ses antécédents et de son expérience. Cela a permis d'apprécier de façon équitable si la requérante était justifiée d'utiliser la force qu'elle a en fait utilisée, ce qui est le principal but de la disposition en matière de légitime défense.

2. Nouvelles règles en matière de légitime défense

Les nouvelles règles de la légitime défense devraient avoir les caractéristiques suivantes :

1. Elles devraient être complètes - il n'est pas nécessaire que le Code contienne, comme c'est le cas actuellement, toute une série de dispositions relatives à la légitime défense. Ces règles devraient être regroupées dans une seule disposition.

2. Elles devraient être simples - il conviendrait de simplifier et d'éliminer, lorsque cela est possible, les diverses conditions contenues dans les dispositions actuelles (p. ex., le par. 34(2) et l'art. 35 du Code criminel).

3. Elles devraient être claires - les éléments objectifs et subjectifs devraient être clairement définis, tout comme le sens du volet objectif (c.-à-d. le caractère raisonnable) et les facteurs dont il faut tenir compte pour apprécier le caractère raisonnable de la force utilisée.

Suit une disposition modèle de légitime défense qui, je pense, répond à ces objectifs.

Règles modèles de la légitime défense

Défenseur (1) Dans le présent article, le << défenseur >> est la personne qui utilise la force contre une autre personne.

Règle générale (2) Le défenseur n'est pas responsable de la force utilisée contre l'autre personne si
Éléments subjectifs (a) le défenseur croit réellement
(i) que l'autre personne est en train ou sur le point de l'agresser et
(ii) que l'emploi de la force est nécessaire pour se protéger lui-même ou protéger une tierce personne contre l'agression;
Éléments objectifs (b) ces convictions sont raisonnables et
(c) le degré de force utilisé est raisonnable.

Caractère raisonnable : définition (3) Les convictions réelles du défenseur et le degré de force utilisé sont raisonnables lorsqu'ils ne constituent pas un écart marqué par rapport à ce qu'une personne ordinaire et sobre aurait cru ou utilisé, selon le cas, si elle s'était trouvée dans les circonstances telles que perçues par le défenseur
Caractère raisonnable : circonstances pertinentes (4) Les circonstances qui sont prises en considération pour apprécier le caractère raisonnable des convictions et du degré de force utilisé par le défenseur sont celles qui peuvent avoir influencé ces éléments, et elles peuvent comprendre :

(a) les antécédents du défenseur, y compris les mauvais traitements dont il a pu faire l'objet auparavant;
(b) la nature, la durée et l'historique de la relation entre le défenseur et l'autre personne, y compris les actes de violence ou les menaces antérieurs, qu'ils aient été dirigés contre le défenseur ou d'autres personnes;
(c) l'âge, la race, le sexe et les caractéristiques physiques du défenseur et de l'autre personne;
(d) la nature et l'imminence de l'agression;
(e) les moyens que pouvait utiliser le défenseur pour réagir à l'agression, y compris ses capacités mentales et physiques et l'existence de solutions autres que le recours à la force.

3. Les peines applicables à l'homicide

a) Le problème - L'existence de pressions qui poussent l'accusée à plaider coupable

J'ai vu, au cours de l'Examen, des cas où l'accusée était irrésistiblement poussée à présenter un plaidoyer de culpabilité même s'il existait des preuves indiquant qu'elle avait agi en état de légitime défense. Dans certains cas, ces preuves étaient très fortes. Ces pressions irrésistibles viennent du fait que le Code criminel prévoit une peine minimale obligatoire en cas de meurtre. La femme qui est accusée de meurtre risque de se voir imposer une peine d'emprisonnement à perpétuité, à titre de peine obligatoire, avec un délai préalable à la libération conditionnelle se situant entre 10 et 25 ans. Par contre, la femme qui plaide coupable à une accusation d'homicide involontaire coupable reçoit habituellement une peine d'emprisonnement pouvant aller de trois à huit ans et elle a le droit de présenter une demande de libération conditionnelle totale après avoir purgé le tiers de sa peine. C'est un choix qui serait manifestement très difficile à faire quelle que soit la personne accusée de meurtre au deuxième degré. Il y a toutefois lieu de tenir compte des facteurs supplémentaires qui peuvent influencer encore davantage le choix d'une femme, notamment le fait qu'elle a de jeunes enfants à élever, qu'elle a été victime de mauvais traitements et qu'elle est réticente à témoigner publiquement à ce sujet, qu'elle éprouve véritablement du remords et, même si elle estime qu'elle a été obligée de se défendre, qu'elle a du mal à justifier, même à ses yeux, le fait d'avoir tué quelqu'un. Pour une femme dans cette situation, il existe des motifs puissants qui l'incitent à plaider coupable. Cette situation me préoccupe beaucoup. Cela veut dire en effet que ces plaidoyers de culpabilité sont influencés, en tout ou en partie, par des forces étrangères au bien-fondé de l'affaire. Cela veut dire qu'il y a des femmes (et des hommes) qui ont peut-être plaidé coupables à l'accusation d'homicide involontaire coupable alors qu'elles étaient légalement innocentes parce qu'elles avaient agi en état de légitime défense.

b) Recommandations

Je propose les recommandations suivantes dans le but de tenter de remédier à cette situation :

Recommandation 1 :
Dans tous les cas d'homicide, la police devrait être tenue de consulter un poursuivant pour s'assurer que l'accusation susceptible d'être portée contre l'accusée (c.-à-d. meurtre au premier degré, meurtre au deuxième degré ou homicide involontaire coupable) est appropriée, compte tenu des circonstances.

Recommandation 2 :
Les lignes directrices en matière de poursuite devraient exiger des poursuivants qu'ils tiennent compte de toutes les preuves disponibles, y compris des preuves pouvant établir un moyen de défense comme la légitime défense, lorsqu'il s'agit de déterminer s'il existe suffisamment de preuves pour déclencher ou continuer une poursuite pour homicide.

Recommandation 3 :
Les lignes directrices en matière de poursuite devraient donner pour instructions aux poursuivants de faire preuve d'une prudence extrême dans les cas de discussions relatives au plaidoyer concernant les homicides lorsqu'il existe certains éléments indiquant la possibilité d'invoquer un moyen de défense comme la légitime défense. Plus précisément, ils devraient être tenus d'essayer de déterminer si la personne qui semble prête à plaider coupable à une accusation d'homicide involontaire coupable le fait parce qu'elle accepte véritablement la responsabilité légale du meurtre ou s'il s'agit d'un plaidoyer avec réserve. Dans ce dernier cas, le poursuivant devrait envisager la possibilité de porter une accusation d'homicide involontaire coupable et non de meurtre pour que les éléments de preuve favorables à la défense puissent être présentés au procès.

Recommandation 4 :
La peine du meurtre au deuxième degré énoncée dans le Code criminel devrait être modifiée pour que :

(1) le jury puisse, dans des circonstances exceptionnelles, recommander à la clémence du tribunal la personne condamnée pour meurtre au deuxième degré;

(2) lorsque le jury le recommande ou que le juge siégeant sans jury le constate, le juge puisse fixer la peine appropriée dans les circonstances, l'emprisonnement à perpétuité étant alors la peine maximale. Le délai préalable à la libération conditionnelle pourrait être établi selon les règles habituelles de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition ou fixé par le juge aux termes de l'art. 743.6 du Code criminel.

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