DOCUMENT DE TRAVAIL
LA MUTILATION DES ORGANES GÉNITAUX FEMININS Rapport sur les consultations tenues à Ottawa et Montréal
Lula J. Hussein avec l'appui du Horn of Africa Resource and Research Group et Marian A.A. Shermarke
Les opinions qui y sont exprimées sont celles de l'auteure ; elles ne reflètent pas nécessairement celles du Ministère de la justice Canada.
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SOMMAIRE
INTRODUCTION
Le gouvernement fédéral s'attaque à la question de la mutilation des organes génitaux
féminins (MOGF) depuis plusieurs années. L'un des volets de cette initiative a été la création, au
niveau fédéral, du Groupe de travail interministériel spécial sur la mutilation des organes
génitaux féminins. Le groupe de travail a organisé des consultations, à Ottawa et à Montréal,
auprès des membres des communautés dans lesquelles la MOGF est une pratique traditionnelle.
L'objet de ces consultations était de déterminer les meilleures façons d'informer les membres des
communautés sur les questions suivantes qui entourent la MOGF : l'application des lois
canadiennes, les risques pour la santé et les questions culturelles et religieuses.
Les consultations se sont déroulées en février et mars 1995 et avaient pour objectifs :
- de déterminer les meilleures façons d'informer les membres des communautés
visés sur les dispositions du droit pénal canadien qui touchent la MOGF, sur les
risques pour la santé associés à la MOGF, et sur les questions culturelles et
religieuses qui entourent la question; et
- de fournir au groupe de travail fédéral des recommandations à propos des mesures
adaptées et efficaces qui pourraient être mises en oeuvre par le gouvernement
fédéral pour enrayer la pratique de la MOGF au Canada.
DÉROULEMENT DES CONSULTATIONS
Pour les consultations de Montréal, des participants de 14 groupes ethniques ont été
invités. Afin que les commentaires recueillis constituent un reflet réaliste des opinions des
communautés, on a invité un homme, une femme et, lorsque cela était possible, un jeune de
chaque communauté, de façon à obtenir le point de vue de jeunes et d'adultes, d'hommes et de
femmes.
Pour avoir un échantillon représentatif de la communauté somalienne à Ottawa, on a tenu
trois consultations : l'une avec des femmes, en majorité de jeunes mères et des grands-mères
ayant un accès limité aux services et à l'information; une autre avec des femmes et des hommes
travaillant actuellement dans des postes de prestation de services communautaire; enfin une
dernière avec des étudiants d'université. Les personnes invitées étaient surtout des femmes, mais
les hommes et les jeunes étaient également bien représentés.
La principale différence entre les consultations d'Ottawa et de Montréal était que des
personnes de 14 ethnies ont été invitées aux consultations de Montréal, alors qu'à Ottawa, on s'est
concentré sur la communauté somalienne.
L'ensemble des participants constituaient un échantillon représentatif des membres des
communautés qui avaient des opinions diverses sur la question. Parmi les participants, il y avait
des personnes très instruites, par exemple des professionnels de différents domaines, ainsi que
des membres des communautés étant plus isolés socialement et peu scolarisés.
RÉSULTATS
Voici un résumé des résultats des consultations :
Points de vue des communautés sur la MOGF
La plupart des participants ont déclaré que la pratique de la MOGF n'a rien de
surprenant pour eux, puisqu'on les a élevés dans l'acceptation de cette pratique.
Cependant, ils ont souligné qu'il n'y a pas beaucoup de membres de leurs communautés
qui souhaitent poursuivre cette pratique au Canada parce qu'ils savent qu'elle n'est pas
acceptée ici.
Poursuite de la pratique de la MOGF
Même si les participants estimaient que peu de membres de leurs communautés
souhaitent poursuivre la MOGF au Canada, ils ont parlé d'un certain nombre de pressions
qui peuvent favoriser la perpétuation de cette pratique. Ces pressions sont les mêmes
parmi les différents groupes ethniques qui ont pris part aux consultations de Montréal et
d'Ottawa. Elles s'appuient sur les raisons qui ont contribué à la perpétuation de la pratique
dans leurs pays d'origine, notamment les pressions culturelles et sociétales et
l'interprétation erronée de la doctrine religieuse.
Dans les pays d'origine de certains participants, il est généralement accepté que les
filles doivent être « circoncises », car la circoncision est considérée comme un geste
positif, associé à la mariabilité, à la procréation et à la perpétuation de la communauté. Il
serait déshonorant pour une fille de ne pas se marier, autant pour elle-même que pour sa
famille. Bien que le Coran (et les autres saintes Écritures) ne parlent pas de la
circoncision féminine, de nombreuses personnes croient qu'il s'agit d'une exigence
religieuse. Les personnes originaires de pays où la MOGF est pratiquée, mais qui vivent
maintenant au Canada, continuent de ressentir le poids de ces croyances. Beaucoup
d'entre elles subissent des pressions de membres de leur famille restés dans leur pays
d'origine, de même que de membres âgés de leur famille vivant au Canada. Certaines
veulent continuer de pratiquer la MOGF de peur de perdre leur identité culturelle au
Canada, cette pratique étant considérée comme un moyen de garder leurs filles dans la
communauté et de les empêcher d'adopter les normes de comportement occidentales.
Certaines personnes qui sont venues au Canada à titre de réfugiés croient qu'elles
retourneront un jour dans leur pays; par conséquent, leurs filles doivent être circoncises
pour qu'elles et leur famille soient acceptées.
L'utilisation de termes offensants
La majorité des participants aux deux consultations considéraient comme
offensante la terminologie utilisée pour décrire la MOGF. Par exemple, les participants de
Montréal s'opposaient à l'utilisation du terme « mutilation », tandis que les participants
d'Ottawa n'étaient pas d'accord avec l'expression « violence à l'égard des enfants ». En
outre, le groupe de jeunes ayant participé aux consultations d'Ottawa s'opposaient à
l'emploi de termes explicites pour décrire les conséquences de la MOGF sur la sexualité
des femmes. Les participants ont suggéré qu'on utilise plutôt des termes qu'ils connaissent
bien, comme « circoncision féminine », « clitoridectomie » , « excision » et
« infibulation ». Ils ont aussi recommandé qu'on emploie des termes, des méthodes et des
attitudes différents selon le groupe ethnique auquel on s'adresse.
RECOMMANDATIONS
Bien que différentes communautés ethniques aient participé aux consultations tenues à
Ottawa et Montréal, les résultats des consultations et les recommandations formulées ont été très
semblables. Ces dernières visaient à améliorer la santé des filles et des femmes qui avaient été
soumises à la MOGF, à sensibiliser les communautés à l'exercice de cette pratique et, en bout de
ligne, à enrayer cette pratique au Canada.
Voici un résumé des recommandations :
- Que l'on fournisse de l'information sur les répercussions juridiques de la MOGF et
sur les risques qu'elle présente pour la santé, d'une manière qui soit adaptée à la
réalité culturelle.
- Que les personnes-ressources des communautés (y compris les professionnels de
la santé, les chefs religieux et les dirigeants des communautés) participent
activement à la diffusion d'information sur la MOGF dans les communautés
touchées.
- Que l'on évite d'avoir recours à des spécialistes de l'extérieur et au
sensationnalisme dans les médias et que l'on cesse d'utiliser une terminologie
offensante.
- Que des consultations auprès des communautés et des discussions de groupe
soient organisées de façon régulière afin de tirer profit de l'impulsion donnée par
ces consultations et afin de réévaluer les connaissances des communautés sur la
question de la MOGF et de les informer davantage.
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