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RAPPORT TECHNIQUE

CONNAISSANCES ET PERCEPTIONS QU'ONT DES ÉLÈVES DE LA LOI SUR LES JEUNES CONTREVENANTS

RAPPORT FINAL

Michele Peterson-Badali, Ph.D.
Département de psychologie appliquée
Institut d'études pédagogiques de l'Ontario

Rapport no 4
Partenariat D'éducation
sur la Justice Pour Adolescent

1996

NON RÉVISÉ

Les opinions qui y sont exprimées sont celles de l'auteure ; elles ne reflètent pas nécessairement celles du Ministère de la justice Canada.

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SOMMAIRE

Dans le milieu juridique (par exemple Leon, 1978; Ramsey, 1983), on reconnaît de plus en plus que les jeunes doivent avoir certaines capacités cognitives pour pouvoir participer d'une manière efficace et valable au processus judiciaire. Cette question est particulièrement importante dans le contexte du droit pénal applicable aux jeunes en Amérique du Nord, où l'on constate depuis peu une tendance à considérer les jeunes comme ayant les mêmes droits et responsabilités que les adultes, ce qui laisse supposer qu'ils sont capables d'exercer leurs droits à une application régulière de la loi, de manière à protéger leurs intérêts. Si les jeunes en sont incapables, ils risquent alors d'être aussi vulnérables dans l'actuel système qu'ils l'étaient dans l'ancien, qui était jugé paternaliste et a été abandonné parce qu'il maltraitait les jeunes au nom de la réadaptation.

Ces dernières années, un nombre croissant d'études ont été publiées sur la compréhension qu'ont les enfants et les jeunes du système de justice, notamment de leurs droits à une application régulière de la loi, des principes de droit, des procédures et des rôles des divers intervenants. De façon générale, les études ont révélé que, bien que les connaissances juridiques augmentent habituellement avec l'âge, le degré de connaissance des différents concepts varie considérablement. Certaines idées fausses (p. ex. en ce qui concerne la présomption d'innocence) sont, en fait, plus répandues chez les sujets plus âgés que chez les plus jeunes.

Compte tenu de la rareté des renseignements sur la connaissance qu'ont les jeunes de la Loi sur les jeunes contrevenants (LJC), on a tenté par cette étude d'examiner ce qu'en connaissaient certains élèves, soit des jeunes de 10 à 17 ans et des jeunes adultes, de différentes villes du Canada. Ces renseignements sont nécessaires pour déterminer si, dans l'ensemble, les jeunes connaissent suffisamment bien la Loi pour être en mesure de participer valablement au processus judiciaire applicable aux jeunes, et ils sont absolument indispensables pour élaborer des programmes d'information juridique à l'intention des enfants et des jeunes.

La présente étude a permis d'évaluer, au moyen d'un questionnaire et d'une brève interview semi-structurée, la connaissance qu'ont les élèves d'un certain nombre de règles de droit immuables associées à la LJC, telles que les âges limites, les décisions, les procédures, les dossiers des tribunaux pour adolescents, le transfert des cas aux tribunaux pour adultes, le rôle des différents intervenants du système judiciaire, etc. On a en outre demandé aux élèves leur opinion sur un certain nombre de ces points et on leur a posé plusieurs questions sur leur perception de la criminalité chez les jeunes en général. Les sujets de l'étude étaient 730 élèves d'Edmonton, de Toronto, d'Ottawa, de Montréal, de Sherbrooke et de Charlottetown. Il s'agissait d'élèves d'écoles primaires intermédiaires et secondaires, ou de centres d'apprentissage pour adultes administrés par le conseil scolaire. Les élèves ont été répartis en cinq groupes d'âge : 10-11 ans, 12-13 ans, 14-15 ans, 16-17 ans et jeunes adultes.

Comme des études antérieures avaient déjà permis de le constater, les connaissances des élèves variaient selon la notion abordée. Par exemple, les élèves avaient, dans l'ensemble, une bonne connaissance de la différence entre un tribunal pour adolescents et un tribunal pour adultes, ils savaient quelles personnes ont accès aux dossiers des tribunaux pour adolescents, et ils n'avaient pas de difficulté à assortir le procureur de la Couronne, le juge et la police à une description de leurs rôles respectifs. En revanche, ils connaissaient mal, dans l'ensemble, les âges limites prévus dans la LJC, de même que ce qui arrive au dossier du tribunal pour adolescents lorsque le jeune contrevenant atteint l'âge de 18 ans, et un certain nombre semblaient ne pas bien comprendre le rôle de l'avocat de la défense, de même que la signification des termes « arrêté », « accusé » et « reconnu coupable ». Ils avaient également tendance à surestimer la proportion des crimes violents commis par les jeunes. Enfin, relativement peu d'entre eux avaient une compréhension conceptuelle de ce qu'est la LJC, même si la plupart comprenaient que l'âge est une variable pertinente.

Les connaissances variaient selon le groupe d'âge dans le cas de la plupart, mais non de la totalité des points. Par exemple, le pourcentage des jeunes qui connaissaient la signification du droit à un avocat, qui connaissaient certaines des décisions qui peuvent être rendues dans un tribunal pour adolescents, qui savaient que les dossiers du tribunal pour adolescents ne sont pas détruits automatiquement lorsque les jeunes atteignent l'âge de 18 ans, qui ont assorti correctement les titres d'avocat de la Couronne et de juge à une description de leurs rôles respectifs, qui ont indiqué correctement l'âge maximal prévu dans la LJC et qui ont défini correctement les termes « accusé » et « reconnu coupable », était supérieur parmi ceux qui étaient plus âgés. Ces derniers ont défini la LJC de façon plus conceptuelle que les plus jeunes, qui ont donné des descriptions très concrètes. Cependant, même dans les cas où les différences selon le groupe d'âge étaient évidentes, la tendance dans les différences mêmes variait selon la question. Par exemple, dans certains cas, les enfants de 10-11 ans se démarquaient du reste de l'échantillon (pour ce qui concernait notamment la compréhension de la signification des termes « accusé » et « reconnu coupable », la connaissance des procédures policières après la mise en accusation et la reconnaissance du facteur âge comme un élément pertinent dans la détermination de la peine), tandis que dans d'autres cas, les différences selon l'âge suivaient une tendance linéaire, plus régulière (p. ex. dans la perception du caractère raisonnable des décisions rendues, la connaissance de l'âge limite supérieur prévu dans la Loi). Dans plusieurs cas, les groupes des 10-11 ans et des 12-13 ans avaient de moins bons résultats que les élèves plus âgés (p. ex. dans leur connaissance des décisions possibles, des facteurs influençant la détermination de la peine, de la différence entre le tribunal pour adolescents et le tribunal pour adultes, et du rôle de l'avocat de la Couronne). Ce résultat est intéressant parce qu'il laisse voir que ce ne sont pas seulement les jeunes enfants qui ne sont pas visés par la LJC (c.-à-d. ceux de moins de 12 ans) qui manquent d'information sur la LJC et sur le système de justice.

Dans plusieurs cas, il y avait des différences significatives entre les sujets de moins de 16 ans et les sujets de plus de 16 ans (p. ex. dans la définition de la Loi sur les jeunes contrevenants, dans la compréhension du droit à l'assistance d'un avocat, dans la connaissance de l'âge limite supérieur). Même si, dans la plupart des cas, les élèves de 16 et 17 ans avaient unx niveau de connaissance comparable à celui des jeunes adultes, il est possible que ce fait s'explique au moins en partie par des facteurs liés à l'échantillonnage. Dans la mesure où les différences selon l'âge entre les moins de 18 ans et les plus de 18 ans sont considérées comme pertinentes dans le domaine de la justice applicable aux jeunes (p. ex. elles contribuent à déterminer les limites d'âge appropriées pour la LJC), il sera important de comparer les connaissances d'un échantillon représentatif d'adolescents plus âgés et de jeunes adultes.

On a également constaté des différences selon la région pour certaines questions, et la découverte la plus surprenante a été la distinction entre les villes du Québec (Montréal et Sherbrooke) et les autres villes de l'échantillon (p. ex. pour ce qui concerne la compréhension du terme « arrêté », la connaissance des décisions possibles, la connaissance de la différence entre le tribunal pour adolescents et le tribunal pour adultes, la connaissance du fait que les parents ont accès aux dossiers du tribunal pour adolescents (Sherbrooke seulement), la connaissance du droit à un avocat et des procédures après la mise en accusation (Montréal seulement)). On a remarqué des différences dans les opinions sur la LJC tout comme dans les connaissances. Par exemple, plus d'élèves du Québec ont qualifié les décisions du tribunal pour adolescents de « à peu près justes » en général, alors que ceux des autres villes avaient tendance à penser qu'elles étaient « souvent trop douces ». Ces différences ne peuvent être attribuées à la question de la langue, puisque l'échantillon de Montréal était constitué d'anglophones ou d'allophones et a répondu au questionnaire en anglais. Une explication possible, qui a été soulevée un certain nombre de fois dans la section portant sur l'analyse des résultats, est qu'il existe des différences dans les principes qui sous-tendent la justice applicable aux jeunes ou les procédures d'administration de la justice entre le Québec et les autres régions du Canada. La conséquence la plus importante de cette possibilité par rapport à la présente étude est qu'il faut adapter la formation de nature juridique au système judiciaire qui est en place dans une région donnée. Ainsi, il se peut que les élèves du Québec ne possèdent pas « moins » de connaissances sur la LJC que les élèves des autres régions du Canada (comme le suggère pourtant le plus faible pourcentage des réponses correctes données dans le questionnaire), mais que leurs réponses correspondent à leur expérience du système de justice applicable aux jeunes dans cette province.

La formation de nature juridique qu'avaient reçue certains élèves a eu relativement peu d'effets significatifs sur la connaissance qu'ils avaient de la LJC, et la valeur absolue des différences entre ces élèves et les autres était plutôt modérée. Cependant, lorsqu'on a constaté des effets significatifs, c'était les élèves qui avaient reçu une formation de ce type qui obtenaient les meilleurs résultats. Les effets de la formation en droit se faisaient sentir dans les questions liées aux connaissances de la LJC, mais cette variable n'avait aucun effet sur la perception de la criminalité chez les jeunes ou sur les opinions des jeunes sur la LJC. Comme il a déjà été mentionné, il était difficile de distinguer entre les effets de la formation de nature juridique et ceux de l'âge, même s'il y avait certainement de nombreuses variables qui étaient touchées de façon significative par l'âge, mais non par la formation juridique. Il ne fait aucun doute qu'un des premiers buts de la formation de ce type est d'améliorer la connaissance qu'ont les élèves du système juridique. Il est donc important d'évaluer les programmes de formation juridique axés principalement sur la justice applicable aux jeunes afin d'examiner plus à fond l'incidence dexi cette formation sur la connaissance, de même que l'importance relative de l'âge et de la formation.

L'objectif premier de notre étude reposait sur l'hypothèse que la formation de nature juridique qu'on offre aux jeunes devrait être fondée sur la connaissance de ce que les jeunes savent, pensent savoir ou ne savent pas du système juridique. Il n'y a pas beaucoup de renseignements qui ont été recueillis systématiquement sur ce que les jeunes connaissent de la LJC; notre étude visait à combler partiellement cette lacune.

Les résultats de notre étude peuvent servir à plusieurs fins. L'information sur les niveaux absolus de connaissance des sujets abordés peut aider les éducateurs et ceux qui élaborent les programmes d'études à déterminer dans quels domaines les élèves possèdent de bonnes connaissances de base qu'on pourrait enrichir d'une information plus précise ou complexe, ou (ce qui est peut-être encore plus important) dans quels domaines les élèves manquent de connaissances ou ont des idées fausses sur le système. Par exemple, indépendamment de l'âge, la connaissance qu'ont les élèves des limites d'âge prévues dans la Loi sur les jeunes contrevenants est encore faible, tout comme leur compréhension du droit à l'assistance d'un avocat. Les élèves possèdent d'assez bonnes connaissances de base sur les dossiers du tribunal pour adolescents, mais ils ne comprennent pas bien ce qui arrive à ces dossiers. Il est évident que ces questions doivent être abordées dans toute formation de nature juridique. Par exemple, les programmes d'études et les cours de droit destinés aux jeunes devraient comporter une composante sur les droits conférés par la Charte (comme le droit d'avoir recours à l'assistance d'un avocat) et sur la protection particulière accordée aux jeunes (p. ex. le droit d'être accompagné d'un parent ou d'un autre adulte, de même que d'un avocat, au moment de faire une déclaration à la police).

Toutefois, il ne suffit pas d'informer les jeunes sur les règles de droit immuables de la LJC. Pour que les jeunes assimilent l'information qu'on leur donne, il faut leur montrer le contexte dans lequel s'insère cette information de sorte qu'ils comprennent sa fonction et son importance. Par exemple, il n'est pas suffisant de dire aux jeunes qu'ils peuvent faire appel à un avocat pour qu'ils comprennent la nature du droit à l'assistance d'un avocat. Il faut aussi leur donner de l'information sur le contexte (p. ex. leur dire que le système de justice est essentiellement un système accusatoire, que le rôle de la police est souvent d'amener les jeunes à faire des déclarations incriminantes, que les avocats ne défendent pas seulement les personnes « innocentes », etc.). Il faut aussi renseigner les jeunes sur les conséquences de la renonciation à leurs droits ou de l'exercice de leurs droits pour qu'ils puissent évaluer la fonction et la signification de ces droits. Comme nous l'avons mentionné dans l'introduction du présent rapport, la connaissance des jeunes dans ce domaine n'est pas très étendue, dans l'ensemble.

Notre étude a montré que la compréhension qu'ont les jeunes de divers aspects de la LJC dépend de leur âge; la connaissance des différences entre les groupes d'âge peut s'avérer utile pour concevoir des cours de droit adaptés à chacun des groupes. Les jeunes enfants ont une moins grande expérience directe du système et ils ont été exposés à moins de sources d'information (et parfois même à de la fausse information) sur le sujet (p. ex. les pairs, lesxii médias, les programmes scolaires); il n'est pas étonnant de constater qu'ils connaissent moins bien que les plus âgés beaucoup des questions qui ont été abordées dans l'étude. Les programmes d'éducation efficaces tiennent déjà compte des différences de développement entre les enfants et les adolescents sur les plans des connaissances et des processus mentaux, et les résultats de la présente étude peuvent ajouter un atout en indiquant les domaines dans lesquels la compréhension des jeunes enfants et des adolescents est différente.

L'information sur les différences entre les régions peut être utile pour élaborer des programmes destinés aux collectivités faisant partie de l'échantillon. Enfin, le questionnaire et l'interview peuvent être utilisés pour évaluer sommairement les connaissances de groupes d'élèves avant de leur fournir du matériel pédagogique sur la LJC.

En résumé, on pourra se servir des conclusions de la présente étude pour déceler les lacunes précises et les faiblesses générales dans la connaissance qu'ont les jeunes de la LJC; on pourra ensuite utiliser cette information pour évaluer le contenu des programmes d'éducation juridique et pour en concevoir de nouveaux. Cependant, il faut aussi se pencher sur la façon dont l'information est transmise aux jeunes si on veut qu'ils aient davantage qu'une connaissance superficielle de la LJC. Il faudra réaliser d'autres recherches pour déterminer le contenu de ces programmes d'éducation et les méthodes qu'il faudra utiliser pour que les jeunes en arrivent à bien comprendre la LJC. En outre, les programmes et cours d'éducation juridique ne permettront d'augmenter la compréhension qu'ont les jeunes de cette Loi que s'ils sont dispensés par ceux qui travaillent auprès des jeunes, notamment les enseignants, mais aussi d'autres intervenants. Il est essentiel que ces personnes connaissent l'existence de ce matériel et qu'elles reçoivent une formation pour l'utiliser efficacement.

Il convient ici de faire deux mises en garde. Premièrement, la connaissance démontrée par les élèves dépend en partie des méthodes utilisées pour poser les questions. Les questions simples et les questions à choix multiples peuvent donner des résultats très bons ou très mauvais, selon la manière dont elles sont formulées. Nombre des sujets abordés dans l'étude ne sont pas simples, et il est effectivement possible que les élèves aient une connaissance de base sur un sujet particulier, mais que cette connaissance soit très élémentaire et superficielle, ou qu'ils aient à la fois des connaissances exactes et des idées fausses. Deuxièmement, il ne serait pas prudent de généraliser ces résultats à d'autres groupes d'élèves, étant donné que l'échantillon était formé de volontaires et n'a pas été sélectionné au hasard.

En dépit de ces mises en garde, la présente étude contient des renseignements jamais recueillis auparavant sur les connaissances des élèves. Elle sera un document de base utile pour évaluer plus en détail la compréhension qu'ont les jeunes des règles de droit immuables de la LJC, et de certains principes plus abstraits qui sous-tendent cette loi. En outre, on peut faire remplir le questionnaire par certains groupes d'élèves afin d'évaluer sommairement leurs connaissances avant de leur fournir du matériel pédagogique sur la LJC.

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