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Corrélats de la délinquance autodéclarée : Une analyse de l'Enquête longitudinale nationale sur les enfants et les jeunes
Avril 2003
Les opinions exprimées dans le présent rapport sont celles de l'auteur et ne représentent pas nécessairement celles du ministère de la Justice Canada.
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1.0 Introduction
Depuis l'ouvrage précurseur de Glueck et Glueck
(1950, 1968), beaucoup de recherches ont été effectuées dans le domaine des
sciences sociales afin de cerner les facteurs liés à la délinquance. Une des
conclusions les plus notables découlant de ces recherches est la reconnaissance
que ces facteurs sont intimement liés. En fait, les corrélats de la délinquance
ont souvent des effets additifs ou interactifs qui augmentent le risque de
délinquance chez les jeunes qui subissent l'effet de facteurs multiples
(Thornberry, Huizinga & Loeber, 1995). De plus, bon nombre de facteurs
tendent à être interreliés; la délinquance entraîne donc d'autres carences au
chapitre des facteurs mêmes qui y sont le plus étroitement liés (Thornberry,
Lizotte, Krohn, Farnworth & Jang, 1994). En fait, la délinquance pourrait
donc perpétuer elle-même sa propre existence. Toutefois, la détermination des
différents corrélats demeure un facteur crucial de prévention et de réduction
des comportements criminels chez les jeunes car elle permet d'orienter
l'élaboration des interventions appropriées.
Les corrélats de la délinquance sont souvent
groupés en facteurs statiques (c.-à-d. les facteurs qui sont réfractaires au
changement par voie d'intervention directe) et en facteurs dynamiques (c.-à-d.
les facteurs pouvant être modifiés par voie d'intervention directe). Cette
distinction est utile au moment de l'élaboration d'interventions visant à
réduire la délinquance, puisqu'on peut cibler les facteurs dynamiques en vue
d'effectuer des changements destinés à prévenir d'autres comportements criminels
(Andrews & Bonta, 1998).
Les facteurs statiques qui font le plus souvent
l'objet d'études sont le sexe et l'âge. Les jeunes garçons sont beaucoup plus à
risque que les jeunes filles de participer à des comportements criminels (Bor,
Najman, O'Callaghan, Williams & Anstey, 2001; Lipsey & Derzon, 1998;
Moffitt, 1993; Smith, Visher, & Jarjoura, 1991). Toutefois, selon
Statistique Canada (voir Stevenson, Tufts, Hendrick & Kowalski, 1998), le
fossé des sexes diminue puisqu'un nombre croissant de jeunes filles ont des
comportements criminels. L'âge est un des corrélats les plus prononcés, puisque
la prévalence de la délinquance s'accroît au début de l'adolescence et atteint
un sommet au début de la vie adulte (Gomme, 1985; Loeber, Stouthamer-Loeber, Van
Kammen & Farrington, 1991; McCord, Widom & Crowell, 2001; Moffitt,
1993).
Deux autres facteurs souvent mentionnés dans la
documentation et fréquemment classés parmi les facteurs statiques sont le
mauvais traitement des enfants et le statut socio-économique. On a constaté que
des antécédents de violence physique, sexuelle ou psychologique ou de négligence
augmentent les risques de comportement délinquant (Malinosky-Rummell &
Hansen, 1993; Scudder, Blount, Heide & Silverman, 1993; Stewart, Dennison
& Waterson, 2002; Widom, 1989; Zingraff, Leiter, Myers & Johsen, 1993).
Toutefois, les liens entre le statut socio-économique et la délinquance ne sont
pas clairs. Certaines études indiquent que les jeunes provenant de familles dont
le statut social est moins élevé représentent un plus haut risque de délinquance
que ceux des familles dont le statut social est plus élevé (Farrington, 1989;
Lispey & Derzon, 1998), mais ces conclusions ne se retrouvent pas
systématiquement dans toutes les études (Tittle & Meier, 1991; Wilkström
& Loeber, 2000).
Les facteurs dynamiques sont typiquement
considérés comme des facteurs revêtant une plus grande importance, puisqu'ils
représentent les précurseurs de la délinquance qui pourraient potentiellement
être modifiés par une intervention individuelle (Hawkins, Herrenkohl,
Farrington, Brewer, Catalano & Harachi, 1998). Les pratiques parentales
inadéquates sont l'un des facteurs dynamiques les plus importants lié à la
délinquance, notamment les pratiques parentales inconstantes (McCord et autres,
2001; Hawkins, et autres, 1998), la faible supervision parentale (Loeber &
Stouthamer-Loeber, 1986) et les faibles liens parent-enfant (Blaske, Borduin,
Henggeler & Mann, 1989; Rankin & Wells, 1990).
Les liens négatifs avec l'école sont un autre
facteur dynamique lié à la délinquance, y compris le fait de doubler une classe
et de quitter précocement l'école (McCord et autres, 2001; Thornberry, Lizotte,
Krohn, Farnworth & Jang, 1991). Les enfants qui font preuve d'attitudes
antisociales (Andrews & Bonta, 1998) ou qui vivent avec des parents qui font
preuve d'attitudes antisociales (Hawkins et autres, 1998; McCord, 1991) sont
également à risque élevé de manifester des comportements délinquants. De plus,
le fait de s'associer à des pairs au comportement antisocial semble contribuer à
la manifestation de comportements délinquants (Andrews & Bonta, 1998; Bell,
1999; Lawrence, 1991; McCord et autres, 2001; Lispey & Derzon, 1998;
Matsueda & Anderson, 1998; Warr, 1993).
Un des corrélats dynamiques le plus saillant de
la délinquance chez l'enfant est l'agressivité (Bor et autres, 2001; Farrington,
1989; Hawkins et autres, 1998; McLaren, 2000; Moffitt, 1993). En fait, Laub et
Lauritsen (1993) soutiennent que « [traduction] la stabilité des modèles de
comportement agressif au cours de toute la durée de la vie représente l'un des
modèles le mieux documenté dans les recherches longitudinales »
(p. 239). Il existe un certain nombre d'autres facteurs dynamiques liés à
la délinquance, y compris les troubles de comportement et l'hyperactivité avec
déficit de l'attention (Farrington, 1989; Hawkins et autres, 1998;
Oddone-Paolucci, Violato & Wilkes, 2000).
Le but principal de la présente étude était de
cerner les corrélats importants de la délinquance chez les jeunes de 12
à 15 ans, en utilisant les données canadiennes de l'Enquête
longitudinale nationale sur les enfants et les jeunes (ELNEJ). Cette source de
données a également servi à fournir des renseignements sur la prévalence de la
délinquance au Canada au sein de ce groupe d'âge. Les études précédentes dans ce
domaine étaient surtout axées sur une définition générale de la délinquance, y
compris les comportements que la société d'aujourd'hui ne considère pas comme
« criminels », comme l'école buissonnière, la désobéissance en général
et la promiscuité. La présente étude définit la délinquance plutôt comme une
infraction au
Code criminel du Canada
et ne portait pas sur l'inconduite non criminelle.
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