Ministère de la Justice Canada / Department of Justice CanadaGouvernement du Canada
Éviter le premier menu Éviter tous les menus
   
English Contactez-nous Aide Recherche Site du Canada
Accueil Justice Plan du site Programmes et initiatives Divulgation proactive Lois
Page d'accueil, Recherche et statistiques
Recherche et statistiques, image graphique

Publications

Interaction entre les capacités de développement des enfants et l’environnement d’une salle d’audience : Incidences sur la compétence à témoigner

Louise Sas, Ph.D., en psychologie de l'enfant

Novembre 2002

Les opinions exprimées dans le présent document sont uniquement celles de l’auteur et ne représentent pas nécessairement le point de vue du ministère de la Justice Canada.


Page précédente | Table des matières | Page suivante

III. DÉVELOPPEMENT DU LANGAGE CHEZ LES ENFANTS

De la naissance jusqu’à l’âge de dix ans, les enfants apprennent à différencier et à articuler les sons, à comprendre les questions de plus en plus complexes, et à fournir des réponses intelligentes de plus en plus complètes (Saywitz & Goodman, 1996). Ils apprennent la signification des mots, comment utiliser les mots dans les phrases, ainsi que les règles linguistiques qui ordonnent les liens entre les mots pour produire différentes significations. Cela n’est pas une tâche facile. Dans une salle d’audience, on attend des enfants-témoins de tous âges qu’ils répondent aux questions qui leur sont posées à la barre d’une manière intelligible et crédible. Des compétences verbales adéquates sont un prérequis.

Au cours des deux premières années de leur vie, les enfants développent un système conceptuel leur permettant de relier des noms d’objets à leurs référents. Comme le sait tout parent, les enfants deviennent des petites machines à nommer, et ils apprennent de nouveaux mots à une vitesse exponentielle. Tout d’abord, ils ont tendance à désigner différentes catégories d’objets par les mêmes mots (p. ex. tous les animaux s’appellent « toutou », toutes les boissons « jus » ou tous les moyens de transport « auto »). Une fois qu’ils connaissent le référent d’un objet, ils commencent toutefois à faire l’opposé, en croyant que seul leur chien est un toutou et que tous les autres chiens sont quelque chose d’autre. À travers le processus d’apprentissage social, les enfants ajustent leur compréhension : ils généralisent lorsque c’est approprié et respectent les cas particuliers lorsque c’est nécessaire.

Le processus de généralisation comprend le processus de la pensée abstraite, notamment la capacité de catégoriser les choses selon leur similitude et de regrouper sous un même vocable les objets qui possèdent certaines caractéristiques en commun. Des mots comme « fruits » ou « animaux », qui sont acquis plus tard, sont considérés comme des termes hiérarchiques qui comprennent des catégories d’objets comportant des caractéristiques similaires. Singer et Revenson (1996) ont fourni un exemple intéressant d’un terme hiérarchique abstrait utilisé lors du contre-interrogatoire d’un très jeune enfant. Dans le cas en question, un enfant d’âge préscolaire avait nié avoir vu une arme sur la scène d’un meurtre, mais plus tard, lorsqu’on lui a demandé plus précisément s’il avait vu un revolver, il a répondu que oui. Le problème, bien sûr, était que l’enfant n’avait pas encore appris que le terme hiérarchique « arme » renvoyait à des objets tels des fusils, des couteaux, etc. Lorsqu’on pose à un enfant une question directe en employant un vocabulaire et des concepts qu’il est en mesure de comprendre, il est capable de fournir l’information voulue au tribunal. Dans ce cas précis, il est heureux que l’avocat ait changé de ligne d’interrogation avec l’enfant.

3.1 Enfants trottineurs

À l’âge de deux ans, la plupart des enfants connaissent de cinq à six cents mots. Toutefois, ils sont incapables d’organiser ces mots ensemble de manière à former des phrases complètes. On peut facilement se rendre compte de la différence importante qui existe entre les capacités réceptives et les capacités expressives sur le plan langagier chez les enfants trottineurs. À titre d’exemple, si on demande à un enfant de deux ans de « ramasser un ballon qui est par terre », il est probable que l’enfant comprenne ce qui lui est demandé et, selon son humeur, qu’il obéisse. Toutefois, l’enfant ne pourra pas répéter cet ordre avec exactitude si on le lui demande. Il pourra peut-être dire « ballon » et « prendre » dans une phrase peu claire de deux ou trois mots, mais pas nécessairement. La capacité de dire une phrase complète en employant le bon verbe et les propositions appropriées n’est présente que chez les enfants plus âgés, c’est-à-dire d’au moins trois ans.

3.2 Enfants d’âge préscolaire

Les enfants d’âge préscolaire (trois à cinq ans) possèdent un vocabulaire plus étendu (mots et expressions idiomatiques). En règle générale, ils ne comprennent que les mots comportant une ou deux syllabes (Saywitz, 1995). Ils peuvent habituellement dire des phrases complètes courtes, et ils peuvent reconnaître un nombre impressionnant de mots. Encore une fois cependant, leurs capacités langagières réceptives sont plus développées que leurs capacités expressives. Leur compréhension des règles de grammaire est encore très sommaire, et ils ont beaucoup de difficulté à utiliser la forme du passé. En effet, ils formulent leurs réponses au présent même lorsqu’ils décrivent des actions qu’ils ont déjà faites.

3.3 Enfants du premier cycle du primaire

Dans le cas des enfants du premier cycle du primaire, les prépositions peuvent encore être une source de difficulté. Ils mêlent souvent les termes « avant et après », « en dessous et au dessus », « en dedans et en dehors », « premier et dernier » et « devant et derrière ». Il est préférable de vérifier la compréhension de ces termes chez un enfant avant de lui poser des questions. Dans l’ensemble, les études portant sur l’acquisition du langage chez les enfants suggèrent que les enfants âgés entre cinq et sept ans ont acquis des compétences langagières suffisantes pour participer à une conversation courante, mais que leur langage n’est pas assez évolué pour qu’ils comprennent n’importe quel discours. Ils ne comprendraient probablement pas des phrases comportant plusieurs mots difficiles et une syntaxe complexe.

3.4 Enfants du deuxième cycle du primaire

En raison de leur vocabulaire limité, les enfants de l’école primaire connaissent un nombre restreint d’adjectifs descriptifs, ce qui leur rend difficile la tâche de fournir des détails et leur version des faits. En troisième année, ils sont généralement mieux en mesure de comprendre les questions qui leur sont posées, car leur discours réceptif s’est perfectionné et leur capacité de raisonnement est meilleure que celle des enfants d’âge préscolaire. Vers l’âge de huit ans, ils ont appris à distinguer différents types de discours comme les ordres, les plaintes, les demandes et les promesses, et ils sont capables de reconnaître ces types de discours tant dans leurs formes directe qu’indirecte (Walker, 1993). Cela est important car ces types de discours constituent le fondement des habiletés langagières. Il convient de se rappeler que toutes les capacités langagières des enfants existent de pair avec leur développement cognitif et vice versa. Les capacités de communication demeurent dépendantes des structures cognitives que possèdent l’enfant.

Lorsque nous analysons des conversations ayant lieu entre des enfants et des adultes, nous réalisons que les jeunes enfants (moins de 10 ans) n’interprètent pas nécessairement les mots de la même façon que les adultes. Ils peuvent interpréter les mots dans leur sens littéral, c’est-à-dire soit de façon très restreinte ou très large. Selon Schumann, Bala et Lee (1999), l’interprétation que font les jeunes enfants du mot « toucher » est un exemple d’une sous-extension ou d’une utilisation étroite parce que les enfants jugent habituellement que l’acte du toucher est accompli seulement avec la main et non avec une autre partie du corps. Dans cet exemple, il est facile de voir comment l’utilisation étroite d’un terme peut mettre en doute la crédibilité d’un enfant dans un cas où le corps de l’enfant a été « touché » par la bouche ou le pénis de l’accusé, mais que l’enfant répond non à la question « Est-ce qu’il t’a touché? » qui lui est posée au procès.

Page précédente | Table des matières | Page suivante

 

Haut de la page Avis importants