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RAPPORT TECHNIQUE
L'ENTREPOSAGE SÉCURITAIRE DANS
LES COLLECTIVITÉS AUTOCHTONES: EXAMEN EXPLORATOIRE DES PROGRAMMES D'ENTREPOSAGE CENTRAL DES ARMES À FEU AU MANITOBA
E. Frank Cormier
Mai 1998
Les opinions qui y sont exprimées sont celles de l'auteure ; elles ne reflètent pas nécessairement celles du Ministère de la justice Canada.
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SOMMAIRE
INTRODUCTION
L'objectif de ce rapport de recherche est d'examiner les programmes d'entreposage
central des armes à feu qui sont appliqués dans quatre collectivités autochtones du Manitoba. Les
sections suivantes du rapport donneront au lecteur un aperçu exploratoire ou de «première main»
des programmes d'entreposage central qui existent actuellement dans la Première nation God's
Lake, la Première nation God's River, la nation crie Mathias Colomb et la Première nation
Shamattawa.
Objet de l'étude
Durant l'élaboration de la toute récente législation canadienne sur les armes à feu (Loi sur
les armes à feu), le ministère de la Justice a constaté que de nombreuses Premières nations étaient
préoccupées par la sécurité d'utilisation des armes à feu dans leurs collectivités. Certains groupes
ont exprimé un intérêt pour le principe des programmes d'entreposage centralisé, dans lesquels
les armes à feu sont volontairement entreposées par leurs propriétaires lorsqu'ils ne s'en servent
pas pour la chasse. Cette recherche étudie la pratique de l'entreposage centralisé des armes à feu
dans diverses collectivités autochtones du Manitoba. Elle donnera un aperçu général des
pratiques de l'entreposage central et de la mesure dans laquelle les installations d'entreposage
central sont utilisées par les collectivités autochtones du Manitoba. Plus précisément, on
examinera les circonstances entourant la mise en oeuvre de l'entreposage central, on fera le point
sur les buts des programmes et l'on décrira les avantages obtenus et les difficultés rencontrées.
Par ailleurs, la recherche examinera le taux d'utilisation des installations, ainsi que d'autres
aspects de la propriété et de l'utilisation d'armes à feu par les autochtones. On examinera aussi la
manière dont les utilisateurs voient le programme, sous l'angle des avantages du programme et
sous l'angle des niveaux de satisfaction. Globalement, cette recherche pourrait conduire à des
améliorations dans les programmes actuels et renseigner aussi les autres collectivités autochtones
qui souhaiteraient appliquer un programme semblable.
Contexte
Au total, on estime que sept millions d'armes appartiennent à trois millions de civils au
Canada. Environ 24 % des ménages canadiens (soit 2, 7 millions) possèdent une ou plusieurs
armes à feu (Ministère de la Justice, note de recherche, 1998). Le Manitoba se situe légèrement
au-dessus de la moyenne nationale, puisque 28 % des ménages de la province possèdent des
armes à feu (Angus Reid, 1991).
De 1970 à 1995, les blessures par balle ont causé une moyenne de 1 300 décès par année.
Environ 80 % des décès liés à des armes à feu sont des suicides, pour une moyenne de 1 060
suicides à l'aide d'armes à feu par année au Canada. Environ 14 % de tous les décès liés aux
armes à feu sont des homicides. De 1986 à 1995, il y a eu environ 183 homicides au moyen
d'armes à feu par année, et le taux des homicides de cette nature est demeuré relativement stable.
Quatre pour cent des décès liés aux armes à feu sont des accidents (Ministère de la Justice, note de recherche, 1998). Selon Statistique Canada, entre 1981-1982 et 1993-1994, le nombre annuel
moyen de personnes hospitalisées pour des blessures liées aux armes à feu a été de 1 293 (Hung,
1997).
Les données concernant les niveaux de propriété d'armes à feu parmi les membres des
Premières nations au Canada sont peu abondantes. Il y a peu de statistiques détaillées concernant
les blessures causées par des armes à feu dans les collectivités autochtones, et il est donc
difficile de comparer les données nationales avec l'expérience des Premières nations. Cependant,
les données existantes montrent que les accidents liés aux armes à feu dans les collectivités
autochtones méritent certainement un examen.
Entre 1989 et 1993, le taux des suicides à l'aide d'armes à feu parmi les membres des
Premières nations représentait trois fois le taux national. Durant cette période, des armes à feu
ont été utilisées dans 31 % des suicides parmi les membres des Premières nations au Canada.
C'était la deuxième méthode la plus répandue, après la pendaison 1 . Au Manitoba, entre 1989 et
1993, environ 28, 8 % des suicides ont été commis à l'aide d'armes à feu, tandis que la pendaison
(57, 5 %) était la méthode utilisée le plus souvent (Santé Canada, 1996).
Selon Statistique Canada, 11, 3% des victimes d'homicide et 16, 5% des personnes
soupçonnées d'homicide étaient d'origine autochtone, alors que les peuples autochtones
représentaient environ 3 % de la population canadienne en 1992 (Statistique Canada, 1993). Bien
que les autochtones soient surreprésentés dans le nombre total des homicides, ils sont moins
susceptibles d'être impliqués dans des homicides à l'aide d'armes à feu par rapport à l'ensemble
de la population (c'est-à-dire l'ensemble des autochtones et des nonutochtones). Selon
Statistique Canada, au cours des dix dernières années (1987 à 1996), une arme à feu était en cause
dans 32 % de tous les homicides (Hung, 1997). Entre 1988 et 1993, la fusillade était la troisième
principale méthode d'homicide parmi les autochtones, puisqu'elle a été employée dans près de
20 % de tous les homicides. Une étude effectuée par Doob et al (1994) est arrivée à des résultats
semblables dans l'examen des homicides d'autochtones en Ontario pour la période 1980-1990.
Il y a une variété de facteurs de risque qui ont été
associés aux décès et aux dommages causés
par les arme à feu. La recherche de Kellermann et al (1986, 1992,
1993) a rapporté que la propriété des armes à
feu a augmenté la probabilité d'une mort par arme à
feu parmi des membres de famille ou des connaissances dans une ménage
où les armes sont présentes. Une étude de recherche
sur le suicide parmi les peuples indigènes au Manitoba a suggéré
que l'accès aux armes à feu est un facteur pivotal (Malchy
et al, 1997). Pour une vue d'ensemble détaillée de la littérature
de recherches au sujet de l'impact de la disponibilité et de l'accès
aux armes à feu sur le crime violent, les suicides et les accidents,
voir Gabor, 1994.
Dispositions législatives actuelles sur l'entreposage sécuritaire
De façon générale, les exigences actuelles en matière d'entreposage d'armes à feu ne
changeront pas dans les nouveaux textes législatifs (24 mars 1998)1 . Selon les exigences
actuelles, les armes à feu sans restrictions doivent :
- être entreposées non chargées;
- être rendues inutilisables (par l'utilisation d'un dispositif de verrouillage sécuritaire ou la
suppression du verrou ou de la glissière), ou être entreposées dans un conteneur, un réceptacle
ou un endroit tenu bien fermé et construit de manière à ne pouvoir être facilement forcé ou
fracturé; et
- ne pas se trouver à proximité de munitions à moins que les munitions ne soient entreposées
dans un conteneur ou espace sécuritaire (décrit ci-dessus).
Toute personne qui temporairement entrepose une arme à feu sans restrictions pour
l'élimination de prédateurs ou autres animaux peut entreposer l'arme à feu non verrouillée, à
condition qu'elle soit déchargée, que les munitions ne soient pas facilement accessibles et que
l'arme se trouve à un endroit où il est licite de décharger une arme à feu. En vertu de la nouvelle
législation sur les armes à feu, une personne peut, dans un endroit reculé et sauvage, entreposer
non verrouillée une arme à feu sans restrictions qui n'est pas utilisée à une fin incompatible avec
la chasse, si elle est déchargée.
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