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 Appels

Ordonnances et motifs de procédure et autres

GFT MODE CANADA INC.
v.
LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appels nos AP-96-046 et AP-96-074

TABLE DES MATIÈRES

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Ottawa, le jeudi 18 mai 2000

Appels nos AP-96-046 et AP-96-074

EU ÉGARD À des appels interjetés aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1;

ET EU ÉGARD À une requête déposée par l'appelante demandant que le Tribunal radie les motifs invoqués par l'intimé parce qu'ils sont contraires à la loi ou tout à fait insuffisants et dénués de fondement, et qu'il admette les appels susmentionnés.

ENTRE

    GFT MODE CANADA INC. Appelante

ET

    LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

DÉCISION DU TRIBUNAL

La requête est rejetée.



    Pierre Gosselin

    Pierre Gosselin
    Membre présidant

    Arthur B. Trudeau

    Arthur B. Trudeau
    Membre

    James A. Ogilvy

    James A. Ogilvy
    Membre


Michel P. Granger

Michel P. Granger
Secrétaire
 
 

RÉSUMÉ OFFICIEUX

Une audience a été tenue le 7 février 2000 concernant une requête préliminaire déposée par l'appelante dans le cadre des appels qu'elle a interjetés concernant les révisions de la valeur en douane de marchandises importées faites par le sous-ministre du Revenu national (désormais le commissaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada). Dans sa requête, l'appelante a demandé que le Tribunal radie le mémoire de l'intimé et qu'il admette les appels en se fondant sur les autres documents au dossier. L'appelante a soutenu que les actes de procédure de l'intimé ne révèlent aucune preuve prima facie. L'appelante a aussi soutenu que l'intimé ne peut, dans un appel entendu par le Tribunal, présenter des motifs non mentionnés dans la révision pour justifier la cotisation de droits.

DÉCISION : La requête est rejetée. Le Tribunal est d'avis qu'il a compétence, sur une requête préliminaire, pour radier des actes de procédure et rejeter un appel, mais il ne le fait que lorsqu'il est « évident et manifeste » ou « hors de tout doute » que les actes de procédure ne révèlent aucune cause d'action valable. La présente affaire ne répond pas à un tel critère. Les principes juridiques en cause qui se rapportent à la « valeur en douane » aux termes de la Loi sur les douanes font encore l'objet de discussions. De plus, les faits qui sous-tendent la présente affaire sont contestés et n'ont pas été démontrés.

Le Tribunal est d'avis que le bien-fondé desdits appels devrait être examiné. Il est également d'avis que l'intimé peut, dans le cadre d'un appel, présenter d'autres motifs à l'appui d'une révision, dont il n'a pas été fait mention dans ladite révision. Un article est imposable en vertu de l'application des dispositions de la Loi sur les douanes, et non en vertu d'une décision de l'intimé. Dans un appel, le Tribunal a pour objectif d'appliquer les articles de la Loi sur les douanes concernant l'appréciation de la valeur aux éléments de preuve présentés à l'audience afin de déterminer correctement la valeur en douane des marchandises en cause.

Lieu de l'audience :

Ottawa (Ontario)

Date de l'audience :

Le 7 février 2000

Date de la décision :

Le 18 mai 2000

   

Membres du Tribunal :

Pierre Gosselin, membre présidant

 

Arthur B. Trudeau, membre

 

James A. Ogilvy, membre

   

Conseiller pour le Tribunal :

John Dodsworth

   

Greffier :

Anne Turcotte

   

Ont comparu :

Dean A. Peroff, pour l'appelante

 

Patricia Johnston, pour l'intimé

 
 

MOTIFS DE LA DÉCISION

INTRODUCTION

Il s'agit d'une requête préliminaire déposée dans le cadre d'appels interjetés aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes1 à l'égard de révisions rendues le 27 mars et le 23 juillet 1996 par le sous-ministre du Revenu national (désormais le commissaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada). Dans ces décisions, l'intimé a imposé des droits sur les paiements versés par l'appelante aux concédants de licence à titre de « redevances » conformément au sous-alinéa 48(5)a)(iv) de la Loi. Dans son mémoire, l'intimé a soutenu, à titre d'argument de rechange, qu'une partie des droits versés conformément aux ententes de sous-licence et de licence devrait être ajoutée au prix payé ou à payer, à titre d'aides.

Le 14 septembre 1999, les parties ont demandé au Tribunal de suspendre les appels, dans l'attente de la décision de la Cour suprême du Canada, à savoir si cette dernière autoriserait un appel dans l'affaire S-MRN c. Mattel Canada2. Le 21 septembre 1999, le Tribunal a avisé les parties que les appels ne seraient pas laissés en suspens et a établi l'échéancier du dépôt, par chaque partie, d'un mémoire complémentaire au sujet de la décision de la Cour d'appel fédérale dans cette affaire. L'appelante devait déposer un mémoire complémentaire au plus tard le 10 novembre 1999 et l'intimé devait déposer sa réponse au plus tard le 30 décembre 1999. Ni l'une ni l'autre des parties n'ont déposé de mémoire complémentaire.

Le 3 novembre 1999, l'appelante a déposé la présente requête, conformément à l'article 24 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur3, demandant au Tribunal de radier le mémoire de l'intimé et d'admettre les appels en se fondant sur les autres documents à la disposition du Tribunal. Le 7 février 2000, une audience a été tenue au sujet de la requête.

ANALYSE

La présente requête se rapporte à la nature d'un appel interjeté aux termes de l'article 67 de la Loi et soulève trois questions principales : 1) Le Tribunal a-t-il compétence pour radier des actes de procédure et décider d'un appel sur une requête préliminaire?; 2) Le Tribunal doit-il examiner l'argument de rechange de l'intimé selon lequel les paiements versés par l'appelante aux concédants de licence sont des aides?; 3) Le Tribunal doit-il radier les actes de procédure de l'intimé et admettre les appels?

Le Tribunal a-t-il compétence pour radier des actes de procédure et décider d'un appel sur une requête préliminaire?

L'appelante a soutenu que le Tribunal a compétence, en vertu du paragraphe 17(2) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur4 ainsi que de l'article 5, de l'alinéa 18(1)f) et de l'article 24 des Règles de procédure, pour examiner une telle requête. L'appelante a renvoyé à la décision du Tribunal dans l'affaire Newman's Valve c. S-MRN5, dans laquelle le Tribunal a déterminé qu'une requête peut être déposée aux termes de l'article 24 en tant que requête préliminaire avant l'audience. L'appelante a soutenu que, dans l'affaire Newman's Valve, le Tribunal a déterminé qu'il avait compétence pour radier un mémoire de l'appelante et rejeter un appel sur une requête préliminaire et ce, sans tenir d'audience.

L'appelante a aussi soutenu que le Tribunal peut se référer aux Règles de la Cour fédérale (1998)6 dans le cas d'une requête en radiation d'actes de procédure lorsqu'il détermine la portée de sa compétence en radiation d'actes de procédure dans un appel interjeté aux termes de la Loi.

L'intimé a soutenu que le Tribunal n'a pas compétence pour entendre une requête préliminaire en radiation d'actes de procédure, sauf en ce qui concerne les questions de compétence. L'intimé a soutenu que les Règles de la Cour fédérale ne s'appliquent pas à la procédure du Tribunal. Cependant, si le Tribunal décidait que les Règles de la Cour fédérale s'appliquent, l'intimé a soutenu qu'elles ne s'appliquaient pas dans la présente affaire. De plus, si le Tribunal devait établir certaines analogies à partir des Règles de la Cour fédérale, l'intimé a soutenu que les critères relatifs à la radiation d'actes de procédure sont très rigoureux. L'intimé a renvoyé à l'affaire Hunt c. Carey7, où la Cour suprême du Canada a établi les critères qu'il convient d'appliquer aux termes des Règles de la Cour fédérale, et selon lesquels une requête en radiation d'actes de procédure ne peut être accueillie que lorsqu'il est « évident et manifeste » ou « hors de tout doute » que les actes de procédure ne révèlent aucune cause d'action valable.

L'article 67 de la Loi prévoit que, dans un appel, le Tribunal tient une audience. De plus, les Règles de procédure indiquent que, normalement, l'audience d'un appel comprend une audience orale (ainsi, l'article 10 régit la comparution devant le Tribunal). Cependant, le Tribunal est d'avis que l'article 67 ne confère pas aux parties le droit sans réserve à une audience, même lorsqu'une audience n'est pas nécessaire. L'article 67 ne doit pas être interprété comme signifiant que le Tribunal ne peut être maître de la procédure selon laquelle l'appel est tranché.

Le Tribunal a compétence pour maîtriser sa propre procédure. Le Tribunal a, de fait, rendu des décisions avant la tenue d'une audience, par exemple, lorsqu'il n'avait pas compétence pour traiter des questions soulevées dans l'appel8. De même, le Tribunal a rendu une décision préliminaire ayant pour effet de rejeter un appel lorsque l'appelante a refusé à de nombreuses reprises d'observer les directives du Tribunal afin de poursuivre la procédure9. Il est intéressant de noter que l'appel susmentionné a été tranché en réponse à une demande de radiation de l'appel présentée par l'intimé sous forme d'une requête préliminaire.

L'intimé a suggéré que le Tribunal n'a pas de pouvoir discrétionnaire à cet égard et qu'une audience complète doit toujours être tenue, quelles que soient les circonstances, sauf lorsqu'il s'agit de déterminer des questions au sujet de la compétence du Tribunal. Le Tribunal est d'avis que, si tel était le cas, les résultats seraient absurdes. Le Tribunal a le pouvoir discrétionnaire de déterminer la portée et la nature d'une audience, y compris celui de décider, dans des circonstances exceptionnelles, s'il y a lieu de tenir une audience.

Le Tribunal pourrait être en mesure de déterminer sur une requête préliminaire que les arguments juridiques présentés par une ou plusieurs des parties n'ont aucune chance d'être accueillis. Ainsi, si tel est le cas et que les faits ne sont pas contestés, il se pourrait très bien que le Tribunal décide qu'il n'y a, de fait, pas de cause à entendre.

Bien que le Tribunal ne soit pas lié par les Règles de la Cour fédérale, il fait observer que les critères appliqués par cette dernière dans de telles circonstances sont très rigoureux10. Il ressort de la jurisprudence que les critères à appliquer aux requêtes en radiation d'actes de procédure exigent que la partie requérante démontre que l'issue de l'espèce est « évidente et manifeste » ou qu'il est « hors de tout doute » que les actes de procédure ne révèlent pas de cause d'action valable, et le Tribunal est d'avis qu'il s'agit là de critères qui devraient s'appliquer aux requêtes préliminaires du même type qu'il reçoit.

Il est rare qu'il apparaisse « évident et manifeste » ou « hors de tout doute » qu'un acte de procédure ne révèle aucune cause d'action valable. Cela dit, de temps à autre, le Tribunal est saisi de telles causes. Étant donné que toutes les cours et tous les tribunaux ne disposent que de ressources limitées, il est essentiel que ces ressources soient utilisées judicieusement. Lorsque l'issue d'une cause ne fait guère de doute, il se peut bien qu'il convienne d'en disposer avant la tenue d'une audience en bonne et due forme.

Le Tribunal doit-il examiner l'argument de rechange de l'intimé selon lequel les paiements versés par l'appelante aux concédants de licence sont des aides?

L'appelante a soutenu que l'intimé ne peut présenter d'autres motifs pour justifier la cotisation de droits, c.-à-d. des motifs non mentionnés dans les révisions que l'intimé a faites aux termes du paragraphe 63(3) de la Loi, qui fonde les présents appels. De fait, l'intimé soutient dans son mémoire et ce, pour la première fois, que certains des paiements versés par l'appelante aux concédants de licence étaient assujettis à des droits en tant qu'aides, en application du sous-alinéa 48(5)a)(iii) de la Loi11.

L'appelante a avancé, à titre d'analogie, qu'en droit fiscal, une cotisation du ministère du Revenu national (désormais l'Agence des douanes et du revenu du Canada) « fonde l'appel ». Admettre que l'intimé présente de nouveaux motifs à l'appui de la cotisation de droits, par rapport à ceux visés dans la révision originale, « reviendrait à permettre au ministre d'en appeler de sa propre cotisation » [traduction].

La Loi de l'impôt sur le revenu12 prévoit que le ministre du Revenu national fixe l'impôt payable pour l'année par le contribuable13. L'appelante a invoqué des affaires de droit fiscal et a exprimé l'avis que la décision rendue aux termes de la Loi concerne la cotisation de droits. Cependant, à l'encontre de cette position, l'intimé, aux termes des articles 58 à 61 de la Loi, rend une révision et un réexamen de la révision de l'appréciation de la valeur en douane (ou du classement tarifaire ou de l'origine) de marchandises importées. Aux termes de l'article 67, c'est de la révision de l'appréciation de la valeur en douane que l'importateur peut interjeter appel auprès du Tribunal.

Dans une réponse écrite à une question posée par le Tribunal à l'audience, l'appelante a en outre soutenu que le Tribunal ne peut, de sa propre initiative, rendre une décision qui soit différente de la révision de l'intimé ou d'une position défendue par l'appelante. L'appelante a soutenu que le Tribunal a uniquement compétence pour soit rejeter soit admettre un appel d'une révision de l'intimé et qu'il n'a pas compétence pour modifier ladite révision. L'appelante a soutenu qu'une action en ce sens constituerait un déni de justice naturelle, puisqu'elle serait privée de la possibilité de réfuter les faits qui sous-tendent les nouveaux motifs à l'appui et de prendre connaissance de la cause qu'elle doit défendre. L'appelante a soutenu que « si le Tribunal procédait de la sorte, il se transformerait en tribunal de première instance plutôt que d'agir à titre d'organe d'appel » [traduction].

L'intimé a soutenu qu'un appel interjeté aux termes de l'article 67 de la Loi concerne la révision de l'intimé, et non les motifs à l'appui de sa décision. Il a été soutenu que l'article spécifique de la Loi invoqué par l'intimé dans sa révision constitue les motifs à l'appui de sa révision. En l'espèce, les appels concernent la décision de l'intimé selon laquelle certains paiements versés par l'appelante aux concédants de licence étaient assujettis aux droits. Le fait que les paiements versés par l'appelante aux concédants de licence étaient assujettis à titre de « redevances » ou « d'aides » constitue le motif de la décision. Dans un appel, l'intimé est libre de présenter de nouveaux motifs à l'appui de sa décision que les paiements sont assujettis aux droits.

Le Tribunal a traditionnellement été d'avis qu'il dispose d'un vaste pouvoir pour statuer sur un appel. Dans les appels concernant le classement tarifaire, par exemple, le Tribunal a classé des marchandises autrement que ne l'avaient préconisé à la fois l'appelante et l'intimé14. À cet égard, le fondement réglementaire d'un appel interjeté aux termes de la Loi est le même dans le cas d'une révision de l'appréciation de la valeur en douane que dans le cas du classement tarifaire ou de l'origine des marchandises importées.

Le Tribunal est d'avis que, dans un appel, l'intimé peut présenter d'autres motifs, ou de nouveaux motifs, pour justifier la valeur en douane de marchandises à l'appui de sa révision, en plus de ceux qu'il a inclus dans ladite révision. Le paragraphe 67(3) de la Loi confère au Tribunal un vaste pouvoir pour trancher un appel. De ce fait, le Tribunal est d'avis qu'il peut rendre une décision autre que celle qu'a tirée l'intimé. L'exercice de la compétence du Tribunal pour statuer sur les appels serait gravement entravé, si, comme l'appelante l'a soutenu, le Tribunal était limité à uniquement tenir compte du dossier dont l'intimé disposait au moment de sa révision.

Le Tribunal est d'avis que l'appelante a mal saisi la nature fondamentale d'un appel interjeté auprès du Tribunal. L'appelante a indiqué dans son mémoire que le Tribunal est un organe d'appel, et non un tribunal de première instance15. Bien qu'il soit vrai que le Tribunal entend des appels, il n'est pas un organe d'appel dans le sens où il procède au réexamen d'une décision rendue par un tribunal de première instance. Le Tribunal est, en fait, un « tribunal de première instance » où des éléments de preuve sont produits, des témoins, contre-interrogés et des plaidoiries, présentées. Normalement, tant l'appelante que l'intimé produisent des éléments de preuve et présentent des arguments qui n'ont pas été invoqués au moment où la décision initiale a été rendue.

Il existe un principe bien établi que, dans un appel, une appelante ne peut introduire un point qui n'a pas été plaidé ou soutenu devant le tribunal de première instance, à moins que tous les éléments de preuve pertinents aient été versés au dossier16. Ce principe était au coeur de la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Banque Continentale du Canada c. Canada17, laquelle a été invoquée abondamment par l'appelante dans ses observations et dans son argumentation sur la requête. Dans cette affaire, l'intimé a tenté de produire devant la Cour suprême du Canada des motifs qui n'avaient pas été présentés aux tribunaux inférieurs. La Cour suprême du Canada a déclaré, notamment, ce qui suit :

Accepter cette qualification faite par l'appelante aboutirait, dans les faits, à une situation où la Couronne serait autorisée à avancer de nouveaux arguments simplement parce que ceux qu'elle a présentés aux juridictions inférieures n'ont pas été retenus.

Les contribuables doivent savoir sur quelle base repose la cotisation qui leur est transmise afin de pouvoir présenter les éléments de preuve appropriés pour la contester. En l'espèce, il n'est pas évident que les faits étayent l'établissement d'une nouvelle cotisation sur la base invoquée par l'appelante[. . . .] Parce que la Banque n'a pas été imposée à l'égard de la récupération de l'amortissement, la preuve relative à la répartition du prix d'acquisition n'a pas été présentée en première instance. Pour pouvoir permettre à l'appelante d'établir une nouvelle cotisation en l'absence de conclusions de fait tirées en première instance, notre Cour devrait se transformer en tribunal de première instance à l'égard de la nouvelle demande18. [Soulignement ajouté]

Un tel raisonnement ne s'applique cependant pas au Tribunal dans un appel interjeté aux termes de l'article 67 de la Loi. La fonction même du Tribunal est de recevoir des éléments de preuve et d'examiner les positions des parties. L'objectif du Tribunal lorsqu'il entend un appel est d'appliquer les articles de la Loi qui traitent de l'évaluation de la valeur aux éléments de preuve produits à l'audience afin de déterminer correctement la valeur en douane des marchandises.

Dans l'affaire Pneus Michelin c. MRN19, un appel entendu aux termes de la Loi sur la taxe d'accise20, le Tribunal a examiné la question de savoir si l'intimé devait être autorisé à invoquer la règle générale anti-évitement (RGAÉ), qui n'avait pas été invoquée dans l'avis de décision de l'intimé. Le Tribunal a alors invoqué l'affaire Louis Riendeau c. Sa Majesté la Reine21, dans laquelle l'intimé a présenté un nouveau motif à l'appui de la nouvelle cotisation d'impôt et ce, pour la première fois, devant la Cour canadienne de l'impôt. Plus précisément, le Tribunal a déclaré que, dans l'affaire Riendeau :

La Cour a conclu que l'obligation pour le contribuable de payer l'impôt est la même, qu'un avis de cotisation soit erroné ou n'ait même jamais été expédié. En outre, l'article exact aux termes duquel une cotisation est établie importe peu. Ce qui importe est de savoir si l'impôt est exigible. Selon la Cour, le processus mental du Ministre pour établir une cotisation ne saurait modifier l'assujettissement d'un contribuable au paiement de l'impôt prescrit par la Loi de l'impôt sur le revenu, et le Ministre peut corriger une erreur22.

De ce fait, dans l'affaire Pneus Michelin, le Tribunal a été d'avis que l'intimé n'était pas dans l'impossibilité d'invoquer l'argumentation de la RGAÉ dans la cause dont il était saisi. Cette décision du Tribunal a récemment été confirmée par la Cour fédérale du Canada23.

En outre, de très récentes décisions de la Cour canadienne de l'impôt24, qui ont tenu compte de l'affaire Banque Continentale, ont spécifiquement réfuté la proposition selon laquelle cette affaire indiquait que l'intimé ne peut invoquer de nouveaux motifs pour une décision (cotisation) au cours d'une audience. Par exemple, dans l'affaire General Motors, la Cour canadienne de l'impôt a déclaré, notamment, ce qui suit :

Rien, ni dans les Règles de la présente cour ni dans la Loi sur la Cour canadienne de l'impôt ni dans la Loi de l'impôt sur le revenu, n'empêche une partie à un appel de présenter un argument de rechange. Il se peut bien qu'il ne soit pas fait droit au principal argument d'une partie, mais que cette dernière réussisse à avoir gain de cause si elle présente un argument de rechange.

Les faits qui sous-tendent une cotisation sont normalement connus du contribuable, et non du ministre. Par conséquent, le ministre peut découvrir des faits supplémentaires au cours de l'examen d'un avis d'opposition ou au moment de la découverte d'un contribuable après l'expiration du délai normalement prévu pour envoyer la cotisation. Le ministre ou le procureur général peut se rendre compte au cours d'une des étapes susmentionnées que la cotisation de la Couronne peut être fondée non seulement sur les dispositions réglementaires initialement considérées par le ministre, mais aussi sur d'autres dispositions25.

[Traduction]

En l'espèce, l'intimé ne tente pas de réviser de la valeur en douane des marchandises en cause dans le cadre d'un appel, après le rejet en première instance d'une révision initiale, comme cela a été le cas dans les causes invoquées par l'appelante, et l'intimé ne tente pas non plus d'en appeler de sa propre décision, après l'expiration du délai réglementaire pertinent prescrit.

Le Tribunal est d'avis que l'intimé peut présenter d'autres motifs à l'appui de la cotisation de droits, en plus de ceux qui étaient inclus dans sa révision. L'assujettissement d'un article à des droits de douane découle de l'application des dispositions de la Loi, et non de la révision faite par l'intimé. L'objectif du Tribunal lorsqu'il entend un appel est d'appliquer les articles de la Loi qui traitent de l'appréciation de l'évaluation de la valeur aux éléments de preuve produits à l'audience afin de déterminer correctement la valeur en douane des marchandises.

En cela, le Tribunal ne veut pas laisser entendre que l'intimé peut présenter, sans réserve aucune, d'autres motifs ou de nouveaux motifs dans un appel. Dans les causes où de nouveaux arguments sont présentés pour la première fois au moment où l'appel est entendu, le Tribunal doit déterminer si l'introduction d'autres motifs cause un tort quelconque à l'appelante. Ainsi qu'il a été dit dans l'affaire General Motors :

Le ministre peut invoquer des faits nouveaux, des faits qu'il a découverts après que la cotisation a été expédiée, et peut faire valoir d'autres dispositions réglementaires, mais le contribuable doit être informé de telles allégations et arguments en temps opportun, et non pas la veille d'une audience et certainement pas en appel. Le contribuable doit disposer d'un délai suffisant pour examiner et étudier les nouvelles allégations et arguments présentés. En outre, bien sûr, la Couronne se doit de prouver les faits allégués qu'elle n'a pas considérés au moment de la cotisation et de convaincre la Cour que les dispositions de la Loi nouvellement invoquées appuient la cotisation26.

[Traduction]

Dans la présente affaire, l'intimé a donné à l'appelante un avis suffisant qu'il soutiendrait dans l'appel que certains des paiements versés dans le cadre des ententes de licence sont imposables au titre d'aides, puisqu'il a soulevé ce motif dans son mémoire et que celui-ci a été déposé, ainsi qu'il a déjà été indiqué, le 28 mai 1997. Le Tribunal est d'avis que de permettre à l'intimé de présenter cet argument dans la présente procédure ne donne lieu à aucun déni de justice naturelle, contrairement à ce qu'a affirmé l'appelante.

Quant au fardeau de la preuve, les affaires relatives au droit fiscal confirment que l'appelante a le fardeau de la preuve en ce qui concerne les hypothèses posées par l'intimé pour établir la cotisation27. Cependant, il en ressort aussi que l'intimé a le fardeau de la preuve en ce qui concerne les hypothèses qu'il présente pour la première fois28. Dans la présente affaire, ces principes devraient guider les parties.

Le Tribunal doit-il radier les actes de procédure de l'intimé et admettre les appels?

Si, comme l'appelante l'a demandé, le Tribunal devait radier la partie du mémoire de l'intimé qui traite des aides, la seule autre question en litige se rapporterait aux redevances. À cet égard, l'appelante a soutenu que la position de l'intimé, jointe aux faits et aux points de droit afférents à la présente, ne peut déboucher que sur la décision, par le Tribunal, d'admettre l'appel. L'appelante a présenté l'argument susmentionné étant donné la position invoquée par l'intimé dans son mémoire, position qui, selon l'appelante, a été explicitement rejetée par la Cour d'appel fédérale dans des décisions subséquentes à la cotisation des droits de douane visée dans les présents appels29. L'appelante a soutenu que la détermination de l'intimé n'est par conséquent pas corroborée par ses propres conclusions juridiques et par les faits. Par conséquent, les actes de procédure de l'intimé, qui présentent des arguments et s'appuient sur les principes susmentionnés, doivent être radiés. Il s'ensuit de plus que, selon l'appelante, l'intimé ne s'est pas acquitté du fardeau qui lui incombait d'établir sa preuve et que l'appel doit être admis.

L'intimé a soutenu que la requête en radiation de ses actes de procédure doit être rejetée. L'intimé a soutenu que les points de droit, qui ne sont pas entièrement tranchés dans la jurisprudence, ne doivent pas être tranchés sur une requête en radiation. L'intimé a en outre soutenu que la requête est prématurée, étant donné que le Tribunal a invité les parties à soumettre des mémoires complémentaires au sujet de la décision de la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Mattel et que ni l'une ni l'autre des parties ne l'ont encore fait.

Le Tribunal est enclin à être d'accord avec l'intimé sur ce point. Le Tribunal est d'avis que la présente affaire n'en est pas une dans laquelle il est « évident et manifeste » ou « hors de tout doute » que les actes de procédure ne révèlent aucune cause d'action valable. Les éléments de preuve n'ont pas été établis de façon définitive selon l'intimé, et le Tribunal est enclin à être d'accord. Les causes concernant la valeur en douane concernent souvent des faits complexes, que seul un examen attentif, y compris l'interrogatoire et le contre-interrogatoire des témoins ainsi que l'examen des pièces pertinentes, permet de connaître. En outre, les points de droit, tels qu'ils s'appliquent à la présente affaire, ne sont pas aussi complètement établis que l'appelante le donne à croire. Dans de telles circonstances, il serait prématuré de rejeter les appels sur une requête préliminaire, étant donné, particulièrement, la décision du Tribunal d'autoriser l'intimé à présenter un argument de rechange selon lequel certains des paiements versés par l'appelante sont imposables à titre « d'aides ». De ce fait, le Tribunal est d'avis qu'une audience en bonne et due forme doit être tenue dans la présente affaire.

CONCLUSION

Étant donné la décision rendue au sujet de la requête, le Tribunal autorisera l'intimé à plaider à l'égard de toutes les questions qui se rapportent à la valeur en douane et à présenter d'autres motifs se rapportant aux aides, dans le cadre d'une audience complète de la présente affaire. Le Tribunal fait observer que la Cour suprême du Canada a autorisé les parties à en appeler et à interjeter un appel incident dans l'affaire Mattel. Il a demandé à toutes les parties, dont les causes invoquent des questions de valeur en douane similaires aux questions soulevées dans l'affaire Mattel, d'indiquer si elles souhaitent que le Tribunal entendent leurs appels, et rendent une décision, avant la décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Mattel. Par conséquent, le Tribunal aimerait que l'appelante et l'intimé lui fassent savoir s'ils souhaitent la poursuite sans interruption de la procédure, sans égard à l'affaire Mattel, ou s'ils souhaitent que les appels soient laissés en suspens dans l'attente de cette décision de la Cour suprême du Canada. D'une façon ou d'une autre, les parties auront la possibilité de déposer des mémoires complémentaires dans lesquels ils pourront donner leur avis sur l'incidence de l'affaire Mattel sur les faits de l'espèce.


1 . L.R.C. 1985 (2supp.), c. l [ci-après Loi].

2 . (13 janvier 1999), A-291-97 (C.A.F.) [ci-après Mattel].

3 . D.O.R.S. /91-499 [ci-après Règles de procédure].

4 . L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47 [ci-après Loi sur le TCCE].

5 . (10 octobre 1997), AP-96-121 (TCCE) [ci-après Newman's Valve].

6 . D.O.R.S. /98-106 [ci-après Règles de la Cour fédérale].

7 . [1999] 2 R.C.S. 959.

8 . Supra note 5.

9 . Driscoll's Darts & Trophies c. MRN (27 janvier 2000), AP-92-238 (TCCE).

10 . Règle 221. REQUÊTE EN RADIATION

      (1) À tout moment, la Cour peut, sur requête, ordonner la radiation de tout ou partie d'un acte de procédure, avec ou sans autorisation de le modifier, au motif, selon le cas :

    a) qu'il ne révèle aucune cause d'action ou de défense valable;
    b) qu'il n'est pas pertinent ou qu'il est redondant;
    c) qu'il est scandaleux, frivole ou vexatoire;
    d) qu'il risque de nuire à l'instruction équitable de l'action ou de la retarder;
    e) qu'il diverge d'un acte de procédure antérieur;
    f) qu'il constitue un abus de procédure.
    Elle peut aussi ordonner que l'action soit rejetée ou qu'un jugement soit enregistré en conséquence.

11 . Mémoire de l'intimé déposé le 28 mai 1997.

12 . L.R.C. 1985 (5supp.).

13 . L'article 152 de la Loi de l'impôt sur le revenu prévoit, notamment, ce qui suit :

Le ministre, avec diligence, examine la déclaration de revenu d'un contribuable pour une année d'imposition, fixe l'impôt pour l'année, ainsi que les intérêts et les pénalités éventuels payables et détermine :
a) le montant du remboursement éventuel auquel il a droit [...]
b) déterminer de nouveau l'impôt qui est réputé. [...] avoir été payé au titre de l'impôt payable par le contribuable en vertu de la présente partie pour l'année. [Soulignement ajouté]

14 . Reha Enterprises c. S-MRN (28 octobre 1999), AP-98-053 (TCCE); et Research Products c. S-MRNDA (30 janvier 1992), AP-90-174 (TCCE).

15 . Voir le paragraphe 71 de l'exposé de l'appelante intitulé « Appelant's Response to Questions on Preliminary Motion » (« Réponse de l'appelante aux questions sur la requête préliminaire »), déposé le 21 février 2000, dans lequel l'appelante déclare ce qui suit : « Si le Tribunal devait procéder de la sorte, il agirait comme un tribunal de première instance plutôt que comme un organe d'appel» [traduction].

16 . J. Sopinka et M.A. Gelowitz, The Conduct of an Appeal, Toronto, Butterworths, 1993 à la p. 51.

17 . [1998] 1 R.C.S. 358 [ci-après Banque Continentale].

18 . Ibid. aux p. 367-368.

19 . (22 mars 1995), AP-93-333 (TCCE) [ci-après Pneus Michelin].

20 . L.R.C. 1985, c. E-15.

21 . 91 D.T.C. 5416 (CAF) [ci-après Riendeau].

22 . Supra note 19 à la p. 16.

23 . (28 mars 2000), T-1525-95 (CFC).

24 . General Motors Acceptance c. Canada, [1999] A.C.I. no 502 online: QL (ACI) [ci-après General Motors]; Smith Kline Beecham Animal Health c. Canada, [1999] ACI no 762.

25 . General Motors, ibid. aux para. 35 et 36.

26 . Ibid. au para. 40.

27 . Supra note 19 à la p. 19.

28 . Ibid.

29 . Supra note 2 (autorisation d'interjeter appel à la Cour suprême du Canada accordée le 16 mars 2000, sans motif); Nike Canada c. Canada, [1999], A.C.F. no 53 (CAF).


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Publication initiale : le 18 septembre 2000

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Mise à jour : 2004-01-20 Haut de la page [ Avis importants ]