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Commentaires d'introduction au Comité permanent des Comptes publics

Les marchés de services professionnels conclus avec un fournisseur unique au moyen de préavis d'adjudication de contrat
(Chapitre 30 - Rapport du vérificateur général de novembre 1999)

L'entraînement en vol de l'OTAN au Canada
(Chapitre 27 - Rapport du vérificateur général de novembre 1999)

Le 4 avril 2000

L. Denis Desautels, FCA
Vérificateur général du Canada

Monsieur le Président, je vous remercie de nous donner l'occasion de discuter de notre vérification des marchés de services professionnels conclus avec un fournisseur unique, soit le chapitre 30 de notre rapport de novembre, et du marché pour l'entraînement en vol de l'OTAN au Canada, discuté dans le chapitre 27 du même rapport. M. Hugh McRoberts, responsable de la vérification des marchés, et M. Peter Kasurak, responsable des vérifications de la Défense nationale, m'accompagnent aujourd'hui.

En 1998, nous avons examiné un échantillon de marchés de services professionnels conclus avec un fournisseur unique. Un fort pourcentage de ces marchés ne respectaient pas les règles relatives à l'adjudication des marchés du gouvernement ni les bonnes pratiques en matière contractuelle. Nous avons donc conclu que les règles régissant ces deux types de contrats étaient saines, mais qu'elles n'étaient pas suffisamment respectées. Dans son 28e rapport, le Comité en arrivait à la même conclusion. Une fois de plus cette année, nous avons conclu que la politique et les règles sont fondamentalement saines, mais que les fonctionnaires ne les comprennent pas, ou choisissent de ne pas les suivre.

Nous avons examiné les marchés conclus avec un fournisseur unique au moyen d'un préavis d'adjudication de contrats ou PAC. Nous avons constaté des problèmes importants qui minent les principes que le gouvernement a établis pour les activités de passation de marchés, soit la concurrence, l'équité et la valeur optimale.

Les PAC sont des préavis d'adjudication de contrats annoncés électroniquement pour informer les fournisseurs qu'un marché à fournisseur unique est sur le point d'être attribué et qui leur donne le temps de le contester. Habituellement, les règles veulent que les contrats de plus de 25 000 $ soient attribués par appel d'offres, sauf en cas d'urgence, lorsque la sécurité nationale l'exige ou qu'une seule personne est en mesure d'exécuter les travaux. Avant d'afficher un PAC, la direction doit établir que le marché est justifié par l'une des exceptions qui permet l'attribution d'un marché à fournisseur unique. L'affichage du PAC doit donner aux fournisseurs qui croient être en mesure de faire une offre concurrentielle au moins 15 jours pour contester le marché et demander que celui-ci soit attribué par appel d'offres.

Seulement onze pour cent des marchés que nous avons examinés respectaient la politique du gouvernement régissant les marchés de services conclus avec un fournisseur unique.

Les énoncés des travaux de près de la moitié des contrats que nous avons vérifiés étaient inadéquats. Dans environ le tiers des cas, les énoncés des travaux différaient considérablement des travaux décrits dans le PAC.

De plus, dans certains cas, les gestionnaires des ministères soutenaient qu'ils avaient négocié les prix, mais ils n'avaient en mains que peu de pièces justificatives et, par conséquent, peu de preuves qu'ils avaient obtenu le meilleur prix possible ou la plus grande valeur de ces marchés.

Outre le non-respect général des règles et les mauvaises pratiques commerciales, nous craignons que le PAC ne devienne une « cinquième exception » aux règlements exigeant l'adjudication concurrentielle des marchés. Si un PAC est affiché publiquement et qu'il n'y a aucune contestation, les fonctionnaires en concluent que la décision d'attribuer le marché à un fournisseur unique est justifiée. Dans près de 90 p. 100 des cas que nous avons vérifiés, le marché ne respectait pas les critères permettant l'une ou l'autre des exceptions et, à notre avis, auraient dû faire l'objet d'un appel d'offres.

Sur les 522 PAC que nous avons vérifiés, seulement 35 ont donné lieu à des contestations et seulement quatre contestations ont été acceptées. Nous avons également observé que les contestataires n'étaient pas traités équitablement. Il n'existait pas de procédures établies pour la gestion des contestations. Nous avons constaté que l'effort requis de l'auteur d'une contestation pour faire la preuve qu'il est capable de satisfaire aux exigences du marché est beaucoup plus élevé que l'effort requis du fournisseur nommé dans le PAC. Qui plus est, ce sont les mêmes gestionnaires qui avaient attribué le marché à un fournisseur unique qui examinaient la contestation de leur propre décision.

En fin de compte, nous avons conclu que les PAC ajoutent de la transparence à la passation des marchés avec un fournisseur unique, mais qu'ils ont très peu contribué au caractère concurrentiel du processus. En outre, nous nous interrogeons sur la pratique du Secrétariat du Conseil du Trésor de considérer les marchés attribués après la publication d'un PAC comme « concurrentiels » aux fins des rapports statistiques.

L'affichage d'un avis d'intention d'attribuer un marché à un fournisseur unique ne remplace pas le processus concurrentiel. Le classer comme tel aux fins des rapports est erroné. Monsieur le Président, c'est là un point sur lequel le Secrétariat du Conseil du Trésor et moi nous sommes montrés publiquement en désaccord dans le passé et j'ai la ferme conviction que le fait de déclarer que ces marchés sont concurrentiels induit en erreur.

Entraînement en vol de l'OTAN au Canada

Notre vérification des différents modes de prestation de services au ministère de la Défense nationale comprenait le programme d'entraînement en vol de l'OTAN au Canada, d'une durée de 20 ans, évalué à 2,8 milliards de dollars. C'est de loin le plus gros marché de services attribué par le ministère de la Défense nationale. Les projets comme celui-ci diffèrent des marchés de services courants de deux façons importantes. Ils sont très gros, ce qui limite le nombre d'entreprises canadiennes en mesure de soumissionner. En outre, ils créent un « partenariat » avec un entrepreneur au cours d'une longue période. Les autres entreprises peuvent ainsi être écartées d'un important marché public et le gouvernement peut en arriver à dépendre fortement d'un seul fournisseur pour un service essentiel.

Néanmoins, ces projets offrent de bonnes occasions de réduire les coûts et d'importer des technologies. Le ministère de la Défense nationale aura accès à un nouvel aéronef de formation grâce au programme de formation en vol de l'OTAN. Selon le niveau de participation étrangère, les coûts pourraient être réduits davantage. En outre, ces projets sont avantageux pour l'industrie canadienne de l'aéronautique.

Nous avons conclu que le projet d'entraînement en vol de l'OTAN au Canada ne respectait pas les politiques du gouvernement en matière de marchés conclus avec un fournisseur unique. Nous avons soigneusement étudié les arguments du ministère de la Défense nationale et de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada pour justifier leurs décisions conformément au Règlement sur les marchés de l'État, mais, en définitive, nous sommes en désaccord avec eux là-dessus.

Les fonctionnaires ont invoqué « l'urgence imprévisible » de conclure un marché avec le fournisseur. Le Règlement sur les marchés de l'État permet d'adjuger un contrat à un fournisseur unique dans les cas « d'extrême urgence », mais il définit l'extrême urgence comme étant un danger pour la vie, réel ou imminent, un désastre qui menace la qualité de la vie ou qui a causé la mort, ou encore un événement pouvant conduire à des pertes ou à des dommages importants pour les biens de l'État.

Nous ne pensons pas non plus que la possibilité de conclure un marché était entièrement imprévisible. Le ministère de la Défense nationale avait déjà passé des contrats pour la formation en vol et étudiait plusieurs options au printemps de 1994. Bombardier a proposé officiellement sa collaboration la première fois le 4 octobre 1994. L'échéance initiale de l'OTAN était le 1er février 1995 et a ensuite été reportée à mai 1995. Nous pensons que cela laissait le temps au ministère de la Défense nationale de chercher à connaître l'intérêt du secteur. De plus, nous pensons que les ministères devraient s'efforcer activement d'encourager la concurrence lorsqu'ils envisagent de passer de gros marchés à long terme.

Les deux ministères ont soutenu également que l'exception permettant l'adjudication d'un marché avec un fournisseur unique quand la tenue d'un appel d'offres n'est pas « dans l'intérêt public » s'appliquait dans ce cas, ayant associé généralement « l'intérêt public » avec des économies possibles. Mais le Règlement prévoit que l'exception liée à l'intérêt public doit se limiter à des facteurs liés à la sécurité nationale ou à l'atténuation de disparités socio-économiques importantes. Aucun de ces facteurs ne s'appliquait à ce marché.

De plus, la marge de profit accordée au fournisseur n'était pas conforme aux directives de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada. Ces directives aident à déterminer ce qu'est un profit « équitable » en l'absence de concurrence. Cependant, les représentants de TPSGC nous ont dit que la politique sur les profits n'avait pas été conçue pour des projets de cette envergure.

Ils ont en outre indiqué que la marge de profit était fondée sur les risques « matériels » et « substantiels » assumés par l'entrepreneur. Le consortium dirigé par Bombardier a assumé des risques importants. Cependant, les fonctionnaires du Ministère n'ont pu nous fournir d'analyse de la valeur de ces risques pour l'État. L'envergure de ce contrat exigeait une analyse beaucoup plus approfondie.

Cadre contractuel

Le marché d'entraînement en vol de l'OTAN est un exemple des problèmes de conformité que nous avons constatés ailleurs. Il montre aussi le caractère inadéquat du cadre contractuel existant pour l'adjudication des gros marchés de services, lequel ne donne pas suffisamment de directives aux fonctionnaires sur les questions de concurrence dans un marché limité. Il est essentiel qu'à l'avenir, des directives soient données pour garantir que le gouvernement optimise ses ressources dans les très gros projets de prestation de services. Le secteur doit avoir l'assurance que toutes les entreprises ont une chance égale de concurrencer pour obtenir des marchés publics.

Le cadre actuel ne donne pas suffisamment de directives aux fonctionnaires ni sur la façon d'évaluer les risques ni sur celle d'analyser et de documenter le transfert des risques au secteur privé. Dans le marché d'entraînement en vol de l'OTAN, le transfert des risques était important, de même que la marge de profit accordée. Les études qui sous-tendaient ces décisions importantes étaient insuffisantes.

Le Comité voudra peut-être encourager le Secrétariat du Conseil du Trésor à tenir compte des questions suivantes au sujet des gros marchés de service dans ses initiatives interministérielles de réforme du mode d'approvisionnement :

  • Jusqu'à quel point doit-on maintenir la concurrence à long terme lorsque le gouvernement conclut des ententes de « partenariat »?
  • Quand et comment la concurrence doit-elle s'exercer?
  • Quelles mesures devraient prendre les ministères pour créer un environnement concurrentiel?
  • Enfin, quand l'adjudication d'un marché à un fournisseur unique est justifiée, comment les ministères devraient-ils évaluer les risques et rendre compte des marges de profit accordées en régime non concurrentiel, lorsque la politique sur les profits ne s'applique pas?

Conclusion

Monsieur le Président, notre rapport contient plusieurs recommandations à l'intention du Secrétariat du Conseil du Trésor. Les principaux points de ces recommandations sont la nécessité de suivre les règles existantes et de renforcer la reddition de comptes à l'égard de ces règles. L'adjudication de marchés à un fournisseur unique est une décision sérieuse qui prive d'autres personnes de possibilités économiques. Il doit exister une procédure indépendante pour ceux qui désirent contester ces décisions. Nous avons recommandé que les décisions de recourir à fournisseur unique fondée sur l'allégation qu'il est le seul en son genre soient revues et approuvées de façon indépendante par un cadre supérieur. Nous sommes déçus que le Secrétariat du Conseil du Trésor, bien qu'il se soit en gagé à offrir plus de formation aux agents des contrats, ait rejeté catégoriquement cette recommandation.

Nous sommes également découragés par le refus du Secrétariat d'appuyer des vérifications obligatoires d'un échantillon de contrats dans les ministères qui passent fréquemment des marchés avec un fournisseur unique. Il a bien sûr raison de se préoccuper de l'utilisation efficiente des ressources de vérification, mais vu l'ampleur du non-respect, nous pensons qu'il ne peut être ignoré plus longtemps. Des mesures s'imposent dès maintenant - et, à notre avis, les coûts ne dépasseraient pas les avantages obtenus.

Dans son 28e rapport, le Comité a fait un certain nombre de recommandations semblables, mettant l'accent sur la nécessité d'une vérification continue des marchés. La réponse du gouvernement au rapport n'était pas non plus encourageante.

Le Parlement peut aider en réitérant son appui aux règles et aux principes de la concurrence, de l'équité et de la valeur optimale qui les sous-tendent. Plus particulièrement, il peut insister pour que l'on évalue continuellement le rendement des contrats, pour qu'un cadre supérieur des ministères effectue un examen indépendant de la décision d'attribuer un marché à un fournisseur unique et qu'il soit tenu d'en rendre compte, et pour que soit créé un mécanisme indépendant de règlement des différends dans le cas des contrats qui ne sont pas du ressort du Tribunal canadien du commerce extérieur.

Monsieur le Président, voilà qui conclut ma déclaration d'ouverture. Nous serions heureux de répondre aux questions du Comité.