Commentaires d'introduction au Comité de l'agriculture et de l'agroalimentaire
La gestion des pesticides : sécurité et accès
sur le marché
(Chapitre 1 - Rapport de 2003 de la commissaire à l'environnement
et au développement durable)
Le 28 octobre 2003
Johanne Gélinas
Commissaire à l'environnement et au développement durable
Introduction
Je vous remercie, Monsieur le Président, de me donner l'occasion de
comparaître devant le Comité. Je suis ici aujourd'hui pour présenter
les constatations que nous avons formulées dans le chapitre intitulé
« La gestion des pesticides : sécurité et accès
sur le marché ». Ce chapitre fait partie de mon troisième
rapport annuel qui a été déposé le 7 octobre dernier.
Les principaux gestionnaires responsables de cette vérification m'accompagnent
aujourd'hui, soit Neil Maxwell, directeur principal, et Peter Morrison, directeur.
Pour ceux d'entre vous qui ne me connaissent pas, je dirige un groupe au sein
du Bureau du vérificateur général du Canada. Nous nous
efforçons d'aider les parlementaires à surveiller les efforts
déployés par le gouvernement fédéral pour protéger
l'environnement et favoriser le développement durable. Notre but est
de vous fournir, ainsi qu'à tous les citoyens canadiens, des analyses
objectives et indépendantes sur les progrès réalisés
par le gouvernement fédéral dans ce domaine. Nous formulons, au
besoin, des recommandations sur les mesures à prendre.
Notre vérification
En mai 2002, le Comité a déposé son rapport sur l'homologation
des produits antiparasitaires dans lequel vous recommandiez :
«
que le Bureau du vérificateur général
du Canada effectue une vérification de l'optimalisation des ressources,
c'est-à-dire une vérification du rendement, afin d'examiner
les pratiques de gestion, les contrôles et les systèmes de rapport
en vigueur à l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire. »
J'ai le grand plaisir de vous présenter aujourd'hui nos constatations
en rapport avec les préoccupations exprimées par le Comité.
La majeure partie de notre vérification a porté sur l'Agence
de réglementation de la lutte antiparasitaire, laquelle relève
de Santé Canada. Cependant, nous avons étendu notre examen à
d'autres directions générales de Santé Canada ainsi qu'à
Agriculture et Agroalimentaire Canada, à l'Agence canadienne d'inspection
des aliments, à Environnement Canada, à Pêches et Océans
Canada ainsi qu'à Ressources naturelles Canada.
Nos constatations générales
Nous avons constaté que l'Agence de réglementation de la lutte
antiparasitaire a apporté des améliorations marquées depuis
sa création. Cependant, dans tous les domaines que nous avons examinés,
les lacunes que nous avons trouvées sont trop nombreuses pour que je
puisse toutes les décrire dans ma déclaration d'ouverture. Nous
vous avons remis une version détaillée de la table
des matières du chapitre de notre rapport à titre d'outil
de référence et d'aperçu de nos principales constatations.
En consultant cette table des matières, vous verrez certaines de nos
principales préoccupations.
Dans l'ensemble, j'ai conclu que ces nombreuses lacunes soulèvent de
sérieux doutes quant à la gestion des risques que posent les pesticides
pour la santé et l'environnement.
La principale préoccupation notée dans mon rapport, c'est la
lenteur du processus de réévaluation des anciens pesticides. Certains
de ces pesticides ont été homologués il y a plusieurs dizaines
d'années, à une époque où les normes étaient
moins rigoureuses et où les connaissances sur les effets des pesticides
étaient moins avancées qu'aujourd'hui. À l'heure actuelle,
405 pesticides entrent dans la fabrication de milliers de produits commerciaux
que l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire s'est engagée
à réévaluer d'ici à 2006. Le gouvernement a entrepris
certaines de ces réévaluations il y a plus de dix ans. Tous les
pesticides qui ont été entièrement réévalués
ont été soit retirés du marché, soit restreints
à un usage limité.
Voici un exemple qui illustre comment les normes ont changé. Des insecticides
composés de phorate, un composé organophosphoré, ont été
homologués pour la première fois en 1969. La réévaluation
a permis de conclure que ce produit posait pour l'environnement des risques
extrêmement élevés. Or ces risques n'avaient peut-être
pas été évalués au moment de son homologation. Par
suite de cette réévaluation, il est maintenant proposé
que le phorate soit graduellement retiré du marché d'ici décembre
2004.
Les constatations qui concernent les préoccupations formulées
par le Comité
L'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire doit non seulement
gérer les risques associés à l'usage des anciens pesticides,
elle s'est aussi engagée à fournir dans des délais raisonnables
l'accès à de nouveaux pesticides, peut-être moins dangereux
des pesticides qui pourraient remplacer les pesticides retirés
du marché. Nous avons constaté que l'Agence a amélioré
considérablement la rigueur du traitement des demandes et le respect
des délais en comparaison du processus en place avant sa création.
Cependant, nous avons aussi constaté qu'elle manque de constance en ce
qui concerne ses propres objectifs en matière de respect des délais
dans l'étude des demandes : en fait, en 2002-2003, aucun de ses objectifs
quant au traitement des demandes dans les grandes catégories n'a été
atteint.
L'accès aux pesticides à usages limités inquiète
particulièrement certains producteurs agricoles. Encore une fois, l'Agence
n'a pas atteint ses objectifs concernant les délais d'évaluation
pour cette catégorie de pesticides. En mars 2003, les résultats
concernant environ le quart des demandes étaient en retard. Le gouvernement
fédéral a consacré de nouvelles ressources à l'amélioration
de l'accès aux pesticides à usages limités, mais nous avons
noté des écarts et des retards dans la mise en place des dispositifs
visant à utiliser ces fonds de manière efficace.
Nous avons aussi noté que l'Agence éprouve des difficultés
dans la gestion de ses ressources humaines. À notre avis, la plus grande
difficulté a trait à la gestion de l'augmentation de près
de 70 p. 100 des effectifs en raison des responsabilités conférées
par la nouvelle loi (l'Agence est passée de 367 employés à
la fin 2001-2002 à environ 620) et les nouvelles ressources qui accompagnent
cette augmentation.
L'Agence n'a fourni que des données partielles sur son rendement. La
direction n'assure pas le suivi des coûts du traitement des demandes individuelles
ou des groupes de demandes. Nous encourageons l'Agence à inclure un résumé
complet et fidèle de ses activités dans le rapport annuel exigé
par la nouvelle loi, y compris des données quantitatives sur son rendement
en matière de nouvelles demandes d'homologation et de réévaluations.
La nécessité de prendre des mesures
Je suis d'avis qu'il faut agir avec détermination pour combler l'éventail
des lacunes que nous avons cernées. Cependant, par leurs réponses
à mes recommandations, l'Agence de réglementation de la lutte
antiparasitaire et les autres organismes concernés ne nous donnent pas
vraiment l'impression qu'ils ont l'intention d'agir avec détermination.
Ainsi, nous avons recommandé que l'Agence élabore et mette en
uvre un programme visant à gérer l'arrivée massive
de nouveaux employés et à préserver la qualité du
processus d'évaluation. Dans sa réponse, l'Agence accepte cette
recommandation, mais ne prévoit aucune mesure supplémentaire.
Des mesures sont nécessaires et pas seulement dans les domaines qui ont
fait l'objet d'une recommandation. L'Agence et les organismes concernés
sont-ils prêts à s'engager clairement à combler chacune
des lacunes que nous avons relevées, et tout particulièrement
les aspects clés comme les réévaluations? Mettront-ils
en place des plans d'action détaillés pour combler les lacunes
et donner suite à nos recommandations, bref des plans d'action assortis
de mesures concrètes et d'échéanciers contraignants?
Conclusion
Nous abordons un nouveau tournant dans la gestion des pesticides au Canada.
Il y a une nouvelle loi, de nouveaux fonds et de nouvelles attentes. J'espère
que le gouvernement fédéral pourra désormais corriger certaines
lacunes du passé. Je suis cependant d'avis qu'il importe de suivre de
près ses progrès.
Le Comité a déjà joué un rôle crucial en
cernant les problèmes et en cherchant des solutions. J'espère
que nos constatations et nos recommandations vont vous aider davantage dans
votre démarche. Nous serions heureux de discuter des moyens que nous
pouvons prendre pour aider le Comité dans ses travaux.
Je vous remercie de votre attention. Nous répondrons avec plaisir à
toutes vos questions.
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