Commentaires d'introduction au Comité de l'environnement et du développement durable

« Comprendre les risques associés aux substances toxiques - des fissures dans les fondations de la grande maison fédérale »
(Chapitre 3 - Rapport du commissaire à l'environnement et au développement durable de 1999)

« Gérer les risques associés aux substances toxiques - les obstacles aux progrès »
(Chapitre 4 - Rapport du commissaire à l'environnement et au développement durable de 1999)

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Le 13 décembre 1999

Brian Emmett, commissaire à l'environnement et au développement durable

Je vous remercie Monsieur le Président, bonjour mesdames et messieurs. Cet après-midi, j'aimerais faire quelques brefs commentaires d'introduction, après quoi je serai heureux de répondre à vos questions. Je suis accompagné de John Reed, un directeur principal de ma direction et directeur de projet pour nos travaux sur les substances toxiques.

Je vous parlerai surtout aujourd'hui des pesticides en m'appuyant sur les chapitres 3 et 4 de mon rapport de mai 1999.

Le chapitre 3, Comprendre les risques associés aux substances toxiques - des fissures dans les fondations de la grande maison fédérale, soulignait l'importance d'une bonne information scientifique pour la prise de décisions concernant les risques posés par les pesticides et les autres substances toxiques. Nous avons constaté que la coordination interministérielle des projets de recherche était lacunaire, que les programmes interministériels étaient fragmentés, que des conflits existaient entre les priorités, que les réseaux de surveillance étaient incomplets et que le fossé se creusait de plus en plus entre les demandes d'information imposées aux ministères et les ressources dont ils disposent pour y répondre. Dans l'ensemble, ces fissures dans les fondations de la grande maison fédérale menacent la capacité du gouvernement de détect er et de comprendre les effets nocifs des substances toxiques, y compris des pesticides.

Dans le chapitre 4 de mon rapport, Gérer les risques associés aux substances toxiques - les obstacles aux progrès, nous avons signalé des conflits constants au sein des ministères, une inaction à l'égard des engagements pris et des politiques de portée générale, des initiatives volontaires nécessitant une reddition de comptes accrue et des lacunes au niveau de la surveillance du rendement et du suivi des données. Nous avons conclu que le gouvernement ne gérait pas adéquatement les risques posés par les substances toxiques existantes.

Depuis le dépôt du rapport, nous avons suivi avec beaucoup d'intérêt le déroulement de vos audiences. D'après les transcriptions, je crois que nos constatations sont toujours pertinentes. Je n'ai rien lu qui puisse nous amener à changer nos vues ni qui nous donne l'assurance que l'on donne suite de manière systématique aux principaux problèmes que j'ai cernés.

En plus des grands enjeux relevés dans les chapitres 3 et 4, il y a quelques enjeux clés sur lesquels je voudrais insister.

Tout d'abord, les travaux de recherche et de surveillance qui sont en cours au sein des ministères fédéraux peuvent nous donner une perspective canadienne unique quant à la présence et aux incidences des pesticides. Cependant, la production de projets de recherche et de surveillance de qualité est discutable si elle n'est pas utilisée efficacement. À cet égard, j'ai fait état dans mon rapport de préoccupations importantes au sujet de l'absence de collaboration et d'échange d'information entre l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire, ou ARLA, et les ministères qui font de la recherche scientifique tels que Santé Canada, Environnement Canada et Pêches et Océans. Cette situation doit changer pour que les décisions relatives aux pesticides profitent de toute l'expertise fédérale et qu'elles intègrent le principe de précaution.

Ensuite, nos préoccupations concernant le processus de réévaluation et des examens spéciaux des pesticides portaient essentiellement sur deux aspects. Premièrement, il est alarmant de constater la faible performance du gouvernement en ce qui a trait aux réévaluations des pesticides, tant si on considère les engagements nationaux pris il y a longtemps que le fait que d'autres pays semblent avoir pris la réévaluation beaucoup plus au sérieux qu'au Canada. De nombreux pesticides utilisés aujourd'hui ont été approuvés en fonction d'anciennes normes moins rigoureuses - dans certains cas, il y a 40 ans environ. Deuxièmement, les règles de base régissant les réévaluations et les examens spéciaux ne sont pas claires, et elles doivent l'être.

Je crois comprendre que vous avez entendu de nombreux témoins à ce sujet, et c'est pourquoi je me limiterai à préciser que nous n'avons PAS traité l'homologation des pesticides.

La troisième préoccupation soulevée dans le rapport était l'absence d'orientation stratégique globale ou de plan stratégique au sein de l'ARLA pour la réduction des risques associés aux pesticides. Dans ce contexte, la réduction des risques se rapporte à une multitude d'activités différentes - notamment les réductions d'utilisation, l'adoption de méthodes de remplacement ou de pesticides moins toxiques - afin de réduire les risques globaux pour les gens et l'environnement. Plusieurs pays dans le monde ont adopté de tels programmes et politiques. Dès la création de l'ARLA, le gouvernement canadien lui a même demandé d'élaborer une politique de réduction des risques. Toutefois, l'Agence ne l'a pas encore fait, et elle doit le faire.

Un autre secteur de préoccupation est le suivi inadéquat des rejets de substances toxiques et de pesticides. Vous savez que j'accorde dans mon rapport une très haute importance à la mesure de tels rejets. Je m'inquiète particulièrement du fait que l'Agence n'ait pas mis au point une base de données nationale sur la vente et l'utilisation des pesticides, bien qu'on l'ait chargée de le faire et qu'elle se soit déjà engagée en ce sens. Contrairement à plusieurs pays de l'OCDE le Canada n'en possède pas, ce qui nuit à sa capacité de prendre mesure des efforts de réduction des risques.

Le dernier sujet dont je veux vous parler est l'utilisation des instruments volontaires. Comme je l'ai indiqué dans mon rapport, ces instruments sont largement utilisés dans la gestion des produits chimiques industriels, mais pas autant pour les pesticides. Il semble cependant que cela changera. Je crois pour ma part que des programmes volontaires conçus et mis en œuvre de manière appropriée peuvent contribuer à atteindre les objectifs de gestion des risques, et les membres du Comité savent que nous avons fait plusieurs recommandations visant à renforcer les dispositions sur la reddition de comptes, la communication de l'information et la surveillance des instruments actuels. Si les initiatives volontaires intéressent les membres du Comité, ils voudront peut-être consulter les sections pertinentes du rapport.

En conclusion, Monsieur le Président, le principal message de mon rapport de mai est qu'il y a toujours un écart important entre le geste et la parole en ce qui concerne les programmes environnementaux et de développement durable du gouvernement fédéral. Et nous en payons le prix sur les plans de la santé, de l'environnement, du niveau de vie et de l'héritage que nous léguons à nos enfants et à nos petits-enfants.

Enfin, j'aimerais vous faire part de trois considérations. Premièrement, nous savons bien que les substances toxiques et les pesticides constituent une question complexe pour les raisons mentionnées dans nos chapitres et par d'autres témoins, mais ne je suis pas convaincu que les problèmes que nous avons cernés sont attribuables à la complexité des questions. Au contraire, bon nombre de ces problèmes ont une " connotation " humaine bien familière et peuvent, à mon avis, être facilement réglés. Par exemple :

Deuxièmement, on ne peut régler les questions et problèmes que nous avons identifiés dans nos chapitres et qui ont été signalée par de nombreux témoins en les séparant des grands enjeux. Le besoin d'une recherche coordonnée, de réseaux de surveillance efficaces, d'une application uniforme du principe de précaution et de la prévention de la pollution, de solides ententes volontaires et d'un suivi approprié des résultats constituent des exemples des types d'enjeux qui feront je l'espère l'objet de vos recommandations.

Troisièmement, comme je l'ai déjà dit plusieurs fois, les travaux du Comité sont essentiels à l'accomplissement des objectifs environnementaux et de développement durable du Canada. Les chapitres 3 et 4 de mon rapport de mai 1999 contenaient une série de recommandations en vue d'améliorer l'évaluation et la gestion des substances toxiques et des pesticides. La plupart d'entre elles étaient adressées en même temps à plusieurs ministères, parce que nous croyons que les relations de travail entre ceux-ci doivent être améliorées. Nous sommes naturellement heureux que six ministères fédéraux se soient entendus pour fournir une seule réponse de " haut niveau " et s'engager à donner suite à nos recommandations. Cependant, une telle solidarité s'est faite au détriment de la précision : en effet, les ministères n'ont pas pris d'engagement précis. Voilà où le Comité peut, à mon avis, jouer un rôle. Si le Comité approuve nos observations et nos recommandations, il peut tenir les ministères responsables de l'élaboration et de la mise en œuvre de plans d'actions précis et de la communication périodique des progrès.

En terminant, je veux remercier le Comité de son intérêt et de son soutien continus. Nous serons heureux de répondre à toutes vos questions.