Commentaire d’introduction au Comité des Pêches et des Océans

Pêches et Océans - Le saumon du Pacifique : la durabilité des pêches
(Chapitre 20 - Rapport du vérificateur général de novembre 1999)

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7 décembre 1999

L. Denis Desautels, FCA
Vérificateur général du Canada

Je vous remercie, Monsieur le Président, de me donner l'occasion d'échanger avec le Comité sur les résultats de notre vérification du ministère des Pêches et des Océans sur la durabilité des pêches du saumon du Pacifique. Le saumon joue un rôle spécial dans la qualité de vie des habitants de la côte Ouest où il est tout à la fois une indication de la santé des écosystèmes et une source d'avantages économiques, sociaux et culturels.

Les saumons ont besoin d'habitats tant d'eau douce que marins pour compléter leur cycle de vie, ce qui les amène à se déplacer sur de grandes distances et les rend vulnérables à un large éventail de conséquences, y compris la surpêche et la détérioration des divers types d'habitats. Par conséquent, nous n'avons pas été surpris de constater que le nombre de saumons qui reviennent frayer dans les ruisseaux, fleuves et lacs de la Colombie-Britannique fléchit.

Le fléchissement des prises, particulièrement des captures commerciales, reflète la gravité de la situation. La valeur de ces pêches est tombée de 250 millions de dollars à moins de 50 millions de dollars en cinq ans. Pourtant, le bureau régional du Ministère consacre actuellement au saumon quelque 85 millions de dollars de son budget de 230 millions de dollars, qu'il s'agisse de l'habitat, de la mise en valeur, de la recherche scientifique ou de la gestion des pêches en ce domaine.

Comme les pêches canadiennes, qu'elles soient autochtones, récréatives ou commerciales, dépendent de la santé de la ressource, notre vérification a porté surtout sur le saumon et sa gestion plutôt que sur les conséquences socioéconomiques du fléchissement des stocks.

Notre première vérification de la gestion du saumon du Pacifique portait sur la conservation et la protection de l'habitat d'eau douce du saumon. Les résultats de cette vérification ont été communiqués en 1997. Je suis heureux de noter, Monsieur le Président, que le Comité des comptes publics a tenu une audience sur ce chapitre en février 1998. On notait déjà, à cette époque, des pertes d'habitats, et ce, malgré la politique du « gain net » du Ministère. Or, au cours de notre deuxième vérification, nous avons constaté que cette observation s'appliquait toujours. Cependant, à cela s'est ajoutée une menace peut-être encore plus sérieuse pour la durabilité du saumon : une diminution de la survie de l'espèce en mer. Nous avons tous reçu un signal d'alerte au début de l'année quand nous avons appris que seulement trois millions de saumons sont venus frayer dans le fleuve Fraser alors qu'on en attendait huit millions.

Le Ministère ne peut évidemment contrôler la survie du saumon en mer. Il en est de même, dans une certaine mesure, de la protection complète des habitats qui dépend des règlements provinciaux qui prennent en compte la conservation des habitats dans leur gestion des terres et des eaux. D'où l'inquiétude que nous exprimons dans le chapitre au sujet des relations fédérales-provinciales.

Le Ministère doit faire mieux dans certains domaines. Nous avons fait état, dans le chapitre, de six secteurs qui exigent une attention urgente : la détermination des besoins d'information; la consultation des intervenants; la mise en œuvre des plans de gestion intégrée des pêches; la réduction et la restructuration de la flottille; la création d'une commission d'allocation; et l'établissement de meilleures relations fédérales-provinciales.

Le fait, par exemple, que le Ministère ne possède des renseignements fiables que pour 60 p. 100 des quelque 8 000 stocks de saumons de la Colombie-Britannique m'inquiète. Si le Ministère veut conserver les stocks tout en donnant la possibilité de pêcher, il lui faut des données plus complètes et plus précises pour élaborer et mettre en œuvre des plans de gestion intégrée des pêches. L'une des principales difficultés auxquelles fait face le Ministère est la nécessité de protéger la diversité génétique des stocks de saumons et d'établir les niveaux de capture acceptables (les objectifs) et les niveaux au-delà desquels il n'y aura pas de pêches (les limites de conservation) pour les stocks les plus importants. En l'absence d'information fiable, l'application de l'approche prudente, comme l'exige la nouvelle politique, entra&ici; rc;nera probablement des fermetures de pêches plus fréquentes et prolongées pour conserver les stocks qui sont faibles. Cela pourrait avoir des conséquences négatives pour les pêches tant autochtones et récréatives que commerciales.

Le Ministère est loin d'avoir gagné la confiance et la coopération des intervenants - une condition préalable essentielle à la durabilité à long terme des pêches. Comme nous l'avons noté dans le chapitre, les antécédents du Ministère en matière de consultation des intervenants sont peu reluisants.

Bien que des progrès significatifs aient été réalisés pour ce qui est de la réduction de la taille de la flottille - 38 p. 100 des permis ont été rachetés à ce jour - le problème de la capacité de pêche n'a pas été adéquatement réglé. Le Ministère et le gouvernement provincial doivent travailler de concert pour trouver des solutions aux problèmes que posent les habitats, de même qu'à d'autres problèmes.

Dans notre rapport, nous citons la gestion du saumon coho au cours des 30 dernières années comme un exemple de l'évolution d'une crise. Pourtant, ce n'est qu'en 1998 que le ministre des Pêches et des Océans d'alors a reconnu la gravité de la situation et pris des mesures pour conserver les stocks en baisse en fermant les pêches.

À l'automne 1998, le Ministère annonçait Une nouvelle orientation pour les pêches du saumon du Pacifique. La Nouvelle orientation dégage trois objectifs de gestion des pêches du saumon : la conservation, l'utilisation durable et la prise de décisions améliorée. Elle expose aussi les principes qui en guideront l'application. Le Ministère, par exemple, mettra davantage l'accent sur les volets suivants : la diversité génétique des stocks et l'application de l'approche prudente; l'utilisation de techniques de pêches sélectives et la création d'une pêche commerciale plus petite et plus diversifiée; enfin, l'amélioration du processus de consultation des intervenants et une plus grande implication de ceux-ci dans la prise de décisions. Ces changements majeurs seront effectués au moyen d'une série de quatre nouvelles politiques op&eacu; te;rationnelles fondées sur des documents de travail que le Ministère a diffusés en demandant au public de les examiner et de les commenter. La première politique, qui porte sur l'allocation, a été diffusée; le document de travail sur les techniques de pêche sélective est actuellement soumis à l'examen public; et les documents sur le saumon sauvage et l'amélioration de la prise de décisions sont en préparation. Entre-temps, le bureau régional du Ministère progresse dans certains domaines conformément à sa nouvelle Stratégie de gestion pour 1998-2001.

Le Ministère a donc déterminé son orientation stratégique et est en voie de définir la meilleure voie possible pour son application. Cependant, l'impulsion donnée plus tôt semble être freinée : ainsi, les versions finales de deux politiques opérationnelles ont été reportées. Nous craignons que l'engagement pris par le Ministère, dans sa Nouvelle orientation, ne soit pas mené à terme avec le degré d'urgence que la situation justifie. C'est un problème, Monsieur le Président, que le Comité pourrait vouloir discuter avec le Ministère.

Le Ministère aura besoin du support et de l'aide des intervenants s'il veut qu'ils partagent le fardeau, spécialement le coût des nouvelles mesures proposées dans la nouvelle politique. La capacité du Ministère de mettre en œuvre rapidement ces mesures est certainement la clé de la durabilité future de la ressource de saumons de même que des pêches qui en dépendent. Nous sommes inquiets du fait que les coûts de la mise en œuvre de la politique n'aient pas été déterminés et que les priorités n'aient pas été fixées pour l'utilisation des fonds existants.

Le Ministère a accepté nos recommandations et, comme je l'ai dit plus tôt, des éléments montrent qu'il progresse dans la bonne voie. Mais étant donné l'ampleur de la tâche qui l'attend et de la nouvelle menace que pose la survie du saumon en mer, l'avenir des pêches est, au mieux, incertain. La nécessité pour le Ministère de régler les problèmes de durabilité et de biodiversité que posent de nombreuses autres espèces dont il est responsable ajoute aux difficultés liées à la gestion des pêches du saumon dans le nouveau millénaire.

Je vous remercie, Monsieur le Président. Nous serons heureux de répondre à vos questions sur tous les aspects de ce chapitre.