Commentaires d'introduction au Comité de la défense nationale et des anciens combattants

Chapitre 4 - Défense nationale - Grands projets d'acquisition de biens d'équipement (Rapport du vérificateur général d'avril 1998)

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11 février 1999

L. Denis Desautels, FCA
Vérificateur général du Canada

Je vous remercie, Monsieur le Président, de nous donner l'occasion de rencontrer les membres du Comité et de discuter du chapitre 4 de notre rapport d'avril 1998. Ce chapitre porte sur les grands projets d'acquisition de biens d'équipement de la Défense nationale. David Rattray et Peter Kasurak, respectivement vérificateur général adjoint et directeur principal responsable des questions liées à la Défense nationale, m'accompagnent aujourd'hui.

Dans le chapitre 4, nous avons signalé que bien que les projets d'acquisition que nous avons vérifiés atteindraient probablement leurs objectifs de coût et de rendement, le manque de moyens financiers a mené à l'achat de matériel bas de gamme seulement et/ou à des restrictions quant au nombre d'articles achetés. Nous avons constaté que la direction n'a pas effectué d'analyses adéquates pour appuyer ses décisions d'achat; dans bien des cas, elle a examiné une seule option et n'a pas répondu à nos attentes en ce qui concerne la gestion des risques.

Vous vous souvenez probablement que nous avons publié en même temps un autre chapitre sur l'équipement et la modernisation des Forces canadiennes. La principale constatation de ce chapitre était que le budget en capital du Ministère ne serait pas suffisant pour doter le Canada d'une force polyvalente et apte au combat comme le prévoit le Ministère. Par conséquent, le Ministère a convenu que des « choix difficiles » devaient être faits concernant sa politique et/ou son équipement.

Le Comité des comptes publics a tenu des audiences sur les deux chapitres et recommandé que le Ministère prenne des mesures pour corriger les lacunes de ses processus de gestion. Le Comité a demandé au Ministère de soumettre un calendrier de mise en œuvre d'ici la fin de mars 1999.

Le Comité des comptes publics a également enjoint le Ministère d'améliorer son rapport annuel sur le rendement en y présentant cet automne un examen et une évaluation exhaustifs de la défense. De plus, le Comité a demandé au Ministère d'inclure son plan d'acquisition à long terme et de démontrer comment il atteindra ses objectifs en matière de capacité.

Les recommandations du Comité des comptes publics portent sur les principales questions soulevées dans ces deux chapitres. Mais il reste beaucoup à faire. Comme votre Comité a pu le constater dans le cadre de l'étude qu'il a menée sur les conditions de service des militaires, le budget de la Défense est étiré au maximum et bon nombre de postes budgétaires accusent d'importantes lacunes. Cela s'est répercuté sur les projets d'immobilisations, une situation qui suscite chez nous plusieurs préoccupations :

Permettez-nous de vous expliquer chacune de ces préoccupations.

Questions liées aux coûts

Dans l'ensemble, nous avons constaté que la partie du budget consacrée à l'immobilisation n'est pas assez importante pour soutenir le programme d'équipement établi par le Ministère. La différence pourrait atteindre les 30 milliards de dollars d'ici 2012-2013.

Les questions de coût se sont avérées une contrainte de taille pour quatre des six projets que nous avons vérifiés. Par exemple, dans le cadre du projet du Navire de défense côtière, on n'a pu acheter que deux ensembles de dragues mécaniques pour les 12 navires acquis aux fins de déminage. Dans son budget des dépenses, la Défense nationale souligne que le déminage rapide des itinéraires d'Halifax et d'Esquimalt constitue un besoin clé.

En ne se dotant que de capacités partielles, on court le risque que l'équipement ne soit pas utilisable lorsque le besoin se manifestera. Le Ministère est d'avis qu'il peut combler bon nombre de lacunes avec le temps, mais que, dans certains cas, comme en ce qui a trait à la capacité de transport limitée de l'hélicoptère Griffon, les lacunes sont liées à la nature même de l'équipement.

Votre Comité voudra peut-être examiner la question de l'acquisition de biens d'équipement lorsqu'il se penchera sur le Budget des dépenses de la Défense nationale. Peut-être voudrez-vous demander aux responsables du Ministère s'ils s'occupent de combler les lacunes qu'ils ont relevées.

Réforme du processus d'acquisition

Dans notre chapitre, nous avons aussi examiné les efforts accomplis par le Ministère depuis 1994 en vue de modifier son processus d'acquisition. Toutefois, le processus du Ministère n'est pas unique. Il est relié à celui qui a été établi pour l'ensemble du gouvernement par Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, le Secrétariat du Conseil du Trésor et Industrie Canada.

Quand nous avons effectué notre vérification, la Défense nationale nous a indiqué qu'elle avait concentré sa réforme sur la gestion interne des projets et qu'elle venait tout juste de s'attaquer aux processus interministériels. À la fin de notre vérification, le Ministère ne disposait d'aucun plan de mise en oeuvre de la réforme, mais il a depuis ce temps établi un Plan d'action pour la réforme de l'acquisition. Ce plan constituerait la touche finale au guide de réforme que le Ministère a établi pour présenter les « meilleures pratiques ». Le plan prévoit également des projets pilotes visant à faire l'essai de certains de ces concepts, mais plusieurs de ces projets ne seront pas terminés avant septembre 2000. En outre, les projets pilotes choisis sont relativement peu importants et le Ministère signale qu'il a mis sur pied un plan « dynamique » et que la bonne marche de celui-ci dépend de la disponibilité des ressources et de l'avancement de la « réforme à l'échelle du gouvernement ».

On pourrait comparer ce programme relativement modeste à l'initiative « Smart Procurement » mise sur pied par la Grande-Bretagne suite à un examen de défense stratégique qui a duré presque deux ans et qui ressemblait un peu à l'examen qui a donné lieu à la rédaction du Livre blanc canadien de 1994. L'examen a cependant permis de lancer de vastes réformes du processus d'acquisition, qui pourraient donner lieu à un partenariat plus étroit entre le gouvernement et le secteur privé. Plutôt que d'utiliser des projets de moindre importance comme projets pilotes dans le cadre de leur réforme, les Britanniques ont opté littéralement pour leurs acquisitions vedettes - soit leur futur porte-avions, leur futur sous-marin d'attaque et leur hélicoptère Apache.

Ce à quoi nous voulons en venir, c'est que les Britanniques semblent prendre des moyens plus énergiques pour régler leurs problèmes d'acquisition d'équipement. La résolution des problèmes d'acquisition de la Défense nationale exige la participation de plusieurs ministères et une attention soutenue de la part du Ministère. Le Comité voudra peut-être examiner ce problème de façon plus approfondie et contribuer à le régler.

Pratiques de gestion

La vérification a suscité certaines inquiétudes à l'égard de l'ensemble des politiques de gestion.

Nous craignons qu'en poussant le Ministère à réduire les étapes de son processus d'acquisition, comme dans le cas de certaines acquisitions de produits commerciaux, cela risquerait de causer des surprises qui pourraient être coûteuses au cours des années à venir. L'hélicoptère Griffon en est un exemple. Il a des problèmes de décharge électrostatique qui risquent de nuire aux soldats descendant en rappel. Même si cet hélicoptère a été utilisé ailleurs, les Forces canadiennes ne l'ont pas essayé dans toutes les conditions dans lesquelles elles avaient l'intention d'en faire usage avant la signature du contrat.

D'autres pratiques ont besoin d'être examinées. Le projet d'acquisition des sous-marins de la classe Upholder et le programme d'entraînement en vol de l'OTAN au Canada utilisent des méthodes de financement « innovatrices ». En effet, dans le cas des sous-marins, le Canada a troqué l'usage de ses installations d'instruction contre ces sous-marins. Dans le cadre du programme d'entraînement en vol de l'OTAN, les aéronefs appartiennent à une société sans but lucratif, sont financés par l'émission d'obligations commerciales et loués à une seconde société qui vend des services au Ministère.

Les méthodes de financement innovatrices ne sont apparues qu'après notre vérification de 1998. Nous n'avons donc pas eu l'occasion de vérifier des projets pour lesquels on aurait eu recours à de telles méthodes de financement. Nous constatons, cependant, que celles-ci permettent à un ministère dont les moyens sont limités d'acquérir l'équipement nécessaire sans avoir à débourser immédiatement d'importantes sommes d'argent. Dans le cas de l'entraînement en vol de l'OTAN, cette solution peut également permettre au Ministère d'obtenir des services du secteur privé à un prix inférieur à ce qu'il en coûterait pour obtenir ces services auprès d'un organisme gouvernemental. Nous avons entrepris récemment la vérification de certaines de ces initiatives. Nous tenterons, grâce à ces travaux de vérification, de déterminer si ces pratiques :

Nous présenterons des rapports sur certains de ces projets l'automne prochain. Le Comité voudra peut-être étudier ces questions lors de ses prochaines délibérations.

Conclusion

En conclusion, nous croyons qu'il faut de toute urgence régler la question de la disparité entre le budget d'immobilisations de la Défense et les projets d'acquisition du Ministère. J'invite le Comité à étudier cette question la prochaine fois qu'il examinera le Budget des dépenses de la Défense nationale. Lors de ses prochaines audiences, le Comité pourrait également se pencher sur les efforts que déploie le Ministère en vue de modifier son processus d'acquisition, ainsi que sur les initiatives de financement innovatrices qui s'y rattachent.

Monsieur le Président, voilà qui met fin à mon commentaire d'introduction. Nous nous ferons un plaisir de répondre aux questions des membres du Comité.