Commentaires d'introduction au Comité permanent des Comptes publics

Rapport annuel du vérificateur général de 1999

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Le 2 décembre 1999

Denis Desautels, FCA
Vérificateur général du Canada

Je vous remercie, Monsieur le Président. Nous sommes heureux d'avoir l'occasion de rencontrer aujourd'hui les membres du Comité pour discuter du Rapport déposé ce mardi.

Avant de passer en revue les questions que nous jugeons prioritaires, j'aimerais attirer l'attention du Comité sur quelques-uns des points soulevés dans mon chapitre annuel sur les « Questions d'une importance particulière » pour le Parlement.

J'ai mis l'accent, cette année, sur les changements survenus dans l'administration publique fédérale. Au cours de la dernière décennie, le gouvernement a éliminé son déficit, il a réduit la taille de la fonction publique, et il a rendu le processus budgétaire plus démocratique. Il conclut maintenant des ententes de partenariat avec d'autres ordres de gouvernement ou avec le secteur privé pour assurer l'exécution des programmes et la prestation des services.

Bien que le gouvernement fédéral ait accompli des pas importants au cours de la dernière décennie dans la plupart de ces domaines, des lacunes demeurent. Ainsi, le processus budgétaire n'est pas suffisamment prospectif et aucun mécanisme ne permet de faire un examen permanent des programmes; l'information et la gestion ministérielles demeurent axées, de façon démesurée, sur les activités plutôt que sur les résultats; les dispositions redditionnelles des nouveaux mécanismes de régie sont faibles; et la fonction publique doit être revitalisée.

Les changements que nous avons connus au cours des dix dernières années dans la fonction publique fédérale comportent des défis de taille. Le Parlement doit les relever sans plus tarder.

Permettez-moi de vous exposer deux de ces défis pressants : les nouveaux mécanismes de régie et la mise en œuvre de la Stratégie d'information financière.

Le gouvernement fédéral conclut des ententes avec d'autres ordres de gouvernement ou avec le secteur privé pour assurer des programmes et des services aux Canadiens. Quelle que soit la forme que prend la prestation d'un service, les Canadiens ont le droit de s'attendre, dès que les ressources et l'autorité fédérales sont en jeu, à une reddition de comptes et à une bonne régie par l'intermédiaire d'une information juste et fiable au Parlement.

Dans le chapitre 23, nous relevons plus de 70 nouveaux mécanismes de régie au sein de l'administration fédérale pour lesquels plus de cinq milliards de dollars sont dépensés chaque année. Aux termes de ces mécanismes, la prestation traditionnelle de services gouvernementaux est maintenant assumée par des organismes de l'extérieur qui ne sont pas directement responsables envers les ministres et envers le Parlement.

À mon avis, la reddition de comptes pour ces mécanismes est insuffisante.

Ce n'est pas l'existence de nouveaux mécanismes de régie qui me préoccupe. Au contraire. Ces nouveaux mécanismes, s'ils sont correctement mis en place, permettent d'offrir des services plus efficients et mieux adaptés grâce à des modalités plus ciblées, plus souples et davantage axées sur la clientèle.

Lorsqu'il conçoit de nouveaux mécanismes de régie, le gouvernement doit maintenir un juste équilibre : il doit laisser suffisamment de latitude aux organismes à qui il délègue des responsabilités pour qu'ils puissent prendre des décisions, et il doit demeurer responsable, envers les Canadiens, du respect de l'intérêt public dans la gestion des fonds. De plus, un tel cadre devrait encourager les parlementaires à discuter de la reddition de comptes qu'ils jugent nécessaire pour ces mécanismes.

Le gouvernement devrait établir un cadre pour la reddition de comptes et pour la saine régie afin d'aider les ministères à concevoir les nouveaux mécanismes de prestation de services. Nous pensons qu'une information crédible, un plus grand souci de l'intérêt public, une reddition de comptes efficace et une plus grande transparence constituent les éléments de base d'un tel cadre.

Le Comité voudra peut-être examiner les dispositions redditionnelles qui régissent certains de ces mécanismes de prestation. Les chapitres 23 et 24 du présent Rapport portent sur cette question, ainsi que le chapitre 5 du Rapport d'avril 1999.

Le second défi pressant qui mérite l'attention du Parlement est la mise en œuvre de la Stratégie d'information financière.

L'information financière qui est actuellement entre les mains du gouvernement ne répond pas à ses besoins. Elle ne permet pas aux décideurs de savoir, de façon continue, combien coûtent leurs programmes.

Si le gouvernement ne sait pas exactement combien lui coûtent ses programmes, il lui est très difficile de prendre des décisions éclairées sur la meilleure façon d'exécuter tel ou tel programme et sur les frais qu'il peut demander aux usagers des services.

Aucune grande entreprise du secteur privé ne pourrait survivre sans ces renseignements de base. Le gouvernement fédéral a le devoir de se donner la même qualité d'information financière que le secteur privé.

Dans son budget de 1995, le ministère des Finances a annoncé l'intention du gouvernement d'adopter la Stratégie d'information financière. Plus de quatre ans plus tard, je vois peu de signes tangibles m'indiquant que les ministères accordent à ce projet majeur l'attention qu'il mérite. Plusieurs des ministères ne parviennent même pas à préparer une information fiable, et en temps opportun, pour respecter leurs échéances. D'autres détails que le Comité a demandés le 16 novembre dernier lui seront remis par lettre très prochainement.

Le chapitre 21 porte sur l'état de préparation des ministères à la mise en œuvre de la Stratégie. Nous avons constaté que la plupart d'entre eux commençaient à peine à accorder une importance particulière à la Stratégie, bien que la date fixée pour sa mise en œuvre soit le 1er avril 2001, c'est-à-dire dans moins de deux ans.

Nous savons que, quand il y a une véritable urgence, les ministères fédéraux peuvent se mobiliser. Le passage à l'an 2000 en est la preuve. Le Secrétariat du Conseil du Trésor, qui en assure la gestion globale, devra insuffler un leadership plus vigoureux pour que la Stratégie puisse être menée à terme.

Passons maintenant à la préparation à l'an 2000. Le chapitre 25 traite de l'étape finale de la préparation des systèmes informatiques. Au cours des 18 derniers mois, le gouvernement a fait des progrès significatifs pour préparer les systèmes informatiques qui appuient les fonctions essentielles à la mission du gouvernement.

Je suis convaincu que ces systèmes sont maintenant prêts, en grande partie, pour le nouveau millénaire. Des mesures sont actuellement mises en place pour affronter les contingences et les situations d'urgence nationale.

Mais la prudence s'impose : le gouvernement doit demeurer vigilant, non seulement avant le 1er janvier 2000, mais aussi après.

Le comité pourrait vouloir envisager d'étudier rapidement le chapitre 25 pour obtenir l'information la plus à jour du Secrétariat du Conseil du Trésor.

J'aborderai maintenant, brièvement, les autres points soulevés dans ma lettre sur les priorités que je vous suggérais, dans l'ordre dans lequel elles paraissent dans le Rapport.

Le chapitre 11 porte sur la gestion des frais d'utilisation externes par Agriculture et Agroalimentaire Canada, par la Commission canadienne des grains et par l'Agence canadienne d'inspection des aliments. Les trois organisations doivent améliorer leur gestion de ces frais dans un certain nombre de domaines, notamment l'établissement des coûts de leurs services, l'évaluation de l'incidence des droits, l'établissement de mécanismes officiels d'appel et l'intégration de la tarification dans leur planification stratégique.

Le chapitre 14 traite de la surveillance nationale des maladies transmissibles et chroniques et des blessures, surveillance qui est principalement assurée par le Laboratoire de lutte contre la maladie. Nous avons constaté qu'en l'absence d'un cadre national pour la santé publique, les activités actuelles de surveillance de la santé se font, dans une large mesure, en fonction des besoins du moment. Les principaux systèmes de surveillance que nous avons examinés ne fonctionnaient pas comme prévu.

Le cas présenté au chapitre 15 illustre bon nombre des enjeux dont nous avons discuté dans le chapitre 14. Au printemps 1998, une épidémie de toxi-infection alimentaire s'est déclarée à l'échelle du pays. La vérification a porté sur la façon dont avaient réagi, face à cette épidémie, les organismes fédéraux et provinciaux : Santé Canada, l'Agence canadienne d'inspection des aliments — qui est responsable devant le ministre de l'Agriculture — ainsi que les ministères provinciaux et les services locaux de santé publique. Nous avons noté l'absence d'échange rapide d'information pour permettre de déterminer l'étendue de l'épidémie. Les organismes d'intervention n'ont pas non plus coopéré pleinement.

Le chapitre 17 rend compte de notre vérification de la Phase II du programme Travaux d'infrastructure Canada. Cette vérification constate qu'on a réalisé peu de progrès pour combler les lacunes cernées dans le cadre de notre vérification de 1996 de la Phase I du même programme. Dans l'optique fédérale, le programme « repose essentiellement sur la confiance » et la reddition de comptes laisse à désirer. Nous avons constaté que les fonctionnaires fédéraux ne vérifiaient pas toujours l'efficacité des pratiques de sélection de projets, de contrôle des fonds publics et de mise en place de mesures pour atténuer les éventuels effets néfastes sur l'environnement.

Dans le chapitre 27, nous examinons le programme des « différents modes de prestation de services » assuré par la Défense nationale. Nous avons examiné 14 projets, aujourd'hui terminés, portant sur des services de soutien comme l'impression, l'entretien des immeubles, les services d'alimentation et la formation de pilotes. Plusieurs des analyses de rentabilisation ont été mal faites et les options n'ont pas toujours été évaluées adéquatement.

Le chapitre 30 est le deuxième d'une série sur les pratiques de passation de marchés du gouvernement. Il porte sur les marchés à fournisseur unique pour des services professionnels et sur le recours aux préavis d'adjudication de contrat, ceci afin de déterminer dans quelle mesure on a respecté les politiques et règlements ainsi que les principes de la valeur optimale et de la liberté d'action. Tout comme l'an dernier, lors de notre vérification des marchés de services professionnels conclus avec un fournisseur unique, nous en sommes venus à la conclusion que la plupart des marchés que nous avons vérifiés cette année ne résisteraient pas à l'examen public.

Pour votre information, le Comité permanent des pêches et des océans a fixé une audience, le 7 décembre, sur le chapitre 20, « Pêches et Océans — Le saumon du Pacifique : la durabilité des pêches ». De plus, le même jour, nous rencontrerons le Comité permanent de l'industrie pour avoir un échange de vue sur le chapitre 19, « Portefeuille de l'Industrie — L'investissement dans l'innovation ». En outre, le Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants a demandé une séance d'information, fixée au 9 décembre, sur les chapitres portant sur la Défense nationale.

Monsieur le Président, voilà qui met fin à mon commentaire d'introduction. Nous serions heureux de répondre à vos questions.