Commentaire d'introduction au Comité des affaires autochtones et du développement du Grand Nord

Chapitre 14 - Les revendications territoriales globales

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22 octobre 1998

L. Denis Desautels, FCA
Vérificateur général du Canada

Monsieur le Président, je vous remercie de me donner l'occasion de présenter les résultats de notre vérification des revendications territoriales globales dont fait état le chapitre 14 de mon rapport de septembre 1998.

Les revendications territoriales globales constituent un sujet très important et également très complexe pour beaucoup de Canadiens. Les enjeux sont élevés sur le plan moral, juridique, social et économique. Les répercussions des revendications réglées et non réglées peuvent être profondes.

Il convient de noter que le règlement de ces revendications touche directement des milliers de personnes, qu'elles participent directement ou non à une revendication. Il importe également de noter que les règlements tentent de répondre à des questions qui ont été laissées en suspens et qui remontent à la naissance de notre pays et même avant.

Au moment de la vérification, 12 ententes de règlement avaient été signées entre 1975, année où la première entente a été conclue, et 1997. Affaires indiennes et du Nord Canada prévoit dépenser 262 millions de dollars en 1998-99 pour les programmes des ententes.

Les ententes de règlement concernent 48 000 Autochtones et prévoient la propriété exclusive de plus d'un demi-million de kilomètres carrés de terres, le versement direct, par le gouvernement du Canada, d'indemnités de près de deux milliards de dollars et divers droits et obligations des parties ainsi que les coûts connexes.

Même si ces ententes sont très importantes, elles pourraient refléter seulement la pointe de l'iceberg. Pourquoi? Parce que les revendications actuelles ou éventuelles de plus de 200 Premières nations doivent encore être évaluées ou réglées.

Les défis que posent les ententes de règlement sont énormes. Elles comportent des questions complexes et exigent la bonne volonté de plusieurs parties et de nombreuses non-parties à une revendication.

Je crois que la négociation d'ententes de règlement justes est de loin préférable à une menace persistante de poursuite ou à une poursuite comme telle. Je crois aussi que la nature des relations entre les Premières nations et le gouvernement reflétera, dans une large mesure, la manière dont les ententes seront conclues et les résultats, obtenus.

Tant qu'il restera des griefs et des revendications à régler, la relation pourrait en souffrir, nuisant ainsi aux efforts déployés par les parties pour faire des progrès socioéconomiques grâce à une multitude de programmes qui sont financés par le gouvernement et destinés aux peuples autochtones.

Nous savons, par exemple, que beaucoup de Premières nations ont du rattrapage à faire par rapport à la qualité de vie dont jouissent les autres Canadiens. Parmi les facteurs qui contribuent à l'écart, mentionnons les suivants :

De plus, on peut s'attendre que la demande de services dans les réserves augmente de façon spectaculaire en raison du fait que l'âge moyen des membres des collectivités est bas et que le taux de natalité dans les réserves est élevé.

Par conséquent, l'écart entre les conditions de vie dans les collectivités autochtones et non-autochtones risque de s'élargir. La seule hausse du financement n'est pas une solution à long terme viable. Pour commencer, les parties doivent - détendre l'atmosphère - en réglant les vieux griefs et en arrivant à s'entendre sur les attentes, les responsabilités et les obligations tant du gouvernement que des Premières nations.

C'est à la lumière de ce contexte que je dépose l'annexe A du présent commentaire d'introduction. L'annexe résume certains points des vérifications dont nous avons fait rapport de 1991 à 1997 qui, à mon avis, seront utiles au Comité.

Venons-en maintenant au rapport de septembre 1998 sur les revendications territoriales globales. Il y a quelques points saillants que le Comité voudra peut-être prendre en considération. D'abord, la vérification a été exécutée à la lumière des objectifs du Ministère qui sont de fournir certitude et clarté quant aux titres de propriété et à l'utilisation des terres et des ressources grâce à des ententes négociées, et de favoriser ainsi le développement socioéconomique.

À cet égard, la vérification a porté sur le rôle du Ministère et cherché à trouver des possibilités d'améliorer la façon dont les ententes sont conclues, mises en oeuvre et communiquées.

Nous avons constaté que la certitude obtenue aux termes des ententes de règlement peut vouloir dire différentes choses pour différentes parties. Il y a le risque que les parties puissent s'être entendues sur des résultats après négociation, mais qu'elles gardent des attentes différentes concernant les avantages et les obligations énoncés dans l'entente signée.

De plus, la vérification a permis de constater ce qui suit :

En outre, on peut se demander pourquoi il a fallu ou il faudra vingt ans ou plus pour régler certaines revendications, même si le processus comporte des questions complexes. À mon avis, le prolongement des négociations ne contribue pas à la rentabilité du processus et peut aboutir à des résultats moins favorables pour toutes les parties intéressées.

Même si les recommandations sont principalement adressées au ministère, il faut des efforts constants et la collaboration de la part de toutes les parties pour atteindre les objectifs nécessaires, et ce, de manière équitable et rapide. Dans sa réponse à la vérification, le Ministère ne parle pas explicitement des recommandations formulées. Par conséquent, il ne s'est engagé à l'égard d'aucune mesure corrective précise dont on peut lui demander de rendre compte.

Le Ministère laisse entendre qu'aux termes de sa politique actuelle sur les revendications territoriales, qui date de 1986, les choses se sont améliorées et que les observations de vérification s'appliquent aux méthodes utilisées avant cette date.

Je désire attirer l'attention du Comité sur le fait que la vérification a comporté un examen des ententes signées aux termes de la politique actuelle. De plus, comme il a fallu 20 ans ou plus pour régler certaines revendications et comme elles sont encore toutes en voie de mise en oeuvre, les questions soulevées par la vérification doivent être réglées, peu importe la politique que le Ministère souhaite appliquer.

En conclusion, Monsieur le Président, cette vérification propose tout en reconnaissant l'ampleur du défi des façons d'améliorer le processus et les résultats des revendications dans l'intérêt de tous les Canadiens. Grâce à l'encouragement du Comité, j'espère que des améliorations seront apportées.

Monsieur le Président, je serai heureux de répondre aux questions du Comité.


Annexe A

Sélection de rapports antérieurs, 1991 à 1997, qui sont du ressort du Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord

1997, Chapitre 13 - La santé des Premières nations

Ce chapitre portait sur les programmes de santé pour les Premières nations mis en oeuvre par Santé Canada au coût annuel de un milliard de dollars environ. La vérification avait relevé des lacunes importantes dans la gestion des prestations pharmaceutiques fournies en vertu du Programme des services de santé non assurés.

Le chapitre attirait en particulier l'attention sur l'usage à mauvais escient des médicaments prescrits et sur ses graves répercussions sur la santé des Premières nations. La vérification avait aussi fait ressortir le besoin d'améliorer la gestion des programmes de santé communautaire mis en oeuvre par l'entremise d'accords de contribution distincts. Le rapport indiquait qu'un cadre approprié pour le transfert de la responsabilité des programmes de santé aux collectivités avait été élaboré, mais qu'il n'avait pas été mis en oeuvre complètement.

1996, Chapitre 33 - Les modes de financement s'appliquant aux Premières nations

La vérification a révélé que les modes en cours et prévus de financement s'appliquant aux Premières nations, dont la valeur annuel était estimée à trois milliards de dollars, devaient être améliorés de façon significative dans plusieurs secteurs. Les améliorations visaient notamment les grandes questions liées à la responsabilisation, la conception et l'utilisation des modes de financement et la participation des Premières nations, les évaluations du risque de même que la communication de l'information financière et de l'information sur les activités. En outre, de nombreuses questions portant sur l'application des modes de financement ont été soulevées.

1996, Chapitre 13 - Étude sur les pratiques de reddition des comptes - Point de vue des Premières nations

Les Premières nations participantes ont reconnu l'importance d'une bonne reddition des comptes, mais elles ont constaté que les pratiques actuelles ne leur convenaient pas. Elles ont bien fait sentir l'importance de la réciprocité comme élément essentiel de la reddition des comptes - entre partenaires ou égaux.

1995, Chapitre 23 - Les immobilisations et leur entretien dans les réserves

La vérification a fait ressortir la nécessité d'améliorer le développement des infrastructures des réserves dans des secteurs tels que la gestion du risque, la responsabilité, la méthode d'allocation des fonds et l'information sur le rendement.

1994, Chapitre 23 - L'assistance sociale

La vérification a fait ressortir des préoccupations concernant le taux élevé de dépendance à l'égard de l'assistance sociale sur les réserves. La vérification a signalé, en outre, la nécessité d'améliorer la mise en oeuvre des programmes et les initiatives visant à réduire la dépendance. De plus, elle a souligné un taux élevé de non-conformité aux critères de l'assistance sociale.

1993, Chapitre 11 - La Stratégie canadienne de développement économique des autochtones

Trois ministères étaient responsables de la Stratégie - Affaires indiennes et du Nord canadien, Emploi et Immigration (maintenant Développement des ressources humaines) et Industrie, Sciences et Technologie (maintenant Industrie Canada).

La mise en oeuvre de la Stratégie exigeait de renforcer le leadership et la planification. Les ministères n'avaient pu démontrer que les méthodes de financement et les sommes versés aux groupes autochtones étaient appropriées. Après avoir dépensé 900 millions de dollars, les ministères n'avaient pu démontrer qu'ils répondaient aux objectifs de la Stratégie. Le manque d'information sur le rendement et les résultats avait nui à l'obligation de rendre compte au Parlement.

1992, Chapitre 15 - Le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien

La gestion des forêts des Indiens. On a souligné dans le chapitre que le Règlement sur le bois de construction des Indiens était inapproprié et inapplicable. L'information devant servir à prendre des décisions efficaces au sujet des terres forestières des Indiens était inadéquate. Si elles avaient été mieux gérées, les forêts des Indiens auraient pu générer des avantages économiques et sociaux durables d'importance.

La Convention sur l'inondation des terres du nord du Manitoba. Les projets d'aménagement hydroélectrique avaient eu des effets négatifs sur plus de 2000 kilomètres carrés de terres, y compris 67 kilomètres carrés de terres de réserves où vivaient 10 000 Indiens inscrits.

La Convention signée en 1977 par les gouvernements du Canada et du Manitoba, Hydro-Manitoba et cinq bandes indiennes prévoit l'indemnisation des communautés en cas d'inondation. Cependant, on a constaté de nombreuses carences dans la mise en application de la Convention, notamment le recours à un processus d'arbitrage interminable plutôt qu'à un effort concerté de la part de toutes les parties. Les ministères fédéraux avaient dépensé 115 millions de dollars aux termes de la Convention, mais ils n'avaient pas en main les coûts totaux de la mise en application et ils ne savaient pas quels seraient ces coûts dans l'avenir.

1991, Chapitre 14 - Le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien

La vérification a relevé des lacunes concernant l'obligation par le Ministère de rendre compte de quelque deux milliards de dollars versés aux bandes indiennes et aux conseils tribaux.

Le logement sur les réserves était nettement insuffisant et l'on avait estimé, en 1991, qu'il en coûterait 840 millions de dollars pour palier la pénurie de logements. Bien que le Ministère avait pour politique d'assurer des logements, il n'avait pas précisé si cette aide constituait un avantage discrétionnaire ou un droit, comme le revendiquaient les associations autochtones.

La vérification a révélé qu'il en coûterait plus de deux milliards de dollars au cours des dix prochaines années pour appliquer les clauses de la Loi C-31(1985) aux Indiens inscrits nouvellement rétablis dans leurs droits. Les dépenses engagées devaient répondre aux demandes accrues relativement au logement, à l'éducation ainsi qu'à la santé et aux soins dentaires. Le Ministère n'avait pas de système de contrôle de la qualité pour assurer l'exactitude des données sur les membres des bandes.

Les Premières nations avaient présenté quelque 600 revendications particulières contre le Ministère en invoquant comme motif une mauvaise administration des biens des Indiens, le non-respect des traités et autres actes. Plus de la moitié des revendications présentées au cours des 20 dernières années n'étaient toujours pas réglées au moment de la vérification.

Pétrole et gaz des Indiens du Canada n'avait pu démontrer de façon satisfaisante le niveau d'assurance de production obtenu par rapport aux redevances.