Commentaires d'introduction au Comité de l'environnement et du développement durable

Chapitre 22 - Lieux contaminés fédéraux - L'information de gestion sur les coûts et les passifs environnementaux (Rapport du vérificateur général de novembre 1996)

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17 février 1998

Brian Emmett, commissaire à l'environnement et au développement durable


Les lieux contaminés constituent un problème environnemental qui peut être grave : ils peuvent donner lieu à la contamination des eaux souterraines, soustraire des terres de valeur à des utilisations plus productives et menacer la santé humaine et l'environnement. Ils peuvent aussi donner lieu à des passifs financiers éventuellement importants pour le gouvernement.

Le gouvernement fédéral possède des milliers de lieux contaminés qui posent des risques éventuels pour la santé publique, la sécurité et l'environnement. Avant de pouvoir évaluer les risques pour l'environnement et la santé, le gouvernement doit recenser les lieux contaminés dont il est responsable. C'est seulement à ce moment-là qu'il pourra élaborer un plan d'action, y compris un échéancier, pour surveiller et au moins contrôler les risques ou pour dépolluer complètement un lieu.

Mais le gouvernement fédéral, qui est le plus important propriétaire foncier au Canada, ne dispose pas d'un tableau complet des risques éventuels pour la santé, la sécurité et l'environnement liés aux quelque 5 000 lieux contaminés qui relèvent de lui. Il n'a pas non plus une bonne idée des passifs et des coûts d'assainissement qui s'y rapportent. Résultat : il est incapable de donner au Parlement et à la population canadienne l'assurance qu'il peut gérer ces risques.

La situation n'est pas totalement désespérée. Des ministères individuels ont fait des progrès en commençant à recenser et à évaluer leurs portefeuilles de lieux contaminés. Le chapitre de 1996 décrit certains des progrès réalisés par trois gros ministères qui sont propriétaires de nombreuses terres. Toutefois, si l'on se fie au rythme actuel des progrès dans l'ensemble des 12 ministères examinés, il pourrait leur falloir encore au moins dix ans pour finir de recenser, d'évaluer et de dépolluer les lieux contaminés dont ils sont responsables - encore dix ans de risques pour la santé et la sécurité qui pourraient être graves.

Ce qui me dérange personnellement c'est la manière que le gouvernement a choisie pour gérer son portefeuille de plus de 5 000 lieux contaminés. Toutes les autres organisations visitées qui géraient un important portefeuille de lieux contaminés avaient adopté une approche holistique pour recenser les lieux contaminés qui présentaient le plus de risques et pour s'en occuper en priorité. Toutefois, le gouvernement fédéral a opté pour une approche fragmentée qui nous amène à nous demander si c'est la bonne. Le gouvernement est pour ainsi dire captif du niveau d'intérêt dont chaque ministère fait preuve à l'égard de la gestion de son propre portefeuille de lieux contaminés.

Ainsi, cette approche institutionnelle fait qu'il n'existe pas de calendrier commun pour le recensement, l'évaluation et, en fin de compte, la dépollution des lieux contaminés fédéraux, particulièrement des lieux à risques élevés. Pas plus qu'il n'existe d'ailleurs d'approche fédérale commune, uniforme et cohérente pour faire en sorte que le gouvernement fasse preuve de la diligence à laquelle on s'attend d'un grand propriétaire foncier, qu'il soit du secteur public ou du secteur privé. Un ministère peut dépolluer un lieu à risques peu élevés alors qu'il reste à un autre ministère à dépolluer tous ses lieux à risques élevés.

Le Secrétariat du Conseil du Trésor a préparé un projet de politique sur la comptabilisation des coûts et des passifs liés aux lieux contaminés. La date de mise en oeuvre proposée est fixée au 1er avril 1998, les coûts et les passifs connexes devant être signalés pour la première fois dans les états financiers du gouvernement d'ici le 31 mars 1999. Un élément clé est le degré de préparation des ministères. Compte tenu de l'approche fragmentée pour laquelle a opté le gouvernement, nous craignons que les ministères n'aient pas terminé l'estimation de leurs passifs respectifs pour le 31 mars 1999. La question qu'il reste à régler est la suivante : comment faire en sorte que les parlementaires et les Canadiens connaissent ce qu'il en coûte pour atténuer les risques pour la santé et la sécurité s'il n'existe pas de calendrier commun pour le recensement et l'évaluation de tous les lieux contaminés fédéraux.

Le gouvernement continue à ne pas être d'accord avec nous sur la nécessité d'avoir un plan et un calendrier de portée gouvernementale pour le parachèvement du recensement, de l'évaluation et de la dépollution de tous les lieux contaminés fédéraux. Il souligne que chaque ministère fédéral est responsable de l'assainissement de son propre portefeuille.

Les Canadiens se posent des questions sur la crédibilité de nos institutions. Le gouvernement fédéral risque de perdre de la crédibilité en raison de son incapacité de mettre de l'ordre dans ses affaires pour ce qui est de la surveillance et de la gestion de l'héritage de déchets dangereux qui se trouvent sur les terres dont il est responsable. L'érosion de la crédibilité peut aussi influer sur la capacité du gouvernement de réglementer ou d'influencer les pratiques environnementales des autres.

Il reste à savoir quels sont les coûts éventuels pour la santé et l'environnement de ne pas intervenir à temps.

Merci, monsieur le Président.