Commentaire d'introduction au Comité permanent du patrimoine Canadien

Rapport de l'examen spécial du centre national des arts - juin 1998

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3 février 1999

L. Denis Desautels, FCA
Vérificateur général du Canada

Je vous remercie, monsieur le Président, de nous donner l'occasion de présenter aux membres de votre Comité les résultats de l'examen spécial que nous avons effectué au cours de la période du 1er novembre 1997 au 31 mai 1998. Le rapport que nous avons présenté au Conseil d'administration en juin dernier a été rendu public par le Centre national des Arts en octobre 1998.

Permettez-moi, en premier lieu, de vous préciser que mon mandat, lors d'un examen spécial, consiste à présenter au Conseil d'administration une opinion qui lui donne un degré raisonnable d'assurance que :

L'opinion que nous exprimons dans le rapport s'appuie sur un examen des systèmes et pratiques de la Société qui sont essentiels à la gestion des risques importants liés à l'obtention des résultats visés.

Dans le cas du Centre national des Arts, c'est à la demande du Conseil d'administration que nous avons procédé à un tel examen. . En effet, le Centre n'est pas assujetti à la partie X de la Loi sur la gestion des finances publiques qui prévoit, pour de nombreuses sociétés d'État, qu'un examen spécial ait lieu au moins tous les cinq ans.

Contexte

Lorsque nous avons réalisé notre examen spécial, le Centre sortait d'une longue période d'instabilité dont les causes principales étaient liées aux changements au sein de la direction, aux réductions budgétaires, à une plus vive concurrence et à l'évolution du profil et des goûts de la clientèle. Cette instabilité avait entraîné une baisse de la clientèle dans tous les secteurs, affecté le moral du personnel et nui à l'atteinte de plusieurs objectifs.

Au cours de notre examen, nous avons constaté que le Centre avait posé plusieurs gestes en vue de faire face à cette situation : plusieurs initiatives avaient été lancées afin de revitaliser le Centre et d'accorder la priorité à la programmation. Les initiatives et les réalisations de la dernière année avaient été importantes et semblaient avoir atténué l'instabilité des années précédentes. À l'approche du prochain millénaire, la direction se proposait d'entreprendre plusieurs projets d'envergure qui lui permettraient de poursuivre la revitalisation du Centre, d'accroître sa crédibilité et de réaliser pleinement son mandat.

Dans ce contexte, il nous apparaissait donc important que le Centre, en tant que société d'État, consacre les efforts nécessaires à la mise en place d'un cadre de gestion afin de pouvoir mieux évaluer ses progrès vers la concrétisation de sa vision stratégique, de prendre des décisions éclairées, de rendre compte de ses résultats et de saisir toutes les occasions de réduire les coûts.

Observations

Au terme de nos travaux, nous avons constaté que le Centre avait des lacunes importantes au plan de :

Nous avons aussi fait part de nos inquiétudes au sujet de la gestion des risques financiers. De plus, pour ce qui est des secteurs de la programmation, du marketing, de la gestion des ressources humaines, des activités de collecte de fonds, du système d'information et de la gestion de l'immeuble, nous avons déterminé que le Centre n'avait pas établi certains des systèmes et pratiques nécessaires pour lui permettre de gérer de façon efficace et d'obtenir les résultats voulus.

De façon plus précise, le Centre n'avait pas clairement défini ce qu'il voulait réaliser et les moyens qu'il comptait prendre pour y arriver.

Lors de notre vérification de 1985 et de notre examen spécial de 1993, nous avions souligné au Conseil d'administration et à la direction l'importance pour le Centre de se doter d'objectifs clairs et de stratégies efficaces en vue de réaliser sa mission. Bien qu'un certain nombre d'initiatives en ce sens avaient été entreprises, elles n'avaient pas toutes donné les résultats escomptés. Nous étions donc fort préoccupés de devoir constater, encore une fois, le manque de direction stratégique et l'absence d'un plan d'entreprise concret, compris et accepté par le Conseil d'administration, la direction et le personnel.

Nous étions d'avis qu'un plan d'entreprise donnerait plus de rigueur au processus de prise de décision du Centre, tout particulièrement en ce qui a trait à la programmation artistique et à la répartition des ressources. Par exemple, nous avons noté que le Centre n'avait pas clairement établi ses objectifs ni cerné la clientèle cible du festival d'été avant de décider de raviver l'événement. Nous nous attendions à trouver une analyse plus rigoureuse des coûts et des avantages de l'initiative.

Un plan d'entreprise apporterait aussi au Centre un certain élément de stabilité dans la conduite de ses opérations. Nous croyons qu'une orientation plus claire et structurée aurait aidé l'organisation à mieux affronter les difficultés des dernières années ou certainement contribué à en réduire les effets négatifs.

D'autre part, le Centre ne s'était pas penché sur l'à-propos du volet de son mandat qui vise à aider le Conseil des Arts à développer les arts d'interprétation ailleurs au Canada et sur les moyens à prendre à cette fin. Nous avons d'ailleurs noté que l'orientation stratégique du Centre faisait abstraction de toute relation avec le Conseil des Arts et qu'en fait, ces dernières avaient été jusqu'alors très limitées.

Nous avons aussi souligné que l'élaboration d'un plan d'entreprise nécessite un examen plus approfondi de l'environnement, plus particulièrement des facteurs et des risques qui ont une incidence sur l'atteinte des objectifs du Centre.

Nous avons également constaté que le Centre, au cours des dernières années, avait réussi à équilibrer ses dépenses en fonction des crédits parlementaires reçus et des autres recettes qu'il génère, et à gérer sa trésorerie en fonction de ses besoins. Toutefois, les nombreuses initiatives de renouvellement qui étaient en cours au Centre pouvaient avoir une très grande incidence sur sa santé financière. Nous nous attendions à ce que le Centre fasse preuve de plus de vigilance dans la détermination, l'analyse et la gestion des risques financiers liés à ses stratégies. A la fin du dernier exercice, en août dernier, le Centre avait malheureusement un déficit de 3 millions de dollars.

Lors de notre examen du plan budgétaire quinquennnal, nous avions attiré l'attention sur un certain nombre de points :

Nous avions constaté que le Centre comptait augmenter de façon considérable les recettes annuelles de ses programmes artistiques. Ces prévisions de recettes nous semblaient très optimistes, tant pour l'année en cours que pour les trois années subséquentes. Étant donné les faiblesses que nous avions relevées dans les secteurs de la programmation et du marketing, il était important que le Centre analyse bien les risques liés à la réalisation de ses prévisions de recettes et envisage des solutions de rechange en cas d'écarts importants.

Le Centre comptait également sur ses activités de collecte de fonds pour financer une grande partie des nouvelles initiatives prévues dans ses prévisions budgétaires. Toutefois, étant donné le risque inhérent à ce type d'activités et les faiblesses notées dans leur planification, le Centre devait être prudent avant d'engager des dépenses pour ces nouvelles initiatives. Nous étions d'avis qu'il aurait eu avantage à prévoir un plan pour éventualités au cas où les objectifs de recettes ne se réaliseraient pas.

En fait, pour la période de 1998-1999 à 2002-2003, le Centre visait à recueillir une somme totale de 29,5 millions de dollars, et il estimait qu'il lui en coûterait 10 millions de dollars pour ce faire, soit 2 millions de dollars annuellement. . Nous étions d'avis, toutefois, que le Centre avait encore beaucoup à faire pour atteindre ses objectifs de coûts pour ce qui est de ces activités de collecte de fonds. Nous nous serions attendus à ce que le Centre évalue ses programmes actuels de collecte de fonds et leurs résultats. Cela l'aurait aidé à élaborer un plan triennal complet de ses activités de financement.

Monsieur le Président, Uune fois la direction stratégique bien définie, comme nous venons de le mentionner, il devenait essentiel que le Centre se dote d'un solide cadre de gestion du rendement pour lui permettre de mesurer les progrès dans la mise en oeuvre de son plan et d'en rendre compte.

Nous avons constaté en effet qu'il y avait lieu de formuler clairement les attentes en matière de rendement et de faire en sorte que ce rendement soit surveillé.

La responsabilité pour la mise en oeuvre du plan d'entreprise et la gestion des opérations devait être claire. Nous croyons que le Centre devrait d'abord préciser les rôles et les responsabilités du Conseil d'administration et des membres de la direction. Notre examen nous a permis de constater que les responsabilités n'étaient pas toujours évidentes et que cette situation était parfois source de tensions entre les membres du Conseil d'administration et ceux de la direction. Nous étions d'avis qu'il serait bénéfique pour le Centre que le Conseil d'administration et la direction définissent ensemble leurs rôles et responsabilités respectifs. Les gestionnaires devaient également avoir une idée précise de ce dont ils étaient responsables et des résultats que l'on attendait d'eux. Nous avons noté que les mécanismes redditionnels en vigueur au Centre n e permettaient pas de rendre les gestionnaires pleinement responsables de leurs résultats.

Nous étions aussi préoccupés par le fait que l'information de gestion dont disposait le Centre ne facilitait pas la prise de décision. Comme nous l'avons déjà mentionné, les nombreuses initiatives de renouveau qui étaient en cours au Centre s'accompagnaient de risques financiers importants. Il était essentiel que le Conseil d'administration et la direction possèdent l'information nécessaire pour conjointement gérer ces risques, et qu'ils s'entendent sur la nature des renseignements nécessaires pour mesurer les progrès réalisés dans la mise en oeuvre des nouvelles stratégies. Un des facteurs clés du succès de l'organisation, en cette période de changement, était sa capacité de prendre des décisions éclairées en temps opportun.

Les pratiques de dotation pour les postes clés doivent être améliorées

Quant aux pratiques de gestion des ressources humaines, nous avons constaté que la politique et les procédures de dotation du Centre avaient été conçues pour assurer à l'organisation un personnel compétent. D'ailleurs, une politique et des mécanismes de dotation bien définis étaient en place. Toutefois, même si, dans plusieurs cas, les pratiques de dotation étaient conformes à la politique, notre examen a révélé que trop souvent elles les pratiques de dotation n'étaient pas appliquées en fonction de cette politique. Cela pouvait amener le Centre à prendre de mauvaises décisions en matière de dotation, et donc celui-ci risquait de ne pas disposer de toutes les compétences dont il pouvait avoir besoin.

Nous avons aussi noté que les mécanismes de responsabilisation des gestionnaires devaient être renforcés pour permettre au Centre de mieux gérer le rendement du personnel et des membres de la direction. d'obtenir les résultats escomptés. De plus, nous avons souligné que, pour une société de la taille du Centre, l'organisation du travail pouvait être simplifiée et rendue moins coûteuse.

La réaction du Centre

Toutes ces observations, monsieur le Président, ont fait l'objet de nombreuses discussions avec les membres de la direction et du Conseil d'administration, qui les ont acceptées. Au moment de la présentation de notre rapport, nous avions alors insisté non seulement sur l'importance d'agir mais aussi sur l'urgence de le faire. Nous estimions que tout cela était possible si le Conseil d'administration et la direction faisaient preuve d'autant de détermination et d'énergie que lors de l'exercice du renouveau artistique.

Conclusion

Le Centre s'est d'ailleurs engagé à donner suite à notre rapport et nous avons suivi de près les progrès accomplis depuis. Nous avons pris connaissance de plusieurs initiatives qui ont été lancées afin de corriger la situation dont nous avions fait état dans notre rapport.

Malheureusement, comme nous pouvons tous le constater aujourd'hui, le Centre est de nouveau confronté depuis les derniers mois à des événements difficiles qui ne sont pas entièrement étrangers à certaines faiblesses que nous avions relevées et aux risques que le Centre devait gérer.

Monsieur le Président, cela termine mon commentaire d'introduction et il nous fera plaisir de répondre à vos questions et à celles des membres de votre comité.