Commentaires d'introduction au Comité des comptes publics

Chapitre 4 – Défense nationale - Grands projets d’acquisition de biens d’équipement (Rapport d'avril 1998)

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2 juin 1998

L. Denis Desautels, FCA
Vérificateur général du Canada


Je vous remercie, Monsieur le Président, de nous donner l’occasion de rencontrer le Comité pour discuter du chapitre 4 de mon rapport d’avril qui est consacré aux grands projets d’acquisition de biens d’équipement du ministère de la Défense nationale. Je suis accompagné aujourd’hui de MM. David Rattray et Peter Kasurak, qui sont respectivement vérificateur général adjoint et directeur principal responsable des questions touchant la défense.

Le Ministère prévoit dépenser près de 6,5 milliards de dollars au cours des cinq prochaines années pour acheter les biens d’équipement dont les Forces armées canadiennes ont besoin pour remplir les tâches qui leur sont confiées.

Dans le cadre de notre vérification, nous avons examiné six grands projets d’acquisition de biens d’équipement d’une valeur totale de 3,3 milliards de dollars, à savoir : le projet d’hélicoptère Griffon, le projet de navire de défense côtière, le projet de véhicule blindé de reconnaissance Coyote, le projet d’arme antichar Eryx, le projet portant sur les systèmes de soutien de la guerre électronique et d’instruction et le projet de viseur thermique du Leopard.

Pour chacun des six projets que nous avons examinés, il est probable que les objectifs de coût et de rendement établis dans le contrat seront atteints. Néanmoins, plusieurs pratiques de gestion que nous avons observées nous semblent préoccupantes.

Nous avons constaté que la politique de défense laisse beaucoup de latitude au Ministère lorsqu’il s’agit de déterminer le niveau d’équipement requis. De plus, nous avons constaté, pour ce qui est des projets examinés, que le manque de moyens financiers a mené à l’achat de matériel bas de gamme seulement et/ou à des restrictions quant au nombre d’articles achetés.

Certains projets ont connu de tels problèmes, notamment : le projet d’hélicoptère Griffon, le projet de navire de défense côtière et le projet de viseur thermique du Leopard. Pour chacun de ces projets, l’équipement choisi par le Ministère ne répondait pas aux besoins militaires établis initialement.

L’hélicoptère Griffon ne peut répondre aux exigences initiales de l’armée de terre en ce qui concerne la capacité d’emport et le matériel de communications. Pour 12 de ses navires de défense côtière, le Ministère a acheté deux unités d’un dispositif de dragage mécanique qui n’est efficace que contre certains types de mine. De plus, il n’a pas acheté tout l’équipement dont ces navires auraient besoin pour patrouiller efficacement la nuit et dans des conditions de faible visibilité. Le char Leopard C1 n’a été doté que d’un viseur amélioré, bien que l’armée de terre ait établi qu’une modernisation complète (y compris celle du canon et du blindage) constituait le « minimum acceptable ».

Nous avons constaté que les méthodes de gestion des projets d’acquisition de biens d’équipement pourraient être améliorées de plusieurs façons :

Plusieurs des problèmes associés à l’acquisition de biens d’équipement, problèmes détectés au cours de la présente vérification et de vérifications antérieures, continuent d’affecter les grands projets d’acquisition de biens d’équipement actuels. Le Ministère a confirmé la persistance de ces problèmes dans une étude récente de restructuration qui a porté sur l’ensemble du processus de gestion de ces projets et il s’y attaque à l’aide de ses nombreux programmes continus de restructuration en cours. Cependant, il faudra du temps pour mettre en oeuvre de nouveaux processus de gestion des projets, car cela exige de nouvelles compétences, des programmes de formation et un programme à long terme visant à modifier la culture organisationnelle du Ministère.

Les efforts que déploient le Ministère afin de résoudre des problèmes de longue date, relatifs aux grands projets d’acquisition de biens d’équipement, m’encouragent. En 1994, le Ministère a entrepris un vaste programme de renouveau de la gestion pour faire face aux réductions budgétaires et pour améliorer l’efficacité et l’efficience des opérations. Dans le cadre de ces efforts, le Ministère prévoit disposer, d’ici 1999, d’un plan d’action pour la mise en oeuvre d’un nouveau processus d’acquisition. Le Ministère nous a fait parvenir une copie de ce plan la semaine dernière. Il a aussi mis au point la version préliminaire d’un « Guide de réforme des acquisitions » dans lequel sont énoncés les nouveaux concepts d’acquisition, et il est en train de le transformer en un guide détaillé sur la mise en oeuvre des meilleures pratiques d’acquisition.

D’une façon générale, nous avons constaté que la réforme du processus d’acquisition de biens d’équipement n’en est qu’à l’étape initiale, et que les progrès sont lents. Cela est compréhensible, vu la complexité des questions en jeu et le fait qu’il s’agit d’un problème de longue date. De plus, étant donné que la fonction « acquisition » échappe en grande partie au contrôle du Ministère, en particulier l’administration des contrats, le Secrétariat du Conseil du Trésor et Travaux publics et Services gouvernementaux Canada doivent participer au projet si l’on veut pouvoir apporter les modifications requises au processus.

Nous recommandons dans le chapitre que le ministère de la Défense nationale, en collaboration avec les autres ministères et organismes participant au processus d’acquisition de biens d’équipement — en particulier Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, Industrie Canada et le Secrétariat du Conseil du Trésor — poursuive ses efforts afin de pouvoir élaborer un plan de mise en oeuvre de la réforme du processus d’acquisition de biens d’équipement.

Le Comité voudra peut-être demander au Ministère d’élaborer un plan de mise en oeuvre qui indique clairement la nature des changements requis, les objectifs de rendement et les dates cibles approximatives pour la réalisation de ces améliorations.

Comme je l’ai déjà indiqué, je m’inquiète du fait que le Ministère a peu recours à l’essai et à l’évaluation du matériel, en particulier lorsqu’il achète du matériel standard disponible sur le marché ou du matériel militaire disponible sur le marché.

Afin de s’assurer que l’équipement permettra aux Forces canadiennes d’accomplir les tâches et les missions opérationnelles qui leur seront confiées, il est nécessaire de faire en sorte que l’on effectue des évaluations et des essais appropriés de l’équipement avant d’en faire l’achat et avant son acquisition définitive, de manière à confirmer que l’on obtient le type d’équipement dont on a besoin. Ces mesures sont particulièrement importantes lorsque l’utilisation que le ministère prévoit faire de l’équipement diffère de celle des utilisateurs commerciaux ou d’autres organisations militaires. Le Ministère devrait examiner la mesure dans laquelle il effectue des tests préalables à la passation de contrat et le degré de confiance qu’il accorde à la certification de l’équipement par les civils.

Enfin, le Ministère doit renforcer son processus d’évaluation des besoins et des options, peut-être en lui accordant plus d’importance dans son Guide de réforme des acquisitions. Il devrait aussi préparer des études et des analyses en temps plus opportun pour appuyer les décisions d’acquisition.

Monsieur le Président, voilà qui conclut mon commentaire d’introduction. Nous serons heureux de répondre à vos questions.