Commentaires d'introduction au Comité des comptes publics

Chapitre 6 – Le vieillissement de la population et l’information destinée au Parlement : pour comprendre les choix (Rapport d'avril 1998)

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9 juin 1998

L. Denis Desautels, FCA
Vérificateur général du Canada


Merci de nous donner l’occasion de discuter avec vous du chapitre portant sur le vieillissement de la population et l’information destinée au Parlement. Comme vous le savez sans doute, ce chapitre s’inscrit dans la série de rapports que nous avons publiés au sujet de la nécessité d’améliorer l’information communiquée au Parlement sur la condition financière du gouvernement.

En qualité de vérificateur au service du Parlement, je suis chargé de formuler des observations sur la valeur des rapports financiers du gouvernement. À cet égard, je crois qu’il est important que le gouvernement fournisse aux Canadiens l’information dont ils ont besoin pour faire les choix financiers qui non seulement les touchent aujourd’hui, mais qui toucheront également les générations à venir. C’est pourquoi nous avons publié des rapports sur ce thème, surtout qu’il influe sur la situation financière globale du gouvernement.

Dans ce chapitre, nous insistons précisément sur l’importance de tenir compte des facteurs démographiques et du long terme dans les décisions budgétaires annuelles; à cet égard, il est important de reconnaître la différence entre tenir compte de cette information et rendre compte de l’information.

Le chapitre vise deux objectifs.

Pour ce qui est du premier objectif, nous avons montré que le vieillissement des personnes nées pendant l’explosion démographique risque fort de s’accompagner d’une baisse de la croissance économique et des recettes connexes et d’une accélération possible de l’augmentation des dépenses.

Ce déclin éventuel de la croissance économique repose sur le fait que l’on s’attend à un ralentissement marqué de la croissance de la population active dans une dizaine d’années, moment où les personnes nées pendant l’explosion démographique atteindront l’âge de la retraite et commenceront à quitter la population active en grand nombre.

Cet effet néfaste sur l’économie et les recettes du gouvernement pourrait être compensé par des hausses de la productivité du travail. Le taux de croissance de la productivité du travail étant demeuré relativement stable au cours des 20 dernières années, c’est-à-dire à près de un pour cent, il faudrait une croissance spectaculaire pour compenser la diminution prévue de la croissance de la population active. Nul doute qu’une telle croissance tomberait à point, mais il ne faut pas y compter.

Pour ce qui est des dépenses, les gouvernements peuvent s’attendre à une hausse des coûts au titre des pensions et des soins de santé étant donné que les personnes nées pendant l’explosion démographique se rapprochent de la retraite et que la plupart vivent généralement plus longtemps. Encore une fois, même si cette situation semble inévitable, il faudrait, pour qu’elle ne se produise pas, des changements majeurs dans la façon dont les services médicaux sont utilisés et les pensions financées, principalement la Sécurité de la vieillesse et le Supplément de revenu garanti.

Toutes ces données vous donnent peut-être à penser que le vérificateur général fait beaucoup de projections économiques, et je serais d’accord avec vous. Je n’ai pas fait toutes ces projections pour prédire l’avenir, mais pour montrer la nécessité de fournir de l’information aux Canadiens afin de les aider à comprendre les effets éventuels des tendances démographiques sur la situation financière à long terme et pour montrer le lien entre ces tendances démographiques et l’actuel processus de décision en matière de budget.

Monsieur le Président, je vous assure que nos propositions ne sont pas loin de ce qui se fait dans d’autres pays développés.

Dans son dernier budget, le gouvernement britannique a annoncé l’avènement d’un nouveau code pour la stabilité fiscale. Ce code exige que des projections financières soient établies pour une période d’au moins dix ans en vue de jeter de la lumière sur l’effet intergénérationnel de la stratégie financière du gouvernement.

En plus du Royaume-Uni, l’Australie, la Nouvelle-Zélande et les États-Unis accompagnent actuellement leurs budgets annuels de projections à long terme pour montrer les liens entre les décisions budgétaires et le long terme.

Et pourtant, le Canada continue à fixer des objectifs mobiles sur deux ans et à ne fournir, ni dans le budget ni dans les Perspectives ministérielles de l’automne, d’information au sujet de l’effet des facteurs démographiques sur les finances du gouvernement.

En conclusion, permettez-moi de clarifier deux points. Premièrement, je sais très bien que les projections à long terme sont empreintes d’incertitude. Mais comme l’OCDE l’a fait remarquer, la plus grande valeur de l’établissement de projections de cette nature ne réside pas dans les chiffres produits comme tels, mais dans le fait qu’il force les gens à réfléchir au sujet de l’avenir.

Deuxièmement, je ne propose pas que le ministre des Finances établisse des prévisions sur un horizon de dix à 30 ans et qu’il soit tenu d’en rendre compte. Une telle proposition ne serait pas pratique. Ce qui nous inquiète, c’est la transparence, pas la reddition de comptes. Et à notre avis, pour que les rapports financiers du gouvernement soient valables, il est essentiel que ce dernier informe les Canadiens des effets possibles des facteurs démographiques. Cela ne veut pas nécessairement dire présenter cette information dans le budget annuel; il serait peut-être préférable que le gouvernement le fasse à l’automne au moment où il consulte le Parlement pour obtenir des commentaires sur le prochain budget.

Merci, Monsieur le Président. Nous serons maintenant heureux de répondre à vos questions.