Commentaires d'introduction au Comité des comptes publics

Chapitre 10 - Commission canadienne des droits de la personne - Comité du tribunal des droits de la personne (Rapport de septembre 1998)

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27 octobre 1998

David Rattray, FCGA
Vérificateur général adjoint

Monsieur le Président, je vous remercie de l’occasion qui m’est donnée de discuter avec vous de notre vérification de la Commission canadienne des droits de la personne et du Comité du tribunal des droits de la personne.

En 1977, le Parlement a créé la Commission canadienne des droits de la personne et le Comité du tribunal des droits de la personne qu’il a chargés de régler les plaintes relatives aux droits de la personne de façon rapide, impartiale et experte. Cette situation reflète un consensus fondamental parmi les Canadiens selon lequel les droits de la personne doivent être protégés et promus. Toutefois, nous avons constaté qu’avec le temps le processus est devenu lourd, long et coûteux.

Depuis 1987, la Commission et le Tribunal ont reçu environ 175 millions de dollars pour régler les plaintes et pour promouvoir les droits de la personne. Ces dépenses ne comprennent pas les dépenses importantes engagées par les plaignants ou les mis en cause qui sont souvent les ministères et les organismes gouvernementaux, le Conseil du Trésor et les sociétés d’État.

Le règlement des plaintes prend beaucoup de temps et la plupart des plaintes sont rejetées

Selon les normes de la Commission, il faut neuf mois pour mener à terme une enquête et environ un an pour prendre une décision finale. Nous avons constaté que la Commission prend beaucoup plus de temps à régler les plaintes. Ainsi, entre 1988 et 1997, il lui a fallu en moyenne 27 mois pour prendre une décision finale. Plus particulièrement, il lui a fallu :

La Commission dispose d’information sur le temps pris pour régler les plaintes de disparité salariale depuis janvier 1993. Depuis ce temps, 36 plaintes de disparité salariale ont été déposées; 23 d’entre elles sont dans les dossiers depuis plus de trois ans.

Le règlement d’une plainte peut prendre plusieurs années de plus si elle est déférée au Tribunal et si les décisions de la Commission et du Tribunal sont soumises à la Cour fédérale pour révision judiciaire.

La Commission continue d’avoir un arriéré important de plaintes

La Commission considère qu’il y a arriéré lorsque le traitement d’une plainte est toujours en cours neuf mois après la date de sa signature. Entre 1991 et 1995, l’arriéré de la Commission se situait entre 62 p. 100 et 72 p. 100 de ses dossiers ouverts. En 1997, près de la moitié des plaintes de la Commission faisaient encore l’objet d’une enquête un an après avoir été signées.

Beaucoup d’efforts ont été déployés pour régler les problèmes

La situation que nous avons décrite n’est pas nouvelle. Par exemple, en 1985, nous avons signalé des retards importants et des arriérés dans le traitement des plaintes par la Commission.

Depuis notre vérification de 1985, la Commission a fait beaucoup d’efforts pour essayer d’améliorer son efficience et son efficacité. Par exemple, depuis 1994, elle a centralisé ses opérations d’enquête à Ottawa et elle a révisé son processus de gestion des plaintes afin de détecter rapidement les plaintes qui nécessitent l’obtention de renseignements de base mais qui n’ont pas besoin de faire l’objet d’une enquête.

Pour éliminer l’arriéré de plaintes, la Commission a demandé et reçu, à partir de 1989-1990, une augmentation permanente de ses crédits annuels d’environ 411 000 $ pour le recrutement de neuf enquêteurs, ainsi qu’un financement unique de 400 000 $ en 1992-1993. La Commission a aussi réaffecté à l’interne environ un million de dollars entre 1992-1993 et 1997-1998 pour réduire l’arriéré de plaintes.

Étant donné que les défis que doit relever la Commission ont une importance primordiale et qu’ils sont interreliés, les tentatives pour améliorer la situation en axant les efforts sur la révision du processus d’enquête et en augmentant les dépenses consacrées à la diminution de l’arriéré, n’ont pas donné les résultats escomptés.

Le contexte dans lequel les enquêtes se déroulent présente des risques élevés

Pour la Commission et le Tribunal, la difficulté est certainement de taille. Pour modifier le système actuel, on doit donc prendre en compte le contexte et les attentes associés à ces organismes. Mentionnons par exemple les faits suivants :

La Commission a aussi connu un roulement élevé de ses enquêteurs. Depuis 1995, 15 enquêteurs ont quitté le service qui traite la plupart des plaintes. Il faut environ un an à un enquêteur pour donner son plein rendement. Lors de notre vérification, 14 des 22 enquêteurs du service avaient moins d’un an d’expérience. Cette situation contribue aux retards relatifs aux enquêtes.

Conclusions de notre vérification

Le Parlement a créé la Commission canadienne des droits de la personne et le Comité du tribunal des droits de la personne pour traiter les questions fondamentales liées aux droits de la personne. Ces questions doivent être traitées de manière efficiente et efficace.

La ministre de la Justice a entrepris un examen exhaustif de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Nous convenons que le Parlement doit mener un examen approfondi de la Loi.

Les défis liés au traitement des plaintes relatives aux droits de la personne ainsi que les solutions potentielles ont une importance capitale et sont interreliés. C’est pourquoi les problèmes ne peuvent être résolus individuellement ou simplement par l’injection de ressources.

Il est nécessaire de définir avec soin un ensemble intégré de mesures législatives et administratives, notamment celles-ci :

D’autres moyens doivent également être établis pour le traitement des plaintes. Par exemple, pour réduire le nombre de plaintes devant faire l’objet d’une enquête, la Commission pourrait avoir recours à la médiation volontaire par un médiateur indépendant et neutre, et ce, dès le début du processus de gestion des plaintes. Nous croyons que cette mesure pourrait contribuer à réduire grandement le nombre de plaintes qui doivent faire l’objet d’une enquête.

Dans le cas de certaines plaintes examinées par la Commission, les plaignants et les mis en cause ont suffisamment de ressources et de connaissances pour produire la preuve et défendre leurs positions. Il se peut que ces parties n’aient pas besoin de l’aide de la Commission. En leur permettant de porter leur cause directement devant le Tribunal ou la Cour fédérale, on pourrait accroître l’efficacité du système. Cette mesure pourrait faire diminuer de façon importante la quantité de ressources que la Commission doit affecter au règlement de telles plaintes. En permettant aux parties de s’adresser directement au Tribunal ou à la Cour fédérale, on pourrait accélérer le règlement des plaintes. Si les parties pouvaient s’adresser directement à la Cour fédérale, il faudrait examiner la nécessité de recourir au Tribunal.

En résumé, l’adoption de ces mesures pourrait dégager une quantité appréciable de ressources et permettre de trouver d’autres moyens de traiter avec efficacité et efficience les plaintes relatives aux droits de la personne.

Conclusion

En terminant, je veux vous redire mon inquiétude à propos du coût humain et financier du système actuel. Étant donné qu’il s’agit de droits de la personne fondamentaux, je crois que les questions que nous avons soulevées nécessitent une attention immédiate. C’est pourquoi, je recommande que le Comité envisage de déterminer une date limite claire pour que le ministère de la Justice présente au Parlement une loi particulière et d’autres mesures qui peuvent être nécessaires pour régler ces questions.

Monsieur le Président, voilà qui conclut mon commentaire d’introduction. Je serai heureux de répondre aux questions du Comité.