Commentaires d'introduction au Comité des comptes publics

Chapitre 18 - La stratégie d'information financière : un outil essentiel pour repenser le rôle de l'État (Rapport de septembre 1998)

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29 octobre 1998

L. Denis Desautels, FCA
Vérificateur général du Canada

Je vous remercie, Monsieur le Président. Nous sommes heureux de rencontrer les membres du Comité pour discuter du chapitre sur la Stratégie d'information financière du gouvernement. Nous vous avons recommandé d'étudier ce chapitre pour deux raisons. Premièrement, nous voulons vous informer au sujet de la Stratégie et de son importance quand il s'agit de " repenser le rôle de l'État ". Deuxièmement, pour cette raison, nous espérons vraiment que les membres du Comité et d'autres parlementaires encourageront la mise en oeuvre de la Stratégie en surveillant annuellement les progrès accomplis et en appuyant l'adoption de la comptabilité d'exercice intégrale pour l'octroi des crédits. Nous en parlerons un peu plus tard.

La Stratégie d'information financière comprend trois volets : l'adoption de la comptabilité d'exercice pour toutes les opérations comme c'est le cas dans le secteur privé; l'établissement de nouveaux systèmes financiers dans l'ensemble du gouvernement et l'intégration d'une information financière améliorée dans la prise de décisions quotidienne des gestionnaires ministériels. Le gouvernement prévoit que la Stratégie sera pleinement mise en oeuvre d'ici l'an 2001.

Pendant 35 ans, on n'a cessé de demander que des améliorations soient apportées à l'information financière qui sous-tend le processus décisionnel du gouvernement. Il y a eu des recommandations à cet égard de la part de la Commission Glassco en 1962, de la Commission Lambert en 1979, de notre Bureau en 1976 et en 1987 et, plus récemment, du Groupe de travail indépendant sur la fonction de contrôleur en 1997. Le ministre des Finances et le Président du Conseil du Trésor ont également indiqué qu'ils appuyaient fortement l'amélioration de l'information financière pour la prise de décisions.

La Stratégie d'information financière a été approuvée, au départ, en 1989, mais les progrès ont été lents jusqu'en 1995. C'est alors que le ministre des Finances lui a donné le coup de pouce dont elle avait tant besoin en annonçant l'intention du gouvernement d'adopter la comptabilité d'exercice intégrale. Depuis peu, le problème du passage à l'an 2000 incite les ministères et les organismes à établir de nouveaux systèmes financiers qui sont adaptés à l'an 2000 et qui répondront aux nouvelles exigences d'information financière énoncées dans la Stratégie.

Ces deux " incitatifs " aident le gouvernement à mettre en oeuvre les deux premiers volets de la Stratégie dont j'ai parlé plus tôt. Le troisième volet - l'intégration de l'information financière dans la prise de décisions quotidienne - est essentiel et doit être mis en oeuvre rapidement pour que la Stratégie soit considérée comme une réussite. Le gouvernement a lié ce volet à son initiative à long terme liée à la fonction de contrôleur. Cependant, il n'existe pas encore d'incitatifs pour accélérer la mise en oeuvre de ce volet.

À ce chapitre, l'assentiment des sous-ministres est crucial. Mais comme le Cadre de formation relative à la Stratégie du gouvernement a lui aussi été reporté, l'engagement des ministères à l'égard de la Stratégie n'est pas entier.

Les organismes centraux ont un important rôle à jouer pour obtenir cet engagement. La Stratégie aura des répercussions sur tous les ministères et organismes du gouvernement du Canada et son succès sera largement tributaire de la coordination et de la collaboration actives de tous les intéressés. Il sera essentiel que le Secrétariat du Conseil du Trésor, en tant que gestionnaire du projet, continue à exercer un leadership solide. À cet égard, nous remarquons que le Secrétariat du Conseil du Trésor compte demander aux ministères que l'information financière présentée dans leurs rapports sur les plans et les priorités et leurs rapports sur le rendement soit préparée selon la méthode de comptabilité d'exercice intégrale. Le Bureau du Conseil privé a également un rôle à jouer en incitant les ministères &agr; ave; s'engager à l'égard de la Stratégie, dans le cadre de ses responsabilités relatives à la gestion stratégique des hauts fonctionnaires.

Le Parlement pourrait aussi obtenir l'engagement des ministères à l'égard de la Stratégie en modifiant la façon dont les ministres, et par leur intermédiaire, les sous-ministres et leurs gestionnaires, sont tenus de rendre compte. Selon les projets actuels, quatre documents redditionnels importants - le Budget, les Comptes publics, les Rapports sur les plans et les priorités des ministères et les Rapports sur le rendement des ministères - seront tous préparés selon la méthode de comptabilité d'exercice intégrale, c'est-à-dire selon la méthode de comptabilité utilisée par le secteur privé. Mais l'affectation des fonds selon la comptabilité d'exercice intégrale fait actuellement défaut dans les plans du gouvernement.

La différence fondamentale qu'entraîne la méthode de comptabilité d'exercice intégrale pour l'affectation des fonds concerne le traitement des immobilisations comme les immeubles, les véhicules et le matériel. À l'heure actuelle, les coûts d'acquisition de ces biens sont entièrement imputés aux opérations des ministères au cours de l'exercice où ils sont acquis au moyen de ce qu'on a appelé " les affectations budgétaires ". Dans cet environnement, les gestionnaires des ministères ne sont pas tenus de rendre compte du coût d'utilisation de ces immobilisations au cours des années futures, même si celles-ci aident à fournir des biens et des services aux Canadiens au cours de ces années. Si les fonds étaient affectés selon la méthode de comptabilité d'exercice intégrale, les ministères se verraient imputer les coûts des ressources consommées dans la gestion d'un ministère ou d'un programme, y compris la portion des coûts des immobilisations utilisées au cours de l'exercice (l'amortissement). Si, par exemple, un ministère qui possède de nombreuses immobilisations avait besoin d'information pour recouvrer les coûts de ses services à l'aide des frais d'utilisation, cette approche produirait probablement des résultats fort différents.

Déjà en 1962, la Commission Glassco indiquait que la méthode de comptabilité d'exercice intégrale fournirait de l'information financière plus uniforme, susciterait une plus grande sensibilisation aux coûts, de meilleures décisions et une meilleure évaluation du rendement, ce qui contribuerait à améliorer la reddition de comptes.

Les avantages du processus d'octroi des crédits selon la méthode de comptabilité d'exercice, tant pour les gestionnaires que pour le Parlement, ont été reconnus en Australie, en Nouvelle-Zélande, au Royaume-Uni et en Alberta.

Si les crédits ne sont pas établis selon cette nouvelle méthode, nous pourrions nous retrouver avec, essentiellement " deux séries de livres " - une pour la gestion (selon la méthode actuelle des " ressources acquises ") et l'autre pour les rapports (selon la nouvelle méthode des " ressources consommées "). Comme la direction des ministères accorde, à juste titre, une grande priorité aux besoins du Parlement, la méthode d'affectation des ressources par le Parlement influera fortement sur la façon dont les gestionnaires ministériels planifient et gèrent leurs activités. À notre avis, les efforts visant à intégrer l'information financière préparée selon la comptabilité d'exercice dans leur gestion quotidienne échoueront à moins que les ministres, les sous-ministres et leurs gestionnaires soient tenus par le processus d'octroi des crédit s de rendre compte au Parlement selon cette nouvelle méthode. Nous aimerions que le Secrétariat demande au Parlement d'octroyer les crédits selon la méthode de comptabilité d'exercice intégrale dans un avenir assez rapproché. Le contrôle parlementaire sur les acquisitions d'immobilisations pourrait être facilement maintenu par l'utilisation de nouveaux crédits pour dépenses en capital.

En résumé, la Stratégie d'information financière est conçue pour renforcer sensiblement la gestion du gouvernement et sa reddition de comptes au Parlement. La Stratégie répondra aux demandes formulées depuis 35 ans visant l'amélioration de l'information financière pour la prise de décisions. De plus, les ministres et les sous-ministres auront accès à de l'information de meilleure qualité sur les coûts des secteurs d'activités et des activités, information qui est source de frustration à l'heure actuelle.

Nous espérons que le Comité encouragera le gouvernement à mettre en oeuvre la Stratégie en surveillant annuellement les progrès réalisés et en encourageant l'adoption de la comptabilité d'exercice intégrale pour l'octroi des crédits.

Pour notre part, nous avons l'intention d'examiner la mise en oeuvre de cette importante initiative et d'en rendre compte annuellement.

Je vous remercie, Monsieur le Président. Nous serons heureux de répondre à toutes vos questions.