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Déclaration d'ouverture au comité sénatorial permanent de l'Énergie, de l'Environnement et des Ressources naturelles

Rapport de 2005 de la commissaire à l'environnement et au développement durable

le 18 octobre 2005

Johanne Gélinas,
Commissaire à l'environnement et au développement durable

Bonjour. Je vous remercie de m'avoir invitée à comparaître devant le Comité afin de discuter de mon cinquième rapport à titre de commissaire à l'environnement et au développement durable.

Je suis accompagnée de trois directeurs principaux de la Direction de la commissaire : Messieurs Neil Maxwell, John Affleck et Richard Arseneault. Ils étaient chargés, eux et de nombreux membres du personnel du Bureau du vérificateur général, d'effectuer les vérifications de cette année.

D'entrée de jeu, laissez-moi vous dire que aujourd'hui, partout dans le monde, la nature nous fait clairement savoir que notre façon de faire ne peut plus durer et le Canada ne fait pas exception à la règle.

Pour mettre fin au déclin de la nature, le Canada doit prendre les grands moyens afin de bâtir une société durable et le gouvernement doit donner l'exemple.

Serons-nous parmi les pays qui sauront prévoir et prévenir la détérioration de l'environnement, pour ainsi épargner de l'argent et créer des occasions d'affaires?

La réponse pourrait être négative, à moins que le gouvernement fédéral n'améliore nettement son leadership et sa feuille de route.

Aider le gouvernement à réaliser cette amélioration notable, tel est mon but, tout comme le vôtre.

Nous soulignons cette année le dixième anniversaire de la création du poste de commissaire à l'environnement et au développement durable.

Je tiens à reconnaître l'excellence des relations que nous avons nouées avec les parlementaires, notamment avec les membres du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles.

J'ai eu le grand plaisir de lire le rapport intitulé Développement durable : Il est temps de joindre le geste à la parole, que le Comité a déposé en juin dernier. Les conclusions de ce rapport, exprimées en termes vigoureux, sont réconfortantes et tout à fait pertinentes.

J'ai tellement apprécié ce rapport que je l'ai cité dans la première partie de mon rapport, Point de vue de la commissaire — 2005.

Le travail de mon Bureau ne serait pas aussi efficace sans l'examen minutieux des ministères par les parlementaires, qui leur demandent de rendre des comptes.

Mon plus récent rapport montre que, même si le gouvernement part du bon pied en prenant des engagements louables en faveur du développement durable, souvent il ne franchit pas la ligne d'arrivée.

En fait, le thème récurrent de mon rapport, c'est l'incapacité chronique du gouvernement fédéral à soutenir ses initiatives jusqu'à la fin. Laissez-moi vous en donner quelques exemples.

Premier grand pays industrialisé à avoir ratifié en 1992 la Convention sur la diversité biologique, le Canada s'est engagé à conserver sa biodiversité et à voir à son développement durable.

Voilà pourquoi les administrations fédérale, provinciales et territoriales ont adopté, en 1996, la Stratégie canadienne de la biodiversité. Mais depuis lors, les mesures prises par le gouvernement fédéral en faveur de la Stratégie stagnent sur plusieurs fronts.

Le Canada n'a toujours pas établi de bilan général de l'état de notre biodiversité et de son évolution. Sans un tel bilan, comment pouvons-nous espérer la protéger?

C'est la troisième fois que nous nous penchons sur la mise en œuvre de la Stratégie par le gouvernement fédéral. Nous constatons que les problèmes recensés dans nos vérifications antérieures demeurent. La voix influente des parlementaires doit se faire entendre pour rompre cette tendance.

Afin de donner suite à notre vérification, Environnement Canada s'est engagé à établir des objectifs concrets, qu'il s'efforcera d'atteindre. Avec votre aide, nous pouvons voir à ce que le gouvernement se fixe des buts et nous assurer qu'il les atteint.

Tout comme la biodiversité, les océans constituent un actif essentiel du patrimoine naturel du Canada. Malheureusement, l'état de nos océans se détériore et la performance du gouvernement fédéral à les protéger fait défaut.

Par l'adoption de la Loi sur les océans de 1996, le Canada est devenu le premier pays au monde à se doter d'une loi en matière de gestion des océans.

Mais près d'une décennie plus tard, le gouvernement n'a pas réussi à se servir des moyens que lui offre la Loi sur les océans pour protéger nos océans et en assurer le développement durable.

Décidément, la mise en œuvre de la Loi n'a pas été une priorité pour le gouvernement.

Les moyens essentiels prévus pour la mise en œuvre de la Loi, les zones de protection marines et des plans de gestion intégrée, n'ont pas permis d'atteindre les cibles.

Dans l'année qui vient, près de 55 activités doivent être menées à terme. Il faut de toute urgence exercer une surveillance pour nous assurer que le Plan d'action du Canada pour les océans, qui a été divulgué il y a quelques mois, réussisse mieux que les projets dont nous avons été témoins jusqu'ici.

Laissez-moi vous parler d'un autre aspect de notre capital naturel, nos parcs nationaux et les efforts déployés pour les protéger.

Les 41 parcs nationaux du Canada sont le reflet des paysages diversifiés et du patrimoine naturel de notre pays. Toutefois, leurs écosystèmes et leur biodiversité subissent des pressions.

Parcs Canada est l'agence chargée de maintenir et de rétablir l'écologie de nos parcs nationaux. Pour ce faire, elle a reçu d'importants nouveaux fonds.

Selon notre vérification, Parcs Canada a pris la bonne direction, notamment, en s'engageant à améliorer la façon dont elle surveille et rétablit l'intégrité écologique des parcs nationaux.

Avec ces fonds supplémentaires, Parcs Canada a la possibilité de vraiment améliorer la gestion des parcs. Mais les prochaines années seront cruciales.

L'un des besoins essentiels de la vie quotidienne est l'accès à une eau potable salubre. Dans un pays comme le nôtre, nous supposons tous que l'eau que nous buvons est d'excellente qualité.

Mais, en réalité, dans certaines sphères de compétence fédérale, les Canadiens ne sont pas tous certains de la salubrité de leur eau potable. Cette situation touche près de 500 000 Canadiens qui vivent dans les collectivités des Premières nations.

Le gouvernement sait depuis plusieurs années que la plupart des systèmes d'aqueduc dans les collectivités des Premières Nations présentent des risques pour la santé, et ce, dans une proportion considérable.

Entre 1995 et 2003, on a injecté près de deux milliards de dollars pour construire et exploiter des systèmes d'approvisionnement en eau potable et des systèmes d'égouts chez les Premières nations. Entre 2003 et 2008, 1,8 milliard de dollars supplémentaires ont été consacrés à ces projets.

À moins de mesures radicales, il est peu probable que cet argent, y compris les 600 millions de dollars investis dans la Stratégie de gestion de l'eau des Premières nations, permette d'améliorer la salubrité de l'eau dans l'avenir.

Les principaux problèmes tiennent, entre autres, à l'absence de loi et de règlement sur l'approvisionnement en eau potable dans les collectivités des Premières nations, et à l'absence de soutien technique adéquat pour les activités d'exploitation et d'entretien.

Les comités parlementaires peuvent poser les questions difficiles, par exemple celle-ci : Comment le gouvernement collaborera-t-il avec les Premières nations, afin d'examiner la protection réglementaire et le soutien technique nécessaires pour s'assurer que cet argent est bien dépensé?

Le gouvernement fédéral doit également s'assurer que l'eau potable est salubre dans les emplacements fédéraux, notamment, dans les bases militaires, les parcs nationaux et les installations fédérales.

Les recommandations établies par le gouvernement fédéral, de concert avec les provinces et les territoires, précisent les normes obligatoires qui réglementent l'approvisionnement en eau potable dans ces emplacements. Les provinces s'appuient également sur ces recommandations de différentes façons, soit comme orientation générale ou comme normes ayant force de loi.

Bien qu'il y ait en place un processus rigoureux visant à élaborer des recommandations sur les teneurs limites en contaminants pouvant se trouver dans l'eau, ce processus est trop long.

Alors que le processus devrait prendre entre deux et trois ans pour établir des recommandations, il en prend souvent de quatre à huit.

Il peut falloir dix ans pour éliminer un arriéré de recommandations sur les teneurs limites acceptables en contaminants. Les coupes budgétaires de 20 p. 100 qui, entre 2001 et 2005, ont touché le service de Santé Canada chargé d'élaborer ces recommandations, n'ont rien fait pour amélioré la situation.

La responsabilité du gouvernement fédéral s'étend aussi aux trains de voyageurs, aux avions et aux navires de croisière voyageant d'une province à l'autre et à l'étranger.

Santé Canada inspecte la qualité de l'eau à bord des navires de croisière et des trains de passagers, mais non à bord des avions. Les voyageurs canadiens ne peuvent donc pas être certains de la salubrité de l'eau utilisée pour boire ou pour préparer des aliments à bord des avions.

Le développement durable est l'approche adoptée par le Canada pour protéger l'environnement tout en réalisant des progrès économiques et sociaux. Cette approche favorise l'utilisation responsable des ressources naturelles, humaines et économiques.

Après cinq ans au poste de commissaire à l'environnement et au développement durable, je constate que la performance du gouvernement fédéral au chapitre de l'adoption et de la mise en œuvre d'une approche de développement durable a été inégale.

Tel est le cas pour l'approvisionnement écologique. Le gouvernement fédéral ne tire pas profit de cet important outil.

Le gouvernement fédéral est l'un des plus grands acheteurs au Canada. Il dépense environ 13 milliards de dollars par année en biens et en services de toutes sortes, tels que des fournitures de bureau, du matériel de laboratoire, des véhicules et des services d'entretien des immeubles.

Depuis bon nombre d'années déjà, le gouvernement a reconnu que l'achat de produits écologiques permettait de réduire les répercussions néfastes de ses activités sur l'environnement, stimuler l'offre de biens et de services écologiques et favoriser l'innovation.

Mais après plus d'une décennie de promesses, le gouvernement fédéral n'a toujours pas de politique en matière d'approvisionnement écologique. En fait, il rate chaque jour des occasions de faire des choix judicieux pour l'environnement.

Je sais que l'approvisionnement écologique est une question importante pour le Comité puisqu'il a recommandé l'élaboration d'une politique d'approvisionnement vert dans son rapport intitulé Développement durable : Il est temps de joindre le geste à la parole.

Le gouvernement a donné un élan à l'approvisionnement écologique en confiant de nouvelles responsabilités à Travaux publics et Services gouvernementaux Canada et en prenant des engagements dans le discours du Trône.

La question se pose : le gouvernement laissera-t-il passer une autre décennie? Grâce à des bilans réguliers que le gouvernement soumettrait aux comités parlementaires, on s'assurerait d'un approvisionnement écologique et d'une l'écologisation de ses activités. Cela s'inscrirait dans le mode de fonctionnement des ministères.

Hélas, le gouvernement fédéral a également failli à sa promesse de mettre en œuvre une stratégie de coordination des mesures de développement durable des ministères, promesse qui date de longtemps.

Avec une stratégie fédérale en matière de développement durable, le gouvernement se doterait d'un programme de protection de l'environnement et de développement durable, assorti de priorités fondamentales. Autrement, ni les parlementaires ni la population canadienne n'ont la moindre idée de l'orientation que compte prendre le gouvernement ni des moyens qu'il veut prendre pour y parvenir.

On a confié à un comité composé de sous-ministres la tâche d'élaborer une stratégie de développement durable. Cette stratégie influerait sur la prochaine série de stratégies de développement durable de chacun des ministères.

L'élaboration de la stratégie fédérale se heurte à plusieurs obstacles, notamment la possibilité d'une certaine confusion ou d'un certain chevauchement dans le contexte d'autres initiatives fédérales telles que le Projet vert, que le gouvernement prévoit poursuivre au-delà de la lutte contre les changements climatiques, et le Cadre pour la compétitivité et la durabilité de l'environnement.

Je vous encourage de vous assurer que le comité des sous-ministres garde le pas là où les comités antérieurs ont échoué. La présentation de rapports d'étape par le président de ce comité aux comités parlementaires nous tiendrait au courant des progrès.

Je constate que certaines des recommandations qui figurent dans le chapitre sur les stratégies de développement durable de mon rapport vont dans le même sens que les conclusions du rapport du Comité déposé en juin dernier.

J'ai le plaisir de vous annoncer que les Canadiens se prévalent du processus de pétition en matière d'environnement que mon Bureau coordonne. Ils veulent ainsi obtenir des réponses à leurs questions sur des problèmes d'ordre écologique ou de développement durable.

La vérification des réponses données par le gouvernement aux pétitions présentées par les Canadiens me donne l'occasion d'examiner des questions environnementales qui, autrement, n'auraient pas été portées à mon attention.

Cette année, nous avons examiné trois réponses du gouvernement à des pétitions en matière d'environnement, d'abord sur les assurances des exploitants d'installations nucléaires, ensuite sur les lignes directrices régissant l'inscription sur la liste des espèces en péril, et enfin, sur les répercussions environnementales de l'élevage du porc.

La question des exigences en matière d'assurance-responsabilité pour les exploitants d'installations nucléaires nécessite maintenant notre attention. La protection obligatoire minimale au Canada est moins étendue que dans 12 autres pays industrialisés et elle n'a pas été révisée depuis près de  30 ans.

En 2001, le Comité a recommandé des mesures immédiates en vue de hausser la couverture d'assurance minimale obligatoire. Comme vous le savez, Ressources naturelles Canada n'a pas formulé de réponse officielle à cette recommandation.

Par suite de la recommandation figurant dans mon rapport, le Ministère a reconnu qu'il fallait agir, mais n'a établi aucune échéance pour ce faire.

Les vérifications décrites dans mon rapport de cette année, et en fait depuis le début de mon mandat comme commissaire, ont fait ressortir un problème chronique : l'incapacité du gouvernement fédéral à mener ses initiatives à terme, après qu'elles sont lancées.

Comme je l'ai mentionné lors du dépôt de mon rapport, on annonce des projets audacieux qui sombrent dans l'oubli dès que les feux de la rampe s'éteignent.

Dans la première partie de mon rapport, Point de vue de la commissaire — 2005, je cerne plusieurs causes profondes qui expliquent cette triste réalité.

En premier lieu, le gouvernement fédéral fait souvent des promesses sans mettre en place la structure ou les ressources nécessaires pour produire des résultats. Que penser d'un engagement pris par le gouvernement s'il n'y a pas suffisamment de ressources financières et humaines pour le réaliser?

La Stratégie sur les océans du Canada et l'approvisionnement écologique en sont des exemples.

En deuxième lieu, les hauts fonctionnaires ne sont pas tenus responsables. Pour qu'ils le soient, il faudrait qu'il y ait un lien entre leur évaluation de rendement et l'atteinte de résultats dans le domaine du développement durable.

Lorsque le succès ou l'échec ne porte pas à conséquences et que les principaux acteurs sont mutés d'un poste important à l'autre, il n'y a pas de reddition de comptes.

Je ne suis pas la seule à demander qu'il y ait reddition de comptes. Les parlementaires se sont penchés sur cette question et ils en sont venus à la même conclusion.

En troisième lieu, le travail en vase clos et l'esprit de clocher au sein des ministères nuisent à l'intégration du développement durable.

Les zones de protection marines et le Cadre fédéral de gestion de l'eau douce sont particulièrement touchés.

Enfin, le gouvernement ne cesse de réinventer la roue en mutant le personnel clé et modifiant la conception des programmes, sans égard aux résultats.

La Stratégie canadienne de la biodiversité, avec ses progrès constamment ralentis, illustre ce problème de façon criante.

En tant que commissaire, je peux seulement vous faire part de cette information. En tant que parlementaires, vous êtes les véritables gardiens de l'environnement. Ainsi, s'établit entre mon Bureau et votre mission des rapports mutuellement bénéfiques.

Récemment, le gouvernement s'est lancé dans d'ambitieuses initiatives en matière d'environnement et de développement durable. Mentionnons entre autres, le Projet vert, les mesures pour contrer les changements climatiques et l'approvisionnement écologique. Dans le dernier Budget, le ministre des Finances a annoncé que des fonds importants seraient consacrés à des questions environnementales et de développement durable.

Il faut profiter de ce vent d'enthousiasme. Cependant, je suis troublée par le piètre bilan du gouvernement quand vient le temps de soutenir ses initiatives.

Le gouvernement doit trouver le moyen de franchir la ligne d'arrivée. Les parlementaires ont un rôle à jouer à cet égard en demandant au gouvernement de rendre compte de ses résultats en matière d'environnement et de développement durable.

Merci. Je me ferai maintenant un plaisir de répondre à vos questions.