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Conférence nationale de l'Institut d'administration publique du Canada

Notes pour une allocution de Maria Barrados, Vérificatrice générale adjointe du Canada, 25 août 2003, Toronto (Ontario)


Je suis très heureuse de participer à cette séance, au nom de la vérificatrice générale du Canada, Sheila Fraser.

Mme Fraser n'était malheureusement pas en mesure d'être parmi vous aujourd'hui. Elle m'a priée de vous présenter toutes ses excuses et de vous faire connaître quelques-unes de ses pensées sur la modernisation de la reddition de comptes au sein de l'administration fédérale.

La plupart d'entre vous savez sans doute que la vérificatrice générale prône l'amélioration de la reddition de comptes dans l'administration fédérale.

La reddition de comptes est, de fait, l'un des cinq secteurs sur lesquels elle souhaiterait que notre Bureau ait une influence au cours de son mandat de dix ans.

Feuilletez un journal, peu importe le jour, et vous y trouverez des articles sur la reddition de comptes — habituellement sur ce qui est vu comme son absence — et des articles où l'on réclame vivement une plus grande reddition de comptes.

Certains de ces articles portent certes sur le secteur public, mais ce n'est pas toujours le cas… À la lumière des scandales qui viennent de frapper le secteur privé, on demande désormais aux chefs d'entreprise d'être davantage comptables de leurs actions eux aussi.

À la base, la vocation du Bureau du vérificateur général du Canada est de favoriser la reddition de comptes dans l'administration publique.

Pour ce faire, notre action est double.

La plupart d'entre vous connaissent bien le premier axe de notre action : en donnant au Parlement de l'information objective et une assurance, qui sont obtenues dans le cadre de vérifications, nous l'aidons à rendre le gouvernement en place comptable de ses actions et de sa gestion des fonds publics.

Nous effectuons plusieurs types de vérifications. Les plus connues sont sans contredit les vérifications de l'optimisation des ressources qui sont présentées régulièrement au Parlement.

Récemment, les plus médiatisées de ces vérifications ciblaient les lacunes dans la gestion des subventions et des contributions à DRHC, la gestion problématique du programme de commandites et des contrats conclus avec la firme Groupaction ainsi que l'explosion des coûts du registre des armes à feu.

Je ne m'attarderai pas sur cet aspect de nos vérifications aujourd'hui, même si je crois qu'il est vital pour la reddition de comptes dans le secteur public en général. Cependant, si vous souhaitez obtenir un complément d'information sur ces vérifications, je vous encourage à visiter notre site Web.

Je préférerais plutôt vous exposer nos travaux de portée plus générale sur la reddition de comptes, ce qui cadre bien avec le thème de votre rencontre : Gouvernance, innovation, intérêt public : question d'équilibre.

Au cours des dernières années, mon équipe et moi avons dirigé les efforts déployés au sein de notre Bureau pour élaborer de nouvelles façons de concevoir la reddition de comptes.

Dans le souci d'améliorer les mécanismes redditionnels dans le secteur public fédéral, nous avons présenté certaines idées à débattre. Nous sommes convaincus que les nouveaux cadres de pensée ont une importance vitale pour l'amélioration de la reddition de comptes dans le secteur public et sont indispensables au renforcement de la gestion des affaires publiques au XXIe siècle.

Aujourd'hui, j'aimerais donc commencer par vous parler de la reddition de comptes traditionnelle et de ce qui a conduit à la nécessité de la moderniser. Puis je vous présenterai notre définition améliorée de la reddition de comptes et je vous expliquerai un peu comment cette définition a été élaborée. Ensuite, je vous exposerai brièvement les cinq principes qui sont, à notre avis, essentiels à une reddition de comptes efficace. Je consacrerai les dernières minutes de mon exposé à parler de la mise en oeuvre de cette nouvelle notion dans le secteur public.

Je tiens à préciser, pour plus de clarté, que je vais parler de la reddition de comptes dans la gestion et la mise en oeuvre des programmes, non de la responsabilité ministérielle.

Il y a trois raisons pour lesquelles la reddition de comptes existe et est nécessaire.

Il s'agit d'abord de prévenir les abus de pouvoir. Ensuite, de donner l'assurance que les actions sont menées comme il se doit, dans le respect des principes d'équité, d'adéquation et de bonne intendance. Enfin, pour donner un tour nouveau à ces buts classiques, il s'agit de favoriser l'amélioration des résultats au moyen de rapports sur ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas, ainsi que des leçons à en tirer.

Depuis toujours, il y a reddition de comptes sur le respect de règles et de procédures détaillées, les ressources utilisées, les activités et les résultats, les actions prises ou l'inaction : c'est la culture de blâme.

La reddition de comptes fait depuis toujours partie des rapports hiérarchiques. Selon une définition communément admise, que vous avez peut-être déjà entendue : « L'obligation de rendre compte est l'obligation de répondre de l'exercice d'une responsabilité qui a été conférée ».

Vous n'êtes pas sans savoir que la gestion et la gouvernance au sein du secteur public ont subi de nombreuses transformations au cours des dix dernières années et que des pressions ont été exercées sur le Canada pour qu'il évolue lui aussi.

Entre autres, l'accent a été mis sur les résultats plutôt que sur les processus. En effet, l'administration publique met désormais l'accent sur les conséquences plutôt que sur les extrants. Et la gestion fait aussi davantage intervenir les partenariats, les pouvoirs discrétionnaires, la souplesse et l'esprit d'innovation (la prise de risques). Ce qui soulève de nouvelles questions sur la reddition de comptes.

Ainsi, dans des rapports entre partenaires « égaux », comment partager la reddition de comptes? En outre, afin d'innover, de prendre des risques mesurés et d'apprendre de leurs erreurs, les administrateurs doivent pouvoir exercer un pouvoir discrétionnaire et bénéficier de plus de souplesse dans le cadre de leurs fonctions.

Cependant, la reddition de comptes qui est axée seulement sur le respect d'un trop grand nombre de règles et de procédures inutiles peut entraver l'exercice des pouvoirs discrétionnaires, de la souplesse et de l'innovation. Qui plus est, dans le cadre d'une gestion axée sur les résultats, comment les administrateurs peuvent-ils rendre des comptes sur des conséquences sur lesquelles ils n'ont aucun contrôle?

Il y a plusieurs années de cela, nous avons élaboré une définition de la reddition de comptes, de concert avec le Secrétariat du Conseil du Trésor, qui reprenait les éléments clés de la définition traditionnelle tout en tenant compte des pressions modernes qui s'exerçaient sur elle.

Depuis, nous avons étoffé cette première définition et dans le rapport déposé au Parlement en 2002, nous avons proposé la définition suivante, que vous pouvez lire sur la diapositive :

La reddition de comptes est une relation fondée sur l'obligation de faire la preuve du rendement, de l'examiner et d'en assumer la responsabilité, tant des résultats obtenus à la lumière des attentes convenues que des moyens employés.

Avant d'approfondir cette question, j'ai pensé qu'il serait intéressant pour vous de savoir que nos travaux sur la redéfinition de ce concept remontent à nos travaux sur les Premières nations.

Nos travaux de vérification ont montré que les Premières nations et le gouvernement avaient des points de vue diamétralement différents sur ce qui constituait les fondements de leurs rapports. Tous deux parlaient de la reddition de comptes, mais ils en donnaient des définitions différentes.

Au milieu des années 90, nous avons examiné ces relations redditionnelles. Nous avons travaillé étroitement avec certaines collectivités des Premières nations et un conseil tribal. Les résultats de notre étude ont eu une grande incidence sur notre façon générale de concevoir les structures redditionnelles.

Les représentants des Premières nations nous ont clairement dit qu'ils reconnaissaient l'importance d'une reddition de comptes efficace, mais pas selon la définition donnée par le gouvernement.

Nous avons collaboré avec eux afin de redéfinir la reddition de comptes efficace en prenant en compte leur point de vue.

Ce point de vue rejette ce qu'ils considèrent comme des concepts surannés de la reddition de comptes qui sont fondés sur la hiérarchie, le respect des règles et qui ne laissent pas place à l'erreur ni aux mauvais résultats.

Cette expérience avec les Premières nations nous a incités à élargir notre concept de reddition de comptes et, comme je l'ai déjà mentionné, a donné naissance à un chapitre dans notre rapport de 2002 qui contient une définition améliorée de la reddition de comptes.

La définition qui se trouve sur la diapositive englobe un certain nombre d'idées et s'applique à un large éventail de relations redditionnelles : entre ministres et sous-ministres, entre ministères et organismes centraux, entre fonctionnaires dans une relation hiérarchique, entre parties dans un partenariat et entre le gouvernement fédéral et le Parlement.

Chacune de ces relations est unique et comporte son propre niveau de formalité et de complexité.

La nouvelle définition permet un partage de l'obligation redditionnelle entre les partenaires et souligne que toutes les parties ont l'obligation de rendre des comptes.

Elle met aussi l'accent sur l'importance à la fois des résultats et des moyens utilisés — en reconnaissant que les résultats sont importants, mais aussi les méthodes utilisées pour les obtenir…

Enfin, notre définition souligne que l'efficacité de la reddition de comptes ne passe pas seulement par les rapports sur le rendement. Il s'agit aussi de tirer des leçons des expériences passées et de prendre les mesures correctives qui s'imposent.

Notre étude décrit cinq principes de la reddition de comptes efficace. Vous pouvez constater dans quelle mesure ils sont étroitement liés aux concepts qui sont partie intégrante de la gestion axée sur les résultats.

  • Clarté des rôles et des responsabilités
    Les rôles et les responsabilités des parties à une relation redditionnelle devraient être bien compris et acceptés. Sans une compréhension claire des rôles et des responsabilités de chacune des parties, les fondements de la relation sont inexistants.

    Sinon, il y a risque de confusion au moment de la mise en oeuvre du mécanisme et, si les choses tournent mal, il est encore plus difficile d'en trouver les causes.

  • Clarté des attentes de rendement
    Les objectifs poursuivis, les réalisations attendues et les contraintes opérationnelles à respecter (y compris les moyens utilisés) devraient être explicites, compris et acceptés. Si les attentes ne sont pas claires, il est difficile d'avoir une reddition de comptes. Les attentes devraient être comprises et acceptées de part et d'autre. Il est très important d'énoncer les principes et les règles essentiels de fonctionnement qui doivent être respectés, y compris les valeurs et l'éthique du secteur public.
  • Équilibre des attentes et des capacités
    Les attentes en matière de rendement devraient être clairement liées à la capacité (pouvoirs, compétences et ressources) de chaque partie de s'exécuter, et y correspondre. Elles doivent être réalistes.

    Les attentes considérées comme déraisonnables ou impossibles à réaliser, compte tenu des ressources dont on dispose, ne seront pas prises au sérieux.

  • Crédibilité de l'information communiquée
    Il faut présenter de l'information crédible, en temps opportun, sur les résultats obtenus, l'adéquation des moyens utilisés et les leçons qui ont été tirées. La clarté oblige alors à convenir d'une stratégie sur la mesure à utiliser, sur la manière dont l'information requise doit être définie, recueillie, vérifiée et analysée ainsi que par qui et à quel moment elle doit l'être.
  • Caractère raisonnable du rendement et redressements
    Les parties examinent et commentent de façon éclairée et équitable le rendement obtenu, constatent les réalisations et les difficultés, adoptent les mesures correctives qui s'imposent et prévoient des conséquences pour les personnes concernées.

Alors, comment appliquer cette nouvelle définition au secteur public au Canada?

Pour qu'il y ait une reddition de comptes au sein d'une administration publique axée sur le rendement, il faut être en mesure de prouver de manière crédible ce qui suit :

  • dans quelle mesure les résultats attendus ont été obtenus;
  • la contribution des activités et des extrants du programme aux résultats;
  • les leçons tirées et les changements apportés;
  • la validité et l'adéquation des moyens utilisés.

Une question incontournable se pose : au sein d'une administration publique axée sur les résultats, que devrait-il se passer, du point de vue de la reddition de comptes, lorsque le résultat attendu n'est pas obtenu?

La tradition voulait qu'on impose des sanctions et des blâmes. Cependant, nous croyons qu'il y a une autre solution.

À notre avis, lorsqu'un résultat n'est pas obtenu, l'important est de se demander si les administrateurs savent quels résultats ont été obtenus, quelle contribution ils ont apportée à ces résultats et, ce qui est plus important encore, si des enseignements ont été tirés de cette expérience.

La question se pose aussi de savoir si des actions judicieuses et adéquates ont été prises. Pas si toutes les mesures raisonnables ont été prises et communiquées comme il se doit, sans toutefois obtenir les résultats attendus.

Mais il y a lieu de sanctionner et de blâmer lorsque des problèmes surviennent en raison de mesures inadéquates ou d'inactions.

Il est important que la reddition de comptes tolère les erreurs ou les mauvais résultats, pour autant que les risques pris étaient raisonnables et que la gestion des risques a été judicieuse.

Qui plus est, afin de donner certains pouvoirs discrétionnaires et de permettre une certaine souplesse, il ne devrait y avoir qu'un petit nombre de règles clairement définies, utiles, qui sont appliquées de manière cohérente.

Des règles utiles viennent appuyer directement les principes d'équité, d'adéquation et de bonne intendance.

La transparence est le facteur qui, à terme, favorise la reddition de comptes entre des partenaires ou auprès des citoyens que nous servons.

Nous souhaitons donc que la reddition de comptes soit considérée comme un processus visant non pas tant à blâmer qu'à :

  • s'entendre sur les attentes en matière de rendement;
  • faire la preuve des résultats obtenus et du caractère adéquat des moyens employés à cette fin, et cela, de façon crédible, transparente et proactive, et à assumer la responsabilité à cet égard;
  • examiner le rendement au moyen d'une évaluation et d'une rétroaction positives visant à créer un environnement propice à l'apprentissage continu;
  • garantir que des mesures correctives soient prises en temps voulu à l'égard du programme et qu'il y ait des conséquences pour les personnes, s'il y a lieu.

Permettez-moi de conclure en consacrant quelques minutes à la reddition de comptes partagée, étant donné que cette idée soulève un grand nombre de questions quant à sa mise en pratique.

Dans le cas des partenariats, nous convenons qu'il peut y avoir au moins trois sortes de relations redditionnelles : la reddition de comptes entre les partenaires; la reddition de comptes devant le Parlement; la reddition de comptes à l'organe de coordination du partenariat.

Les partenariats devraient prévoir un partage de l'obligation de rendre des comptes. Il ne s'agit pas d'une dispersion mais d'un partage. Car si l'on ne fait pas attention, l'obligation de rendre des comptes peut être dispersée… ou reléguée aux oubliettes.

Il faut donc porter une plus grande attention aux questions visant la reddition de comptes dans les nouveaux partenariats en raison du partage et du peu d'expérience que nous possédons dans ce type de gouvernance. Les cinq principes que j'ai déjà décrits sont des assises solides pour bâtir des relations redditionnelles efficaces.

La reddition de comptes partagée est plus astreignante. Et elle n'exonère pas de toute responsabilité.

En effet, toutes les parties d'un partenariat doivent être en mesure de faire rapport sur le succès de l'ensemble du partenariat, sur leur apport et sur les leçons tirées lors de la mise en œuvre de cette nouvelle forme de gouvernance.

La responsabilité n'est pas réduite — il y a une responsabilité directe pour la mise au point l'entente (les éléments, les partenaires choisis, les modes de gestion et de surveillance, etc.) et pour les décisions et les actions fédérales prises dans le cadre de l'entente.

Pour conclure mon exposé aujourd'hui, j'aimerais souligner que même si la reddition de comptes a toujours été une pierre angulaire de l'administration publique, au sein de la fonction publique d'aujourd'hui et de demain, elle revêt une importance nouvelle et présente de nouvelles caractéristiques.

À notre avis, la vision que nous proposons à l'égard de la reddition de comptes tient compte des pressions qui s'exercent sur l'obligation redditionnelle classique dans la fonction publique d'aujourd'hui.

Elle est non seulement axée sur les résultats, y compris les conséquences, et les favorise, mais elle fait aussi la promotion d'un partage de l'obligation redditionnelle au sein des partenariats, de la prise de risques raisonnables et d'une fonction publique axée sur l'apprentissage.

La gestion axée sur les résultats nécessite des structures inhérentes clairement définies — qui fait quoi — ainsi que des attentes précises et la communication des résultats. Ces trois éléments sont aussi essentiels à l'établissement d'une reddition de comptes efficace et précise.

Je suis convaincue que, grâce à la bonne volonté et à la bonne foi de toutes les parties concernées, nous pourrons appliquer aux relations redditionnelles la définition de la reddition de comptes et les cinq principes qui sous-tendent son efficacité que nous proposons.

En dernier lieu, je sais que si Sheila Fraser était parmi nous aujourd'hui, elle soulignerait que les travaux sur la reddition de comptes du Bureau du vérificateur général s'inscrivent dans un contexte plus vaste — il s'agit en fait de notre contribution à un gouvernement démocratique qui fonctionne très bien au Canada — où les valeurs que sont la reddition de comptes, la transparence et la protection de l'intérêt public sont prioritaires.

Je vous remercie de votre attention et je serais heureuse de répondre à vos questions.