La vérification dans le secteur public canadien et le virage vers la vérification axée sur les résultats

Institute of Public Administration Canberra (Australie) - Janvier 1997

Notes pour une allocution de
L. Denis Desautels, FCA, Vérificateur général du Canada

Dans son discours devant les membres de l'Institute of Public Administration of Australia (IPAA), L. Denis Desautels a parlé des problèmes semblables auxquels sont confrontés le Canada et l'Australie, notamment le resserrement des budgets, la réduction de la taille des administrations, la dette et les déficits, et l'érosion de la confiance des citoyens à l'égard des institutions publiques. Le discours a été prononcé le 30 janvier 1997, au Haut-Commissariat du Canada à Canberra.


Je suis très heureux de m'adresser à vous aujourd'hui. J'ai toujours beaucoup de plaisir à rencontrer des gens qui travaillent dans le secteur public d'autres pays. D'un pays à l'autre, nous faisons face à des problèmes semblables; il est donc utile d'échanger des idées sur la façon dont nous relevons les défis que posent le resserrement des budgets, la réduction de l'effectif du gouvernement, les problèmes engendrés par la dette et les déficits et l'érosion de la confiance des citoyens dans les institutions publiques.

Tout d'abord, j'aimerais vous parler aujourd'hui de mon bureau et du travail que nous réalisons et établir une comparaison avec l'Australian National Audit Office, après quoi j'exposerai quelques idées sur la vérification axée sur les résultats des ministères et programmes du gouvernement canadien.

Le Bureau du vérificateur général du Canada

Au Bureau du vérificateur général du Canada, nous avons pour mission fondamentale de réaliser des vérifications et des examens indépendants qui fournissent de l'information, des conseils et une assurance, en toute objectivité, à notre Parlement. Au total, le Bureau vérifie quelque 200 organismes divers, allant de petits organismes dont les dépenses sont inférieures à 500 000 $ à de gros ministères dont les dépenses sont supérieures à 50 milliards de dollars.

La principale responsabilité de mon bureau est la vérification législative, qui comprend deux champs d'activités : l'attestation et la vérification de l'optimisation des ressources (aussi appelée parfois vérification « de gestion »), qui ont tous deux un volet de conformité aux autorisations ou de régularité. L'attestation comprend la vérification des états financiers consolidés du gouvernement du Canada et la vérification de plus de 75 autres entités, y compris deux organisations internationales. Nos vérifications de l'optimisation des ressources donnent lieu chaque année à quelque 35 rapports au Parlement sur la vérification et l'étude d'entités, de programmes sectoriels et de questions de portée gouvernementale. Et sur un cycle de cinq ans, nous effectuons également une forme de vérification d'optimisation des ressources appelée examen spécial, auprès de plus de 30 sociétés d'État fédérales. Nous communiquons les résultats de ces examens surtout aux conseils d'administration de ces sociétés.

Vérification environnementale

Le Parlement nous a confié récemment un nouveau domaine de responsabilité lié à l'environnement et au développement durable.

Le Bureau vérifie les questions environnementales depuis de nombreuses années dans le cadre de ses travaux courants d'optimisation des ressources et de conformité aux autorisations. Je crois que nous sommes le seul bureau de vérification législative qui ait des responsabilités environnementales expressément définies par la loi.

`Le Parlement canadien a adopté, en décembre 1995, une loi créant, au sein de notre bureau, le poste de commissaire à l'environnement et au développement durable pour l'administration fédérale. Il voulait ainsi encourager les ministères fédéraux à agir de façon responsable en matière d'environnement et à démontrer leur appui concret aux politiques environnementales du gouvernement qui sont énoncées dans diverses lois et dans un document appelé Guide de l'écogouvernement . Nous travaillons en étroite collaboration avec le gouvernement pour définir la meilleure façon de nous acquitter de cette nouvelle responsabilité; nous l'avons convaincu que nous pourrions nous en acquitter avec plus d'efficacité et à moindre coût qu'un nouvel organisme administratif.

La loi prévoit que les ministères fédéraux doivent préparer des stratégies de développement durable et des plans d'action qui s'y rattachent. Mon bureau est tenu, entre autres, de vérifier la mesure dans laquelle les ministères ont atteint les objectifs énoncés dans leurs stratégies et mis en oeuvre leurs plans d'action.

Nous avons nommé le commissaire en juin 1996 et nous recrutons des spécialistes de l'environnement pour compléter nos compétences en la matière. Nous comptons publier notre premier rapport « vert » en 1997.

Comparaison entre le Bureau du vérificateur général du Canada et l'Australian National Audit Office

Le Bureau du vérificateur général du Canada et l'Australian National Audit Office ont beaucoup en commun et nous entretenons des relations professionnelles étroites. L'Australian National Audit Office vérifie souvent les mêmes types de questions que nous et quand cela se produit, l'Australian Office est disposée à nous faire profiter de son expérience. À notre tour, nous sommes souvent en mesure de fournir de l'information qui aide l'Australian Office dans ses travaux.

Cet échange d'expérience est avantageux pour nos deux bureaux. Régulièrement, l'Australian Office nous envoie une liste de missions de vérification en cours que nous communiquons au personnel canadien qui travaille dans des domaines connexes. Actuellement, nous faisons le suivi d'un examen de matériel de défense acheté aux États-Unis. Pour cela, notre personnel se sert d'un rapport de l'Australian National Audit Office sur l'expérience australienne avec des achats semblables aux États-Unis.

Un autre exemple concret d'échange de pratiques concerne une méthode de vérification liée à la commercialisation et à la gestion des sciences. Notre bureau a emprunté la méthode australienne sur la commercialisation pour son examen spécial de l'Énergie atomique du Canada. La version canadienne de la même méthode de commercialisation et de la méthode de gestion des sciences a été envoyée à l'Australie pour la vérification de la Commonwealth Scientific and Industrial Research Organization. L'ensemble est ensuite revenu au Canada pour être utilisé pour notre vérification de la gestion des sciences de 1994. Cette année, la version canadienne a été renvoyée en Australie pour une autre vérification des sciences. Et ainsi de suite - et cela devrait se poursuivre.

Au fil des ans, des échanges de personnel et des visites ont facilité les échanges d'idées et de pratiques. Des échanges de personnel ont eu lieu dans les années 70 et encore dans les années 90. De nombreuses visites à court terme ont également eu lieu.

Cet été justement, Peter Macartney de l'Australian National Audit Office nous a visités pour nous faire connaître l'expérience de l'ANAO concernant une vérification des pêches et la préparation du rapport. Cela nous a été très utile, car nous en étions à la phase de planification d'une série de vérification des pêches.

Si nous pouvions seulement échanger une partie de notre température hivernale avec la vôtre, ces échanges nous procureraient réellement un avantage. Le 17 janvier, avant de quitter Ottawa, il faisait moins 29 oC; moins 45 oC avec le facteur de refroidissement éolien.

Cette collaboration de longue date entre nos bureaux reflète sans aucun doute les similitudes dans notre mandat, notre structure et la réalité politique dans laquelle nous fonctionnons. Nos deux pays font partie du Commonwealth et sont dotés d'un régime parlementaire de Westminster. Nous adressons tous deux nos rapports à nos parlements respectifs et ceux-ci sont étudiés par nos comités des comptes publics respectifs.

Le rôle de l'Australian Office, énoncé dans son plan d'activités, est semblable au nôtre, à savoir « fournir, en toute indépendance, de l'information, une assurance et des avis objectifs au Parlement, aux ministres et aux entités du secteur public ». Nous réalisons notre mandat de façon semblable et je citerai le plan d'activités de l'Australian National Audit Office.

« Nous réalisons notre mandat :

Alors que l'ANAO peut communiquer ses rapports au besoin et lorsqu'il est prêt, le BVG est depuis peu autorisé à communiquer un rapport quatre fois par année.

Nous parlons souvent de nos vérifications de gestion comme étant des vérifications de l'optimisation des ressources, mais notre mandat, à l'instar de celui de l'Autralian National Audit Office, ne nous permet pas d'examiner les décisions politiques du gouvernement. Nous étudions généralement la mise en oeuvre des décisions politiques. Mais la démarcation entre la politique et l'administration est bien souvent peu claire et nous jugeons parfois nécessaire de nous en rapprocher.

Ainsi, l'étude des programmes sociaux que nous avons effectuée récemment était un sujet quelque peu controversé, et ce n'était pas surprenant, puisque le gouvernement effectuait alors un examen approfondi de ses programmes. Nous avons constaté que l'information accessible sur les programmes sociaux révélait qu'ils avaient à la fois des répercussions positives et des répercussions négatives, et nous avons conclu qu'il manquait certaines données essentielles pour que le gouvernement puisse faire une évaluation correcte. Nous avons pensé que la publication de cette information pourrait aider le Parlement à étudier la question.

Bien que nos deux bureaux de vérification nationaux partagent une vision, un rôle, un mandat et des exigences de rapport communs, il existe évidemment certaines différences. En voici quelques-unes :

Enfin, si nos deux bureaux effectuent des vérifications de gestion des ministères et organismes publics, ces vérifications constituent une plus forte proportion des travaux de nos bureaux qu'en Australie. Notre mandat comprend aussi la vérification de gestion des sociétés d'État - organismes semblables à vos établissements publics et entreprises publiques.

Avant de poursuivre, j'aimerais mentionner un autre domaine d'intérêt que nous partageons. Nos gouvernements et nos bureaux subissent les répercussions de la réduction de l'effectif. Dans les efforts que nous déployons pour faire plus avec moins et pour poursuivre notre tradition d'excellence, la coopération mutuelle que nous avons entretenue au fil des ans est avantageuse pour nos deux bureaux.

J'aimerais maintenant passer à la deuxième partie de mon exposé et vous faire connaître quelques-unes de mes idées sur la vérification axée sur les résultats.

La réalité financière

Permettez-moi tout d'abord de vous décrire quelques-unes des réalités auxquelles font face tous les gouvernements au Canada - fédéral, provinciaux et municipaux.

La réalité financière est que les gouvernements ont tout simplement de moins en moins d'argent pour financer leurs divers programmes. Par exemple, le fardeau de la dette fédérale, qui atteint 73 p. 100 du PIB, est approximativement 50 p. 100 plus élevé qu'en 1985, et plus de deux fois et demi plus important qu'il ne l'était en 1980.

Un endettement élevé a des conséquences financières nuisibles que la plupart d'entre nous comprennent facilement.

Premièrement, il réduit la marge de manoeuvre dont le gouvernement dispose pour faire face aux chocs économiques, car il réduit la volonté des marchés financiers de nous prêter de l'argent, sauf à des taux de plus en plus élevés.

Deuxièmement, il limite aussi la capacité du gouvernement d'offrir des services publics, et d'être un gouvernement qui fait preuve de compassion, car les frais d'intérêt absorbent une plus grande part de ses revenus.

Et permettez-moi d'être très clair sur ce point. À mon avis, il n'y a absolument aucune incompatibilité entre le fait de mettre de l'ordre dans nos finances et d'être un gouvernement qui fait preuve de compassion et de sens humanitaire. Cela est aussi vrai en Orient qu'en Occident.

Perte de confiance dans les gouvernements

Une autre réalité à laquelle les gouvernements canadiens font face est la perte de confiance du public. Apparemment, de nombreux Canadiens manifestent du cynisme envers leurs gouvernements.

De l'avis de plusieurs, un certain nombre de raisons expliquent cette érosion. Premièrement, l'incapacité des gouvernements de répondre rapidement aux attentes du public en matière de création et de sécurité d'emploi y a contribué.

De plus, le rôle plus limité du Canada sur la scène mondiale, de même que la croissance d'autres pays et de leurs économies, suscite chez certains une remise en question.

La croissance des technologies est un autre facteur. Les technologies de l'information fournissent un flux instantané d'information sur le fait que les gouvernements, un peu partout, n'arrivent pas à solutionner les problèmes de l'heure.

L'examen par le public de nos institutions est désormais implacable, et pas toujours modéré, dirais-je.

Trop souvent, le public pose des jugements négatifs sur l'efficacité de nos programmes et l'intégrité des fonctionnaires qui les gèrent - et je pense que cette tendance va probablement s'accélérer dans le monde entier.

Franchement, cependant, je ne suis pas du tout d'accord avec tout cet esprit négatif.

Le secteur public a fait un grand pas en avant

Les gouvernements canadiens comptent de nombreuses réalisations à leurs actifs. Par exemple, c'est le secteur public qui a entrepris le développement des transports et des communications qui a permis de faire du Canada une nation moderne.

C'est aussi le secteur public qui a orchestré la transition réussie d'une économie de guerre à une économie de paix, et la création d'un filet de sécurité sociale universelle pour les Canadiens.

Au cours de trois des quatre dernières années, les Nations Unies ont classé le Canada au premier rang des pays pour le développement humain. Manifestement, le secteur public canadien obtient d'assez bons résultats.

Les gouvernements d'autres pays manifestent également beaucoup d'intérêt pour les réalisations du secteur public canadien. Des délégations étrangères viennent, les unes après les autres, tirer parti de l'expérience canadienne.

D'aucuns soutiennent que les sociétés ont le type de gouvernement qu'elles veulent bien avoir.

Par exemple, selon le professeur Henry Mintzberg, et je cite : (traduction) « Si les gens croient que le gouvernement est lourd et bureaucratique, le gouvernement sera lourd et bureaucratique. Si, par contre, ils reconnaissent le fonctionnariat comme le noble métier qu'il est, ils se retrouveront avec un gouvernement fort. En tant que Canadien qui travaille une partie de l'année en France, je puis témoigner que les attitudes négatives se révèlent contagieuses, et qu'elles ne sont bonnes pour personne. »

L'histoire peut nous enseigner nombre de choses, y compris un sens de la perspective et de l'équilibre.

Avant l'invention de la presse à imprimer, seuls le gouvernement et l'Église possédaient les connaissances pour faire certaines choses. Par exemple, les citoyens dépendaient des fonctionnaires ou du clergé même pour des tâches aussi fondamentales que lire et écrire.

L'évolution du rôle du gouvernement

Au fil des ans, au fur et à mesure que les connaissances s'élargissaient et que les gens s'instruisaient, ils se sont mis à assumer ces tâches eux-mêmes.

Parallèlement, avec la croissance du commerce, les tâches qui n'étaient réalisées que par le gouvernement le sont maintenant par des sociétés du secteur privé en vue de faire des profits.

Les tâches sont passées du gouvernement au secteur privé, puis aux personnes. Ce processus de migration des tâches se poursuit. La radiodiffusion, l'exploitation des compagnies aériennes, des chemins de fer et des ports sont des exemples de cette migration au Canada, à notre époque.

On pense actuellement que la migration pourrait être encore plus forte. En d'autres mots, le secteur public devrait réorienter ses activités dans les domaines où il est le mieux en mesure d'offrir des services. Évidemment, l'intendance va bien au-delà de l'efficience. Si nous continuons de nous interroger sur le rôle du gouvernement dans un éventail de sphères, nous reconnaissons que de nombreuses activités du secteur public doivent continuer d'être protégées et de favoriser l'intérêt public. Et ces activités doivent être réalisées de façon efficace et efficiente.

Il est essentiel de posséder de l'information crédible et facile à comprendre au sujet du gouvernement

Pour prendre des décisions sur le rôle que le gouvernement devrait jouer, il est essentiel d'avoir de l'information crédible et facile à comprendre sur les résultats obtenus et les coûts qui s'y rattachent.

À cet égard, j'estime qu'il faut de l'information à deux niveaux au sujet du secteur public.

Tout d'abord, la population doit connaître les résultats obtenus et les coûts de chacun des programmes individuels. Ensuite, elle doit savoir si la somme de tous les coûts des programmes correspond à ses moyens.

Quand on y réfléchit, un type de rapport sans l'autre n'est pas très utile.

Par exemple, qu'est-ce que cela nous apporte de savoir que chaque programme produit atteint des résultats optimaux au coût optimal, sans savoir également si la somme des coûts de tous les programmes correspond à nos moyens?

De même, qu'est-ce que cela nous apporte de savoir que la situation financière globale d'un gouvernement est faible, si nous ne pouvons trouver des façons de l'améliorer en réduisant ou même en éliminant des programmes en fonction de leur rendement?

Je vous reparlerai de ces deux types de rapport de reddition des comptes un peu plus tard.

Les pratiques de gestion changent aussi au fil des ans

Traditionnellement, les activités du gouvernement étaient fondées sur la nécessité de contrôler les intrants, comme les années-personnes et les budgets, d'immobilisations et de fonctionnement.

Généralement, les gestionnaires des ministères se préoccupaient de contrôler leurs crédits - c'est-à-dire les autorisations de dépenser de l'argent pour acquérir des ressources.

D'une part, ils ne voulaient pas dépenser davantage que les sommes autorisées car cela aurait été contraire à la loi et aurait embarrassé leur ministre. D'autre part, ils hésitaient à dépenser moins que les sommes autorisées de crainte de voir leurs crédits réduits au cours des prochaines années.

Et lorsque les immobilisations acquises ont été imputées au déficit, ils ont envisagé sérieusement de louer plutôt que d'acheter et de remettre à plus tard des travaux d'entretien essentiels, même si cela était financièrement ou économiquement insensé.

La discipline gestionnelle dans les ministères et les rapports de reddition des comptes, de la part des ministères, à la législature étaient généralement orientés sur la volonté de dépenser le « bon » niveau de ressources, c'est-à-dire la quantité autorisée par la législature.

Depuis toujours, on met moins l'accent sur la production des « bons résultats » - ceux qui importent pour les Canadiens - et plus sur la prestation efficiente des programmes et services en place, sans mettre en question leur nécessité ou leur pertinence.

Au niveau fédéral, le besoin d'avoir de l'information sur le rendement se fait sentir depuis quelque temps. Par exemple, l'adoption de la budgétisation par activité dans les années 60 devait servir à faire le lien entre les dollars et les programmes. Et le gouvernement a adopté déjà depuis 20 ans des politiques qui exigent des mesures du rendement.

Cependant, en majeure partie, jusqu'à tout récemment, les extrants, les conséquences et les coûts réels (comptabilisation des ressources) n'ont pas été un volet visible du contrôle et du cadre de reddition des comptes de la part des gouvernements dans notre pays. Or je crois fortement qu'ils devraient l'être. De nombreux praticiens du secteur public des pays membres de l'Organisation de la coopération et du développement économiques partagent ce point de vue.

Lorsque j'examine le secteur public aujourd'hui, il me semble que le processus permanent de recentrage des activités vers les activités les plus pertinentes et vers celles que nous pouvons nous payer amènent désormais les gouvernements à rendre compte graduellement des résultats plutôt que des intrants.

On s'attend maintenant à ce que la fonction publique adopte la gestion par résultats - c'est-à-dire les extrants et les conséquences - avec autant d'assiduité qu'elle a mise à gérer les extrants. En fait, il s'agit simplement d'une réorientation. Mais ce n'est pas aussi simple.

Le contrôle que nous exerçons sur les intrants et les extrants est bien plus important que le contrôle que nous exerçons sur les conséquences.

Manifestement, une conséquence est le produit de nombreux éléments. Les conséquences recherchées dans le secteur public sont fréquemment difficiles à obtenir. Dans de nombreux cas, il serait injuste de tenir des agents responsables de résultats sur lesquels ils n'exercent à peu près pas de contrôle. Il serait également irréaliste de s'attendre à ce que des cadres de la fonction publique soient responsables de tous les résultats comme ils le sont des intrants et des extrants.

Cependant, dans tous les cas, il est juste de s'attendre à ce que les agents fassent tout leur possible pour maximiser les chances que les résultats souhaités soient atteints, et à ce qu'ils en soient comptables, en toute équité.

Le risque de ne pas démontrer les résultats obtenus

Une étude effectuée récemment par les Associés de recherche Ekos révèle que de nombreux Canadiens en savent fort peu sur leur gouvernement et que les perceptions négatives au sujet du gouvernement sont les plus fortes chez les personnes les moins informées.

En l'absence d'information crédible et facile à comprendre sur la situation financière générale et sur les opérations de leur gouvernement, ainsi que sur les résultats et les coûts de chaque programme, de nombreux Canadiens s'imaginent sans aucun doute le pire.

À une époque où les ressources sont limitées et le scepticisme est répandu au sujet du gouvernement, il est risqué de ne pas être en mesure de démontrer clairement et de façon convaincante les résultats obtenus.

Même lorsque les résultats sont négatifs, une institution astucieuse reconnaît ses faiblesses et montre les leçons qu'elle a tirées de son expérience et explique comment elle veut combler ses lacunes.

Ce faisant, les institutions établissent la confiance du public. Et c'est pourquoi, en bout de ligne, l'information sur les résultats compte autant.

Certains faits encourageants ces dernières années

L'information communiquée sur les résultats et les coûts dans le secteur public canadien fait défaut depuis fort longtemps. Cependant, un certain nombre de mesures encourageantes ont été prises récemment.

Pour l'information financière au niveau sommaire, le Conseil sur la comptabilité et la vérification dans le secteur public (CCVSP) de l'Institut Canadien des Comptables Agréés (ICCA) élabore des normes comptables dont il recommande l'application et qui aident les gouvernements à améliorer leurs états financiers annuels.

Le gouvernement du Canada et certaines provinces font également des progrès considérables en présentant leurs chiffres sommaires de façon plus facile à comprendre et plus utile. Ainsi, le gouvernement fédéral publie maintenant un rapport financier annuel concis, facile à comprendre, un peu semblable aux rapports annuels que publient les sociétés du secteur privé.

De plus, pour accroître la probabilité que les chiffres exprimés en milliards de dollars publiés dans ces rapports veulent dire quelque chose pour les Canadiens, le gouvernement publie aussi ce que j'appellerai « de simples indicateurs de la situation financière ».

Aussi, l'Institut Canadien des Comptables Agréés effectue une étude pour déterminer la possibilité d'élaborer un plus large éventail d'indicateurs pour les gouvernements fédéral et provinciaux. J'ai l'honneur de présider le groupe d'étude qui en est chargé et nous espérons publier les résultats de nos travaux d'ici peu.

L'Institut s'est lancé dans ce domaine de recherche pour la même raison que moi - la difficulté qu'ont les Canadiens moyens à comprendre les chiffres publiés dans les rapports du gouvernement. Cela devrait nous permettre d'évaluer l'état des finances gouvernementales, sa gravité, et de savoir si l'état s'améliore ou se détériore.

Pour ce qui est de l'information communiquée sur le rendement, il me semble que les progrès sont beaucoup moins importants. Cependant, il y a eu certaines exceptions remarquables.

Par exemple, l'Alberta, l'une des dix provinces canadiennes, a adopté une loi qui exige que le gouvernement rende intégralement compte de son rendement.

Sur la scène fédérale, certaines mesures importantes ont aussi été prises au cours de l'année écoulée pour moderniser le Système de gestion des dépenses du gouvernement, y compris l'information communiquée sur les résultats.

Dans ces deux cas, les rapports sur le rendement sont introduits ou envisagés non seulement au niveau des ministères ou programmes particuliers, mais aussi pour le gouvernement dans son ensemble. Des discussions sont en cours sur la façon dont les vérificateurs pourraient fournir une forme quelconque d'assurance sur ces nouveaux rapports.

Incidemment, si les organismes fédéraux arrivent à préparer de bons rapports sur le rendement, je serais disposé à considérer la possibilité de fournir une forme quelconque d'assurance sur l'information présentée.

Pourquoi l'information communiquée sur les résultats des programmes présente-t-elle des lacunes depuis aussi longtemps?

Pourquoi est-il si difficile d'améliorer l'information redditionnelle communiquée au niveau des programmes? Permettez-moi de vous donner quelques explications à ce sujet et de vous faire part de quelques réflexions sur ce qu'il faudra pour faire bouger les choses.

Il me semble que les progrès sont lents parce que l'amélioration de l'information sur les résultats au niveau des programmes n'a jamais été prioritaire. Si elle l'avait été, nous aurions assisté à des progrès marqués il y a longtemps. Et les priorités concurrentielles sont nombreuses.

Si les parlementaires et le public veulent être mieux informés au sujet des programmes publics, ils doivent clairement et régulièrement montrer que c'est une priorité pour eux.

Il y a plusieurs années, le Secrétariat du Conseil du Trésor, qui était responsable de l'amélioration des rapports ministériels, jugeait que cette tâche était comme pédaler dans le vide. Ce qu'il fallait mais qui n'existait pas, c'était une forte demande de la part du Parlement et du public.

Il est intéressant d'observer que dans les administrations qui, comme l'Alberta, publient maintenant de bien meilleurs rapports redditionnels sur les programmes, ce sont les chefs politiques qui en ont été l'élément moteur.

L'autre raison pour laquelle les progrès sont lents à ce chapitre tient à l'attitude des fonctionnaires.

La communication d'information sur les résultats est considérée bien souvent comme le fait de donner des munitions à vos adversaires pour vous critiquer. Ce point de vue doit être mis en question et changé.

Il faut un leadership pour que la mesure des résultats fasse partie intégrante des organisations. Chaque gestionnaire doit régulièrement rendre compte des résultats, à toute la hiérarchie et, en bout de ligne, aux intéressés en dehors de l'organisation.

La communication d'information sur les résultats doit être considérée comme un moyen de démontrer ses réalisations et les leçons apprises.

Bien que le risque de donner des munitions à leurs critiques existe, il est encore bien plus risqué pour les gouvernements de ne pas démontrer les résultats obtenus avec l'argent des contribuables. Cela est tout particulièrement vrai à l'époque actuelle où le scepticisme croît au sujet des institutions publiques.

Informer les parlementaires et les Canadiens en général des résultats obtenus avec l'argent des contribuables n'est qu'un volet de la reddition de comptes dans le secteur public.

La reddition des comptes dans le secteur public au sens large

J'aimerais terminer ce matin avec quelques commentaires sur la reddition des comptes au sens large.

Les changements importants qui surviennent dans le secteur public de notre pays font qu'il est impératif de repenser le concept de l'obligation de rendre compte, de le raffiner si nécessaire et de l'appliquer en priorité.

La reddition des comptes importe beaucoup aux yeux des Canadiens. C'est la raison pour laquelle les enquêtes menées sur la sécurité de l'approvisionnement sanguin au Canada, l'incident de la mine Westray et les activités de maintien de la paix en Somalie ont suscité autant d'intérêt de la part du public et des médias.

Je considère la reddition des comptes comme un mécanisme correctif, un peu comme le système de correction de la trajectoire d'un aéronef.

Quand la reddition des comptes des institutions publiques fonctionne bien, les problèmes qui surviennent de temps à autre sont décelés, reconnus honnêtement et corrigés adéquatement.

Quand la reddition des comptes fait défaut, ce système d'autocorrection n'intervient pas. Les organisations fonctionnent sans tenir compte des désirs de la société. Il s'instaure une culture du secret et de méfiance. Les problèmes persistent et s'aggravent.

Quand des fonds publics importants et des services publics essentiels sont en jeu, les Canadiens sont en droit de demander des comptes.

Si nous voulons faire progresser réellement la reddition de comptes, des efforts s'imposent dans deux domaines. Premièrement, il nous faut une vision claire et actualisée de ce que suppose la reddition de comptes. Nous devons ensuite la mettre en pratique.

À mes yeux, la reddition des comptes comporte cinq éléments. Ces éléments sont :

  1. des rôles et des responsabilités clairs;
  2. des objectifs et des attentes de rendement clairs;
  3. des attentes de rendement qui correspondent aux capacités de chaque partie, par exemple, les autorisations, les compétences et les ressources;
  4. la communication d'information crédible et actuelle sur les réalisations, leur coût et les leçons apprises;
  5. un examen éclairé et informé et une rétroaction sur le rendement obtenu, où les réalisations sont reconnues et les corrections nécessaires sont apportées.
Ces cinq éléments principaux constituent le fondement administratif d'un bon mécanisme de reddition des comptes, mais ils ne sont pas suffisants pour assurer une reddition de comptes efficace. Un changement de culture en profondeur s'impose également.

Il doit exister un ensemble de valeurs qui respectent l'honnêteté et l'intégrité. Les gens doivent pouvoir assumer la responsabilité de leurs actions et de leurs décisions - de ce qu'ils ont réalisé et de ce qu'ils n'ont pas réalisé. La reddition des comptes commence lorsque les personnes se sentent responsables et comptables.

La reddition des comptes, au sens moderne, doit également refléter la participation accrue des autres parties à la prestation des services publics.

Dans certains cas, d'autres parties peuvent participer à des ententes semblables à des partenariats. Dans d'autres cas, des tiers peuvent participer à la prestation des services.

Ces mécanismes conjoints peuvent apporter des avantages, chaque partie apportant sa propre expertise. Mais lorsqu'un certain nombre de parties participent à de nouveaux mécanismes de prestation des services, il faut éviter que la responsabilisation ne soit diluée.

Traditionnellement, dans les mécanismes hiérarchiques, la reddition de comptes ne servait que la partie qui déléguait la responsabilité. Il me semble que ce n'est plus valable, certainement pas dans les cas de partenariat. Les mécanismes de responsabilisation doivent être conçus pour servir les deux parties.

Par exemple, les systèmes conçus pour produire de l'information pour la partie qui a délégué la responsabilité doivent également fournir de l'information à la partie à qui la responsabilité a été déléguée.

Manifestement, les changements structurels en cours dans l'administration publique créent non seulement l'obligation d'une reddition de comptes accrue, mais offrent aussi l'occasion d'appliquer de nouveaux mécanismes et de déterminer ce qui fonctionne le mieux.

Conclusion

En résumé, nous vivons une ère de changement important, voire sans précédent, dans le secteur public - non seulement au Canada, mais dans le monde entier.

Les gouvernements, partout, mettent en question la façon dont ils font les choses et les modifient. Ils veulent préserver les valeurs fondamentales et offrir les services essentiels à un prix que les contribuables sont en mesure d'assumer.

Par-dessus tout, il faut mettre l'accent sur les résultats et relever le défi que cela pose pour améliorer la reddition de comptes dans le secteur public.

C'est un défi que nous devons tous relever, et je crois que nous y arriverons.

Merci beaucoup.