Sommet mondial sur le développement durable 2002 :
Des paroles aux actes

DÉCLARATION D'OUVERTURE DE JOHANNE GÉLINAS
COMMISSAIRE À L'ENVIRONNEMENT ET AU DÉVELOPPEMENT DURABLE DU CANADA

AU COMITÉ DE VÉRIFICATION ENVIRONNEMENTALE DU PARLEMENT DU Royaume-Uni
LE 26 MARS 2003

LE SOMMET MONDIAL DE JOHANNESBURG, GOUVERNANCE ET RÔLE DES BUREAUX DE VÉRIFICATON NATIONAUX

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Bonjour, Monsieur le Président et membres du Comité. J'aimerais commencer par vous remercier de votre invitation et de l'occasion que vous me donnez d'éclairer vos délibérations. C'est pour moi un grand honneur. Je ferai quelques brèves observations préliminaires, puis je serai heureuse de répondre aux questions.

Je suis accompagnée de John Reed, directeur principal responsable des travaux de vérification que mon bureau effectue relativement aux stratégies de développement durable et de nos travaux concernant le Sommet de Johannesburg. M'accompagne également une délégation de parlementaires canadiens, dont le chef est le président du Comité permanent de l'environnement et du développement durable du Canada, M. Charles Caccia, et qui comprend Joe Comartin, Bernard Bigras, John Herron, Hélène Scherrer et Bob Mills.

Je sais que le Comité s'intéresse surtout au développement durable au Royaume-Uni. En tant que Canadienne, je partage cependant un intérêt commun avec vous - le passage aux actes en ce qui concerne le développement durable et le Sommet de Johannesburg.

Et bien que l'approche de nos deux pays à l'égard du développement durable diffère de nombreuses façons importantes, nos gouvernements doivent relever un grand nombre de défis communs. Dans ce contexte, j'espère apprendre des choses de vous et vous donner mon opinion.

En particulier, j'aimerais vous transmettre quelques messages très simples :

Monsieur le Président, je vous remercie encore une fois de m'avoir invitée. Félicitations pour les efforts déployés par votre comité. La présence de six parlementaires canadiens montre l'importance qu'ils accordent, eux aussi, à cette question.

Je serai heureuse de répondre aux questions du Comité.


Sommet mondial de 2002 pour le développement durable
De la rhétorique à la réalité

MÉMOIRE PRÉSENTÉ PAR JOHANNE GÉLINAS
COMMISSAIRE À L'ENVIRONNEMENT ET AU DÉVELOPPEMENT DURABLE DU CANADA

AU COMITÉ DE VÉRIFICATION ENVIRONNEMENTALE DU PARLEMENT DU Royaume-Uni
LE 26 MARS 2003

LE SOMMET MONDIAL DE JOHANNESBURG, LA GOUVERNANCE ET LE RÔLE DES BUREAUX NATIONAUX DE VÉRIFICATION

Introduction

1. Votre comité s'occupe principalement du développement durable du Royaume-Uni, mais en tant que Canadienne, je crois que nous partageons un intérêt commun, soit transformer la rhétorique de Johannesburg en réalité ou, comme nous aimons le dire au Canada, passer de la parole aux actes. Bien que les approches respectives de nos pays en ce qui a trait au développement durable diffèrent sur plusieurs points importants, nos gouvernements sont confrontés à plusieurs défis communs. En voici quelques-uns :

2. Le but de cet exposé est de partager certaines de nos expériences et de nos points de vue ainsi que de vous transmettre quelques messages très simples.

3. Pour développer et appuyer ces messages, je décrirai :

Rôle et mandat de la commissaire à l'environnement et au développement durable

4. Le poste de commissaire à l'environnement et au développement durable a été créé en 1995 par des modifications à la Loi sur le vérificateur général du Canada. Ce poste est unique au monde. En tant que commissaire, j'ai expressément le mandat de vérifier les questions liées à l'environnement et au développement durable. Je dirige une équipe de plus de 35 spécialistes au sein du Bureau du vérificateur général du Canada. Mon rôle est semblable à celui de la vérificatrice générale du Canada, Mme Sheila Fraser. Nous vérifions toutes les deux le rendement du gouvernement fédéral et offrons aux députés des analyses et des recommandations objectives et indépendantes qu'ils peuvent utiliser pour évaluer et améliorer le rendement. Au bureau, nous adoptons une approche intégrée de la vérification environnementale et les résultats de notre travail peuvent être communiqués soit dans les rapports de la vérificatrice générale, soit dans mes rapports au Parlement.

5. Jusqu'à présent, nous avons effectué plus de 60 vérifications environnementales portant sur un large éventail de sujets, notamment les changements climatiques, le smog urbain, la biodiversité, les déchets, les substances toxiques, les écosystèmes et les sites contaminés.

6. En plus des vérifications, j'ai aussi certaines responsabilités particulières en vertu de la Loi. Les modifications apportées à la Loi sur le vérificateur général qui ont mené à la création de mon poste en 1995 obligent aussi les ministres et les ministères fédéraux à préparer et à mettre à jour une stratégie de développement durable tous les trois ans. Les stratégies doivent être les plans d'action des ministères qui mèneront le Canada vers un développement durable. Ces stratégies constituent des outils précieux pour les parlementaires. En vertu de la Loi, je dois surveiller dans quelle mesure les ministères ont mis en œuvre leur stratégie de développement durable et atteint les objectifs énoncés dans ces stratégies. Je dois aussi en faire rapport au Parlement.

7. Le deuxième aspect particulier de mon mandat est lié à la vérification du processus de pétition. Le processus de pétition permet aux citoyens de soulever des questions et de faire part de leurs inquiétudes concernant des problèmes environnementaux. Ce processus garantit aux citoyens des réponses directes des ministres fédéraux. Une pétition ne doit pas obligatoirement comporter des milliers de signatures; il peut s'agir d'une simple lettre. Ce processus connaît un succès remarquable à bien des égards et les Canadiens et les Canadiennes y ont de plus en plus recours. Ils posent des questions complexes et reçoivent, pour la plupart, des réponses très instructives.

Initiatives canadiennes visant la mise en œuvre du Sommet mondial de Johannesburg

8. Le Sommet mondial pour le développement durable tenu en août 2002 à Johannesburg, en Afrique du Sud, a marqué un 30e anniversaire bien spécial. En effet, depuis la Conférence sur l'environnement humain tenue à Stockholm en 1972, les gouvernements du monde entier se réunissent et travaillent ensemble à l'amélioration de l'état de notre planète et des conditions de vie de ses habitants.

9. Il y a dix ans, le Canada et plus de 175 pays ont approuvé avec enthousiasme le concept du développement durable lors de la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement tenue à Rio de Janeiro, au Brésil. À Rio, ces nations ont alors souscrit à un vaste plan d'action visant le développement durable sur les plans social, économique et environnemental, un plan appelé Action 21. Ce plan s'appuyait sur la Déclaration de Rio sur l'environnement et le développement, ensemble de 27 principes directeurs établissant, entre autres choses :

10. J'ai assisté au Sommet de Johannesburg afin d'observer sur place comment le Canada et d'autres pays se préparaient à la deuxième décennie après Rio. Les pays qui se sont réunis à cette occasion espéraient vivement en venir à un consensus pour l'établissement d'un plan, de cibles et de calendriers concrets de mise en œuvre des engagements qui avaient été pris à Rio et par la suite. À ce Sommet, les pays ont adopté un nouveau plan de mise en œuvre du développement durable. Dans le cadre de ce plan, les pays ont « fermement réitéré leur engagement à l'égard des principes adoptés à Rio [et] de la mise en œuvre complète d'Action 21 ». Ils se sont engagés « à atteindre les buts de développement convenus à l'échelle internationale, y compris ceux qui sont formulés dans la Déclaration du Millénaire des Nations Unies et les documents issus des principales conférences des Nations Unies et des accords internationaux conclus depuis 1992 ».

11. Mais prendre de tels engagements n'est pas un fait nouveau - les Canadiens et les Canadiennes en ont déjà entendu parler. Les vraies questions que nous devons nous poser maintenant sont celles-ci : Que faut-il faire exactement? Comment? Qui doit le faire? Quand? et Comment les Canadiens et les Canadiennes sauront-ils si des progrès ont été accomplis et si les engagements ont été respectés?

12. Je crois qu'il est urgent d'agir. En octobre 2002, mon rapport annuel a été déposé à la Chambre des communes du Canada. Le principal message de ce rapport était que le pays est confronté à un nouveau genre de déficit : non pas un déficit financier, mais un déficit lié à l'environnement et au développement durable. Un fardeau environnemental et économique de plus en plus important que nos enfants devront porter. Nous en sommes arrivés à cette conclusion après dix années de constatations de vérifications et d'analyses de tendances clés.

13. Oserais-je affirmer, en regardant les tendances générales, que le monde est confronté à un déficit semblable? On peut soutenir que des initiatives doivent être prises partout dans le monde pour inverser ces tendances.

14. Pour engager le processus, j'ai pressé le gouvernement fédéral du Canada, dans mon rapport d'octobre 2002, de produire son propre plan d'action pour le futur, et plus précisément de :

15. Je suis heureuse d'annoncer que le gouvernement canadien a entrepris de nouvelles initiatives à ces fins. Cependant, la production d'un plan n'est que le commencement. À l'avenir, les progrès par rapport au plan doivent être suivis de près et les ministères ainsi que leurs ministres doivent en être redevables.

16. À cette fin, j'ai aussi annoncé en octobre que mon bureau vérifierait le rendement du gouvernement fédéral concernant les engagements précis pris à Johannesburg. Afin de faciliter cette tâche, nous élaborons actuellement un « guide de vérification » des engagements de Johannesburg. Ce guide contiendra une description en langage clair des engagements pris à Johannesburg, de même que les critères précis que nous pouvons utiliser pour évaluer le rendement. Nous le communiquerons aux ministères fédéraux.

17. De plus, d'ici la fin du mois de mars, je rendrai publiques mes attentes concernant les stratégies fédérales de développement durable. Nous vérifions ces stratégies depuis cinq ans et disposons maintenant d'une très bonne connaissance de ce qui fonctionne, de ce qui ne fonctionne pas, et de ce qu'il faut faire. Il est certain que nous avons formulé des critiques au sujet de l'approche fédérale. Cependant, je crois que nous avons une approche avant-gardiste « canadienne », qui est à la fois innovatrice et unique. De plus, je sais que le gouvernement s'est engagé à améliorer sans relâche cette approche ainsi que les résultats obtenus.

18. Je suis consciente que tous les pays ont convenu à Johannesburg d'établir des stratégies nationales de développement durable d'ici 2005 et j'aimerais vous faire connaître quelques-unes des indications de niveau général que nous donnons aux ministères. Bien entendu, elles sont propres à la situation canadienne. Cependant, puisque le gouvernement du Canada et celui du Royaume-Uni sont confrontés à des défis semblables, cela pourrait susciter un intérêt ici au Royaume-Uni. Je crois que le gouvernement canadien doit :

Le rôle des bureaux nationaux de contrôle dans la gouvernance mondiale

19. Le Bureau du vérificateur général du Canada est très actif à l'échelle internationale par l'intermédiaire d'une institution appelée Organisation internationale des institutions supérieures de contrôle des finances publiques, ou INTOSAI. La vérificatrice générale du Canada, Mme Sheila Fraser, et moi-même, sommes coprésidentes du Groupe de travail sur la vérification environnementale de l'INTOSAI. Ce groupe de travail existe depuis plus de dix ans et plus de 45 pays en sont membres. Il a aidé des institutions supérieures de vérification partout dans le monde à se doter de la capacité d'effectuer des vérifications environnementales.

20. Son impact est remarquable. Par exemple, la collectivité a déjà procédé à plus de 350 vérifications environnementales portant uniquement sur l'eau et à plus d'une centaine de vérifications de la gestion des déchets. La biodiversité, les forêts, la qualité de l'air et les écosystèmes sont d'autres secteurs de vérification. Dès le départ, le National Audit Office du Royaume-Uni a contribué à la formation de ce groupe de travail et il continue aujourd'hui à en être l'un des plus importants collaborateurs et chefs de file.

21. Les institutions supérieures de vérification du monde entier s'intéressent vivement au Sommet de Johannesburg. Nous prévoyons élargir la capacité dans ce domaine. Pour engager le processus, le Groupe de travail a adopté un document d'orientation sur le développement durable, préparé par le National Audit Office du Royaume-Uni. Pour accompagner ce document, nous développons actuellement une version du « guide de vérification des engagements pris à Johannesburg », décrit précédemment, pour qu'il puisse être appliqué à l'échelle internationale. Nous concevons aussi un cours de formation sur la vérification environnementale, qui sera bientôt offert aux institutions supérieures de vérification du monde entier. Nous encourageons les institutions supérieures de vérification à collaborer aux vérifications effectuées dans les secteurs d'intérêt commun (par exemple, les bassins hydrographiques), une pratique déjà bien établie dans les pays européens. Finalement, nous travaillons au développement d'une stratégie visant à évaluer les progrès de notre gouvernement et à en rendre compte collectivement. La rédaction d'un rapport sommaire est prévue pour 2007, cinq ans après le Sommet de Johannesburg.

La convergence d'une gouvernance, d'une responsabilisation et d'une surveillance parlementaire efficaces

22. Comme je l'ai mentionné précédemment, je crois qu'une gouvernance efficace, sous ses nombreuses formes, doit être au cœur de toute approche visant à mettre en œuvre les engagements pris à Johannesburg. Les gouvernements, dans le cadre du plan de mise en œuvre de Johannesburg, en sont venus à une entente sur ce qui doit être fait pour protéger notre planète dès maintenant et pour les générations à venir. La gouvernance repose en grande partie sur la façon dont ce programme sera réalisé.

23. Bien que l'idée de gouvernance ne soit pas nouvelle, je pense qu'elle est plus importante que jamais, pour plusieurs raisons.

24. Nous ne sommes pas les seuls à prôner l'importance d'une bonne gouvernance - il s'agissait d'un thème explicite du Sommet de Johannesburg. Cela dit, il existe de nombreuses formes de gouvernance et de nombreux points de vue sur sa signification.

25. Je crois que le point de vue de mon bureau - et les critères précis que nous utilisons pour évaluer la gouvernance du gouvernement - peuvent être utilisés par les parlementaires pour assumer leurs responsabilités de surveillance. Les mêmes critères peuvent aussi être utilisés par différents organismes non gouvernementaux pour assurer la surveillance publique dont j'ai parlé précédemment. Ces critères offrent un cadre pour examiner une foule d'activités, allant des institutions aux programmes et aux stratégies nationales de développement durable. Ils reposent sur des idées simples et peuvent être appliqués dans le monde entier. Parmi ces critères, on trouve notamment :

26. Je crois qu'il faut porter une attention particulière à l'utilisation des partenariats. Les partenariats représentaient clairement un thème clé - et un résultat - du Sommet de Johannesburg, et ce pour des raisons valables. Le travail avec de nombreuses parties intéressées est essentiel pour que le développement durable devienne une réalité. Au cours des dernières années, nous avons étudié les relations de travail qui existent entre les ministères du gouvernement fédéral, entre différents ordres de gouvernement de notre pays ainsi qu'entre le gouvernement et le secteur privé. Nous avons appris que les partenariats efficaces ne se nouent pas par accident. Tout comme n'importe quelle relation, les partenariats exigent des règles de base claires, une confiance mutuelle, un leadership et l'engagement de la développer et de la maintenir.

27. Selon notre point de vue, certains types de partenariats sont plus importants que d'autres. Nous sommes particulièrement préoccupés par ceux qui doivent servir à atteindre les objectifs de la politique publique. Au Canada, le rôle du gouvernement et la façon dont il poursuit les objectifs de sa politique publique ont changé énormément au cours de la dernière décennie. Les programmes et les services qui, auparavant, étaient offerts par le gouvernement le sont de plus en plus par le biais de nouveaux mécanismes de gouvernance. En fait, il s'agit de types de partenariat bien particuliers. Dans ces mécanismes, le gouvernement fait appel à la participation d'autres parties pour la planification, la conception et l'atteinte des objectifs fédéraux. La gouvernance fédérale concerne maintenant des entités extérieures qui ne sont parfois pas responsables envers les ministres ou le Parlement. Notre bureau s'est particulièrement intéressé à ces mécanismes. Nous avons élaboré un « cadre de gouvernance » pour ces nouveaux mécanismes. Notre travail a révélé qu'on ne porte pas toute l'attention nécessaire au régime de reddition de comptes des partenariats et que plusieurs en souffrent.

Conclusion

28. Le Sommet de Johannesburg a été d'une très grande importance pour le monde entier. Malgré ses faiblesses, son manque de clarté et sa rhétorique plus qu'importante, on peut conclure que des idées et des engagements importants en sont ressortis. Il est nécessaire de passer de la rhétorique à la réalité, de la parole aux actes. Le gouvernement s'est occupé des discussions et a rédigé le plan de mise en oeuvre de Johannesburg. Il est maintenant temps d'agir. Les parlementaires et les bureaux nationaux de vérification peuvent jouer un rôle important pour susciter cette action et demander des comptes et une gouvernance efficaces.