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Déclaration d'ouverture au Comité des pêches et des océans

Les espèces envahissantes

Le 11 février 2003

Johanne Gélinas
Commissaire à l'environnement et au développement durable

Bonjour Monsieur le Président. Je vais faire une brève déclaration et serais ensuite heureuse de répondre à toutes les questions.

J'ai à mes côtés aujourd'hui Neil Maxwell, le directeur principal responsable du chapitre de cette année et du processus de pétition. J'ai aussi avec moi John Reed, le directeur principal responsable du rapport de 2001 sur les Grands Lacs et des stratégies de développement durable, ainsi que Andrew Ferguson, le directeur responsable de la vérification des espèces envahissantes.

Je veux vous parler aujourd'hui des espèces envahissantes. Mais Monsieur le Président, permettez moi tout d'abord de me présenter et de vous décrire mes responsabilités.

Mon poste a été créé en 1995. Je suis membre du Bureau du vérificateur général du Canada et j'applique les mêmes méthodes de vérification. Comme les rapports de la vérificatrice générale, mes rapports fournissent aux députés des analyses et des recommandations objectives et indépendantes qu'ils peuvent utiliser pour évaluer le rendement du gouvernement fédéral. À l'automne de chaque année, je présente mon propre rapport au Parlement.

En tant que commissaire, j'ai trois responsabilités principales. Tout d'abord, je suis tenue de rendre compte au Parlement de la mesure dans laquelle les ministères mettent en œuvre leurs stratégies de développement durable et atteignent les objectifs énoncés dans celles-ci. Essentiellement, les stratégies sont des plans d'action établis par les ministères pour faire avancer le Canada dans la voie du développement durable. Ce sont des outils utiles pour les parlementaires, et vous pourriez vouloir examiner la stratégie de Pêches et Océans Canada pour connaître ses engagements.

Deuxièmement, j'ai le pouvoir général d'examiner les questions liées à l'environnement et au développement durable qui, à mon avis, devraient être portées à l'attention du Parlement, et d'en rendre compte. Jusqu'à maintenant, mon bureau a examiné des problèmes comme le changement climatique, les substances toxiques et les sites fédéraux contaminés et fait rapport à ce sujet. En 2001, j'ai fait rapport sur l'état du bassin des Grands Lacs et du fleuve Saint Laurent. Mon personnel a examiné un large éventail de problèmes environnementaux dans cette région, y compris les espèces en péril, la conservation des milieux humides, la gestion de l'eau, et les questions liées aux pêches - la protection de l'habitat du poisson, le soutien scientifique pour les décisions concernant les pêches et les espèces aquatiques envahissantes.

Le troisième aspect de mon mandat a trait au processus de pétitions. Ce processus a été mis en place pour aider les citoyens à obtenir des réponses directes des ministères fédéraux à d'importantes questions environnementales. J'encourage les Canadiens à l'utiliser. J'invite aussi les membres du Comité à l'utiliser et à encourager leurs commettants à faire de même.

Dans mon rapport annuel au Parlement, je décris les questions soulevées dans les pétitions en matière d'environnement que j'ai reçues au cours de l'année et j'indique comment les ministères fédéraux y ont répondu. Jusqu'à maintenant, j'ai reçu plus de 60 pétitions de citoyens. Fait intéressant pour les membres, la première préoccupation soulevée dans les pétitions concerne les pêches. Pêches et Océans Canada est l'un des ministères qui en reçoit le plus.

Je vais maintenant vous parler des espèces envahissantes.

Pour préparer le chapitre 4 de mon rapport de 2002, nous avons pris comme point de départ la partie sur les espèces envahissantes de mon rapport de 2001 sur le bassin des Grands Lacs et du Saint Laurent. Le chapitre met l'accent sur la gestion des espèces envahissantes exotiques qui touchent les écosystèmes au Canada, tant sur la terre que dans les eaux. Voici ce que nous avons constaté.

Comme les membres le savent probablement, les dirigeants de 167 pays ont reconnu il y a plus d'une décennie, dans la Convention des Nations Unies sur la diversité biologique, que les espèces envahissantes étaient l'une des menaces les plus graves pour notre santé et notre bien être économique, social et écologique. Ils ont déclaré qu'il était urgent de s'attaquer au problème, car les menaces grandissaient tous les jours.

En signant la Convention, le gouvernement du Canada s'est engagé officiellement à prévenir l'introduction d'espèces exotiques qui menacent les écosystèmes, les habitats et d'autres espèces du Canada ou à les contrôler ou à les éradiquer.

Trois années plus tard, en 1995, le gouvernement fédéral a publié sa stratégie pour honorer son engagement. Il a déclaré que le contrôle ou l'élimination des organismes exotiques nuisibles était nécessaire pour maintenir la biodiversité et empêcher une plus grande destruction des écosystèmes. Dans sa stratégie de 1995, le gouvernement a établi un certain nombre de mesures qu'il jugeait essentielles pour mener à bien cette tâche.

Comme je l'ai indiqué en septembre 2002, nous avons constaté que ni la Convention des Nations Unies sur la diversité biologique adoptée il y a dix ans ni la stratégie sur la biodiversité du gouvernement - adoptée il y a déjà huit ans - n'avaient suscité de changements notables de l'approche du gouvernement face au problème.

Le gouvernement fédéral n'a toujours pas recensé les espèces envahissantes qui menacent les écosystèmes, ni leurs voies d'entrée. Les ressources humaines et financières n'ont pas été coordonnées. Il n'existe pas de consensus sur les priorités, ni d'ententes qui définissent les responsabilités respectives et pas de capacité pour déterminer les progrès réalisés par rapport aux engagements du gouvernement.

Nous avons constaté que malgré les engagements, les ententes et les accords à long terme, le gouvernement fédéral n'a pas pris de mesures concrètes pour empêcher les espèces exotiques de nuire aux écosystèmes du Canada. Par conséquent, elles continuent de croître sans cesse. En bref, le Canada laisse la porte ouverte aux espèces envahissantes qui menacent nos écosystèmes.

Comme vous pouvez le constater, nous ne sommes pas seuls à penser ainsi. Les récents rapports de nos collègues du General Accounting Office des États Unis et de la Commission mixte internationale indiquent aussi que les menaces posées par les espèces envahissantes exotiques persistent, et n'ont pas été endiguées malgré les politiques et les plans du gouvernement depuis des décennies.

Tous les Canadiens devraient s'inquiéter. Les spécialistes en sont venus à la conclusion, il y a longtemps, que les espèces envahissantes sont, après la destruction des habitats, la plus grave cause de la perte de biodiversité, dont l'extinction locale d'espèces. Des études plus récentes indiquent que les espèces envahissantes menacent maintenant les écosystèmes partout au Canada et entraînent chaque année des milliards de dollars de dommages à notre économie.

Si la tendance se maintient, les coûts vont grimper. Et avec la perte de biodiversité, notre réserve de ressources biologiques continuera de s'appauvrir.

Par conséquent, nos constatations (et celles d'autres institutions respectées) ont des effets inquiétants pour nos écosystèmes et nos portefeuilles; mais les collectivités, dont l'économie dépend de la santé des stocks d'espèces indigènes, pourraient ressentir plus directement et sévèrement les conséquences de l'inaction.

Nos collègues de la Commission mixte internationale ont été fort éloquents dans leur description de la menace posée aux Grands Lacs par les espèces aquatiques envahissantes, et plus particulièrement par l'eau de lest des navires. Mais comme je le souligne dans mon rapport, il s'agit d'un problème national qui touche les collectivités d'un océan à l'autre.

Les espèces envahissantes menacent non seulement les Grands Lacs, mais elles constituent aussi des menaces claires et réelles pour bon nombre de nos lacs et rivières et ainsi que pour l'écologie et l'économie des collectivités vivant le long des côtes du Canada.

Je présente dans mon rapport le profil de l'un des envahisseurs, le crabe vert. Celui-ci colonise agressivement notre côte Atlantique, et constitue un risque pour l'industrie de la palourde, de la moule et de l'huître. Pour illustrer l'ampleur du risque, la valeur des débarquements de palourdes, de moules et d'huîtres de l'Atlantique atteignait environ 57 millions de dollars en 2000. Les prises de homards de l'Atlantique, que les scientifiques estiment également menacées, valaient plus de 500 millions de dollars en 2000.

Sur la côte Ouest, où l'on a aussi découvert la présence du crabe vert, la valeur des prises de palourdes et de crabes indigènes s'établissait à environ 25 millions de dollars en 2000. Plus de 200 bateaux de pêches et leur équipage, ainsi que des milliers de pêcheurs de 33 communautés côtières des Premières nations, dépendent de cette espèce. Les pêcheurs récréatifs de crabes en Colombie Britannique seraient de 10 000 à 20 000.

Dans le cadre de sa stratégie de huit ans pour s'attaquer aux espèces envahissantes exotiques, le gouvernement s'est engagé à établir des bases de données pour aider à recenser les organismes exotiques nuisibles et à prévoir leur introduction afin de pouvoir prendre des mesures préventives. Comme il n'a pas encore créé de telles bases de données, le gouvernement ne peut savoir combien d'espèces du même genre vivent dans les eaux canadiennes.

Cependant, comme nos collègues l'ont souligné, il existe suffisamment de preuves montrant que l'eau de lest des navires est la principale voie d'entrée des espèces aquatiques envahissantes. Dans ce cas également, le gouvernement s'est engagé il y a longtemps, dans sa stratégie sur la biodiversité, à éliminer les causes courantes d'introduction accidentelle. Mais à part les discussions qui se poursuivent, il n'a pas pris de mesures concrètes au Canada pour s'attaquer à ce qui est, de l'avis de nombreux spécialistes, la principale source d'espèces aquatiques envahissantes.

Aujourd'hui, mon objectif est d'attirer votre attention sur l'avenir, non sur le passé, sur des considérations concrètes telles que :

  • le besoin de recenser les espèces envahissantes qui posent le plus grand risque pour les écosystèmes et l'économie du Canada, et leurs voies d'entrée;
  • la nécessité d'établir un plan concret ainsi que la capacité opérationnelle pour empêcher qu'elles n'entrent au pays;
  • le besoin d'établir des critères scientifiques pour les déversements sécuritaires de l'eau de lest dans les eaux canadiennes;
  • la nécessité d'évaluer les progrès du gouvernement par rapport aux engagements qu'il a pris concernant les espèces envahissantes.

Étant donné la menace qu'elles posent pour la diversité et la possibilité évidente qu'elles puissent se propager, les espèces envahissantes exotiques doivent faire l'objet de mesures préventives immédiates.

Pour commencer, notre réussite à cet égard repose, à mon avis, sur trois éléments. Premièrement, le gouvernement fédéral a besoin d'un plan d'action concret, ainsi que de ressources suffisantes, pour lutter contre les espèces envahissantes. La coordination d'un tel plan est la responsabilité d'Environnement Canada. Mais l'établissement de buts clairs, axés sur les résultats, l'affectation des ressources nécessaires, la mise en œuvre du plan et l'application des politiques et des lois existantes sont la responsabilité de divers ministères, dont Pêches et Océans Canada et Transports Canada.

Deuxièmement, il faut faire le suivi des progrès par rapport aux résultats attendus. Troisièmement, les ministres et les ministères doivent rendre compte de leur rendement. Je crois qu'une action concertée du gouvernement s'impose et je pense que le Comité pourrait en être l'instigateur.

Monsieur le Président, nous avons besoin de réponses claires : Qui est responsable de quoi dans ce domaine? Quelles mesures ont été prises et quels résultats a t on obtenus? Comment le Parlement et les Canadiens seront ils tenus informés? Les réponses des ministères à mes recommandations ne répondent pas à ces questions. La majorité des engagements pris ne sont rien de plus qu'une reformulation du statu quo. J'espère que vous pourrez obtenir des réponses à ces questions. Je serais heureuse de vous faire connaître mes réflexions sur la façon de le faire, si vous le souhaitez. Et évidemment, je serais également heureuse de répondre à toutes les autres questions que les membres du Comité pourraient avoir au sujet de mon rapport. Merci.