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Commentaires d'introduction au Comité de l'environnement et du développement durable

Rapport de la Commissaire à l'environnement
et au développement durable d'octobre 2001

le 2 octobre 2001

Johanne Gélinas,
Commissaire à l'environnement et au développement durable

Je vous remercie, Monsieur le Président. Je suis heureuse de comparaître, encore une fois, devant le Comité pour discuter de mon rapport au Parlement, qui a été déposé plus tôt aujourd'hui. J'ai à mes côtés mes collègues Neil Maxwell, John Reed et Dan Rubenstein. Après quelques brefs commentaires préliminaires, je serai heureuse de répondre aux questions du Comité.

Je me présente à vous ce matin avec un menu relativement court mais substantiel.

  • Tout d'abord un bref suivi du rapport du commissaire de 1998 sur le changement climatique.
  • Ensuite, une vérification de plusieurs aspects de la gestion fédérale dans le bassin des Grands Lacs et du Saint-Laurent qui, vous serez à même de le constater, dépasse le cadre géographique ciblé.
  • Enfin, un rapport sur les progrès des ministères et organismes dans le domaine du développement durable, auquel s'ajoute une étude sur la dimension sociale du développement durable.

Comme je l'ai mentionné en juin dernier, j'ai également produit un chapitre sur le processus de pétition en matière d'environnement. Ce chapitre dresse le bilan des cinq dernières années, en plus de présenter en termes simples cet outil qu'est la pétition et son mode d'emploi. Sans entrer dans les détails, je dirai que le processus de pétition est un instrument que je trouve extrêmement utile et que j'entends promouvoir.

En guise d'introduction à mon premier rapport, j'ai produit un chapitre où j'expose mon point de vue tout en faisant part de certaines de mes préoccupations. De plus, je remonte dans le temps, d'une quinzaine d'années, afin de mieux comprendre la notion de développement durable telle qu'elle est transposée dans la réalité canadienne, le chemin parcouru et celui qu'il reste à parcourir. De plus, en m'appuyant sur les vérifications réalisées cette année, j'examine si le gouvernement canadien suit le bon itinéraire compte tenu des objectifs qu'il s'est fixés.

LES PROGRÈS À L'ÉGARD DU CHANGEMENT CLIMATIQUE

Monsieur le Président, j'aimerais maintenant aborder le sujet du changement climatique. Cette année, nous avons fait le suivi d'une vérification qui date d'il y a trois ans. Celle-ci portait sur la façon dont le gouvernement faisait face à ses engagements au chapitre du changement climatique. Nous avons constaté que même si le gouvernement fédéral a réalisé des progrès importants, il n'en est qu'aux premières étapes de la mise en oeuvre de mesures. Entre-temps, les émissions de gaz à effet de serre continuent d'augmenter de façon significative au Canada, et l'on est loin du développement durable. L'écart entre les émissions produites par le Canada et l'objectif de Kyoto continue de s'accentuer, tandis que le temps qu'il reste pour agir diminue. Les émissions produites par le Canada se situent déjà à 15 p. 100 au-dessus des niveaux de 1990.

Qu'est-ce qui doit changer? Des améliorations s'imposent en matière de gestion. Par exemple, le Plan d'action 2000 du gouvernement, qui décrit les mesures à prendre en ce qui concerne l'énergie, les transports et les autres secteurs, ne renferme pas d'objectifs clairs indiquant comment chacune des mesures permettra d'atteindre le but du Plan : amener le Canada à atteindre le premier tiers de son objectif dans le cadre du Protocole de Kyoto. De plus, l'information contenue dans les stratégies de développement durable et dans les autres documents déposés au Parlement sur les mesures prises par les ministères est fragmentaire; elle n'est livrée que par bribes. Il est donc difficile d'obtenir un tableau clair de l'action combinée du gouvernement fédéral face au changement climatique.

Il revient au gouvernement de décider s'il respectera les engagements qu'il a pris à Kyoto. Le gouvernement a affirmé qu'il faut faire face maintenant au changement climatique, qu'il demeure résolu à respecter l'objectif de Kyoto et que la plupart des émissions seront réduites au pays. Manifestement, il reste beaucoup à faire pour respecter cet engagement. Le gouvernement a joué un rôle important jusqu'à présent, mais il n'en est qu'aux premières étapes de la mise en oeuvre du train de mesures qui permettront d'atteindre les objectifs de réduction. Par exemple, pour ce qui est de l'objectif total dans le cadre du Protocole de Kyoto, il reste à examiner le partage sectoriel ou régional.

Cela soulève, dans mon esprit, une question essentielle : Au rythme où vont les choses actuellement, ces engagements peuvent-ils être respectés?

LE BASSIN DES GRANDS LACS ET DU SAINT-LAURENT

J'aimerais maintenant discuter de nos travaux sur le bassin des Grands Lacs et du Saint-Laurent. Nous avons effectué cette vérification pour de nombreuses raisons :

  • Premièrement, le bassin est une ressource environnementale essentielle pour la planète. Nous avons le devoir de bien gérer cette ressource.
  • Deuxièmement, l'état du bassin a des répercussions sur la qualité de l'air et de l'eau potable, la santé, l'emploi et les loisirs de 16 millions de Canadiens.
  • Troisièmement, le bassin est, en quelque sorte, un laboratoire du développement durable, car il permet d'éprouver la capacité du gouvernement d'atteindre ses objectifs de prospérité économique, de qualité de vie et de santé environnementale.

La vérification porte sur quatre grands domaines d'intérêt — l'eau, l'agriculture, les espèces et les espaces en péril, et les pêches — et traite d'une dizaine de questions liées à ces domaines d'intérêt. Nous avons aussi examiné la gestion des initiatives du gouvernement touchant l'écosystème régional et ses rapports avec la Commission mixte internationale, une institution essentielle pour le Canada. Notre rapport vise à répondre à trois questions qui peuvent paraître simples :

  • Quel est l'état du bassin?
  • Quel est le rôle et le rendement du gouvernement fédéral en ce qui concerne ces domaines d'intérêt?
  • Comment le gouvernement peut-il améliorer son rendement?

Plus précisément, j'aimerais présenter un aperçu de nos principales constatations :

  • Le financement à la baisse et instable accordé aux ministères empêche ceux-ci d'assumer les responsabilités liées à leur mandat.
  • Les plans fédéraux visant à assainir les lieux pollués sont incomplets et peu précis.
  • Le gouvernement fédéral ne sait pas si l'eau du bassin que boivent les Canadiens satisfait aux lignes directrices nationales qu'il a contribué à établir. Le Canada n'a pas de normes applicables à l'échelle nationale en ce qui concerne l'eau potable.
  • Le problème que pose la gestion sécuritaire du fumier produit par les élevages s'accentue. Pourtant, le gouvernement n'a pas élaboré de plan d'action pour résorber le problème.
  • Il n'existe pas de plan de rétablissement pour près de la moitié des espèces menacées ou en voie de disparition dans le bassin et relevant de la compétence du gouvernement fédéral. Seulement 10 p. 100 de ces espèces ont des populations stables ou à la hausse.
  • Malgré ses responsabilités légales et constitutionnelles quant à la protection des activités de pêche dans le bassin, le rôle du gouvernement n'est pas clair par rapport à celui des provinces.
  • Les espèces aquatiques envahissantes, comme la moule zébrée, représentent une menace grave et grandissante pour le bassin. Le gouvernement compte, en grande partie, sur ses lignes directrices facultatives et la réglementation des États-Unis pour contrôler ces espèces.

Au cours des dernières décennies, il y a eu des réussites et des améliorations remarquables au chapitre de l'environnement. Mon rapport souligne la contribution du gouvernement à cet égard.

Et pourtant, malgré ces réussites, les données scientifiques les plus probantes à l'heure actuelle indiquent que l'état global des lacs et du fleuve est « mixte ». Le bassin s'améliore à certains égards, mais, visiblement il y a aussi une détérioration à d'autres égards.

Au cours de la prochaine génération, la population canadienne du bassin devrait augmenter de trois millions de personnes et, selon les prévisions, le PIB sera supérieur de 60 p. 100. La croissance intensifiera la demande d'eau, de terres, de poissons, de produits agricoles, d'installations de traitement des eaux usées, de parcs et d'aires à l'état naturel, de logements, d'énergie et d'autres éléments.

Et cela nous amène aux principales constatations de la vérification et à la raison pour laquelle je suis si préoccupée : L'avenir du bassin est menacé. Les efforts du gouvernement fédéral sont en perte de vitesse. Le leadership, l'innovation, l'activité scientifique et la diligence, qui ont eu une incidence favorable sur le bassin dans le passé, marquent un recul. Nous constatons un sentiment accablant de complaisance et de la résignation, alors que nous voudrions constater un sentiment d'urgence et de l'inspiration.

Nos conclusions générales mettent l'accent sur quatre thèmes importants :

  • Premièrement, des questions importantes sont négligées. Les principaux engagements pris à l'échelle nationale et internationale ne sont pas respectés. Les ressources allouées ne correspondent pas aux priorités et aux engagements. Par exemple, bon nombre des engagements pris par le Canada à l'échelle internationale, aux termes de l'Accord relatif à la qualité de l'eau dans les Grands Lacs, ne se sont pas concrétisés.
  • Deuxièmement, il n'y a pas de stratégie à long terme et à l'échelle du bassin pour faire face aux principales menaces. Dans les deux régions du bassin, aucun organe fédéral n'énonce un point de vue concerté et cohérent sur les enjeux clés.
  • Troisièmement, la recherche scientifique, la surveillance et les systèmes de mesure sont déficients. Les décideurs sont loin de posséder l'information nécessaire pour prendre des décisions éclairées dans des secteurs tels que les milieux humides, les sols et l'habitat des poissons.
  • Quatrièmement, le rôle du gouvernement fédéral évolue et se fait plus discret. Le gouvernement semble craindre d'affronter les questions difficiles. Il ne se sert pas des pouvoirs et des outils à sa disposition. Il compte de plus en plus sur les partenariats pour atteindre ses objectifs. Notre vérification a soulevé des questions fondamentales au sujet du rôle du gouvernement à deux égards, la supervision des initiatives de ses partenaires et l'assurance que les objectifs fédéraux et nationaux sont atteints.

Cela ne présage rien de bon pour l'avenir. Je crois que le gouvernement fédéral n'est tout simplement pas prêt à relever les nombreux défis du XXIe siècle, particulièrement en ce qui concerne l'eau. Je pense que, dans ce domaine, les parlementaires pourraient jouer un rôle prépondérant afin de faire face à cette question essentielle sur le plan environnemental, social et politique.

J'aimerais faire deux autres observations au sujet de cette vérification.

  • Premièrement, même si nous nous sommes concentrés sur une région géographique en particulier, il y a des répercussions à l'échelle nationale. Cela, parce que bon nombre des questions et des programmes fédéraux examinés sont d'envergure nationale. La gestion de la qualité et du volume de l'eau douce au Canada, la durabilité de l'agriculture, la protection des espèces et des espaces en péril, le maintien de pêches en santé et la régie efficace des écosystèmes régionaux sont des défis qui touchent tout le pays.
  • Deuxièmement, même si les ministères sont d'accord avec les recommandations, j'ai certainement des réserves quant à leurs réponses.

La vérification environnementale des Grands Lacs démontre de façon éloquente que le gouvernement fédéral n'a pas encore réussi à intégrer le concept du développement durable. Nous ne sommes pas sur la voie de la durabilité.

LES STRATÉGIES DE DÉVELOPPEMENT DURABLE

La troisième partie de mon rapport porte sur la gestion du développement durable, notamment en ce qui a trait aux stratégies de développement durable du gouvernement.

Le bureau du commissaire vient de passer trois années à vérifier la première série de stratégies de développement durable. Les systèmes de gestion du développement durable et l'information communiquée sur le développement durable ont été une fois de plus vérifiés. Le Bureau a également examiné comment certains ministères avaient évalué leur première stratégie. Enfin, comme mon prédécesseur s'était engagé à le faire, nous avons réalisé une étude de la dimension sociale du développement durable.

Pour les systèmes de gestion et l'information communiquée sur le développement durable, voici les résultats :

Les meilleures pratiques nous ont appris qu'un système de gestion n'est pas nécessairement une garantie de succès; cependant, l'absence d'un système qui fonctionne augmente le risque que les engagements ne soient pas respectés (2.15). Je crois que ces systèmes constituent un indicateur valable de la capacité et de l'intention d'un ministère de respecter les engagements pris dans sa stratégie de développement durable.

La vérification met en évidence les caractéristiques qui distinguent les ministères et organismes chefs de file (notamment, Ressources naturelles Canada et Industrie Canada) des autres, moins dynamiques. On constate entre autres :

  • l'engagement de la haute direction;
  • la reconnaissance qu'il s'agit d'un processus continu;
  • l'affectation de ressources;
  • le respect des composantes de base d'un système de gestion.

D'ailleurs, nous avons constaté qu'il y avait un lien entre le niveau d'intérêt manifesté par la haute direction, la qualité et la fréquence des rapports sur le rendement présentés à la direction et la qualité apparente du système de gestion.

Je m'inquiète de trouver le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien et le ministère des Finances parmi les ministères et organismes qui se classent au dernier rang, car je sais qu'ils sont des acteurs importants du programme de développement durable du gouvernement.

Certains diront que toutes leurs activités sont axées sur le développement durable parce que leur mandat est d'assurer le bien-être des Canadiens, mais encore faut-il que leurs affirmations s'accompagnent de mesures concrètes.

Les ministères et organismes présentent de l'information sur leurs progrès à l'égard du développement durable. Cette information permet au Parlement de déterminer si les objectifs des stratégies ministérielles pourront être atteints. À ce chapitre, je suis préoccupée quant à la pertinence de l'information sur le rendement communiquée au Parlement. En effet, selon mes constatations, peu de ministères et d'organismes respectent les lignes directrices du Secrétariat du Conseil du Trésor. Environ 25 p. 100 d'entre eux les appliquent de façon rigoureuse. Dans l'ensemble, le gouvernement fédéral progresserait d'environ 12 p. 100 par année depuis 1998 en ce qui concerne l'atteinte de ses objectifs de développement durable. Cette évaluation n'a toutefois pas fait l'objet d'une vérification de notre part.

Ces vérifications et nos travaux antérieurs indiquent que certains ministères tiennent davantage compte des orientations et des directives des organismes centraux que d'autres.

Je me pose donc quelques questions :

  • Qu'est-ce qui encourage les ministères à faire plus et mieux? Par ailleurs, y a-t-il des mesures coercitives?
  • Est-ce que les organismes centraux exercent leur leadership à l'égard de cette priorité gouvernementale?

Ces questions sont importantes parce que les stratégies de développement durable sont un mécanisme important qui permet de faire en sorte que les ministères se soucient davantage du développement durable. Cela m'amène à une dernière question, une question que beaucoup se posent : Au moment où le gouvernement se prépare à rendre compte de ses progrès en matière de développement durable au Sommet de la Terre qui se tiendra à Johannesburg, l'an prochain, sera-t-il en mesure de présenter des progrès convaincants?

CONCLUSION

J'ai le mandat de mesurer les progrès réalisés et de rendre compte des systèmes de gestion du développement durable. Cependant, chacun d'entre nous doit contribuer à relever le défi d'orienter le Canada vers le développement durable.

À cet égard, je considère le Comité comme le prolongement de mes rapports, une Tribune où débattre et poser des questions.

Monsieur le Président, vous m'avez demandé en juin s'il y avait une chose en particulier dont j'avais besoin pour m'acquitter pleinement de mes responsabilités. Après mûre réflexion, je dirais que le plus important pour moi est l'appui et la participation du Comité à l'égard des questions sur lesquelles je fais rapport. En travaillant ensemble, je vois d'excellentes occasions de contribuer à faire avancer le programme de développement durable du gouvernement fédéral. Des audiences et des rapports du Comité sur des chapitres en particulier m'aideraient grandement dans mon travail. Le Comité pourrait également m'aider en demandant deux choses aux ministères : s'engager de façon plus précise à combler les lacunes que j'ai signalées et fournir des comptes rendus des mesures qu'ils ont prises.

Je vous remercie Monsieur le Président ainsi que les membres du Comité. Je serai heureuse de répondre à vos questions et de poursuivre le dialogue.