Commentaires d'introduction au Comité permanent des ressources humaines
et de la condition des personnes handicapées
L'intégrité du numéro d'assurance sociale
(Chapitre 1 - Rapport Le Point 2002)
Le 28 novembre 2002
Sheila Fraser, FCA
Vérificatrice générale du Canada
Madame la Présidente, je vous remercie de me donner la possibilité
de présenter les résultats de notre vérification de l'intégrité
du numéro d'assurance sociale. Je suis accompagnée aujourd'hui
de M. Peter Simeoni et de Mme Suzanne Therrien qui sont responsables de ces
travaux de vérification.
Depuis sa création, en 1964, le numéro d'assurance sociale figure
systématiquement parmi le petit nombre de documents d'identification
personnels utilisés dans la société canadienne. Il sert
à plusieurs programmes importants du gouvernement fédéral.
Par exemple, en 2000-2001, le numéro d'assurance sociale servait de numéro
de compte principal pour le paiement de prestations au titre de l'assurance-emploi,
du Régime de pensions du Canada et de la Sécurité de la
vieillesse totalisant quelque 53,6 milliards de dollars.
De nombreuses entreprises utilisent aussi le numéro d'assurance sociale
des employés et des clients à des fins diverses que ce
soit pour identifier leurs dossiers, accorder un prêt ou louer une bande
vidéo. Certains gouvernements provinciaux et municipaux semblent aussi
l'utiliser. En résumé, de nombreuses organisations se servent
du numéro d'assurance sociale des Canadiens à des fins diverses.
L'utilisation répandue du numéro d'assurance sociale lui donne
plus de valeur que ne l'avait d'abord prévu le gouvernement, d'où
l'importance qu'il ne soit utilisé que par son propriétaire légitime.
Dans le cas contraire, les prestations versées par le gouvernement, les
remboursements d'impôt ou les crédits à la consommation
pourraient être accordés à la mauvaise personne.
Objet de la vérification
Nous avons effectué cette vérification en vue de déterminer
si le gouvernement protégeait et renforçait l'intégrité
du numéro d'assurance sociale. Nos travaux étaient axés
sur les préoccupations que nous avions soulevées dans notre rapport
de 1998 sur la gestion du numéro d'assurance sociale. Ils étaient
aussi fondés sur les rapports sur le numéro d'assurance sociale
présentés à la Chambre des communes par le Comité
des comptes publics et le Comité du développement des ressources
humaines. Ces rapports nous ont été très utiles.
Ce que nous avons constaté
Nous nous attendions au départ à ce que les problèmes
signalés antérieurement aient été en grande partie
résolus. Au lieu de cela, bien que des progrès aient été
réalisés pour certaines questions depuis 1998, nous avons constaté
que plusieurs autres n'ont fait l'objet d'aucune mesure.
D'une part, le gouvernement a réaffirmé sa politique voulant
que le numéro d'assurance sociale ne soit utilisé qu' à
titre de numéro de compte pour les programmes fédéraux
autorisés. Pour aider à protéger les renseignements personnels,
(dont le numéro d'assurance sociale) à l'extérieur du gouvernement
fédéral, il applique la Loi sur la protection des renseignements
personnels et les documents électroniques. De plus, le Ministère
du Développement des Ressources Humaines Canada a examiné l'utilisation
du numéro d'assurance sociale dans le secteur privé et il a fait
certains efforts pour sensibiliser le public à une utilisation appropriée.
D'autre part, nous avons encore une fois décelé de graves lacunes
en ce qui concerne le contrôle et l'attribution des numéros d'assurance
sociale. Ceci nous a amenés à conclure que le Ministère
n'a pas fait suffisamment d'efforts pour protéger et renforcer l'intégrité
du numéro d'assurance sociale.
À notre avis, le Ministère ne respecte pas l'esprit de la Loi
sur l'assurance-emploi et de son règlement d'application pour l'attribution
des numéros d'assurance sociale. Le Ministère n'exige des demandeurs
qu'un seul document comme preuve d'identité et de citoyenneté.
Comme une seule pièce d'identité est habituellement insuffisante
pour vérifier à la fois l'identité et la citoyenneté,
nous craignons que, pour la majorité des numéros d'assurance sociale
attribués depuis 1998, ces aspects n'aient pas fait l'objet d'une vérification
en bonne et due forme.
Nous nous interrogeons sur la fiabilité de certains documents que le
Ministère a acceptés comme preuve d'admissibilité au numéro
d'assurance sociale. Par exemple, nous avons constaté qu'il pouvait accepter
des passeports expirés, des baptistaires ainsi que des photocopies de
ceux-ci et d'autres documents. Nous sommes aussi préoccupés par
le fait qu'il n'a pas vérifié la validité de la plupart
des documents qu'il a acceptés auprès des autorités qui
les délivrent.
Nous avons constaté que le contrôle des numéros d'assurance
sociale de la série 900, soit ceux attribués à des personnes
qui ne sont ni des citoyens canadiens ni des résidents permanents, est
insuffisant. Tout comme les numéros d'assurance sociale réguliers,
ces numéros d'assurance sociale n'ont pas de date d'expiration, même
s'ils ne servent vraisemblablement que de façon temporaire. Et, encore
une fois, tout comme dans le cas des numéros d'assurance sociale réguliers,
le Ministère n'a pas pris de mesures appropriées pour établir
l'identité des demandeurs. Il ne leur a pas non plus demandé de
démontrer pourquoi ils ont besoin d'un numéro d'assurance sociale,
bien que le Règlement sur l'assurance-emploi l'exige. Au fil du
temps, le Ministère a attribué près de 1,6 million de ces
numéros d'assurance sociale de la série 900. Plus de 900 000
sont encore utilisables.
Depuis 1998, le Ministère a multiplié les enquêtes sur
les fraudes relatives au numéro d'assurance sociale. Cependant, il est
difficile de juger si ce niveau d'effort est suffisant parce que le Ministère
n'a pas procédé à une analyse approfondie des risques qui
servirait de base à ses efforts d'enquête.
La fiabilité et l'intégralité de l'information contenue
dans le Registre d'assurance sociale, la base de données de tous les
enregistrements de numéros d'assurance sociale, demeurent aussi un problème.
Le Ministère a apporté certaines améliorations après
1998, mais il y a encore plusieurs questions qui n'ont pas été
dûment traitées. Ainsi, le nombre de numéros d'assurance
sociale en circulation pour les personnes de 20 ans et plus dépasse
de 5 millions la taille de la population établie lors du recensement
pour ce groupe d'âge. Le Ministère a déclaré qu'il
y avait 2,6 millions de numéros d'assurance sociale inactifs, mais
ceux-ci peuvent encore donner accès aux programmes de prestations fédérales
sans qu'une enquête ne soit lancée.
Madame la Présidente, je suis heureuse de constater que le Ministère
a accepté toutes nos recommandations. La Ministre, Mme Stewart, a annoncé
plusieurs mesures qui, si elles sont pleinement mises en oeuvre, devraient répondre
à un bon nombre de nos préoccupations. Je suis encouragée
par le fait que le Ministère s'engage à mieux gérer les
numéros d'assurance sociale, toutefois il faudra voir les plans détaillés.
Je crois qu'il est important que le Ministère élabore un plan
d'action complet couvrant toutes les questions que nous avons soulevées.
La meilleure façon de procéder serait d'évaluer les risques
que comporte la gestion des numéros d'assurance sociale et de concevoir
des contrôles appropriés de programmes. Il est tout aussi important
que ces contrôles, qui doivent être efficaces, ne soient pas excessifs
ou déraisonnables.
Questions que le Comité voudra peut-être étudier plus
à fond
Madame la Présidente, il est clair que le Ministère doit faire
plus d'efforts pour renforcer l'intégrité du numéro d'assurance
sociale. Le Ministère reconnaît qu'il y a des problèmes
et a pris dans le passé certaines mesures pour les régler, mais
nous sommes ici aujourd'hui parce qu'il n'a pas effectué les suivis nécessaires.
La première chose à faire est de s'assurer que le Ministère
respecte l'esprit de la Loi sur l'assurance-emploi et de son règlement
d'application. Le Comité voudra peut-être demander aux représentants
du Ministère comment ils prévoient s'y prendre pour déterminer
l'identité et la citoyenneté des demandeurs de numéro d'assurance
sociale et pour obtenir la preuve que les demandeurs de numéro d'assurance
sociale de la série 900 en ont vraiment besoin.
Le Comité voudra peut-être aussi demander aux représentants
du Ministère quels sont leurs plans pour :
- mieux sensibiliser le public à la manière d'utiliser le numéro
d'assurance sociale;
- gérer les risques associés aux numéros d'assurance
sociale de la série 900;
- évaluer la fiabilité des documents que le Ministère
accepte à l'appui des demandes et vérifier leur validité
auprès des autorités qui les délivrent;
- fournir au personnel la formation et les outils dont il a besoin;
- améliorer le Registre d'assurance sociale;
- mener des enquêtes fondées sur les risques pour les fraudes
liées à l'attribution du numéro d'assurance sociale.
Enfin, le Comité voudra peut-être aussi demander au Ministère
de lui présenter un plan d'action lequel lui servira de base pour faire
rapport de ses progrès sur une base régulière.
Madame la Présidente, voilà qui conclut ma déclaration
d'ouverture.
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