Déclaration d'ouverture au Comité des affaires autochtones,
du développement du Grand Nord et des ressources naturelles
Affaires indiennes et du Nord Canada Transfert des responsabilités
fédérales
à la population du Nord
(Chapitre 8 - Rapport de la vérificatrice générale de novembre
2003)
Le développement économique des collectivités
des
Premières nations : les mécanismes institutionnels
(Chapitre 9 - Rapport de la vérificatrice générale de novembre
2003)
Autres observations de vérification Affaires
indiennes et du Nord Canada
(Chapitre 10 - Rapport de la vérificatrice générale de novembre
2003)
Le 25 mars 2004
Sheila Fraser, FCA
Vérificatrice générale du Canada
Monsieur le Président, je vous remercie de nous avoir invités
à discuter de trois chapitres de mon rapport de novembre 2003 qui portent
sur des questions autochtones. Je suis accompagnée de Jerome Berthelette
et Jeff Greenberg qui sont les directeurs principaux chargés de nos travaux
sur les questions liées aux peuples autochtones et au Grand Nord.
Les questions autochtones constituent l'un de mes cinq secteurs d'intérêt
en tant que vérificatrice générale. Cela veut dire que nous
porterons une attention particulière à ce secteur et que nous rechercherons
dans l'avenir des changements qui sont mesurables. Ceci étant dit, je reconnais
que ces questions sont nombreuses et complexes. Les domaines où nous souhaitons
avoir un apport significatif sont la reddition de comptes, les partenariats pour
l'exécution des programmes y compris les partenariats dans l'ensemble
du gouvernement fédéral et le règlement des différends.
Je ne suis pas la vérificatrice des Premières nations, mais je
crois que la perspective des Premières nations est essentielle à
nos travaux, et nous sollicitons leur participation de plusieurs façons.
J'ai reçu des avis d'un groupe de conseillers sur les questions liées
aux Premières nations et de comités consultatifs distincts formés
pour chaque chapitre. La majorité des participants sont des représentants
des collectivités autochtones qui possèdent une vaste expérience.
Les chapitres du Rapport de novembre sur les questions autochtones ont été
rédigés sur deux thèmes communs :
- l'importance de mettre sur pied des institutions qui fonctionnent et qui contribuent
à la gestion et à la croissance des collectivités autochtones
et à leur économie; et
- la nécessité de gérer en fonction des résultats.
Les peuples autochtones et le gouvernement fédéral reconnaissent
tous deux l'importance de mettre sur pied des institutions qui contribuent à
la prospérité à long terme des peuples autochtones, sur le
plan tant culturel qu'économique.
Les chefs autochtones et le gouvernement fédéral doivent définir
ensemble la nature et le type d'institutions qui leur permettront d'atteindre
leurs buts et les résultats escomptés, et en particulier dans les
trois domaines que vous étudiez aujourd'hui c'est-à-dire
le développement économique, l'intervention de tiers administrateurs
et la gestion des ententes sur les revendications territoriales.
Dans notre étude des mécanismes institutionnels de développement
économique, nous avons relevé plusieurs exemples d'institutions
qui ont contribué au développement économique des Premières
nations. Ces institutions comprenaient des sociétés de développement
qui, souvent, étaient appuyées par le gouvernement fédéral.
Cependant, nous avons aussi entendu parler d'obstacles au développement,
comme certaines des structures destinées à administrer les terres.
J'ai été satisfaite de constater que le gouvernement fédéral
accepte les trois recommandations du chapitre qui visent à inciter les
organismes fédéraux à adopter une approche plus proactive,
plus concertée et davantage axée sur les résultats. J'ai
également été contente que les organismes fédéraux
aient donné une réponse commune. Comme nous l'avons observé
au cours de l'étude et de nos autres travaux sur les questions liées
aux Premières nations, la coordination et la coopération des nombreux
organismes fédéraux impliqués dans les programmes destinés
aux autochtones posent un défi de taille.
Le gouvernement fédéral s'est aussi engagé à apporter
des changements majeurs à son approche en matière d'intervention
de tiers administrateurs, grâce à une nouvelle Politique sur les
séquestres-administrateurs. Notre observation de vérification formulée
au chapitre 10 indique, dans ses recommandations, comment Affaires indiennes et
du Nord Canada pourrait aller plus loin. La gestion par un sequestre-administrateur
est une intervention de dernier recours, qui devrait être temporaire. Cependant,
à moins que l'intervention soit utilisée avec une transparence accrue
et qu'elle soit davantage axée sur le développement d'une capacité,
il est possible qu'elle ne règle pas à elle seule les problèmes
fondamentaux.
Le chapitre 8, intitulé « Transfert des responsabilités
fédérales à la population du Nord », porte sur
la nécessité de gérer en fonction des résultats et
de le faire de manière à ce que toutes les parties prenantes aux
ententes sur les revendications territoriales partagent la responsabilité
des résultats.
Notre vérification a révélé que le Ministère
ne sait pas s'il s'acquitte de toutes ses responsabilités énoncées
dans deux ententes sur les revendications territoriales dans le Nord avec
les Gwich'in dans les Territoires du Nord-Ouest et avec les Inuits au Nunavut.
Nous avons constaté que le Ministère s'attache au respect des obligations
particulières prévues dans les ententes sur les revendications territoriales,
sans tenir compte de leur effet sur les grands objectifs convenus au moment de
la signature des ententes.
En voici un exemple. L'article 23 de l'entente du Nunavut a pour objectif de faire
augmenter le nombre de fonctionnaires inuits pour que ce nombre soit proportionnel
à la population inuite. Pour atteindre cet objectif, 85 p. 100
des fonctionnaires de la région visée par l'entente du Nunavut devraient
être des Inuits.
Cependant, au moment des négociations, les parties n'avaient pas établi
de date butoir pour l'atteinte de cet objectif, ni de processus pour y parvenir,
ni d'étapes pour évaluer les progrès. Par conséquent,
nous n'avons rien trouvé qui indiquait que les activités fédérales
aidaient à augmenter le nombre d'Inuits employés par le gouvernement.
Cette absence de méthode de gestion axée sur les résultats
a donné lieu à un différend entre les Inuits et le gouvernement
fédéral. L'examen quinquennal indépendant prévu dans
l'entente a souligné le manque de coopération entre le gouvernement
fédéral et la Nunavut Tunngavik Incorporated pour appliquer l'article
23.
Les mécanismes institutionnels prévus dans les ententes du Nunavut
et avec les Gwich'in pour le règlement des différends ne fonctionnent
pas. Dans chaque cas, un comité de mise en uvre surveille l'entente
et s'efforce de résoudre les différends. Comme les comités
fonctionnent par consensus, leur efficacité dépend de la bonne volonté
de chacun. Cependant, quand les membres des comités ne s'entendent pas
sur des aspects fondamentaux comme les relations entre activités, obligations
et objectifs, le processus est rompu.
En 2001, les parties aux revendications territoriales du Nunavut ont créé
un groupe de travail pour discuter de l'application de l'article 23, y compris
de la nature de la participation fédérale. Le groupe de travail
devait faire rapport un an plus tard. Au moment de notre vérification,
ce rapport n'était pas encore prêt.
Dans sa réponse à notre vérification, le Ministère
a indiqué qu'il était fondamentalement en désaccord avec
notre point de vue sur la façon de mesurer le succès. Le Ministère
définit le succès comme le fait de remplir les obligations énoncées
dans les ententes. À notre avis, le succès veut dire bien plus que
respecter les exigences légales minimales et les résultats
comptent plus que tout.
Il me fait plaisir de mentionner que le Ministère a affiché dans
son site Web un communiqué en date du 13 février 2004. L'honorable
Andy Mitchell, ministre des Affaires indiennes et du Nord Canada, indique qu'il
est d'accord avec la nécessité de mettre l'accent sur les retombées
durables des ententes sur les revendications territoriales.
Un dernier point. Selon moi, le gouvernement fédéral ne fournit
pas de l'information adéquate au Parlement sur sa gestion des ententes
sur les revendications territoriales. En bref,
- les résultats ne sont pas communiqués;
- rien n'indique qu'il existe des désaccords;
- les coûts de la gestion fédérale de chaque revendication
ne sont pas mentionnés.
Le Parlement a approuvé chaque entente sur les revendications territoriales
au moyen d'une loi distincte. Nous pensons qu'il devrait recevoir à tout
le moins un rapport sur le montant que le gouvernement fédéral dépense
pour respecter ses engagements. De son côté, le Ministère
n'est pas d'avis que ces coûts devraient être compilés ou communiqués.
En conclusion, Monsieur le Président, lors des futures audiences, le
Comité voudra peut-être discuter avec le Ministère des mesures
qu'il prendra pour donner suite aux recommandations formulées dans nos
chapitres. Il pourrait discuter notamment :
- de la définition du succès dans les ententes sur les revendications
territoriales et de la façon dont le Ministère modifiera le cadre
de gestion pour mettre l'accent sur les responsabilités et non seulement
sur les obligations;
- de la façon dont le coût des ententes sur les revendications
territoriales sera communiqué;
- de l'application de la Politique sur les séquestres-administrateurs;
et
- de la façon dont il entend mettre en uvre les recommandations
concernant les mécanismes institutionnels de développement économique.
Les recommandations contenues dans les trois chapitres se trouvent en annexe
de la présente déclaration.
Monsieur le Président, ceci complète ma déclaration d'ouverture.
Il nous fera plaisir de répondre à vos questions.
Annexe
Rapport de Novembre 2003
Chapitre 8
Affaires indiennes et du Nord Canada
Transfert des responsabilités fédérales à la
population du Nord.
8.53 Recommandation. Affaires indiennes et du Nord Canada devrait collaborer
avec les autres signataires des ententes sur les revendications territoriales
en vue de repenser les rapports annuels à présenter dans le cadre
de l'entente avec les Gwich'in et de l'accord avec les Inuits du Nunavut afin
qu'ils soient davantage axés sur les résultats.
8.63 Recommandation. Affaires indiennes et du Nord Canada devrait modifier
son système d'information sur les obligations en matière de revendications
territoriales pour s'assurer qu'il traite non seulement des obligations, mais
également des résultats, et qu'il présente les échéanciers
établis ainsi que les objectifs intermédiaires à atteindre
de manière à ce que puissent être évalués les
progrès accomplis.
8.69 Recommandation. Affaires indiennes et du Nord Canada devrait recueillir
et déclarer annuellement les coûts engagés par lui et les
autres ministères concernés pour les activités du gouvernement
fédéral liées à chaque entente sur les revendications
territoriales, ainsi que les coûts indirects s'y rattachant.
8.77 Recommandation. Affaires indiennes et du Nord Canada devrait améliorer
son cadre de coordination afin que le gouvernement du Canada puisse honorer les
responsabilités confiées au gouvernement fédéral en
vertu des ententes sur les revendications territoriales.
8.86 Recommandation. Affaires indiennes et du Nord Canada devrait faire
une évaluation de sa gestion du transfert de responsabilités au
Yukon afin d'en tirer des leçons.
8.87 Recommandation. Affaires indiennes et du Nord Canada devrait s'assurer
qu'il possède un cadre approprié pour gérer la phase de mise
en oeuvre du transfert de responsabilités aux Territoires du Nord-Ouest.
Chapitre 9
Le développement économique des collectivités des Premières
nations : les mécanismes institutionnels.
9.74 Recommandation. Affaires indiennes et du Nord Canada, Industrie
Canada et les organismes fédéraux régionaux devraient regrouper
leurs exigences administratives et élargir l'application de leurs programmes
d'aide aux entreprises des Premières nations afin qu'ils puissent répondre
aux projets importants, complexes et visant des objectifs multiples.
9.82 Recommandation. Le gouvernement fédéral devrait appuyer
les Premières nations dans la définition, la planification et la
mise en oeuvre de mécanismes institutionnels reposant sur des économies
d'échelle dans la mesure du possible, et qui correspondent à la
situation et à la vision des Premières nations en ce qui concerne
leur développement économique.
9.90 Recommandation. Sous la direction d'Affaires indiennes et du Nord
Canada, les organismes fédéraux devraient élaborer, pour
les programmes de développement économique, des informations horizontales
sur le rendement qui sont axées sur les résultats et qui correspondent
aux besoins d'information des Premières nations à cet égard.
Chapitre 10
Autres observations de vérification
Affaires indiennes et du Nord Canada
10.46 Recommandation. Affaires indiennes et du Nord Canada devrait ajouter
à sa nouvelle politique sur les séquestres-administrateurs, les
éléments suivants :
- la possibilité pour les Premières nations d'avoir leur mot à
dire;
- le renforcement des compétences en gestion du chef et du conseil;
- un processus de règlement des différends.
10.47 Recommandation. Affaires indiennes et du Nord Canada devrait élaborer
une stratégie et un plan d'action pour la mise en oeuvre de la nouvelle
politique sur les séquestres-administrateurs.
10.48 Recommandation. Après consultation des Premières
nations, Affaires indiennes et du Nord Canada devrait effectuer une évaluation
des interventions des tiers administrateurs.
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