Rapport préparé pour
les conseils fédéraux régionaux et
le Secrétariat du Conseil du Trésor
par
Professeur Luc Juillet
Centre d'études en gouvernance
Université d'Ottawa
Le 15 septembre 2000
Introduction
La complexité des problèmes sociaux contemporains pose des défis
importants pour l'administration et la coordination des interventions
gouvernementales dans de nombreux domaines d'action. Toxicomanie, santé de la
population, développement écologiquement viable, sans-abri, développement
socio-économique régional, bon nombre des domaines prioritaires de politique
gouvernementale exigent la conception et la mise en œuvre de stratégies
d'intervention complexes qui, pour être efficaces, doivent faire appel à la
participation de multiples ministères, de différents paliers de gouvernement et même
d'organisations de différents secteurs de la société. Cependant,
l'expérience a montré que les structures bureaucratiques traditionnelles, reposant
sur une division marquée du travail, des ministères spécialisés et des voies
hiérarchiques (verticales) de commandement et de reddition de compte, rendent difficile
la coordination de ces interventions convergentes (horizontales) pour les administrations
contemporaines de la plupart des pays démocratiques. Cette situation incite de plus en
plus les administrations publiques à chercher des moyens plus efficaces de traiter les
questions horizontales aux niveaux des stratégies et de la gestion.
La présente étude vise à analyser l'évolution du rôle joué
par les conseils fédéraux régionaux dans la gestion des questions horizontales de la
fonction publique du Canada. Bien que les conseils fédéraux existent depuis de
nombreuses années, ils ne se sont progressivement institutionnalisés qu'au cours
des dernières années, et ils prennent une part plus active à un éventail
d'initiatives stratégiques et de gestion dans les régions. En même temps, alors
que le gouvernement du Canada cherche à promouvoir plus efficacement la gestion
horizontale dans la formulation et la prestation des services publics, on semble compter
de plus en plus sur la participation éventuelle des conseils à ce chapitre. Les conseils
sont-ils en mesure de répondre à ces attentes? En quoi constituent-ils des tribunes
efficaces pour traiter les questions horizontales à la fonction publique? Quels sont les
principaux facteurs qui favorisent ou entravent l'efficacité des conseils fédéraux
régionaux?
Le présent rapport examine ces questions à la lumière de vingt
entrevues réalisées auprès des présidents et directeurs exécutifs des conseils, ainsi
que des représentants du Secrétariat du Conseil du Trésor. On a intégré des
représentants des dix conseils fédéraux régionaux dans l'étude. Les entrevues
semi-structurées ont été réalisées principalement par téléphone, entre le
9 août et le 15 septembre 2000, sur la promesse de confidentialité et de
« non attribution directe » des propos formulés. L'auteur a également
tiré parti des commentaires et suggestions des membres du conseil fédéral du
Nouveau-Brunswick à la suite de la présentation des résultats préliminaires à
l'une de ses réunions. Le rapport commence par un survol de la structure des
conseils et un examen de l'évolution de leur rôle dans la gestion horizontale. Nous
analysons ensuite les principaux facteurs jugés déterminants dans la réussite des
conseils, ainsi que ceux qui sont perçus comme étant des entraves au travail horizontal
efficace. Nous concluons par une analyse de l'avenir des conseils et de certains
défis posés par leur niveau croissant d'activités.
Les conseils fédéraux régionaux et la gouvernance horizontale
Les conseils fédéraux régionaux ont été créés il y a une
vingtaine d'années pour servir de tribunes en vue de faciliter l'échange
d'information entre les gestionnaires supérieurs fédéraux de chaque province. Bien
que certains conseils soient le fruit d'initiatives locales visant à offrir aux
gestionnaires supérieurs locaux une occasion de réseautage et de dialogue, la plupart
d'entre eux ont été fondés au début des années 80 pour faciliter la coordination
locale des initiatives de développement économique régional. Toutefois, dans tous les
cas, les conseils fédéraux ont élargi progressivement l'éventail des questions
discutées à leur table de réunion et étendu leurs activités au-delà des questions de
développement économique régional. En fin de compte, les conseils fédéraux ont
survécu à la politique de développement régional qui a favorisé leur création.
Aujourd'hui, les conseils fédéraux régionaux sont
généralement composés des plus hauts fonctionnaires de l'ensemble des ministères
et organismes fédéraux présents dans la province. Le nombre des membres varie
d'une province à l'autre, allant de 23 membres à Terre-Neuve à
44 membres en Alberta. Bien que le titre de membre soit attribué d'office,
la participation aux travaux des conseils demeure volontaire. Cinq des conseils sont
présidés par un président bénévole élu parmi les membres, et reposent sur un
système de roulement avec des mandats de un à trois ans. Les cinq autres conseils sont
présidés d'office par le dirigeant principal du développement économique
régional de la province. Bien que, depuis 1997, le Secrétariat du Conseil du Trésor
fournisse aux conseils fédéraux régionaux un budget de base qui couvre une partie de
leurs dépenses de fonctionnement, leur budget est composé principalement des
contributions ministérielles volontaires versées par les ministères participants.
Le rôle des conseils fédéraux régionaux a évolué
considérablement depuis leur création. Alors que leur fonction première demeure sans
conteste l'échange d'information et la formation de relations personnelles
entre gestionnaires supérieurs régionaux, l'évolution récente de la fonction
publique fédérale les a conduits à s'engager davantage dans des formes plus
complexes de coordination horizontale. En particulier, lorsque la fonction publique a subi
d'importantes compressions durant la période d'examen des programmes, les
conseils fédéraux sont devenus des tables rondes privilégiées pour mettre au point et
coordonner la prestation des services de soutien partagés à l'échelon local dans
les régions. En fait, leur réussite à ce chapitre leur a permis de s'attirer
l'appui du Secrétariat du Conseil du Trésor. De plus, dans les années 90, avec la
mise en œuvre des initiatives de renouvellement de la fonction publique, les conseils
fédéraux ont été amenés à participer davantage à la coordination des initiatives de
gestion des ressources humaines touchant tous les ministères. De la même façon, les
conseils sont devenus des sources inestimables d'intrants sur la mise en œuvre
locale des politiques administratives gouvernementales, et leurs points de vue figurent
dorénavant régulièrement à l'ordre du jour du comité de gestion supérieur du
Secrétariat du Conseil du Trésor. Depuis quelques années, les conseils jouent un rôle
de plus en plus important dans la coordination des projets de communication du
gouvernement fédéral dans chaque province, en tentant à la fois de lancer un message
commun à tous les Canadiens et d'agir comme interlocuteurs unis de certains
intervenants.
Plus récemment, alors que les administrations publiques à travers le
monde sont de plus en plus préoccupées par leur incapacité relative à régler
globalement les problèmes sociaux complexes à multiples facettes et à coordonner leurs
interventions dans les divers ministères, un nombre croissant de personnes se tournent
vers les conseils fédéraux pour obtenir de l'aide pour la formulation et la mise en
œuvre de politiques horizontales. Dernièrement, on a demandé aux conseils
fédéraux d'assumer des rôles importants dans la gestion des politiques
gouvernementales nationales touchant les sans-abri et les autochtones en milieu urbain.
Reconnaissant l'importance de la coordination horizontale des interventions
stratégiques, plusieurs conseils ont eux-mêmes décidé de collaborer aux dossiers
stratégiques complexes de leur région, des politiques industrielles et technologiques
aux initiatives touchant la protection de l'environnement.
L'éventail complet de fonctions, allant de l'échange
d'information et l'établissement de relations à la coopération sur les
dossiers de gestion interne et la participation à la coordination des initiatives
stratégiques horizontales, illustre les multiples facettes du rôle assumé au niveau
horizontal par les conseils fédéraux régionaux dans l'ensemble du pays.
L'éventail des fonctions est révélateur à la fois de l'évolution avec le
temps de la plupart des conseils (passant du simple échange d'information à des
fonctions plus complexes), et de la diversité des fonctions actuellement assumées par
ces institutions. Il est également important de noter que les conseils varient
considérablement d'une province à l'autre. Outre les différences de degré
d'institutionnalisation (pratiques institutionnelles plus ou moins développées,
systèmes de comités, etc.), le niveau de participation aux dossiers stratégiques
complexes diffère également. Alors qu'on a reconnu à l'unanimité que les
conseils fonctionnaient très bien du bas au milieu de l'échelle de l'éventail
des fonctions, il y a également consensus sur le fait que la participation croissante au
sommet de l'échelle soulève un certain nombre de problèmes non résolus qui
devront être réglés si l'on désire que les conseils prennent une plus grande part
à la coordination des dossiers stratégiques complexes. Cependant, avant d'examiner
ces questions ci-après, nous nous pencherons d'abord sur les facteurs qui expliquent
le succès relatif des conseils à favoriser la collaboration au niveau horizontal.
Facteurs propices à l'efficacité des conseils
Dès le départ, bon nombre de personnes interrogées ont souligné
que, dans une certaine mesure, de par leur simple existence, les conseils fédéraux
régionaux contribuaient à accroître l'efficacité de la gestion horizontale.
Souvent, les gestionnaires supérieurs et les dirigeants des différents ministères de la
même région n'ont pas d'autres occasions de se rencontrer dans un cadre
officiel pour discuter des questions d'intérêt commun. Alors qu'on peut
espérer que, même si les conseils n'existaient pas, les gestionnaires et les
dirigeants se réuniraient néanmoins régulièrement entre ministères, on s'est
entendu sur le fait qu'en encourageant la tenue de ces réunions périodiques et
d'une tribune structurée, les conseils favoriseraient davantage la création de
relations personnelles étroites qui faciliteraient considérablement la collaboration
professionnelle entre organisations. Dans ce sens, on peut considérer la simple existence
des conseils comme un facteur de réussite. De la même façon, la création des
secrétariats était perçue comme un facteur ayant considérablement facilité le travail
des conseils au cours de ces dernières années en procurant une infrastructure minimale
pour soutenir leurs activités. Cependant, bien qu'il vaille la peine de souligner
ces conditions préalables, elles n'expliquent pas ni ne justifient la réussite des
conseils.
Pendant le processus d'entrevues, nous avons constaté un niveau
de consensus surprenant à l'égard des facteurs déterminants de réussite des
conseils dans le travail horizontal. En cherchant à définir les facteurs sous-jacents
qui ont donné des résultats positifs, on s'est entendu presque à l'unanimité
sur le fait que les facteurs déterminants du succès étaient de nature plus culturelle
qu'institutionnelle. Les valeurs communes et la compréhension des problèmes et
objectifs communs ont été clairement jugés au cœur de la réussite de la
gouvernance horizontale. Le leadership à plusieurs niveaux a également été perçu
comme un ingrédient essentiel des réalisations des conseils.
Valeurs communes et sentiment d'appartenance
Les conseils fédéraux régionaux sont des institutions uniques en
leur genre car elles reposent sur la participation volontaire et le dévouement personnel
de leurs membres. On a souligné à maintes reprises que le caractère bénévole du
travail des membres des conseils constituait un facteur clé pour comprendre leur principe
de fonctionnement en tant qu'institutions de gouvernance. L'engagement
constructif des membres repose, dans une large mesure, sur le sentiment que leur temps et
leur engagement représentent des contributions importantes pour la réalisation des
objectifs qui sont valorisées tant par leurs pairs que par eux-mêmes. En résumé, la
collaboration et le niveau des échanges qui sont nécessaires à l'avancement des
initiatives horizontales et qui, souvent, sont efficacement assurés par les conseils,
semblent reposer largement sur un sentiment d'appartenance au groupe partagé par les
membres du conseil. Dans ce sens, alors que la caractère bénévole du travail des
conseils n'est pas en soi la source de la collaboration horizontale réussie,
il était clair pour la plupart des personnes interrogées que le niveau de participation
et d'engagement en vue de l'atteinte des objectifs horizontaux produits par le
travail des conseils découlait de la foi personnelle des membres en la valeur de ces
objectifs communs pour leur groupe. En l'absence d'encouragements hiérarchiques
officiels, c'est l'engagement personnel volontaire envers les valeurs communes
qui constitue le moteur de la collaboration.
Lorsqu'on a demandé quelle était l'origine de ces valeurs
communes et de ce sens d'appartenance au groupe, on a obtenu diverses réponses. Tout
d'abord, la plupart des personnes interrogées ont convenu que l'engagement et
la participation des membres des conseils découlaient de leur perspective régionale
commune des questions. Le fait d'avoir des points de vue communs sur la portée des
politiques nationales sur leur région et, par conséquent, la façon dont le gouvernement
fédéral est perçu à l'échelon local, aide les membres à s'entendre sur des
objectifs régionaux communs qui transcendent les mandats ministériels et les incitent à
s'engager à collaborer, même si les objectifs ne figurent que de façon marginale
dans leur mandat.
De la même façon, bon nombre d'interviewés ont évoqué une
perspective commune « de première ligne » de la prestation des services dans
les régions où la prestation directe des services et des biens constitue la principale
préoccupation des employés régionaux. Compte tenu de leurs responsabilités et
expériences directes sur le terrain, ils sont habituellement centrés sur
l'obtention de résultats et plus au fait des difficultés pratiques créées par les
structures verticales et de la « mentalité de silo » associées à ces dernières
pour répondre aux besoins des citoyens et des clients. La concentration sur les
résultats conjuguée à une sensibilisation pratique aux limites découlant des pratiques
verticales permet de rassembler les gens autour des initiatives entreprises au niveau
horizontal.
Enfin, plusieurs personnes interrogées ont évoqué le besoin
d'un esprit de camaraderie en milieu professionnel dans les régions. Pour reprendre
les propos d'une personne interrogée, « on est parfois bien seul au sommet
dans les régions. Participer au conseil vous permet de partager certaines expériences,
d'obtenir des conseils et, en général, de parler de votre vie professionnelle avec
des pairs qui vivent des situations semblables ». Il se forme ainsi des relations
personnelles qui facilitent considérablement la collaboration : les gestionnaires
savent qui appeler à l'aide et, grâce aux relations personnelles plus étroites, il
est plus facile d'inciter les pairs à collaborer sur des questions communes dont ils
assument le leadership. Ici encore, c'est le sentiment d'appartenance à un
groupe professionnel régional, qui sous-entend à la fois la possibilité de faire appel
à son groupe pour obtenir du soutien et un sens de la responsabilité personnelle
pour rendre la pareille sur demande, qui engendre l'esprit de collaboration.
Ayant reconnu l'importance des valeurs communes et du sentiment
d'appartenance au groupe pour inciter la collaboration dans le travail au niveau
horizontal, il faut préciser trois points sur la dynamique de la formation des conseils.
En premier lieu, qu'on souhaite ou non souligner la prédominance de points de vue
régionaux communs ou le partage d'une situation professionnelle semblable pour
expliquer l'existence de valeurs communes et d'un sentiment d'appartenance,
on a également reconnu dans l'ensemble que l'émergence de ces particularités
était d'origine à la fois endogène et exogène. Dans l'esprit de bon nombre
des personnes interrogées, ce sentiment d'appartenance à un groupe professionnel et
ces perspectives régionales communes prévalaient déjà chez les membres et c'est
le travail des conseils qui leur a permis de s'exprimer au grand jour en leur offrant
un cadre de soutien. Cependant, d'autres personnes ont également souligné que, dans
une certaine mesure, les activités des conseils jouaient elles-mêmes un rôle important
en favorisant ces points de vue et valeurs communes. En encourageant le dialogue permanent
sur les questions d'intérêt commun, les réunions de conseils contribuent largement
à établir des « terrains d'entente » sur ce qui était nécessaire ou
valorisé du point de vue régional. De la même façon, en favorisant les échanges
soutenus entre les membres, le travail des conseils permet d'instaurer la confiance
entre les gens et de bâtir des relations personnelles qui renforcent le sentiment
d'appartenance à un groupe professionnel chez les membres. En bref, les conseils
tirent parti des valeurs et ententes existantes tout en contribuant activement à
leur apparition.
En deuxième lieu, bien que les membres soient sincèrement engagés à
atteindre les objectifs communs et à obtenir des résultats collectifs, on a également
reconnu à l'unanimité que participer au travail des conseils procure un certain
nombre d'avantages personnels qui contribuent à attirer les gens à la table de
réunion. Bon nombre des personnes interrogées ont souligné que, en assistant aux
réunions de leur conseil, elles avaient un accès privilégié à de l'information
sur les activités gouvernementales dont elles n'auraient pu avoir connaissance
ailleurs, par exemple, le détail des activités des autres ministères, ou un dialogue
facilité avec les représentants des organismes centraux qui ont fait des présentations
devant les conseils (y compris le greffier du Conseil privé). Outre les relations
personnelles tissées avec des collègues, le fait d'avoir accès à ces
renseignements permet à un membre du conseil de réaliser son travail plus efficacement.
De ce point de vue, les intérêts de chacun sont également bien desservis lorsque tous
travaillent dans un but collectif. Par surcroît, des personnes interrogées ont reconnu
que, en participant au conseil et en prenant la direction de certains projets collectifs,
certains membres étaient motivés par la possibilité de reconnaissance parmi les pairs
et, par conséquent, d'avancement de carrière.
Enfin, on a souligné très souvent que, parce qu'ils reposaient
sur l'engagement et la participation volontaire des membres, les conseils fédéraux
régionaux bénéficiaient d'une plus grande autonomie locale qui contribuait, dans
une vaste mesure, à leur réussite. Le fait que les conseils établissent leurs propres
priorités permet de s'assurer de leur pertinence et de leur pouvoir de conviction
sur leurs propres membres. L'utilisation des priorités régionales établies par les
membres eux-mêmes (et souvent perçues comme étant négligées dans les initiatives
nationales) contribue largement à s'assurer le ralliement et l'engagement des
membres. Dans ce contexte, plusieurs personnes interrogées craignaient que, si les
conseils étaient appelés à devenir des tribunes plus centralisées pour la coordination
de la mise en œuvre des politiques horizontales nationales dans les régions, on
risquait de perdre l'engagement et le ralliement intrinsèques des membres. Nous
reviendrons sur ce point dans la dernière partie du présent rapport.
Leadership
Outre les valeurs et objectifs communs et un sentiment
d'appartenance à un groupe, on a souvent évoqué le leadership comme facteur
fondamental de réussite. Tout d'abord, beaucoup ont indiqué que le soutien des
principaux organismes centraux au cours des quatre dernières années a constitué un
facteur important ayant contribué à la réussite des conseils. En particulier, on a
souvent cité le soutien visible et continu du greffier actuel et du greffier précédent
du Conseil privé, ainsi que l'appui et les encouragements offerts par l'ancien
secrétaire du Secrétariat du Conseil du Trésor comme contributions importantes et
positives. Le soutien visible et uniforme de la haut direction a permis d'améliorer
la crédibilité des conseils, a encouragé la participation des membres en reconnaissant
la valeur du travail horizontal, et a aidé les conseils à s'assurer la coopération
des autres gestionnaires de la fonction publique. Parmi les autres contributions
considérées importantes, citons l'aide organisationnelle du Secrétariat du Conseil
du Trésor, sous forme de budgets de fonctionnement de base, un coordonnateur national et
des représentants du SCT dans chaque conseil.
L'exercice du leadership au sein des conseils constitue un facteur
encore plus important. Bon nombre des personnes interrogées ont indiqué qu'un
président efficace constituait un des principaux éléments de réussite. La capacité de
persuader et de motiver les membres en l'absence de pouvoir officiel et
d'incitatives verticales et de rallier les gens autour d'objectifs communs est
considérée comme une qualité de chef importante. Certaines personnes interrogées ont
souligné que le leadership horizontal exigeait des compétences et aptitudes différentes
que pour le leadership exercé dans un cadre hiérarchique traditionnel. Certains
gestionnaires maîtrisent mieux ces compétences mais, dans la plupart des cas, il faut,
en général, de l'expérience de travail au niveau horizontal pour acquérir ces
compétences. Dans ce contexte, les présidents doivent avoir un mandat assez long ou de
l'expérience de travail plus complète au niveau horizontal pour être vraiment
efficaces, a-t-on indiqué.
Sur ce dernier point, bon nombre des personnes interrogées ont
souligné que ces éléments étaient, en général, nécessaires à un certain nombre de
membres de conseil pour assumer le leadership sur des dossiers et initiatives
particuliers. Cette forme de « leadership décentralisé » s'est
révélée essentielle pour que les conseils puissent traiter un plus vaste éventail de
dossiers horizontaux afin de montrer clairement que le travail des conseils répond aux
propres besoins et priorités de ses membres. À ce titre, le leadership ne devrait pas
reposer seulement sur la personne assumant la présidence mais devrait être réparti
entre les membres. Certains conseils ont même officialisé cette exigence et décidé de
ne prendre en charge un dossier que lorsqu'un membre s'engagera à agir comme
« défenseur » de l'initiative et que deux autres membres accepteront de
le soutenir.
Facteurs néfastes à l'efficacité des conseils
Malgré le sentiment quasi unanime selon lequel les conseils fédéraux
régionaux étaient, dans l'ensemble, efficaces dans leur travail, l'étude a
néanmoins répertorié un certain nombre de facteurs qui peuvent entraver leur rendement
et rendre leur travail plus difficile. La culture organisationnelle prévalante incite
encore beaucoup de gens à s'abstenir de s'engager dans le travail de
collaboration au-delà des limites organisationnelles de leur ministère. Pour certaines
personnes, la loyauté envers son propre ministère et son ministre n'est pas
compatible avec l'engagement dans le travail horizontal, en particulier
lorsqu'il faut partager le mérite des réalisations contribuant à son mandat ou
engager des ressources pour participer à une initiative horizontale qui n'est pas
perçue comme étant centrale à ses responsabilités. Le cadre redditionnel qui prévaut
tend à renforcer ces attitudes en associant les évaluations du rendement et la reddition
de comptes avec les objectifs et responsabilités ministériels spécialisés. Par
ailleurs, selon les personnes interrogées, les conseils manquent en général de
ressources organisationnelles et, quelquefois, les règles administratives conçues pour
desservir une structure hiérarchique verticale créent des problèmes opérationnels au
niveau du partage des ressources en vue d'atteindre des objectifs collectifs.
Parmi ces facteurs, le manque de ressources adéquates était
clairement perçu comme le problème le plus important à court terme, en particulier,
avec la participation plus importante des conseils à un nombre croissant de dossiers. On
s'est entendu de façon quasi unanime sur le fait que le financement de base actuel
est devenu insuffisant pour répondre adéquatement aux besoins opérationnels des
conseils, et qu'il tendait à entraver leur capacité d'action. On craignait les
contraintes émanant du manque de ressources sur le travail des conseils dans un certain
nombre de domaines.
Tout d'abord, bon nombre des personnes interrogées ont invoqué
le fait qu'un financement de base plus important était essentiel principalement pour
soutenir l'engagement continu des membres bénévoles. Compte tenu du caractère
bénévole du travail des conseils, les membres doivent participer à ces projets
horizontaux une fois qu'ils ont rempli les fonctions de leurs postes officiels. En
d'autres termes, la participation des membres des conseils aux projets horizontaux
entraîne un « double fardeau », qui peut imposer des contraintes sur les
ressources personnelles et le temps des intéressés. En l'absence de soutien
suffisant de la part des secrétariats des conseils, il est souvent impossible de
consacrer suffisamment de temps et d'efforts pour gérer efficacement certaines
initiatives. Et par-dessus tout, bon nombre de personnes interrogées ont évoqué les
dangers du surmenage et du désengagement auxquels font face certains membres : sous
la pression de vouloir satisfaire à des attentes déraisonnables sans soutien adéquat,
certains membres bénévoles décideront simplement de se retirer des activités des
conseils ou refuseront d'assumer le leadership de projets particuliers. Certains
présidents ont estimé que, sans financement de base plus important, les conseils devront
réduire la portée de leurs activités pour revenir à leur fonction plus limitée
d'échange d'information.
En discutant du manque de ressources, d'autres personnes
interrogées ont indiqué que le concept de financement de base insuffisant désignait
souvent la gestion inefficace du temps et des efforts déployés par les secrétariats en
place. À titre d'exemple, forcé de fonctionner sous des contraintes, le personnel
des secrétariats passe trop de temps à résoudre des complications inutiles. On a
évoqué différents exemples pour illustrer ces situations. Certaines personnes ont
invoqué les efforts démesurés consacrés à la recherche de fonds pour couvrir les
besoins élémentaires de fonctionnement, tels que la recherche de « financement
provisoire » pour couvrir des dépenses de fonctionnement de base, ou
l'obligation de jongler constamment avec les budgets pour remplir ses obligations
jusqu'à ce qu'on ait reçu toutes les contributions ministérielles.
D'autres personnes interrogées ont évoqué les difficultés posées par le fait
d'être tributaire des contributions ministérielles en nature pour certains outils
de fonctionnement essentiels, tels qu'une photocopieuse, un télécopieur ou un
logiciel de communication. Dans certains cas, le personnel finit par passer beaucoup de
temps à régler les difficultés créées par le partage de ressources de ce genre,
allant des plus insignifiantes (p. ex., se rendre constamment dans les bureaux des autres
ministères pour faire une photocopie ou envoyer une télécopie) aux plus complexes (p.
ex., traiter avec différentes règles et pratiques administratives). Dans tous les cas,
on avait le sentiment qu'un financement de base plus stable et plus important pour
couvrir les besoins opérationnels permettrait de libérer les secrétariats qui
pourraient se consacrer à des tâches plus rentables.
Enfin, bon nombre des interviewés considéraient que le financement de
base actuel n'était pas assez important ni assez stable pour permettre une
planification adéquate à long terme, ce qui entravait les capacités stratégiques des
conseils. De la même façon, plusieurs personnes ont indiqué qu'il fallait
davantage de fonds pour donner aux conseils une capacité de recherche autonome minimale.
Cette capacité est jugée importante pour soutenir toutes les facettes de leur travail
mais particulièrement nécessaire pour le recueil de données régionales de haute
qualité et opportunes pour le processus d'élaboration des politiques nationales.
Comme la question des ressources a été jugée essentielle par une
majorité de personnes interrogées, il est important de préciser deux points à ce
chapitre. En premier lieu, en dépit des demandes pour un financement de base centralisé
plus important, on a estimé à l'unanimité que les contributions ministérielles
pour les projets particuliers étaient fondamentales pour rallier tout le personnel du
ministère au projet. Très peu de personnes interrogées se sont prononcées en faveur du
financement centralisé des projets. L'engagement de ressources ministérielles
était perçue comme reflétant le propre engagement des membres envers des projets
horizontaux communs et ces contributions permettaient également de s'assurer le
maintien de la participation active des membres à ces initiatives.
En second lieu, on a également relevé des préoccupations importantes
face à la centralisation du financement de base plus vaste. Bon nombre des personnes
interrogées craignaient que le fait d'accepter un plus vaste financement des
organismes centraux entraînerait une perte d'autonomie locale. « Avec plus
d'argent, les conseils devront répondre à de plus grandes attentes, à plus
d'exigences précises et rendre nécessairement plus de comptes au « pouvoir
central ». « C'est inévitable », a indiqué une personne
interrogée. De plus, si l'exercice d'un plus vaste contrôle central se
traduisait par le désalignement des priorités locales, les conseils courraient le risque
de devenir moins pertinents pour leurs membres, et un désengagement des bénévoles
pourrait s'ensuivre. En fait, de façon plus générale, on craignait que si les
secrétariats assumaient trop de travail, les membres en viendraient à considérer la
gestion de projets comme une responsabilité des secrétariats et réduirait leur
participation en conséquence. Certains craignaient même qu'en assumant une plus
grande part du travail, un soutien administratif plus important pourrait aussi se
traduire, pour les membres, par moins d'occasions de bâtir des relations de travail
étroites qui découlent habituellement de la collaboration à des projets.
Les personnes interrogées ont accordé divers degrés
d'importance à ces préoccupations. Pour quelques-unes, ces dangers étaient
suffisamment importants pour qu'on encourage les conseils à réduire leurs
activités au lieu d'accepter plus de ressources. À l'opposé, ces
préoccupations étaient jugées vraiment excessives par d'autres personnes qui ont
déclaré que les conseils pouvaient facilement conserver une grande autonomie en dépit
du financement plus centralisé. Cependant, la plupart semblaient croire que, si on
courait le risque de perdre une certaine autonomie, que cela en valait la peine afin
d'améliorer la capacité des conseils et d'offrir plus de soutien aux
bénévoles.
Parmi les autres obstacles à un travail horizontal réussi par les
conseils, certains membres ont déploré que les provinces plus petites aient souvent eu
à se reposer sur un très faible nombre de hauts dirigeants, en particulier au lendemain
des exercices de l'Examen des programmes. Selon plusieurs, un faible nombre de hauts
fonctionnaires constitue, à plusieurs égards, une entrave au travail de ces conseils. Un
nombre restreint de participants à la table de discussion plaçait un fardeau plus lourd
sur les épaules des membres, multipliant l'incidence des ressources administratives
inadéquates. Par-dessus tout, certaines personnes ont évoqué le manque de leadership
sur des dossiers particuliers car on ne pouvait plus trouver de membres prêts à en
assumer la direction. Étant donné que, dans un ministère, les gestionnaires de niveau
inférieur dans l'échelle hiérarchique ont moins de pouvoir décisionnel et
discrétionnaire pour engager des ressources budgétaires, les conseils ayant un
pourcentage plus élevé de ces membres éprouveront plus de difficulté à réunir les
ressources nécessaires pour mettre en œuvre des initiatives horizontales dans leur
région. De la même façon, les bureaux régionaux de certains ministères sont souvent
trop petits pour se permettre de verser des contributions importantes.
Du point de vue du leadership et de la reddition de comptes, bon nombre
des personnes interrogées ont également souligné qu'on ne retrouvait pas le
soutien important et favorable offert par les dirigeants des organismes centraux et les
sous-ministres aux niveaux des sous-ministres adjoints (SMA) et des directeurs généraux
(DG) à l'administration centrale des ministères. Comme l'a fait remarquer une
personne interrogée, « le message ne semble pas filtrer vers le bas », et un
autre a précisé que « c'est à ces niveaux qu'on trouve les rois de
« la mentalité du silo ». Alors que certains interviewés ont reconnu que des
progrès ont été réalisé à ce chapitre, bon nombre de dirigeants semblent encore
réticents à faire preuve de souplesse auprès des membres des conseils qui font don de
leur temps pour effectuer du travail horizontal, ou à soutenir les stratégies ou
méthodes émanant des travaux des conseils. Dans le milieu de travail, cela peut se
traduire par un refus de reconnaître les contributions aux initiatives horizontales au
moment de l'évaluation du rendement, ou même par une attitude critique envers les
membres qui consacrent du « temps à autre chose que leur travail
ministériel » pour assister à des réunions de conseil. Au niveau des politiques,
cela peut se traduire par une résistance à soutenir la collaboration aux initiatives
horizontales pour résoudre des problèmes lorsqu'il faut partager le mérite ou
faire des compromis sur les préférences des ministères.
Enfin, les problèmes posés par les règles et procédures
administratives existantes représentent une autre catégorie d'obstacles à
l'efficacité des conseils, selon les personnes interrogées. Ayant été conçus
pour servir les structures et pratiques verticales traditionnelles, les cadres de gestion
actuels pour la gestion des finances, des ressources humaines ou du matériel ne
facilitent pas la collaboration horizontale. Ainsi, les secrétariats de conseil
consacrent une somme considérable de temps et d'énergie à trouver des moyens de
desservir les projets horizontaux tout en respectant les règles administratives
prévalantes pour la reddition de comptes.
Ces problèmes peuvent prendre diverses formes, comme composer avec les
multiples règles différentes rattachées aux pratiques de gestion financière ou avec
les complexités du système pour l'échange efficace d'information lorsque
chaque ministère possède un système de gestion de l'information différent. Les
répercussions de ces problèmes varient également, comme les difficultés accrues pour
savoir précisément ce que font les ministères sur un dossier stratégique particulier,
ou passer du temps considérable à retrouver de petites sommes d'argent versées
pour une activité de formation limitée. Alors qu'il existait un consensus clair sur
le fait qu'on pourrait modifier les cadres administratifs actuels afin de faciliter
la collaboration, on a indiqué à l'unanimité, de façon étonnante, que ces
difficultés constituaient des entraves mineures qui compliquaient le travail des conseils
mais qui ne créaient pas d'importants obstacles. « Une fois qu'on a
l'engagement des gens, on peut toujours trouver des moyens de faire fonctionner les
choses au niveau administratif », a été l'opinion commune. Bon nombre de
personnes interrogées ont néanmoins préconisé l'adoption de réformes pour
faciliter le partage des ressources, tels des changements administratifs mineurs pour
faciliter le transfert des fonds entre budgets ministériels, ou des modifications
juridiques radicales pour permettre aux ministères de créer des « organismes
horizontaux temporaires » dans les régions pour gérer des initiatives horizontales
particulières.
Les conseils fédéraux régionaux à la croisée des chemins
Durant tout le processus d'interviews, ce qui a provoqué le plus
d'enthousiasme ou d'appréhension était relié au sentiment quasi unanime selon
lequel les conseils fédéraux se trouvent de plus en plus à un carrefour : devant les
attentes croissantes concernant leur participation directe et leur leadership dans les
dossiers nationaux horizontaux, bon nombre de personnes interrogées se demandent si les
conseils sont en mesure de répondre aux attentes et, dans l'affirmative, s'ils
risquent alors de perdre certaines de leurs particularités qui sont à l'origine de
leur réussite. En particulier, le sentiment que les conseils devront satisfaire à des
exigences plus importantes dans les années à venir a attiré l'attention sur
certaines tensions non résolues attribuables à la position inhabituelle des conseils au
sein de la fonction publique fédérale. À ce chapitre, deux questions clés sont
considérées particulièrement importantes : la relation des conseils avec le cadre
redditionnel vertical qui prévaut et la bureaucratisation de la structure
organisationnelle des conseils.
Le problème de la bureaucratisation est intimement lié au besoin de
ressources opérationnelles plus vastes, mais le problème n'est manifestement pas
limité au financement. Afin de gérer efficacement certains dossiers stratégiques
horizontaux importants, bon nombre de personnes estiment qu'il faudrait
éventuellement une certaine officialisation du rôle des conseils dans la fonction
publique fédérale. Si les conseils devenaient les principales tribunes pour la
coordination des dossiers stratégiques, il serait, par exemple, nécessaire ou
souhaitable de leur attribuer un certain pouvoir juridique officiel. Pour assumer les
responsabilités officielles croissantes, le poste de président du conseil pourrait
devenir un poste de direction permanent. Si les conseils devenaient des instruments plus
importants d'élaboration et de mise en œuvre des politiques nationales, ils
devraient également être davantage reliés au travail des organismes centraux (et, par
conséquent, perdre une certaine autonomie locale ainsi que la capacité d'établir
leurs propres priorités). En fin de compte, comme le craignaient bon nombre de personnes
interrogées, on transformerait les conseils fédéraux en « organismes quasi
centraux régionaux » ou, à tout le moins, on bureaucratiserait leurs activités
au détriment de leur caractère bénévole, autonome, informel et souple actuel. Étant
donné que la plupart des personnes interrogées ont attribué une bonne part de la
réussite des conseils à l'engagement envers la collaboration qui semble découler
de l'engagement volontaire des membres envers les valeurs et objectifs communs, une
bureaucratisation excessive a été, de façon globale, perçue comme une menace pour
l'efficacité des conseils.
Compte tenu de ces préoccupations, certains ont des appréhensions
quant aux moyens appropriés de fournir aux conseils les outils nécessaires pour
renforcer la coordination horizontale, sans affecter outre mesure les facteurs constituant
les moteurs de leur réussite. En dépit de la diversité des points de vue sur le sujet,
il semble y avoir un consensus sur deux points. Tout d'abord, si on espère une plus
importante participation des conseils à l'avenir dans les dossiers nationaux, il
faudra davantage de ressources de base pour soutenir les efforts des membres bénévoles.
En second lieu, le caractère bénévole des contributions des membres et des ministères
demeurera cependant essentielle pour rallier les membres aux projets et s'assurer une
collaboration active. Étant donné que le caractère bénévole des conseils représente
une dimension fondamentale de leur réussite, il existe un réel danger que leur
officialisation excessive entraîne une perte d'efficacité et, par conséquent, il
existe de réelles limites à vouloir leur imposer le rôle d'instruments de gestion
horizontale.
Le deuxième point important, qui a été évoqué par la plupart des
personnes interrogées en ce qui a trait à la participation croissante des conseils dans
les dossiers stratégiques horizontaux, est l'incidence du cadre redditionnel actuel.
Le cadre de travail prévalant, qui repose sur la doctrine constitutionnelle de la
responsabilité ministérielle, établit les niveaux hiérarchiques de reddition de
comptes, des fonctionnaires au Parlement, en passant par les ministres, pour
l'exercice des pouvoirs publics et l'utilisation des fonds publics. Ce cadre de
travail consacré, aux fondations constitutionnelles solides, tend à structurer la
plupart des activités de la fonction publique. Malheureusement, ce cadre redditionnel ne
se prête pas facilement au travail horizontal entre ministères et procure même des
incitatives contreproductives à ce chapitre. En pratique, les gestionnaires publics
doivent utiliser leurs budgets et leurs employés pour remplir le mandat de leur
ministère. De plus, les évaluations de rendement des dirigeants et des employés sont
souvent étroitement liées aux objectifs et mandats du ministère. Avant tout, les
ministres doivent personnellement rendre compte devant le Parlement de l'usage des
ressources attribuées à leur ministère et, en général, assumer la responsabilité des
actes et du rendement de leur ministère. Le partage de la responsabilité des initiatives
horizontales et le partage des ressources ministérielles en vue d'atteindre
conjointement des objectifs communs, a tendance à rendre troubles ces niveaux
hiérarchiques de reddition de compte. Par exemple, qui serait rendu officiellement
responsable d'une initiative horizontale partagée qui se solderait par un succès?
Les gestionnaires publics ou les ministres devraient-ils être tenus responsables des
initiatives sur lesquelles ils n'exercent pas le plein contrôle (puisque la gestion
est partagée avec d'autres ministères)?
Compte tenu de ces incertitudes, les initiatives horizontales peuvent
poser des problèmes de responsabilité démocratique et aller à l'encontre
d'incitatifs profondément enracinés pour les gestionnaires publics. Alors que ces
problèmes peuvent être considérés insignifiants pour les initiatives relativement
simples et de faible portée (comme la prestation de services internes partagés), ils
seront extrêmement importants si on demande aux gestionnaires d'engager des
ressources et d'assumer la responsabilité d'initiatives stratégiques
importantes et complexes mises en œuvre au niveau horizontal. Étant donné que
l'on semble s'attendre de plus en plus à ce que les conseils participent à ces
dossiers stratégiques complexes (par exemple, dans les domaines des sans-abri, du
développement durable ou des affaires autochtones), les membres des conseils fédéraux
régionaux éprouvent un malaise croissant devant l'incertitude des règles actuelles
de reddition de comptes entourant la gestion horizontale. Les personnes interrogées ont
reconnu unanimement qu'on devra régler les questions de responsabilité au cours des
années à venir.
Cependant, si on a reconnu à l'unanimité que ces situations
posaient des problèmes de responsabilité non résolus, il n'y a, en revanche, pas
eu de consensus clair sur la façon de traiter ce genre de problème. Certaines personnes
ont déclaré que les problèmes de responsabilité étaient tellement importants
qu'ils devraient inciter les conseils fédéraux à s'abstenir de toute
participation à la gestion horizontale des politiques et programmes complexes. En
particulier, les membres des conseils devraient refuser d'assumer la responsabilité
et le leadership officiels des politiques ou programmes horizontaux. D'autres
personnes interrogées ont manifesté de l'enthousiasme face à l'attention
croissante accordée à l'approche horizontale pour traiter les problèmes
socio-économiques complexes auxquels sont confrontés les Canadiens. Dans leur esprit,
les avantages potentiels qu'on pourrait retirer de ces approches devraient nous
inciter à en faire l'essai sans attendre qu'on adopte une résolution
administrative et constitutionnelle sur l'énigme de la responsabilité. Bien
qu'on devrait reconnaître ces difficultés et déployer davantage d'efforts et
d'ingéniosité pour chercher des solutions adaptées, les problèmes ne devraient
pas empêcher la fonction publique d'aller de l'avant.
En général, à quelques exceptions près, les personnes interrogées
estimaient également que la fonction publique devrait s'abstenir d'envisager la
création d'un cadre redditionnel entièrement nouveau pour les initiatives
horizontales, et se pencher plutôt sur les moyens de concilier le travail des conseils
avec le cadre redditionnel vertical en place. De ce point de vue, bon nombre de personnes
interrogées ont souligné la nécessité de continuer à se reposer sur un ministère
principal pour chaque initiative stratégique mise en œuvre à l'échelle
gouvernementale. Les conseils ont été le plus souvent présentés comme des tribunes
importantes destinées à appuyer les ministères principaux, en procurant une vision
commune, en assurant la coordination entre les organisations, et même en établissant une
entente locale sur le moyen le plus efficace d'attribuer les ressources reliées à
une initiative stratégique. En revanche, on a manifesté moins d'enthousiasme à
l'idée de confier aux conseils fédéraux la direction officielle des dossiers
stratégiques dans les régions. En résumé, alors que les conseils constituent des
instruments essentiels de gestion des dossiers horizontaux, leur confier la
responsabilité officielle de diriger un dossier n'était pas considérée comme
étant nécessairement la meilleure façon de procéder. On devrait s'attacher à
améliorer leur capacité à fournir du soutien et à faire office de tribune pour le
développement du leadership horizontal.
Conclusion
Globalement, il est important de comprendre que l'efficacité des
conseils est perçue comme reposant essentiellement sur les capacités propres de ceux-ci
à susciter l'engagement et la participation volontaire de leurs membres. Si on tente
de répéter l'expérience des conseils et d'adopter des changements en vue
d'accroître leur rôle dans la gouvernance du Canada, on doit respecter la nature
unique des conseils. En définitive, cette conclusion semble suggérer que, pour
préserver leur efficacité à titre de tribunes destinées à faciliter la gouvernance au
niveau horizontal, on doit veiller à ce que toute réforme ou attente relative à la
participation future des conseils à l'élaboration des politiques et des activités
à l'échelle gouvernementale n'affecte pas le contrôle sur l'autonomie
locale et l'engagement volontaire. Par conséquent, tout en procurant aux conseils la
capacité suffisante pour s'engager volontairement de façon plus complète dans des
démarches complexes et soutenues de gouvernance horizontale, les ministères principaux
et les organismes centraux doivent continuer de s'appuyer sur la persuasion pour
obtenir l'engagement des conseils dans des dossiers précis. Lorsqu'on a acquis
cette adhésion volontaire, on doit privilégier des mesures ciblées et adaptées pour
régler les problèmes opérationnels et de responsabilité au lieu des méthodes
générales universelles. Lorsqu'on ne parvient pas à persuader les membres de
s'engager volontairement dans certains conseils, la fonction publique doit respecter
les priorités locales tout en reconnaissant que les conseils sont des instruments
privilégiés et permanents d'établissement de relations personnelles productives
entre organisations et d'échange d'information, qui constituent des facteurs
fondamentaux de l'efficacité organisationnelle.
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