Lignes directrices pour l'application des dispositions sur l'abus de position dominante - Annexe IV : Résumé des décisions rendues par le Tribunal de la concurrence
Table des matières
Introduction
Le lecteur trouvera dans la présente annexe un résumé des six décisions que
le Tribunal de la concurrence a rendues depuis l'ajout des dispositions sur
l'abus de position dominante dans la Loi sur la concurrence en 198648. De ces six décisions, quatre portaient sur
des demandes contestées, soit les affaires NutraSweet, Laidlaw,
Nielsen
et Télé-Direct. Les deux autres, soit celles rendues dans les affaires
Interac et CANYPS, traitaient des allégations de domination
conjointe,
affaires qui ont été tranchées au moyen d'une ordonnance par consentement.
Dans
les six cas, le Tribunal a rendu une ordonnance.
Le présent résumé illustre la position du Tribunal sur les principaux
éléments
de l'article 79. Il comporte également des exemples des types de
comportement examinés et des circonstances dans lesquelles le Tribunal a
reconnu
et défini les agissements anticoncurrentiels. On y trouvera de plus des
renseignements
sur la portée et la nature des mesures correctives imposées en application de
l'article 79.
NutraSweet
Principaux faits
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Marché du produit :
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l'édulcorant artificiel nommé aspartame
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Marché géographique :
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Canada
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Part de marché :
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95 p. 100
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Date du dépôt de la demande :
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juin 1989
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Date de l'ordonnance :
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octobre 1990
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Agissements anticoncurrentiels
- Clauses contractuelles par lesquelles NutraSweet exigeait, expressément
ou tacitement, l'exclusivité :
- clauses obligeant les clients à acheter de NutraSweet la totalité de
leur aspartame;
- octroi de remises et de déductions de prix aux clients qui
utilisaient
le logo et le nom de NutraSweet;
- octroi d'allocations promotionnelles sous condition de l'utilisation
exclusive du produit NutraSweet;
- clauses de l'offre concurrente et de la nation la plus favorisée.
« Ayant pour effet de diminuer sensiblement la concurrence »
- NutraSweet bénéficiait d'une part de marché élevée.
- Les contrats couvraient 90 p. 100 du marché.
- Les contrats contenaient une clause d'exclusivité, ce qui empêchait
d'autres
concurrents d'entrer sur le marché.
- Divers obstacles à l'entrée ont été établis, notamment des frais élevés
de changement de fournisseur, des coûts irrécupérables, un délai d'entrée
de deux ans et des économies d'échelle.
Ordonnance
- Le Tribunal a interdit à NutraSweet de faire valoir les clauses
contractuelles
exigeant, expressément ou tacitement, l'exclusivité.
- Le Tribunal a interdit à NutraSweet de conclure d'autres contrats
comportant
des clauses de cette nature.
Autres questions
- L'argument que le non-paiement des impôts sur le revenu et l'application
de prix d'éviction étaient des agissements anticoncurrentiels n'a pas été
retenu par le Tribunal.
- Aucune ordonnance n'a été rendue au sujet des allégations selon
lesquelles
NutraSweet aurait vendu le produit à un prix inférieur au prix coûtant et
accordé des rabais à une partie pour tenir compte des différences du taux
de change.
- Le Tribunal a rejeté les moyens de défense de NutraSweet fondés sur le
rendement
concurrentiel supérieur, l'effet de parasitisme (c.-à-d. le fait que
d'autres
parties avaient bénéficié de son investissement) ainsi que sur l'efficience
et les justifications commerciales.
Laidlaw
Principaux faits
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Marché du produit :
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services de cueillette et d'élimination de déchets commerciaux
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Marché géographique :
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quatre collectivités situées sur l'île de Vancouver
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Part de marché:
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87 p. 100
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Date du dépôt de la demande :
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mars 1991
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Date de l'ordonnance :
|
janvier 1992
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Agissements anticoncurrentiels
- Acquisition de concurrents;
- clauses interdisant la concurrence pendant une période prolongée dans les
contrats d'achat des concurrents;
- pratiques contractuelles :
- signature, avec les clients, de contrats à long terme se renouvelant
automatiquement;
- fixation d'un montant excessif à titre de dommages-intérêts;
- droit de premier refus;
- intimidation sous forme de menaces de poursuites ou autres genres de
menaces visant à empêcher les clients de changer de fournisseur.
« Ayant pour effet de diminuer sensiblement la concurrence »
- L'existence de prix élevés et les majorations de ces prix indiquaient que
Laidlaw possédait une puissance commerciale.
- Les contrats conclus entre Laidlaw et ses clients avaient pour effet de
restreindre la concurrence.
- Certains obstacles importants à l'entrée, notamment les pratiques
contractuelles
de Laidlaw, ont empêché la création de la clientèle de base dont les
nouveaux
venus auraient eu besoin.
- L'acquisition de concurrents a créé un monopole local.
Ordonnance
- Le Tribunal a interdit à Laidlaw de faire d'autres acquisitions dans
trois
marchés désignés pendant trois ans.
- Le Tribunal a modifié et supprimé certaines clauses figurant dans les
contrats
de Laidlaw et portant sur le droit de premier refus, l'interdiction de
concurrence,
l'exclusivité, et les dommages-intérêts à verser en cas de résiliation
prématurée.
- Le Tribunal a décidé que les clients ne seraient plus tenus de divulguer
les offres faites par des concurrents.
- La période de validité des contrats initiaux et renouvelés a été ramenée
à un an.
- Le Tribunal a autorisé la résiliation sur remise d'un avis de trente
jours.
- Le Tribunal a imposé à Laidlaw des obligations quant aux avis et aux
renseignements
à fournir :
- Laidlaw a été sommée d'aviser ses clients que les clauses
contractuelles
visées par l'ordonnance ne seraient plus appliquées;
- Laidlaw a été sommée d'expliquer à ses clients toute modification
apportée
aux contrats;
- Laidlaw a été sommée de faire connaître l'existence de l'ordonnance
à ses clients et aux gestionnaires de ceux-ci;
- Laidlaw a été sommée d'aviser ses employés par écrit qu'elle
entendait
faire respecter la Loi dans son entreprise;
- Laidlaw a été sommée de fournir au Bureau une copie de tous ses
contrats
actuels et futurs.
Autres questions
- Laidlaw a invoqué des raisons économiques et commerciales, et notamment
ses investissements, pour justifier plusieurs des clauses contractuelles
contestées.
Le Tribunal a décidé que ces clauses ne pouvaient se justifier pour des
raisons
d'efficience ni pour les conséquences avantageuses qu'elles avaient pour le
consommateur. Les agissements ont simplement permis à Laidlaw de conserver
sa clientèle, empêchant de ce fait l'accès au marché.
- Laidlaw a soutenu que les fusionnements tombaient sous le coup de
l'article
91 de la Loi et ne pouvaient donc constituer des agissements
anticoncurrentiels
au sens de l'article 78. Le Tribunal a rejeté cet argument.
- Le Tribunal a condamné l'utilisation de menaces de la part de Laidlaw,
estimant
qu'il s'agissait là d'une conduite répréhensible et anticoncurrentielle.
Nielsen
Principaux faits
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Marché du produit :
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services de dépistage des données du marché par balayage
électronique
|
Marché géographique :
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Canada
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Part de marché :
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100 p. 100
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Date du dépôt de la demande :
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octobre 1994
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Date de l'ordonnance :
|
avril 1995
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Agissements anticoncurrentiels
- Utilisation de contrats exclusifs afin d'empêcher les concurrents d'avoir
accès aux données prélevées par balayage électronique :
- contrats à long terme (d'une durée d'au moins trois ans);
- clause de la nation la plus favorisée pour assurer qu'aucun
concurrent
ne reçoive moins pour ses données que le prix payé à Nielsen;
- conditions strictes à l'égard de la résiliation, notamment
l'obligation
de donner un avis longtemps à l'avance, et pénalités financières en cas
de résiliation prématurée;
- renouvellements structurés sur une base échelonnée de façon à
restreindre
les sources de données disponibles, créant ainsi un obstacle à l'entrée
sur le marché;
- paiement d'une somme d'argent au détaillant pour l'obtention de
l'accès
exclusif aux données ou pénalités financières imposées au détaillant
qui
fournirait des données à un concurrent.
« Ayant pour effet de diminuer sensiblement la concurrence »
- En exerçant un contrôle de 100 p. 100 et en utilisant des méthodes visant
à empêcher l'accès au marché, Nielsen a pu maintenir et accroître sa
puissance
commerciale.
- Les méthodes de Nielsen ont créé des obstacles là où il n'en existait
pas.
- La nature de l'industrie ne permettait pas l'entrée sur le marché après
un certain temps, étant donné que les données à utiliser à des fins de
comparaison
étaient déjà nécessaires au départ.
- L'objet des contrats et les conséquences résultant de leur application
étaient
anticoncurrentiels.
Ordonnance
- Le Tribunal a imposé des modifications touchant les contrats de Nielsen
:
- les clauses empêchant ou restreignant la fourniture de données à tout
demandeur ont été déclarées nulles et non avenues;
- les clauses visant à promouvoir l'exclusivité des données prélevées
par balayage électronique ont été déclarées inapplicables;
- les incitatifs visant à restreindre la fourniture de données ont été
supprimés;
- l'utilisation de la clause de la nation la plus favorisée a été
interdite
pour une période de vingt-quatre mois, établie à compter de la date de
délivrance de l'ordonnance;
- la même condition a été imposée pour tous les contrats postérieurs
signés
dans les dix-huit mois suivant la date de l'ordonnance;
- la période des contrats à long terme pour les services dispensés par
Nielsen a été réduite.
- Le Tribunal a enjoint à Nielsen de fournir les données prélevées pendant
la période de quinze mois précédant immédiatement la date de la demande
d'un
nouveau concurrent sur le marché, Information Resources, Inc.
Autres questions
- Le Tribunal a examiné plusieurs arguments tendant à justifier les
méthodes
de Nielsen, mais a conclu que l'interdiction d'accès ne pouvait être
justifiée
pour des raisons commerciales ou d'efficience.
- Jugeant que les agissements étaient anticoncurrentiels, le Tribunal a
statué
que l'existence d'un motif commercial valable n'atténuait pas la portée de
la conduite.
- Nielsen a soutenu que ses contrats étaient nécessaires pour empêcher un
concurrent de profiter indûment de son investissement. Le Tribunal a rejeté
également cet argument.
Télé-Direct
Principaux faits
|
Marché du produit :
|
publicité-annuaire
|
Marché géographique :
|
marchés locaux dans l'ensemble du Canada
|
Part de marché :
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96 p. 100 de l'espace publicitaire
25 p. 100 des services de publicité
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Date du dépôt de la demande :
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décembre 1994
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Date de l'ordonnance :
|
février 1997
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Agissements anticoncurrentiels
- Vente liée d'espace publicitaire dans les annuaires des Pages Jaunes et
de services de vente ayant trait notamment au conseil, à la conception et
à l'administration;
- discrimination à l'endroit d'éditeurs indépendants d'annuaires, d'agences
de publicité et de consultants en ce qui a trait aux clients et aux
commissions;
- réductions de prix ciblées et autres stratégies concurrentielles contre
des éditeurs d'annuaires rivaux;
- refus d'accorder une licence pour des marques de commerce.
« Ayant pour effet de diminuer sensiblement la concurrence »
- La publicité-annuaire est un marché distinct qui ne comporte aucun proche
substitut.
- Télé-Direct détenait une part très importante du marché.
- L'accès au marché n'était pas facile.
Ordonnance
- Télé-Direct a été sommée de cesser de lier vente d'espace et services.
- Télé-Direct a été sommée de fixer un prix distinct pour l'espace et pour
les services ou d'offrir une commission acceptable pour la fonction
service.
- Télé-Direct a été sommée de cesser de faire montre de discrimination à
l'endroit
des consultants et de leurs clients.
Autres questions
- Le Tribunal a rejeté les allégations concernant :
- les agissements anticoncurrentiels contre des éditeurs, lesquels
agissements
représentaient, selon le Tribunal, des réactions concurrentielles
légitimes
à l'entrée de nouveaux concurrents sur le marché;
- les agissements anticoncurrentiels contre des agences de publicité,
au motif que Télé-Direct n'occupait pas une position dominante dans ce
secteur du marché et qu'il n'y avait pas eu de prévention ou de
diminution
importante de la concurrence;
- le fait d'empêcher l'utilisation de la marque Pages Jaunes et du logo
des doigts qui marchent, le Tribunal a en effet conclu que cela
constituait
un exercice légitime des droits de Télé-Direct en vertu de la Loi
sur
les marques de commerce .
Interac
Principaux faits
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Marché du produit :
|
services de réseau de commerce bancaire électronique permettant des
transactions
par l'entremise des guichets automatiques et des cartes de débit
|
Marché géographique :
|
Canada
|
Part de marché :
|
100 p. 100
|
Date du dépôt de la demande :
|
décembre 1995
|
Date de l'ordonnance :
|
juin 1996
|
Agissements anticoncurrentiels
- Interdiction de nouveaux membres;
- droits d'adhésion plus élevés pour les fournisseurs de services
financiers
concurrents;
- frais de service imposés aux entités qui n'étaient pas directement
reliées
au réseau et qui devaient passer par un autre membre;
- restrictions à la concurrence des prix et des services.
« Ayant pour effet de diminuer sensiblement la concurrence »
- Absence de réseau subsidiaire et obstacles importants à l'accès au
marché;
- accès restreint au réseau principal;
- limitation de la concurrence en matière de service et de prix.
Ordonnance par consentement
- Les parties intimées ont été tenues de modifier le règlement d'Interac de
façon :
- à éliminer les restrictions à l'adhésion d'autres institutions
financières;
- à permettre l'accès indirect à d'autres entités commerciales;
- à modifier la gestion d'Interac en ce qui a trait à la composition de
son conseil d'administration;
- à changer les pratiques d'établissement des prix ainsi que les
procédures
d'approbation entourant la création de nouveaux services de réseau.
CANYPS (Pages Jaunes canadiennes)
Principaux faits
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Marché du produit :
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publicité nationale dans les Pages Jaunes
|
Marché géographique :
|
Canada
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Part de marché :
|
90 p. 100
|
Date du dépôt de la demande :
|
septembre 1994
|
Date de l'ordonnance :
|
novembre 1994
|
Agissements anticoncurrentiels
- Restrictions touchant la vente de publicité nationale selon la règle
appelée
« règle du siège social », qui obligeaient les clients à
s'entendre
avec l'éditeur desservant la province où se trouvait son siège social au
sujet
de toute publicité nationale dans les Pages Jaunes.
« Ayant pour effet de diminuer sensiblement la concurrence »
- Le Bureau a fait valoir que les ententes conclues entre les membres de
CANYPS
les empêchaient de se faire concurrence entre eux et empêchaient des
représentants
indépendants d'avoir accès au marché.
- Les parties intimées contrôlaient 90 p. 100 du marché.
Ordonnance par consentement
- Le Tribunal a interdit aux parties intimées :
- de continuer à appliquer la règle du siège social;
- de continuer à appliquer des accords d'exclusivité;
- de refuser de faire affaire avec des sociétés vendeuses;
- de faire de la discrimination entre les sociétés vendeuses;
- de refuser d'accorder une licence qui permettrait aux sociétés
vendeuses
d'utiliser les marques de commerce des Pages Jaunes;
- de s'entendre sur les commissions ou sur les critères d'admissibilité
s'y rapportant;
- de refuser aux sociétés vendeuses l'accès aux taux et aux autres
données
publiés par CANYPS.
- Les parties intimées ont été sommées de fournir au Bureau : a) le
procès-verbal
de toutes les réunions de CANYPS jusqu'en juillet 1998 et b) l'accord type
d'utilisation sous licence des marques de commerce.
précédent Table
des matières
48 NutraSweet, supra, note
2; Laidlaw, supra, note 14; CANYPS, supra, note 25; Nielsen,
supra, note 15; Interac, supra, note 25; Télé-Direct,
supra,
note 23.