Lignes directrices pour l'application de la Loi à l'égard de pratiques commerciales illégales : Politiques de prix déraisonnablement bas (en vertu des alinéas 50(1)b) et 50(1)c) de la Loi sur la concurrence)
Ébauche
(PDF : 96.8 Ko)
le 8 mars 2002
Avant-propos
La concurrence assure de nombreux avantages aux consommateurs, y compris celui
de pouvoir trouver un choix de produits à des prix compétitifs.
Les bas prix sont ordinairement un bon indicateur d'une saine concurrence. Cependant,
si les prix concurrentiels et les bas prix sont en général bénéfiques
aux clients et à la concurrence, certaines pratiques de prix peuvent
avoir pour but ultime de fausser la concurrence à plus long terme. Ce
genre de comportement indésirable en matière de prix peut profiter
au consommateur à court terme, mais entraînera éventuellement
des prix plus élevés et d'autres effets anticoncurrentiels. Les
présentes lignes directrices visent les alinéas 50(1)b)
et 50(1)c), qui définissent des infractions criminelles à
l'égard de la discrimination géographique par les prix et de la
vente de produits à des prix déraisonnablement bas.
Le Bureau de la concurrence (le « Bureau ») a publié
en 1992 ses Lignes directrices pour l'application de la loi : Prix d'éviction
pour clarifier sa politique et veiller à ce que le public comprenne quand
des bas prix peuvent entraîner une enquête en vertu de la Loi
sur la concurrence (la « Loi »). Ces lignes directrices,
qui visaient uniquement l'alinéa 50(1)c), adoptaient une approche
à deux volets de l'évaluation des prix déraisonnablement
bas. Il s'agissait d'abord d'évaluer l'aptitude d'un présumé
prédateur d'exercer une puissance commerciale lui permettant de récupérer
les coûts encourus en raison d'une politique de prix déraisonnablement
bas. Le deuxième volet consistait à déterminer si les prix
en cause étaient inférieurs aux coûts variables moyens -
c'est-à-dire le critère Areeda-Turner. Depuis lors cependant,
il y a eu une évolution dans l'économie et dans les écoles
de pensée au sujet de la pratique de prix déraisonnablement bas.
Les lignes directrices ont donc été actualisées pour tenir
compte de la perspective moderne sur les questions de prix déraisonnablement
bas. L'approche adoptée dans les présentes lignes directrices
comporte trois changements principaux.
D'abord, le concept de récupération des coûts ne servira
plus comme premier critère d'analyse. Il est considéré
plutôt comme une balise parmi d'autres pour déterminer si des politiques
anticoncurrentielles de prix déraisonnablement bas ont été
adoptées. La perspective de récupération des coûts
continuera d'être prise en considération par le Bureau. Cependant,
le Bureau estime que si l'aptitude de récupérer les coûts
peut révéler une politique de prix déraisonnablement bas,
elle n'est pas nécessairement un élément de preuve requis
en vertu des alinéas 50(1)b) et 50(1)c).
Deuxièmement, en effectuant l'analyse des coûts et des revenus
pour déterminer s'il y a vente à des prix inférieurs aux
coûts, le Bureau s'appuiera sur le concept de « coûts
évitables » plutôt que sur celui des coûts variables
moyens ou des coûts totaux moyens prévus par les lignes directrices
précédentes. Il s'avère que la notion de coûts variables
moyens n'est pas clairement définie dans le contexte d'une entreprise
produisant plusieurs produits. Par conséquent, le critère des
coûts évitables est celui qui servira dans les analyses du Bureau
visant tant les entreprises à produit unique que celles à produits
multiples. Enfin, le Bureau a ajouté aux lignes directrices une section
supplémentaire traitant expressément des prix déraisonnablement
bas lorsqu'une entreprise prend de l'expansion dans un marché.
Le Bureau est conscient des conditions commerciales dans lesquelles les entreprises
mènent leurs activités. Dans le contexte économique mondial
qui est en constante évolution, elles doivent faire preuve de souplesse
et d'innovation face à la concurrence. En ce qui concerne l'application
de la loi, la transparence et la certitude sont dès lors essentielles.
Les présentes lignes directrices expliquent comment le Bureau applique
les dispositions pertinentes de la Loi, dans le but de dissuader les entreprises
de se livrer à un comportement anticoncurrentiel tout en évitant
d'inhiber une concurrence normale et saine par les prix.
Le commissaire de la concurrence,
![](https://bac-lac.wayback.archive-it.org/web/20061028045114im_/http://strategis.ic.gc.ca/SSI/ctf/sign2.jpg)
Konrad von Finckenstein, c.r.
Interprétation
Les présentes lignes directrices ont préséance sur toutes
les déclarations antérieures du commissaire de la concurrence
(le « commissaire ») ou d'autres représentants du
Bureau de la concurrence qui pourraient différer de ce qui y est énoncé.
Les lignes directrices expliquent l'approche générale du commissaire
et du Bureau pour ce qui est de l'administration et de l'application de la loi.
Elles ne visent pas à reformuler la loi ou à limiter la façon
dont le commissaire exercera sa discrétion dans une situation particulière.
Par conséquent, elles ne constituent pas un substitut de conseils juridiques.
Les décisions du commissaire ou du procureur général du
Canada en matière d'application de la loi, de même que la façon
dont les affaires sont éventuellement résolues, dépendent
des circonstances qui les entourent. Dans le cadre de son programme d'avis consultatifs,
le Bureau offre sur demande une opinion sur une situation précise. Ces
avis ne visent pas non plus à lier le procureur général
ou à limiter sa discrétion pour ce qui est des poursuites visant
des affaires relevant de la Loi. En dernier ressort, l'interprétation
de la loi est la responsabilité des tribunaux.
Comment communiquer avec le Bureau de la concurrence
Les présentes lignes directrices et autres publications du Bureau sont
accessibles sur Internet dans le site Web du Bureau. Pour obtenir des renseignements
généraux, formuler une plainte en vertu des dispositions de la
loi ou demander un avis consultatif, veuillez communiquer avec le Bureau aux
coordonnées ci-dessous.
Centre des renseignements
Bureau de la concurrence
Industrie Canada
50, rue Victoria
Hull (Québec) K1A 0C9
Tél. : (819) 997-4282
Numéro sans frais : 1 800 348-5358
ATS (pour malentendants) : 1 800 642-3844
Télécopieur : (819) 997-0324
Télécopie à la demande : (819) 997-2869
Site Web : www.bc-cb.gc.ca
Courriel : burconcurrence@bc-cb.gc.ca
Table des matières
Partie 1 : Introduction
Partie 2 : Dispositions pertinentes
Partie 3 : Facteurs pris en considération
dans l'application de la Loi
1. Seuils pour un examen
2. Examen préliminaire
3. Enquête formelle
4. La possibilité de procéder en vertu de l'article 79
5. Autres instruments de règlement des cas
Partie 4 : Les éléments des prix
déraisonnablement bas
1. Exploiter une entreprise (alinéas 50(1)b) et 50(1)c))
2. Politique de vente de produits (alinéas 50(1)b) et 50(1)c))
3. Impact sur la concurrence
4. Prix inférieurs à ceux pratiqués ailleurs au Canada
(alinéa 50(1)b))
5. Prix « déraisonnablement bas » (alinéa
50(1)c))
Partie 5 : Bas prix lors de l'expansion dans un
nouveau marché
Partie 6 : Les différentes mesures d'application
de la Loi
1. Poursuite
2. Autres mesures correctives
3. Abandon d'une enquête
4. Droit de recours civil
5. Programme d'avis consultatifs
Partie 1 : Introduction
Le but de la Loi sur la concurrence consiste à préserver
et à favoriser la concurrence à titre de moyen principal d'atteindre
d'importants objectifs économiques - notamment en assurant aux consommateurs
les avantages de la concurrence en matière de prix et de choix tout en
veillant à ce que les petites et moyennes entreprises puissent participer
équitablement à l'activité économique au Canada.
Une vigoureuse concurrence par les prix est un signe caractéristique
des marchés concurrentiels. En général, les bas prix sont
le fruit de la concurrence et les consommateurs profitent de la rivalité
entre les entreprises sur le marché. Compte tenu du fait que la Loi vise
à protéger la concurrence, il peut sembler quelque peu étrange
que l'on doive se soucier de prix déraisonnablement bas. Pourtant, si
la Loi favorise une concurrence vigoureuse par les prix, elle veut également
assurer dans les transactions commerciales la préséance d'une
concurrence loyale et véritable et non de pratiques commerciales restrictives.
Les prix déraisonnablement bas sont une de ces pratiques restrictives.
Ils supposent une politique de vente de produits à des prix inférieurs
aux coûts visant à dissuader de nouveaux concurrents ou éliminer
des concurrents d'un marché. Les consommateurs peuvent profiter de prix
inférieurs pendant une courte période, mais ils peuvent être
lésés à long terme. Les bas prix peuvent en effet entraîner
une réduction de la concurrence et, éventuellement, une augmentation
des prix, une réduction de la qualité, du choix et de l'innovation
des produits.
Il est très difficile de faire la distinction entre bas prix qui résultent
en un comportement illégal et ceux découlant d'une rivalité
concurrentielle légitime. Afin d'éviter d'inhiber la concurrence
bénéfique par les prix, le Bureau procède avec prudence
lorsqu'il envisage d'intervenir face à une pratique présumée
de prix déraisonnablement bas.
Les lignes directrices comportent cinq parties :
- la partie 2 décrit les dispositions de la Loi sur la concurrence
concernant la discrimination géographique par les prix et les prix
déraisonnablement bas (alinéas 50(1)b) et 50(1)c));
- la partie 3 donne un aperçu de la façon dont le Bureau administre
et applique la Loi. En particulier, elle traite de la façon dont le
Bureau évalue les cas présumés de prix déraisonnablement
bas afin d'assurer l'affectation de ses ressources en priorité aux
cas les plus susceptibles de nuire à la concurrence;
- la partie 4 explique comment le Bureau interprète les éléments
précis qui doivent être prouvés pour conclure qu'il y
a infraction aux alinéas 50(1)b) et 50(1)c);
- la partie 5 explique comment le Bureau considère les bas prix résultant
du fait qu'une entreprise bien établie dans un marché donné
entreprend une expansion dans un nouveau marché;
- la partie 6 décrit les différentes mesures d'application de
la loi qui peuvent résulter d'allégations de prix déraisonnablement
bas.
Table des matières
Partie 2 : Dispositions pertinentes
La Loi sur la concurrence contient des dispositions criminelles et des
dispositions civiles. Les infractions criminelles entraînent des poursuites
devant les tribunaux criminels et les contrevenants peuvent encourir d'importantes
amendes, voire des peines de prison. Les affaires civiles relèvent du
Tribunal de la concurrence, qui dispose du pouvoir de rendre des injonctions
et des ordonnances correctives à l'égard de fusionnements et de
pratiques anticoncurrentielles susceptibles d'empêcher ou de diminuer
sensiblement la concurrence.
Les bas prix anticoncurrentiels peuvent soulever des questions en vertu de
diverses dispositions de la Loi, mais surtout des alinéas 50(1)b)
et 50(1)c), qui sont des dispositions criminelles, et des articles 78
et 79 qui sont les dispositions civiles concernant l'abus de position dominante.
L'approche du Bureau en matière d'administration et d'application des
articles 78 et 79 est décrite dans ses Lignes
directrices pour l'application de la loi : Abus de position dominante.
La partie 4 des présentes lignes directrices présente un examen
détaillé des principaux éléments des alinéas
50(1)b) et 50(1)c). On en retrouve un résumé ci-dessous.
Alinéas 50(1)b) et 50(1)c)
Les alinéas 50(1)b) et 50(1)c) prévoient ce qui
suit :
Commet un acte criminel et encourt un emprisonnement maximal de deux
ans toute personne qui, exploitant une entreprise, selon le cas... :
b) se livre à une politique de vente de produits, dans quelque
région du Canada, à des prix inférieurs à ceux
qu'elle exige ailleurs au Canada, cette politique ayant pour effet ou tendance
de réduire sensiblement la concurrence ou d'éliminer dans une
large mesure un concurrent dans cette partie du Canada ou étant destinée
à avoir un semblable effet;
c) se livre à une politique de vente de produits à des
prix déraisonnablement bas, cette politique ayant pour effet ou tendance
de sensiblement réduire la concurrence ou éliminer un concurrent,
ou étant destinée à avoir un semblable effet.
Les alinéas 50(1)b) et 50(1)c) ont en commun les éléments
minimums suivants, qui doivent être prouvés hors de tout doute
raisonnable pour qu'il y ait infraction :
1. l'entreprise ou la personne visée par des allégations doit
exploiter une entreprise;
2. les bas prix doivent s'inscrire dans une « politique de vente
de produits »;
3. la politique doit avoir au moins un des effets ou objets suivants :
- l'effet ou la tendance de réduire sensiblement la concurrence;
- l'effet ou la tendance d'éliminer un concurrent;
- être destinée à réduire sensiblement la concurrence;
- être destinée à éliminer un concurrent.
Les deux dispositions se distinguent des points de vue suivants :
4. l'alinéa 50(1)b) exige la preuve d'une politique de vente
de produits à des prix inférieurs dans une région du
Canada que dans une autre (« prix inférieurs à ceux
qu'elle exige ailleurs au Canada »);
5. l'alinéa 50(1)c) exige la preuve d'une politique de vente
de produits à des prix déraisonnablement bas.
Table des matières
Partie 3 : Facteurs pris en considération dans l'application
de la Loi
En administrant et en appliquant la Loi sur la concurrence, l'objectif
principal du Bureau consiste à protéger la concurrence. Dans les
cas concernant les alinéas 50(1)b) et 50(1)c), le Bureau
applique la Loi de façon à préserver et favoriser une concurrence
saine et vigoureuse par les prix tout en dissuadant le comportement anticoncurrentiel.
Un juste équilibre doit être trouvé afin de s'assurer que
les comportements de bas prix véritablement nuisibles soient convenablement
identifiés. Sans cela, une concurrence légitime par les prix pourrait
être freinée alors qu'une activité anticoncurrentielle pourrait
passer inaperçu.
En général, les plaintes que reçoit le Bureau au sujet
de bas prix sont soumises par une entreprise soutenant que les prix excessivement
bas pratiqués par un concurrent menacent de la contraindre (et peut-être
d'autres) à quitter le marché. Les plaignants demandent habituellement
au Bureau si les bas prix de leur concurrent justifie la prise de mesures d'application
de la loi par le Bureau et quelles sont les étapes d'une enquête.
Les plaignants soumettent ensuite au Bureau les renseignements pertinents à
l'appui de leurs allégations, par exemple des renseignements sur les
prix, sur l'ampleur et la durée des réductions de prix ainsi que
sur les coûts. Le Bureau prend en considération la qualité
des éléments de preuve, leur quantité et la probabilité
qu'une enquête plus poussée permette de recueillir des éléments
supplémentaires. Le Bureau tient également compte de la nécessité
d'établir une priorité parmi ses dossiers pour utiliser efficacement
ses ressources financières et humaines.
1. Seuils pour un examen
Lorsqu'il reçoit une plainte portant sur la pratique de bas prix, le
Bureau réalise d'abord une évaluation préliminaire pour
vérifier que le comportement allégué ne relève
pas de la légitime concurrence par les prix et pour assurer la prise
de mesures d'application de la loi lorsque des prix déraisonnablement
bas risquent de nuire au processus de la concurrence. Par exemple, les plaintes
concernant les bas prix révèlent quelquefois, vérification
faite, que le concurrent vendait à des prix supérieurs à
ses coûts. Les cours en sont arrivés à la conclusion que
le fait de vendre à des prix qui sont supérieurs aux coûts
ne peut jamais être déraisonnable et ne peut contrevenir aux
alinéas 50(1)b) et 50(1)c).
Si les prix semblent être en-dessous des coûts, le Bureau définit
alors le marché pertinent à la fois au plan géographique
et au plan des produits. Le Bureau peut ainsi délimiter le domaine
dans lequel les entreprises se livrent concurrence, l'étendue de cette
concurrence et les effets que peuvent avoir sur la concurrence et les concurrents
les agissements proscrits en vertu de la Loi. La définition du marché
pertinent n'est pas une fin en soi mais fait partie d'un cadre d'analyse qui
sert à déterminer les effets sur la concurrence d'un comportement
anticoncurrentiel présumé.
La définition d'un marché pertinent tient compte d'une variété
de facteurs. D'abord, il faut déterminer - tant par rapport à
la demande que par rapport à l'offre - à quel point les produits
en cause peuvent se substituer les uns aux autres. S'ils sont des substituts,
ils sont dans un même marché. En outre, le Bureau doit se pencher
sur les caractéristiques fonctionnelles des produits, y compris leurs
caractéristiques physiques et techniques ainsi que leur utilisation
finale. Les opinions, stratégies et agissements des vendeurs et des
acheteurs importent également, surtout pour ce qui est de leurs réactions
relativement aux prix des produits. Les coûts de transport et les tendances
observées dans les livraisons peuvent également aider à
définir les dimensions géographiques du marché.
Une fois le marché pertinent défini, il s'agit d'évaluer
la probabilité que le comportement en cause nuira à la concurrence
et, par conséquent, aux consommateurs. Les éléments suivants
sont pris en considération :
- une entreprise établie qui détient une part de marché
inférieure à 35 p. 100 est jugée moins susceptible
de se livrer à un comportement de prix déraisonnablement bas
nuisible à la concurrence. Pour éviter de dissuader la concurrence
légitime par les prix, le Bureau ne poursuivra pas son examen en
ce qui concerne des allégations de prix déraisonnablement
bas à moins que l'entreprise ait une part de marché considérablement
supérieure à celle de ses rivaux.
- si l'entreprise détient une part de marché supérieure
à 35 p. 100 mais que les barrières à l'entrée
sur le marché ne sont pas importantes, le Bureau conclura également
que les bas prix sont plus susceptibles d'être du genre qui profite
à l'économie, aux consommateurs et aux entreprises. Par conséquent,
l'examen ne serait pas poursuivi;
- lorsque l'entreprise détient une part de marché supérieure
à 35 p. 100 ou que sa part de marché est considérablement
supérieure à celle de ses rivaux et qu'il y a d'importantes
barrières à l'entrée, le Bureau poursuivra son analyse
pour déterminer s'il y a eu infraction aux alinéas 50(1)b)
ou 50(1)c).
2. Examen préliminaire
Si les seuils décrits ci-dessus sont atteints, le Bureau poursuit
son examen préliminaire de la conformité du comportement avec
la Loi. Il le fait en tenant compte des éléments définissant
une pratique de prix déraisonnablement bas décrits à
la partie 4 des présentes lignes directrices. Le Bureau porte une attention
particulière à la durée, à la fréquence,
à l'étendue et aux tendances caractérisant le comportement
de bas prix. Le Bureau examine également toute information accessible
sur le rapport entre prix et coûts. Il reconnaît toutefois qu'à
ce stade préliminaire du processus, l'accès à des renseignements
sur les coûts de l'entreprise pratiquant de bas prix peut être
limité. Lorsque l'entreprise pratiquant des bas prix est un nouveau
concurrent sur le marché, le Bureau tente également de déterminer
si les bas prix de l'entreprise relèvent d'une promotion de lancement
temporaire ou d'un autre objectif commercial légitime justifiant des
bas prix, comme la volonté de liquider un inventaire de produits périssables.
3. Enquête formelle
Au terme de l'examen préliminaire, le Bureau déterminera s'il
y a ou non des motifs de croire qu'une infraction a été commise
ou qu'elle le sera probablement. Le commissaire peut alors décider
d'entreprendre une enquête formelle en vertu de la Loi pour déterminer
tous les faits pertinents. La décision d'entreprendre une enquête
formelle dépend du fait que la pratique de bas prix réponde
ou non aux critères précisés dans la Loi.
Une fois qu'une enquête formelle est commencée, le Bureau peut
avec l'autorisation d'une cour recourir à des pouvoirs formels pour
recueillir des preuves supplémentaires sur les affaires faisant l'objet
de l'enquête. Le Bureau peut ainsi demander des ordonnances autorisant
la perquisition et l'interrogation de témoins sous serment ou exigeant
la production de déclarations écrites ou de documents.
Au terme de l'enquête, le Bureau détermine la façon
dont l'affaire devrait être résolue. La gamme des solutions possibles
est décrite dans le Bulletin d'information sur le continuum d'observation
de la loi publié par le Bureau.
4. La possibilité de procéder en vertu de l'article 79
Le Bureau peut également traiter des cas de prix
déraisonnablement bas en vertu de l'article 79, la disposition de la
Loi sur la concurrence concernant l'abus de position dominante. Il
s'agit d'une disposition non criminelle (ou « civile »)
qui vise les agissements abusifs d'une entreprise ou d'un groupe d'entreprises
détenant sur le marché une position dominante et qui se livre
à une pratique d'agissements anticoncurrentiels susceptibles d'empêcher
ou de diminuer sensiblement la concurrence. L'article 79 permet au commissaire
de la concurrence de demander au Tribunal de la concurrence, une instance
spécialisée composée de juges et d'autres membres, de
prendre les mesures justes et nécessaires pour pallier les effets d'une
activité répondant aux critères de l'article 79.1
L'application de l'article 79 aux cas de prix déraisonnablement bas
fait plus spécialement l'objet de la section 4.3 des Lignes directrices
pour l'application de la loi : Abus de position dominante du Bureau.
Le Bureau se penchera sur les allégations de prix déraisonnablement
bas en vertu de l'article 79 lorsqu'une entreprise ou un groupe d'entreprises
exerce une dominance sur le marché. Pour déterminer s'il y a
dominance, le Bureau examine les parts de marché et les barrières
à l'entrée pour évaluer si les entreprises en cause contrôlent
sensiblement ou complètement la catégorie ou le genre de commerce
en cause.
Lorsque les critères correspondants sont vérifiés et
que le comportement à l'égard des prix relève à
la fois de l'alinéa 50(1)c) et de l'article 79 de la Loi
sur la concurrence, les faits propres à chaque cas déterminent
quelle disposition le Bureau invoquera pour résoudre la situation.
Si une entreprise a des antécédents d'inobservation de la
Loi ou si la nature du comportement est notable, une poursuite en vertu de
l'article 50, avec les sanctions punitives qui s'y rattachent, est indiquée.
Le Bureau choisira habituellement les dispositions civiles lorsqu'une entreprise
recourt à une politique de bas prix de concert avec d'autres genres
de comportement anticoncurrentiel faisant l'objet d'un examen plus vaste en
vertu des dispositions sur l'abus de position dominante. Enfin, pour en arriver
à sa décision d'entreprendre une poursuite civile ou criminelle,
le Bureau soupèse à la lumière des circonstances l'efficacité
des mesures que peut imposer le Tribunal de la concurrence en vertu de l'article
79 en comparaison des sanctions criminelles possibles en vertu de l'article
50.
5. Autres instruments de règlement des cas
Dans les cas qui s'y prêtent, le Bureau tente de résoudre l'affaire
sans entreprendre une enquête formelle ni entamer des poursuites judiciaires.
Cette approche permet de réduire l'incertitude, de gagner du temps
et d'éviter les longues démarches devant les cours. Des engagements
écrits (de faire ou de ne pas faire quelque chose) peuvent éliminer
la nécessité d'une intervention supplémentaire du Bureau.
Le Bureau peut accepter des engagements s'ils pallient les effets de l'activité
anticoncurrentielle. Le Bureau peut résoudre certaines affaires simplement
en communiquant avec l'entreprise en cause et en lui expliquant les dispositions
de la loi.
Table des matières
Partie 4 : Les éléments des prix déraisonnablement
bas
Si les seuils pour un examen décrits à la partie 3 sont atteints,
le Bureau analyse la situation pour déterminer si les éléments
d'une infraction sont réunis. La présente partie indique comment
le Bureau interprète les différents éléments qui
doivent être démontrés en vertu des alinéas 50(1)b)
et 50(1)c).
Il faut noter qu'un facteur donné peut influer sur plusieurs éléments
d'une infraction. Par exemple, le comportement précis d'une entreprise
ou les effets anticoncurrentiels réels de ce comportement peuvent servir
de preuve à la fois de l'aptitude de l'entreprise à exercer une
puissance commerciale et de sa politique de vente à des prix déraisonnablement
bas. Pareillement, un même facteur peut se rapporter à des éléments
tant de l'alinéa 50(1)b) que de l'alinéa 50(1)c).
Le Bureau examine tous ces éléments en sachant que les décisions
quant aux prix sont prises dans le contexte complexe et dynamique du marché.
Il est important de noter que pour conclure à une infraction aux dispositions,
il faut que tous les éléments de l'infraction soient prouvés.
Les éléments des alinéas 50(1)b) et 50(1)c)
sont les suivants :
1. l'entreprise ou la personne visée par des allégations doit
exploiter une entreprise;
2. les bas prix doivent s'inscrire dans une « politique de vente
de produits »;
3. la politique doit avoir au moins un des effets ou objets suivants :
- l'effet ou la tendance de réduire sensiblement la concurrence;
- l'effet ou la tendance d'éliminer un concurrent;
- être destinée à réduire sensiblement la concurrence;
- être destinée à éliminer un concurrent.
Les deux dispositions se distinguent des points de vue suivants :
4. l'alinéa 50(1)b) exige la preuve d'une politique de vente
de produits à des prix inférieur dans une région du Canada
que dans une autre (« prix inférieurs à ceux qu'elle
exige ailleurs au Canada »);
5. l'alinéa 50(1)c) exige la preuve d'une politique de vente
de produits à des prix déraisonnablement bas.
1. Exploiter une entreprise (alinéas 50(1)b) et 50(1)c))
Les dispositions sur les prix déraisonnablement bas s'appliquent à
des personnes « exploitant une entreprise ». Selon la
définition du paragraphe 2(1) de la Loi, sont comprises parmi les « entreprises »
les entreprises :
(a) de fabrication, de production, de transport, d'acquisition, de fourniture,
d'emmagasinage et de tout autre commerce portant sur des articles;
(b) d'acquisition, de prestation de services et de tout autre commerce
portant sur des services.
Sont également comprises les entreprises qui recueillent des fonds
pour des ?uvres de bienfaisance ou autres ?uvres sans but lucratif.
2. Politique de vente de produits (alinéas 50(1)b) et 50(1)c))
Les alinéas 50(1)b) et 50(1)c) prévoient que
les bas prix doivent faire partie d'une « politique de vente de
produits ». Selon l'article 2 de la Loi, un produit peut être
un article ou un service.
Dans le cadre de ses réflexions, le Bureau tente
de déterminer si l'activité de vente de l'entreprise en cause
était une simple tactique concurrentielle légitime à
court terme ou si elle était suffisamment durable ou fréquente
pour être considérée comme une stratégie de prix.
Dans l'affaire R. c. The Producers Dairy Limited, La Cour d'appel de l'Ontario
a interprété le mot « politique » de façon
qu'il suppose davantage que l'adoption par une entreprise d'une mesure temporaire
pour contrer un geste agressif posé par un concurrent visant un client
important. Elle a jugé que les bas prix en cause dans une affaire qu'elle
examinait, qui avaient duré deux jours, ne constituaient pas une politique.2
Dans R. c. Hoffmann-La Roche, la Cour d'appel de l'Ontario a affirmé
que les ventes ponctuelles n'étaient pas susceptibles de constituer
une politique; la vente devait plutôt être continue ou répétée.
Dans cette affaire, le tribunal a jugé que le fait de « donner »
des produits gratuitement pendant six mois constituait une politique de vente.3
Pour déterminer si les bas prix relèvent d'une politique, le
Bureau tient compte des circonstances. Dans Hoffmann-La Roche, la Cour a jugé
que pour considérer une pratique de prix comme une « politique
de vente », il fallait démontrer qu'elle était planifiée
et délibérée par des responsables de l'entreprise. Par
exemple, des éléments de preuve démontrant une démarche
visant à éliminer un concurrent en pratiquant des prix inférieurs
aux coûts peut indiquer que les prix s'inscrivent dans une démarche
planifiée.
Cependant, un prix particulier s'appliquant à une seule transaction
ou à un petit nombre de transactions sur le marché ne constituerait
vraisemblablement pas en soi une politique de prix déraisonnablement
bas. De même, des prix qui peuvent avoir été d'application
générale sur le marché uniquement pendant une brève
période ne représenteraient vraisemblablement pas le genre de
« politique de vente » visée par les alinéas
50(1)b) et 50(1)c) de la Loi. En revanche, dans les marchés
où la plupart des achats se font sur une courte période - comme
les marchés saisonniers et ceux où des appels d'offres occasionnels
représentent une grande partie des transactions du marché -,
le Bureau peut juger que des prix appliqués durant une courte période
traduisent une « politique de vente de produits » au sens
des dispositions.
Il est possible qu'une infraction soit commise même si la stratégie
de prix n'est pas entièrement exécutée. Le Bureau est
d'avis qu'il ne devrait pas avoir à attendre pour intervenir qu'une
politique de prix déraisonnablement bas produise un impact anticoncurrentiel
notable. Par ailleurs, pour qu'il y ait « politique de vente »,
il n'est pas nécessaire de démontrer que la pratique de bas
prix était officiellement autorisée par l'entreprise.
3. Impact sur la concurrence
En vertu de l'alinéa 50(1)b) aussi bien que de l'alinéa
50(1)c), il faut prouver que la politique avait au moins un des trois
effets anticoncurrentiels suivants :
(a) l'effet ou la tendance de réduire sensiblement la concurrence;
(b) l'effet ou la tendance d'éliminer un concurrent;
(c) être destinée à réduire sensiblement
la concurrence ou à éliminer un concurrent.
En ce qui concerne la discrimination géographique par les prix, l'alinéa
50(1)b) exige la preuve que la pratique de bas prix alléguée
relevait d'une politique de vente dans le marché géographique
en cause à des prix inférieurs à ceux pratiqués
en même temps ailleurs au Canada, et que la politique produisait l'effet
interdit (ou avait pour tendance ou être destiné à produire
cet effet) dans le marché géographique où les bas prix
étaient pratiqués. Pour cet alinéa, il n'est pas nécessaire
que les prix soient déraisonnablement bas. La disposition sur les prix
déraisonnablement bas de l'alinéa 50(1)c) s'applique
pour sa part à une politique de vente à des prix déraisonnablement
bas ayant les effets interdits, mais n'exige pas une comparaison des prix
pratiqués dans différents marchés géographiques
ou régions.
Le Bureau est d'avis que le mot « tendance » des alinéas
50(1)b) et 50(1)c) suppose davantage que la simple possibilité
que la politique produise les effets interdits. Pour éviter de juger
anticoncurrentiels des prix relevant d'une saine concurrence, le Bureau considère
que ce mot exige la preuve que la politique de bas prix, si elle est maintenue,
aura probablement un effet interdit.
Lorsque la politique alléguée de prix déraisonnablement
bas a déjà produit des effets économiques vérifiables
et mesurables, ceux-ci peuvent servir à évaluer l'étendue
du tort causé à la concurrence et aux concurrents. Cependant,
lorsque la politique en cause n'a pas été en place assez longtemps
pour produire cet effet, le Bureau évalue la probabilité qu'elle
nuise éventuellement à la concurrence. Une politique de prix
déraisonnablement bas pratiquée par une entreprise qui dispose
d'importantes ressources financières par rapport à ses concurrents
sera plus susceptible de produire des effets interdits par la Loi. Ce genre
d'entreprise peut être mieux en mesure de survivre à ses concurrents
en cas de période prolongée de prix réduits.
De la même façon, la Loi interdit à quiconque exploite
une entreprise d'adopter des politiques de bas prix conçues pour réduire
sensiblement la concurrence ou pour éliminer un concurrent même
lorsqu'une telle politique n'est pas efficace ou si elle n'est pas appliquée
assez longtemps pour produire les effets recherchés.
Les effets, tendances ou objets qui doivent être prouvés en
vertu des alinéas 50(1)b) et 50(1)c) sont examinés
ci-dessous.
(a) Effet ou tendance de réduire sensiblement la concurrence
En général, en droit de la concurrence, une réduction
sensible de la concurrence survient lorsqu'une pratique, une politique ou
un fusionnement anticoncurrentiel crée, perpétue ou rehausse
une puissance commerciale - c'est-à-dire l'aptitude d'influencer
les prix, la qualité, le service ou l'innovation, de façon
rentable et relativement indépendante des forces du marché.
Une réduction sensible de la concurrence ne suppose pas nécessairement
la création ou la perpétuation d'un monopole ou l'élimination
de virtuellement toutes les autres sources de concurrence dans un marché.
Le degré et la durée de la réduction de la concurrence
sont pertinents pour déterminer l'étendue de la puissance
commerciale, mais des critères numériques rigides (comme un
certain pourcentage d'augmentation des prix pendant un certain nombre d'années)
ne sont pas nécessaires. Une explication détaillée
des sources de la puissance commerciale et de son impact figure dans le
document du Bureau, Fusionnements - Lignes directrices pour l'application
de la loi, ainsi que dans divers jugements du Tribunal de la concurrence.4
Les principaux indicateurs de puissance commerciale sont les parts de marché
et les niveaux de concentration dans un marché pertinent ainsi que
les barrières à l'entrée dans ce marché. Cependant,
le comportement d'une entreprise peut aussi être important. L'aptitude
de se livrer à un comportement visant à éliminer, exclure
ou discipliner les concurrents peut être en soi une bonne indication
d'une puissance commerciale.
Niveaux de concentration et parts de marché
Le niveau de concentration du marché et la part de marché
détenue par l'entreprise pratiquant les bas prix sont des facteurs
déterminants de la puissance commerciale qu'elle peut exercer. La
concentration du marché est le degré auquel les fournisseurs
principaux contrôlent l'offre d'un produit dans un marché.
Elle se mesure d'après le nombre de fournisseurs sur le marché
et leur part de marché. Le Bureau est d'avis que plus la concentration
est élevée dans le marché pertinent, plus il est probable
qu'une politique de prix inférieurs aux coûts nuira à
la concurrence et aux concurrents. Lorsqu'une entreprise établie
fait l'objet d'allégations voulant qu'elle pratique une politique
de bas prix, le Bureau analyse l'impact de la politique alléguée
sur les niveaux de concentration et les parts de marché. Il doit
déterminer si cette politique a servi à maintenir ou augmenter
la part de marché de l'entreprise en cause.
Des parts de marché qui demeurent constamment élevées
peuvent être un indicateur d'une puissance commerciale car elles dépendent
de l'aptitude à empêcher les concurrents existants ou nouveaux
d'augmenter leur part de la demande. Cela peut se faire par des moyens légitimes,
comme une plus grande efficacité ou des produits supérieurs,
ou des moyens inappropriés, comme un comportement anticoncurrentiel.
Les différences entre les parts de marché peuvent aussi être
un facteur important. Par exemple, une entreprise détenant une part
de marché relativement modérée peut être en mesure
d'exercer une puissance commerciale si cette part de marché est sensiblement
plus grande que celle de ses rivales.
Comme on l'a vu plus haut dans l'analyse des facteurs pris en considération
pour l'application de la loi, le Bureau ne s'attardera habituellement qu'à
des cas où l'entreprise établie qui pratique des bas prix
détient une part de marché d'au moins 35 p. 100.
Conditions de l'entrée et de la sortie
Les barrières à l'entrée ou à la sortie peuvent
créer ou consolider une puissance commerciale. Lorsque l'entrée
dans un marché est impossible ou difficile, une entreprise pourra
plus facilement récupérer les pertes qu'elle a encourues en
raison de ses prix inférieurs aux coûts. Après l'élimination
d'un concurrent, les barrières à l'entrée permettront
à l'entreprise d'augmenter ses prix sans attirer de nouveaux concurrents
dans le marché.
i) Barrières structurelles
Parmi les barrières à l'entrée ou à la sortie
figurent des éléments structurels qui empêchent ou
inhibent l'entrée de nouvelles entreprises dans un marché,
ou la sortie d'entreprises qui y sont présentes. Les barrières
au commerce international et interprovincial, les coûts irrécupérables
et les exigences réglementaires sont des exemples de barrières
structurelles.
Les nouveaux concurrents sont souvent désavantagés au plan
des coûts par rapport aux entreprises établies, surtout lorsque
la production ou les ventes ne sont initialement pas suffisantes pour
réaliser des économies d'échelle ou de gamme. Les
barrières tarifaires et non tarifaires au commerce international,
comme le contingentement et les restrictions quant à la propriété,
imposent aux éventuels concurrents étrangers des coûts
que les entreprises du pays n'ont pas à supporter. De même,
les barrières interprovinciales au commerce et le contrôle
réglementaire de l'entrée peuvent s'avérer pour les
éventuels nouveaux concurrents des barrières considérables,
voire insurmontables, à l'entrée. Par exemple, la nécessité
d'obtenir l'approbation d'un organisme gouvernemental de réglementation
pour entrer dans un marché ou une industrie peut constituer une
barrière en termes du délai, des coûts et des risques
associés à l'entrée.
La rareté des intrants de production ou l'inaccessibilité
de la technologie nécessaire peuvent aussi représenter un
important désavantage économique pour les éventuels
nouveaux concurrents. Dans certains cas, les intrants et la technologie
nécessaires peuvent être contrôlés par les acteurs
actuels de l'industrie, y compris l'entreprise en cause. Les entreprises
peuvent être intégrées au point où elles contrôlent
sensiblement les sources de matières premières servant au
processus de production en aval, ou détenir des brevets pour les
produits ou procédés nécessaires à la production
efficace des biens en cause. De tels contrôles, même s'ils
ont été obtenus de façon légitime, peuvent
représenter des barrières à l'entrée efficace
de concurrents dans les marchés en cause.
Les coûts irrécupérables peuvent entraver l'entrée
de deux façons. D'abord, ils peuvent être si importants par
rapport aux coûts totaux de l'entrée et au taux de rentabilité
prévu qu'ils peuvent dissuader l'entrée ou allonger le délai
requis pour devenir un concurrent efficace. Ensuite, même si ces
barrières n'entravent pas entièrement l'entrée, elles
peuvent faire en sorte que des entreprises limitent leur présence
sur le marché en vue de réduire les risques financiers.
Il se peut alors que ces entreprises soient incapables de livrer une concurrence
efficace aux entreprises établies.
Un exemple courant de coûts irrécupérables est l'investissement
dans des éléments d'actif propres à un marché.
Ainsi dans certaines industries manufacturières, l'équipement
hautement spécialisé servant à la production d'articles
particuliers peut n'avoir que peu ou pas de valeur à d'autres fins.
Lorsque de tels coûts irrécupérables constituent une
part importante de l'investissement requis pour l'entrée ou l'expansion
dans un marché, ils sont considérés par les éventuels
nouveaux concurrents comme des investissements risqués.
ii) Barrières à l'entrée relevant du comportement
La puissance commerciale d'une entreprise peut être rehaussée
par un comportement qui crée ou renforce des barrières à
l'entrée. Dans toute industrie donnée, il peut y avoir plusieurs
facteurs qui permettent de tirer parti de la différenciation des
produits. Des facteurs non reliés au prix, comme le service technique,
la réputation, la proximité géographique et même
de solides rapports entre acheteurs et vendeurs peuvent influer sur les
décisions d'achat et favoriser l'entreprise établie. Lorsque
de tels facteurs non reliés au prix paraissent être importants
pour réaliser rapidement le chiffre d'affaires nécessaire
au succès, ils peuvent faire obstacle à l'entrée
efficace et viable dans un marché.
Le comportement stratégique d'une entreprise établie peut
aussi rendre l'entrée plus difficile. Une entreprise peut se livrer
à un comportement susceptible de nuire aux rivaux existants ou
éventuels, en vue de les dissuader. Le commissaire tentera de déterminer
si l'entrée a été entravée ou retardée
par des comportements tels que les suivants :
- l'utilisation par une entreprise établie de capacité
de production excédentaire pour augmenter la production et causer
une chute des prix face à une tentative d'entrée;
- l'investissement excessif dans la recherche-développement ou
la publicité par une entreprise établie;
- l'acquisition préemptive par une entreprise établie
d'intrants dont un nouveau concurrent aurait besoin pour entrer dans
le marché;
- l'augmentation de la capacité par une entreprise établie
dans un but préemptif.
Parmi les barrières à la sortie peuvent figurer les coûts
irrécupérables et d'autres coûts comme des exigences
réglementaires qui imposent d'importants coûts aux entreprises
quittant un marché. Par exemple, la réglementation environnementale
peut contraindre une entreprise à dépolluer un lieu de production
lorsqu'elle cesse de l'exploiter. Les barrières à la sortie
peuvent augmenter la tentation d'une entreprise de vendre à des
prix inférieurs aux coûts pour discipliner des concurrents
afin qu'ils livrent une concurrence moins vive ou qu'ils mettent fin à
une réduction des prix. Elles peuvent également augmenter
la probabilité que des concurrents augmentent les prix plutôt
que de quitter le marché.
iii) Barrières à l'entrée relevant de la réputation
Une entreprise peut aussi dissuader les nouveaux concurrents en se donnant
la réputation de pratiquer des prix déraisonnablement bas.
En démontrant sa disposition à pratiquer des prix inférieurs
aux coûts, une entreprise peut indiquer aux concurrents éventuels
qu'elle réagira agressivement s'ils tentent de s'introduire sur
ses marchés. La création d'une barrière à
l'entrée fondée sur la renommée peut augmenter la
puissance commerciale d'une entreprise et les effets d'exclusion de son
comportement.
Si l'entreprise établie parvient à convaincre le nouvel
arrivant que face à sa présence ou son expansion dans le
marché, elle se livrera à une stratégie de prix déraisonnablement
bas, le nouvel arrivant renoncera à son expansion et pourrait quitter
le marché. L'entreprise établie se donne ainsi la réputation
de pratiquer des prix déraisonnablement bas, dissuadant l'arrivée
ou l'expansion d'autres entreprises dans ce marché ou dans d'autres
marchés où l'entreprise établie est présente.
Dans tout marché, le recours à une politique de prix déraisonnablement
bas en vue de créer une réputation est plus probable lorsque
l'entreprise en cause est présente dans plus d'un marché
géographique ou marché de produits. Une entreprise établie
ayant d'amples ressources financières peut exploiter cet avantage
pour l'aider à assumer les coûts de sa stratégie de
prix. Si le financement d'un nouvel arrivant dépend de sa rentabilité
dans le temps, la politique de bas prix d'une entreprise établie
peut réduire l'accès du nouvel arrivant à du capital
et augmenter ses coûts de financement. Dès lors, une politique
de vente à bas prix est plus susceptible d'avoir l'effet, la tendance
ou l'objet interdits par les alinéas 50(1)b) et 50(1)c).
Pour déterminer si une entreprise a une réputation en matière
de prix déraisonnablement bas, le Bureau effectuera une analyse
prenant en compte l'historique du marché et celui d'autres marchés
où l'entreprise n'est pas présente. Pour déterminer
si une entreprise fait face à moins de concurrence que d'autres
entreprises dans des marchés semblables, le Bureau tiendra compte
des éléments suivants :
(i) si la concentration des entreprises est plus grande dans les marchés
où l'entreprise est présente que dans des marchés
semblables où elle ne l'est pas;
(ii) si le chiffre d'affaires et les bénéfices de l'entreprise
dans les marchés où elle est présente sont plus
élevés pendant une période importante que ce n'est
généralement le cas pour les entreprises présentes
dans des marchés semblables;
(iii) si les bas prix pratiqués par l'entreprise dans le passé
ont entraîné le départ de concurrents pendant une
longue période après la fin de la politique de prix;
(iv) si des prix élevés n'ont pas réussi à
attirer de nouveaux concurrents dans le marché.
En évaluant la probabilité de l'arrivée
de nouveaux concurrents, le Bureau prend en considération le délai
qu'il faudrait probablement pour que l'entreprise augmente ses prix et
récupère les coûts de sa stratégie de prix.
Comme approximation, le Bureau adoptera au départ une période
de deux ans et l'ajustera selon la nature de l'industrie. Par exemple,
dans une industrie où l'investissement et les connaissances nécessaires
sont minimes et où il est déjà arrivé que
des concurrents efficaces s'établissent rapidement, le Bureau examinera
la possibilité que de nouveaux concurrents arrivent par suite d'une
forte augmentation des prix sur une période sensiblement plus courte
que deux ans. Si l'arrivée de nouveaux concurrents est probable
dans le délai pertinent, la probabilité de récupérer
les pertes dues à une stratégie de bas prix est réduite.
L'approche à l'égard des conditions à l'entrée
est examinée plus amplement dans le document Fusionnements
- Lignes directrices pour l'application de la loi.5
iv) Aptitude à récupérer les pertes
Lorsqu'une entreprise jouit d'une puissance commerciale, elle peut plus
facilement récupérer les revenus qu'elle a perdus en raison
de ses prix inférieurs aux coûts. Une telle aptitude à
récupérer les pertes - que ce soit sur le marché
où les bas prix étaient pratiqués ou sur un autre
marché - est une indication supplémentaire de puissance
commerciale. Une entreprise peut être en mesure de récupérer
ses pertes en augmentant ses prix sensiblement pendant une courte période
ou en les augmentant petit à petit sur une période plus
longue pendant laquelle l'arrivée de nouveaux concurrents n'est
guère probable. Par ailleurs, une entreprise peut récupérer
les pertes encourues dans un marché en exerçant une puissance
commerciale dans un autre marché de produits ou un autre marché
géographique. Le fait qu'une entreprise ait la
réputation de pratiquer des prix déraisonnablement bas peut
dissuader ses concurrents d'abaisser leurs prix ou de prendre de l'expansion
et de nouveaux concurrents possibles d'arriver sur un marché, de
crainte de provoquer une réaction agressive. De tels effets dus
à la réputation peuvent augmenter la puissance commerciale
d'une entreprise et ainsi faire en sorte qu'elle puisse plus facilement
récupérer ses pertes. La pratique de bas prix peut aussi
être justifiée par d'autres considérations. Par exemple,
une entreprise peut avoir intérêt à adopter une politique
de bas prix et à sacrifier les bénéfices dans l'immédiat
pour protéger la stabilité à long terme de la structure
existante d'un marché. De plus, une politique de bas prix peut
aider à établir une norme dans l'industrie en vue d'exclure
les autres ou de perpétuer le contrôle du marché.6
Le Bureau est d'avis que bien que l'aptitude à récupérer
les coûts continuera à être un élément
à considérer, il ne s'agit pas d'un élément
à prouver en vertu des alinéas 50(1)b) et 50(1)c).
(b) Effet ou tendance d'éliminer un concurrent
Pour conclure qu'un concurrent a été éliminé,
le Bureau doit être convaincu qu'un concurrent a de fait cessé
d'exploiter une entreprise ou, pour toute autre raison, n'est plus en mesure
d'être un concurrent efficace dans un marché donné.
Une stratégie de prix qui dissuade de nouveaux concurrents d'entrer
dans un marché constitue également une forme d'élimination
de concurrents et le Bureau considérera qu'un tel comportement correspond
à cet élément de l'infraction.
Dans les cas où la pratique alléguée de bas prix n'a
pas subsisté suffisamment longtemps pour éliminer un concurrent
mais aura vraisemblablement cet effet si elle se poursuit, cet aspect de
l'infraction est aussi considéré comme étant présent.
Pour déterminer si l'élimination d'un concurrent est un résultat
probable d'une politique de bas prix, le Bureau examine à titre d'éléments
de preuve la situation financière du concurrent et les prévisions
quant à sa viabilité future dans le marché afin de
déterminer s'il y a une probabilité qu'il soit éliminé
suite à la politique de bas prix. Le Bureau communique également
avec les nouveaux arrivants éventuels pour déterminer l'effet
qu'a eu ou que pourrait avoir la politique de prix déraisonnablement
bas sur leurs projets d'entrée dans le marché.
(c) Être destinée à réduire sensiblement la
concurrence ou d'éliminer un concurrent
Une politique de bas prix peut aussi contrevenir aux alinéas 50(1)b)
et 50(1)c) lorsqu'elle est « destinée »
à avoir pour effet de réduire sensiblement la concurrence
ou d'éliminer un concurrent. Le Bureau est d'avis que cet élément
est vérifié si la preuve est faite que l'accusé s'est
livré au comportement interdit en vue d'entraîner un des deux
effets en cause même si la stratégie est complètement
inefficace en regard de son objectif.
La question est ici différente de celle qui se pose dans les autres
scénarios en ce sens que le Bureau recherche la preuve de l'intention
quant à l'objet de la politique. Cette preuve peut être directe
ou indirecte. Le Bureau examine plusieurs facteurs, y compris par exemple
l'ampleur des réductions de prix et des pertes encourues en conséquence;
l'absence d'autres justifications pour les réductions (comme la présence
d'une capacité excédentaire dans le marché ou la nécessité
de disposer de biens périssables); et toute preuve documentaire ou
orale décrivant l'intention de l'entreprise en cause. L'intention
de la politique peut être déduit selon ces facteurs et d'autres
facteurs entourant l'adoption de la politique de bas prix.
4. Prix inférieurs à ceux pratiqués ailleurs au Canada
(alinéa 50(1)b))
L'alinéa 50(1)b) exige de faire la preuve qu'une personne s'est
livrée à une politique de vente de produits « dans
quelque région du Canada, à des prix inférieurs à
ceux qu'elle exige ailleurs au Canada ».
Il n'est pas inhabituel que les mêmes produits soient vendus en même
temps à des prix différents dans différents marchés
géographiques. Les prix peuvent être influencés par des
différences dans les coûts, la demande ou l'intensité
de la concurrence locale. Exiger qu'une entreprise pratique les mêmes
prix dans tous les marchés où elle est présente risquerait
d'entraver la concurrence légitime par les prix. Par exemple, une entreprise
pourrait choisir de renoncer à des réductions de prix concurrentielles
dans un marché donné si elle était tenue d'appliquer
les mêmes réductions dans tous ses marchés. C'est pourquoi
le Bureau ne fait pas enquête dans chaque cas où il y a des différences
de prix entre différents marchés géographiques au Canada.
Plutôt, pour éviter d'inhiber la concurrence légitime,
il fait enquête uniquement lorsque la vente d'un produit à un
prix plus bas dans un marché local que dans un autre marché
au Canada nuira éventuellement à la concurrence (voir la partie
3 ci-dessus).
5. Prix « déraisonnablement bas » (alinéa
50(1)c))
L'alinéa 50(1)c) exige que la preuve soit faite d'une politique
de vente de produits « à des prix déraisonnablement
bas ». Le Bureau considère que ces mots englobent davantage
que le montant des prix ou leur rapport aux coûts. L'analyse du Bureau
tient également compte du contexte dans lequel l'entreprise livre concurrence.
Ce qui peut de prime abord sembler correspondre à des prix déraisonnablement
bas peut être en fait une réaction justifiable au comportement
d'un concurrent ou à d'autres conditions du marché.
i) Comparaison prix-coûts
Pour déterminer si un prix donné est suffisamment bas pour
être considéré « déraisonnable »,
le Bureau détermine si l'entreprise pratiquant le prix est en mesure
de recouvrer les coûts de la fourniture du produit en cause. La justification
de cette analyse fondée sur les coûts tient au fait qu'il est
raisonnable de prévoir qu'une entreprise fera en sorte de recouvrer
ses coûts. Une entreprise qui pratique des prix insuffisants pour
ce faire et qui n'a pas d'autre justification commerciale légitime
pour ces prix ne satisfera pas au critère du Bureau axé sur
les coûts.
En appliquant le critère fondé sur les coûts, le Bureau
considère les coûts évitables comme étant le
concept de coûts pertinent. Les coûts évitables sont
tous ceux qui auraient pu être évités par une entreprise
si elle avait choisi de ne pas vendre le produit en cause. En général,
les coûts évitables ne comprennent pas les coûts irrécupérables.
Aux fins de l'analyse prix-coûts, deux questions liées au
temps doivent être prises en considération : la période
sur laquelle porte l'analyse fondée sur les coûts et la période
sur laquelle les coûts de l'entreprise sont évitables. Le tout
dépend de la disponibilité de données sur les prix
et les coûts, de la période sur laquelle portent les allégations
de prix déraisonnablement bas et de la nécessité de
prendre en considération les fluctuations aléatoires de la
demande. Le second aspect dépend également en partie du délai
normal que prend la direction d'une entreprise pour évaluer le rendement
commercial et mettre en ?uvre tout changement qui s'impose.
Habituellement, une entreprise vendant plusieurs produits encourt des coûts
qui sont communs à la production de tous ses produits ou des produits
d'un groupe donné. Ainsi, lorsque le Bureau applique son critère
fondé sur les coûts par suite d'une allégation de prix
déraisonnablement bas visant seulement un des produits de l'entreprise,
il considérera les coûts communs encourus dans la production
de ce produit comme étant inévitables et les exclura donc
de son analyse. Il reconnaît ainsi que l'entreprise devra toujours
encourir ces coûts afin de produire d'autres produits qui ne sont
pas visés par l'allégation de prix déraisonnablement
bas. Le critère fondé sur les coûts évitables
appliqué par le Bureau n'exige pas que l'entreprise recouvre ses
coûts intégralement répartis.
À défaut de justification commerciale, le Bureau considérera
qu'un prix inférieur aux coûts évitables est déraisonnable
puisque dans une situation commerciale normale, une politique de vente à
un prix inférieur à cette mesure des coûts maximiserait
les profits uniquement en raison de ses effets anticoncurrentiels. Une entreprise
pratiquant des prix inférieurs aux coûts évitables aurait
plutôt avantage à cesser complètement la production
ou à augmenter ses prix.
ii) Justifications commerciales de bas prix
La jurisprudence se rapportant à l'alinéa 50(1)c)
exige que le Bureau prenne en considération les objectifs commerciaux
légitimes pouvant justifier la pratique de bas prix.7
Par exemple, il peut être raisonnable qu'une entreprise vende à
des prix inférieurs aux coûts des biens excédentaires,
désuets ou périssables, ou des biens à l'égard
desquels la demande est en baisse. Dans le cas d'augmentations des coûts
ou de diminutions de la demande qui sont temporaires, une entreprise peut
recourir à des prix inférieurs aux coûts pour conserver
ses clients existants ou demeurer en position d'augmenter ses ventes. Les
entreprises peuvent pratiquer des prix inférieurs aux coûts
à titre promotionnel, pour convaincre les clients d'essayer un nouveau
produit. Une entreprise peut également pratiquer des prix inférieurs
aux coûts en même temps qu'elle lance la production à
grande échelle, pour acquérir rapidement l'expérience
qui lui permettra de devenir plus efficace à l'avenir et ainsi récupérer
ses coûts. Dans chaque cas, le Bureau examine le contexte concurrentiel
particulier de la pratique de prix en cause sans privilégier aucun
facteur en particulier.
Il peut également y avoir d'autres motifs commerciaux légitimes
pour pratiquer des prix inférieurs aux coûts. Il peut s'agir
par exemple de vouloir demeurer concurrentiel face aux bas prix pratiqués
par un concurrent. Ainsi, lorsqu'un nouveau concurrent pratique des prix
réduits pour s'établir dans le marché, une entreprise
établie peut réagir en adoptant les mêmes prix à
court terme. La jurisprudence confirme que le fait de réagir à
la concurrence peut dans certaines circonstances constituer une défense
face à des accusations entourant des prix inférieurs aux coûts.
En général, le Bureau ne considérerait pas une telle
situation comme un cas de prix déraisonnablement bas. Pour déterminer
si le fait d'adopter les prix de la concurrence est anticoncurrentiel, le
Bureau examine chaque situation pour préciser les faits et les circonstances
susceptibles de justifier la politique de bas prix en fonction de motifs
commerciaux légitimes. Le Bureau prendra notamment en considération
le fait qu'il y ait ou non une différence qualitative entre les produits
offerts par les entreprises rivales. Ainsi, lorsque deux produits sont vendus
au même prix mais qu'un d'entre eux est supérieur à
l'autre au plan de la qualité ou du service, le prix réel
du produit supérieur est inférieur. En pareil cas, si l'entreprise
qui adopte le prix d'un concurrent pratique un prix inférieur à
ses coûts évitables, le Bureau peut prendre des mesures d'application
de la loi en vertu de cet article. De plus, le Bureau prendra en compte
la longueur de la période pendant laquelle les bas prix sont offerts
sur le marché et les éventuelles indications selon lesquelles
l'entreprise ayant adopté le prix d'un concurrent prend des mesures
pour réduire ses coûts afin de demeurer concurrentielle ainsi
que l'aptitude de l'entreprise pratiquant présumément des
bas prix de livrer concurrence grâce à l'innovation ou à
des méthodes autres que de fixer les prix sous ses coûts évitables.
Table des matières
Partie 5 : Bas prix lors de l'expansion dans un nouveau marché
Les prix déraisonnablement bas suscitent des inquiétudes lorsqu'une
entreprise établie tente de protéger ou de développer sa
position dominante sur le marché en dissuadant ou en disciplinant des
nouveaux arrivants. Il peut toutefois y avoir des circonstances où une
entreprise bien établie entre dans un nouveau marché et tente
d'y améliorer sa position en pratiquant des prix déraisonnablement
bas. Cette éventualité n'est guère probable lorsque la
part de marché du nouvel arrivant est relativement modeste et qu'il n'a
pas d'activités sur d'autres marchés, mais elle devient plus plausible
lorsque l'entreprise exploite des entreprises semblables sur d'autres marchés,
si elle dispose d'importantes ressources financières et si elle a agi
de façon agressivement concurrentielle, voire anticoncurrentielle, dans
d'autres marchés. Un nouvel arrivant qui a des activités ailleurs
pourrait financer sa stratégie de bas prix grâce aux bénéfices
qu'il réalise sur d'autres marchés. Il faut aussi voir si une
entreprise s'est déjà livrée à des comportements
semblables sur d'autres marchés. Par ailleurs, si elle relève
d'une société mère disposant d'amples ressources financières
ou d'un accès supérieur au financement, elle peut être mieux
en mesure d'arriver sur un nouveau marché et d'y supporter des pertes
pendant une longue période.
En toute logique, un nouvel arrivant sur un marché est initialement
susceptible de se livrer à une forme de promotion par les prix en y proposant
des produits à un prix inférieur à celui qu'il pratique
dans ses autres marchés. Pour déterminer si les bas prix sont
problématiques, le Bureau tiendra compte de la longueur de la période
de promotion, de l'ampleur des différences de prix par rapport à
ses autres marchés, du fait que le nouvel arrivant ait ou non réussi
à établir une présence dans le nouveau marché et
depuis combien de temps, ainsi que des conditions de concurrence dans le nouveau
marché.
En toute hypothèse, en cas de plainte soutenant qu'un nouvel arrivant
pratique des prix déraisonnablement bas, le Bureau applique l'analyse
décrite ci-dessus. Le Bureau est plus susceptible de conclure qu'un nouvel
arrivant pratique des prix déraisonnablement bas s'il constate que :
- la pratique en matière de prix répond aux critères
décrits dans les présentes lignes directrices;
- il n'y a pas d'autre explication raisonnable pour la pratique;
- la pratique nuirait à la concurrence dans le marché;
- les prix du nouvel arrivant sont inférieurs aux prix qu'il pratique
ailleurs pour les mêmes produits dans des conditions de concurrence
semblables.
En examinant les autres explications de la conduite observée, ainsi
que ses effets, le Bureau évalue si le nouvel arrivant est plus efficient
que l'entreprise déjà en place, offre plus ou moins de variété,
est plus ou moins attirant pour les consommateurs et peut recouvrer ses coûts
évitables en tenant compte de l'entreprise déjà en place
dans le marché.
En évaluant l'incidence de la conduite du nouvel arrivant, le Bureau
cherche à déterminer si la poursuite des activités du nouvel
arrivant mènera vraisemblablement à l'élimination de concurrents
ainsi qu'à des prix plus élevés et autres coûts aux
consommateurs (p. ex., des frais de transport) et si les coûts du nouvel
arrivant sont semblables ou supérieurs à ceux d'entreprises existantes.
D'après ces critères, le Bureau peut conclure que la politique
de bas prix aurait un impact négatif sur la concurrence dans le marché.
Table des matières
Partie 6 : Les différentes mesures d'application de
la Loi
Lorsqu'un examen préliminaire mène à une enquête
formelle, diverses mesures peuvent en découler. Ces mesures sont énumérées
ci-dessous, y compris le programme d'avis consultatifs du Bureau qui vise à
indiquer aux entreprises si le comportement commercial qu'ils envisagent est
susceptible de soulever des questions en vertu de la Loi sur la concurrence.
1. Poursuite
Si le Bureau conclut qu'une entreprise a commis une infraction, il peut recommander
au procureur général de porter des accusations criminelles.
Le procureur général décidera alors de suivre ou non
la recommandation. Une personne jugée coupable d'une infraction en
vertu des alinéas 50(1)b) ou 50(1)c) peut se voir imposer
une peine de prison maximale de deux ans ou une amende.
2. Autres mesures correctives
Les mesures applicables en cas de comportement anticoncurrentiel ne se limitent
pas à celles découlant d'une poursuite devant les tribunaux
ou d'une procédure devant le Tribunal de la concurrence. En vertu de
l'article 34 de la Loi sur la concurrence, le procureur général
peut demander une ordonnance d'interdiction pour une période maximum
de dix ans pour mettre fin à un comportement qui constitue une infraction
ou tend à la perpétration d'une infraction. Dans les situations
urgentes, le procureur général du Canada peut en vertu de l'article
33 demander une injonction provisoire de suspendre le comportement en cause
en attendant qu'une poursuite ou des procédures prévues au paragraphe
34(2) soient engagées ou achevées.
Au lieu de procédures formelles en application de la Loi, le commissaire
a la latitude de recourir à d'autres instruments de règlement
des cas. Ces moyens moins formels sont décrits dans le Bulletin d'information
sur le continuum d'observation de la loi du Bureau.
3. Abandon d'une enquête
Si le commissaire conclut que les éléments de preuve n'établissent
pas les éléments des alinéas 50(1)b) ou 50(1)c),
l'enquête est abandonnée. Le commissaire produit alors un rapport
formel à l'intention du ministre de l'Industrie décrivant l'information
obtenue et la raison de l'abandon. Par la suite, l'entreprise qui faisait
l'objet de l'examen ainsi que le ou les plaignants sont avisés par
écrit de l'abandon de l'enquête.
4. Droit de recours civil
L'article 36 de la Loi prévoit par ailleurs un droit de poursuite
privée. Ce recours est possible s'il y a eu infraction aux dispositions
criminelles de la Loi ou défaut d'observation d'une ordonnance du Tribunal
de la concurrence ou d'un autre tribunal. Quiconque a subi une perte ou des
dommages par suite d'un comportement allant à l'encontre de l'article
50 peut poursuivre ceux qui se sont livrés au comportement anticoncurrentiel.
Des dommages-intérêts équivalant à la perte ou
aux dommages peuvent être accordés si la preuve nécessaire
est faite par la personne exerçant le recours.
5. Programme d'avis consultatifs
Une entreprise peut vérifier si une activité éventuelle
est susceptible de contrevenir à la Loi en présentant le projet
ou la pratique en cause au Bureau. Celui-ci peut alors donner un avis consultatif
indiquant si la situation soulève des questions liées à
la concurrence. Les parties ne sont pas liées par l'avis et l'entreprise
demeure libre d'adopter le projet ou la pratique en dépit d'un avis
consultatif négatif. Le Bureau demeure également libre de réexaminer
l'activité si les faits changent. Si le projet de loi C-23 est adopté,
les avis consultatifs lieront le commissaire pourvu que la situation de fait
demeure inchangée.
Notes
1 L'article 79 prévoit que
le Tribunal de la concurrence peut rendre à l'encontre d'une entreprise
des ordonnances visant son comportement ou sa structure pour pallier les effets
d'une pratique d'agissements anticoncurrentiels. En vertu de l'article 79, le
Tribunal n'a pas le pouvoir d'imposer des amendes ou des peines de prison. Cependant,
l'article 66 prévoit des sanctions criminelles pour défaut d'observation
d'une ordonnance du Tribunal. Par ailleurs, après l'adoption des modifications
à la Loi sur la concurrence contenues dans le projet de loi C-23
et visant l'industrie des transports aériens, le Tribunal de la concurrence
aura le pouvoir d'imposer à un transporteur aérien des sanctions
pécuniaires maximales de 15 millions de dollars lorsqu'il constate que
ce transporteur a abusé de sa position dominante sur le marché.
2 R. c. The Producers Dairy Ltd.
(1966), 50 C.P.R. (2d) 265. Voir aussi R. c. Carnation Co., (1968), 58 C.P.R.
112 (C.A. Alb.)
3 R. c. Hoffmann-La Roche (1980),
28 O.R. (2d) 164 confirmé (1981) 33 O.R. (2d) 694 (C.A.).
4 Voir par exemple Canada (Directeur
des enquêtes et recherches) c. NutraSweet Co. (1990), 32 C.P.R. (3e) 1
(Tribunal de la concurrence) et Canada (Directeur des enquêtes et recherches)
c. Laidlaw Waste Systems Ltd. (1992), 40 C.P.R. (3e) (Tribunal de la concurrence).
5 Voir partie 4.6, « Entraves
à l'accès »; et annexe I du document « Fusionnements
- Lignes directrices pour l'application de la loi ».
6 Australian Competition and Consumer
Commission v. Boral Limited et. al., FCA, Australie, février 2001.
7 R. c. Consumers Glass Co. (1981),
33 O.R. (2d) 228. Voir aussi Boehringer Ingelheim (Canada) Inc. c. Bristol-Myers
Squibb Canada Inc., Cour de justice de l'Ontario (Division générale),
le 9 octobre 1998, non publié - un recours privé exercé
en vertu de l'article 36 de la Loi sur la concurrence.