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Bureau de la concurrence du Canada

Bureau de la concurrence

Lignes directrices pour l'application de la Loi à l'égard de pratiques commerciales illégales : Politiques de prix déraisonnablement bas (en vertu des alinéas 50(1)b) et 50(1)c) de la Loi sur la concurrence)

Ébauche

(PDF : 96.8 Ko)

le 8 mars 2002


Avant-propos

La concurrence assure de nombreux avantages aux consommateurs, y compris celui de pouvoir trouver un choix de produits à des prix compétitifs. Les bas prix sont ordinairement un bon indicateur d'une saine concurrence. Cependant, si les prix concurrentiels et les bas prix sont en général bénéfiques aux clients et à la concurrence, certaines pratiques de prix peuvent avoir pour but ultime de fausser la concurrence à plus long terme. Ce genre de comportement indésirable en matière de prix peut profiter au consommateur à court terme, mais entraînera éventuellement des prix plus élevés et d'autres effets anticoncurrentiels. Les présentes lignes directrices visent les alinéas 50(1)b) et 50(1)c), qui définissent des infractions criminelles à l'égard de la discrimination géographique par les prix et de la vente de produits à des prix déraisonnablement bas.

Le Bureau de la concurrence (le « Bureau ») a publié en 1992 ses Lignes directrices pour l'application de la loi : Prix d'éviction pour clarifier sa politique et veiller à ce que le public comprenne quand des bas prix peuvent entraîner une enquête en vertu de la Loi sur la concurrence (la « Loi »). Ces lignes directrices, qui visaient uniquement l'alinéa 50(1)c), adoptaient une approche à deux volets de l'évaluation des prix déraisonnablement bas. Il s'agissait d'abord d'évaluer l'aptitude d'un présumé prédateur d'exercer une puissance commerciale lui permettant de récupérer les coûts encourus en raison d'une politique de prix déraisonnablement bas. Le deuxième volet consistait à déterminer si les prix en cause étaient inférieurs aux coûts variables moyens - c'est-à-dire le critère Areeda-Turner. Depuis lors cependant, il y a eu une évolution dans l'économie et dans les écoles de pensée au sujet de la pratique de prix déraisonnablement bas. Les lignes directrices ont donc été actualisées pour tenir compte de la perspective moderne sur les questions de prix déraisonnablement bas. L'approche adoptée dans les présentes lignes directrices comporte trois changements principaux.

D'abord, le concept de récupération des coûts ne servira plus comme premier critère d'analyse. Il est considéré plutôt comme une balise parmi d'autres pour déterminer si des politiques anticoncurrentielles de prix déraisonnablement bas ont été adoptées. La perspective de récupération des coûts continuera d'être prise en considération par le Bureau. Cependant, le Bureau estime que si l'aptitude de récupérer les coûts peut révéler une politique de prix déraisonnablement bas, elle n'est pas nécessairement un élément de preuve requis en vertu des alinéas 50(1)b) et 50(1)c).

Deuxièmement, en effectuant l'analyse des coûts et des revenus pour déterminer s'il y a vente à des prix inférieurs aux coûts, le Bureau s'appuiera sur le concept de « coûts évitables » plutôt que sur celui des coûts variables moyens ou des coûts totaux moyens prévus par les lignes directrices précédentes. Il s'avère que la notion de coûts variables moyens n'est pas clairement définie dans le contexte d'une entreprise produisant plusieurs produits. Par conséquent, le critère des coûts évitables est celui qui servira dans les analyses du Bureau visant tant les entreprises à produit unique que celles à produits multiples. Enfin, le Bureau a ajouté aux lignes directrices une section supplémentaire traitant expressément des prix déraisonnablement bas lorsqu'une entreprise prend de l'expansion dans un marché.

Le Bureau est conscient des conditions commerciales dans lesquelles les entreprises mènent leurs activités. Dans le contexte économique mondial qui est en constante évolution, elles doivent faire preuve de souplesse et d'innovation face à la concurrence. En ce qui concerne l'application de la loi, la transparence et la certitude sont dès lors essentielles. Les présentes lignes directrices expliquent comment le Bureau applique les dispositions pertinentes de la Loi, dans le but de dissuader les entreprises de se livrer à un comportement anticoncurrentiel tout en évitant d'inhiber une concurrence normale et saine par les prix.

Le commissaire de la concurrence,

 

Konrad von Finckenstein, c.r.


Interprétation

Les présentes lignes directrices ont préséance sur toutes les déclarations antérieures du commissaire de la concurrence (le « commissaire ») ou d'autres représentants du Bureau de la concurrence qui pourraient différer de ce qui y est énoncé.

Les lignes directrices expliquent l'approche générale du commissaire et du Bureau pour ce qui est de l'administration et de l'application de la loi. Elles ne visent pas à reformuler la loi ou à limiter la façon dont le commissaire exercera sa discrétion dans une situation particulière. Par conséquent, elles ne constituent pas un substitut de conseils juridiques. Les décisions du commissaire ou du procureur général du Canada en matière d'application de la loi, de même que la façon dont les affaires sont éventuellement résolues, dépendent des circonstances qui les entourent. Dans le cadre de son programme d'avis consultatifs, le Bureau offre sur demande une opinion sur une situation précise. Ces avis ne visent pas non plus à lier le procureur général ou à limiter sa discrétion pour ce qui est des poursuites visant des affaires relevant de la Loi. En dernier ressort, l'interprétation de la loi est la responsabilité des tribunaux.

Comment communiquer avec le Bureau de la concurrence

Les présentes lignes directrices et autres publications du Bureau sont accessibles sur Internet dans le site Web du Bureau. Pour obtenir des renseignements généraux, formuler une plainte en vertu des dispositions de la loi ou demander un avis consultatif, veuillez communiquer avec le Bureau aux coordonnées ci-dessous.

Centre des renseignements
Bureau de la concurrence
Industrie Canada
50, rue Victoria
Hull (Québec) K1A 0C9

Tél. : (819) 997-4282
Numéro sans frais : 1 800 348-5358
ATS (pour malentendants) : 1 800 642-3844

Télécopieur : (819) 997-0324
Télécopie à la demande : (819) 997-2869

Site Web : www.bc-cb.gc.ca

Courriel : burconcurrence@bc-cb.gc.ca


Table des matières

Partie 1 : Introduction

Partie 2 : Dispositions pertinentes

Partie 3 : Facteurs pris en considération dans l'application de la Loi

1. Seuils pour un examen
2. Examen préliminaire
3. Enquête formelle
4. La possibilité de procéder en vertu de l'article 79
5. Autres instruments de règlement des cas

Partie 4 : Les éléments des prix déraisonnablement bas

1. Exploiter une entreprise (alinéas 50(1)b) et 50(1)c))
2. Politique de vente de produits (alinéas 50(1)b) et 50(1)c))
3. Impact sur la concurrence
4. Prix inférieurs à ceux pratiqués ailleurs au Canada (alinéa 50(1)b))
5. Prix « déraisonnablement bas » (alinéa 50(1)c))

Partie 5 : Bas prix lors de l'expansion dans un nouveau marché

Partie 6 : Les différentes mesures d'application de la Loi

1. Poursuite
2. Autres mesures correctives
3. Abandon d'une enquête
4. Droit de recours civil
5. Programme d'avis consultatifs


Partie 1 : Introduction

Le but de la Loi sur la concurrence consiste à préserver et à favoriser la concurrence à titre de moyen principal d'atteindre d'importants objectifs économiques - notamment en assurant aux consommateurs les avantages de la concurrence en matière de prix et de choix tout en veillant à ce que les petites et moyennes entreprises puissent participer équitablement à l'activité économique au Canada.

Une vigoureuse concurrence par les prix est un signe caractéristique des marchés concurrentiels. En général, les bas prix sont le fruit de la concurrence et les consommateurs profitent de la rivalité entre les entreprises sur le marché. Compte tenu du fait que la Loi vise à protéger la concurrence, il peut sembler quelque peu étrange que l'on doive se soucier de prix déraisonnablement bas. Pourtant, si la Loi favorise une concurrence vigoureuse par les prix, elle veut également assurer dans les transactions commerciales la préséance d'une concurrence loyale et véritable et non de pratiques commerciales restrictives. Les prix déraisonnablement bas sont une de ces pratiques restrictives. Ils supposent une politique de vente de produits à des prix inférieurs aux coûts visant à dissuader de nouveaux concurrents ou éliminer des concurrents d'un marché. Les consommateurs peuvent profiter de prix inférieurs pendant une courte période, mais ils peuvent être lésés à long terme. Les bas prix peuvent en effet entraîner une réduction de la concurrence et, éventuellement, une augmentation des prix, une réduction de la qualité, du choix et de l'innovation des produits.

Il est très difficile de faire la distinction entre bas prix qui résultent en un comportement illégal et ceux découlant d'une rivalité concurrentielle légitime. Afin d'éviter d'inhiber la concurrence bénéfique par les prix, le Bureau procède avec prudence lorsqu'il envisage d'intervenir face à une pratique présumée de prix déraisonnablement bas.

Les lignes directrices comportent cinq parties :

  • la partie 2 décrit les dispositions de la Loi sur la concurrence concernant la discrimination géographique par les prix et les prix déraisonnablement bas (alinéas 50(1)b) et 50(1)c));
  • la partie 3 donne un aperçu de la façon dont le Bureau administre et applique la Loi. En particulier, elle traite de la façon dont le Bureau évalue les cas présumés de prix déraisonnablement bas afin d'assurer l'affectation de ses ressources en priorité aux cas les plus susceptibles de nuire à la concurrence;
  • la partie 4 explique comment le Bureau interprète les éléments précis qui doivent être prouvés pour conclure qu'il y a infraction aux alinéas 50(1)b) et 50(1)c);
  • la partie 5 explique comment le Bureau considère les bas prix résultant du fait qu'une entreprise bien établie dans un marché donné entreprend une expansion dans un nouveau marché;
  • la partie 6 décrit les différentes mesures d'application de la loi qui peuvent résulter d'allégations de prix déraisonnablement bas.

Table des matières

Partie 2 : Dispositions pertinentes

La Loi sur la concurrence contient des dispositions criminelles et des dispositions civiles. Les infractions criminelles entraînent des poursuites devant les tribunaux criminels et les contrevenants peuvent encourir d'importantes amendes, voire des peines de prison. Les affaires civiles relèvent du Tribunal de la concurrence, qui dispose du pouvoir de rendre des injonctions et des ordonnances correctives à l'égard de fusionnements et de pratiques anticoncurrentielles susceptibles d'empêcher ou de diminuer sensiblement la concurrence.

Les bas prix anticoncurrentiels peuvent soulever des questions en vertu de diverses dispositions de la Loi, mais surtout des alinéas 50(1)b) et 50(1)c), qui sont des dispositions criminelles, et des articles 78 et 79 qui sont les dispositions civiles concernant l'abus de position dominante. L'approche du Bureau en matière d'administration et d'application des articles 78 et 79 est décrite dans ses Lignes directrices pour l'application de la loi : Abus de position dominante.

La partie 4 des présentes lignes directrices présente un examen détaillé des principaux éléments des alinéas 50(1)b) et 50(1)c). On en retrouve un résumé ci-dessous.

Alinéas 50(1)b) et 50(1)c)

Les alinéas 50(1)b) et 50(1)c) prévoient ce qui suit :

Commet un acte criminel et encourt un emprisonnement maximal de deux ans toute personne qui, exploitant une entreprise, selon le cas... :

b) se livre à une politique de vente de produits, dans quelque région du Canada, à des prix inférieurs à ceux qu'elle exige ailleurs au Canada, cette politique ayant pour effet ou tendance de réduire sensiblement la concurrence ou d'éliminer dans une large mesure un concurrent dans cette partie du Canada ou étant destinée à avoir un semblable effet;

c) se livre à une politique de vente de produits à des prix déraisonnablement bas, cette politique ayant pour effet ou tendance de sensiblement réduire la concurrence ou éliminer un concurrent, ou étant destinée à avoir un semblable effet.

Les alinéas 50(1)b) et 50(1)c) ont en commun les éléments minimums suivants, qui doivent être prouvés hors de tout doute raisonnable pour qu'il y ait infraction :

1. l'entreprise ou la personne visée par des allégations doit exploiter une entreprise;

2. les bas prix doivent s'inscrire dans une « politique de vente de produits »;

3. la politique doit avoir au moins un des effets ou objets suivants :

  • l'effet ou la tendance de réduire sensiblement la concurrence;
  • l'effet ou la tendance d'éliminer un concurrent;
  • être destinée à réduire sensiblement la concurrence;
  • être destinée à éliminer un concurrent.

Les deux dispositions se distinguent des points de vue suivants :

4. l'alinéa 50(1)b) exige la preuve d'une politique de vente de produits à des prix inférieurs dans une région du Canada que dans une autre (« prix inférieurs à ceux qu'elle exige ailleurs au Canada »);

5. l'alinéa 50(1)c) exige la preuve d'une politique de vente de produits à des prix déraisonnablement bas.

Table des matières

Partie 3 : Facteurs pris en considération dans l'application de la Loi

En administrant et en appliquant la Loi sur la concurrence, l'objectif principal du Bureau consiste à protéger la concurrence. Dans les cas concernant les alinéas 50(1)b) et 50(1)c), le Bureau applique la Loi de façon à préserver et favoriser une concurrence saine et vigoureuse par les prix tout en dissuadant le comportement anticoncurrentiel. Un juste équilibre doit être trouvé afin de s'assurer que les comportements de bas prix véritablement nuisibles soient convenablement identifiés. Sans cela, une concurrence légitime par les prix pourrait être freinée alors qu'une activité anticoncurrentielle pourrait passer inaperçu.

En général, les plaintes que reçoit le Bureau au sujet de bas prix sont soumises par une entreprise soutenant que les prix excessivement bas pratiqués par un concurrent menacent de la contraindre (et peut-être d'autres) à quitter le marché. Les plaignants demandent habituellement au Bureau si les bas prix de leur concurrent justifie la prise de mesures d'application de la loi par le Bureau et quelles sont les étapes d'une enquête. Les plaignants soumettent ensuite au Bureau les renseignements pertinents à l'appui de leurs allégations, par exemple des renseignements sur les prix, sur l'ampleur et la durée des réductions de prix ainsi que sur les coûts. Le Bureau prend en considération la qualité des éléments de preuve, leur quantité et la probabilité qu'une enquête plus poussée permette de recueillir des éléments supplémentaires. Le Bureau tient également compte de la nécessité d'établir une priorité parmi ses dossiers pour utiliser efficacement ses ressources financières et humaines.

1. Seuils pour un examen

Lorsqu'il reçoit une plainte portant sur la pratique de bas prix, le Bureau réalise d'abord une évaluation préliminaire pour vérifier que le comportement allégué ne relève pas de la légitime concurrence par les prix et pour assurer la prise de mesures d'application de la loi lorsque des prix déraisonnablement bas risquent de nuire au processus de la concurrence. Par exemple, les plaintes concernant les bas prix révèlent quelquefois, vérification faite, que le concurrent vendait à des prix supérieurs à ses coûts. Les cours en sont arrivés à la conclusion que le fait de vendre à des prix qui sont supérieurs aux coûts ne peut jamais être déraisonnable et ne peut contrevenir aux alinéas 50(1)b) et 50(1)c).

Si les prix semblent être en-dessous des coûts, le Bureau définit alors le marché pertinent à la fois au plan géographique et au plan des produits. Le Bureau peut ainsi délimiter le domaine dans lequel les entreprises se livrent concurrence, l'étendue de cette concurrence et les effets que peuvent avoir sur la concurrence et les concurrents les agissements proscrits en vertu de la Loi. La définition du marché pertinent n'est pas une fin en soi mais fait partie d'un cadre d'analyse qui sert à déterminer les effets sur la concurrence d'un comportement anticoncurrentiel présumé.

La définition d'un marché pertinent tient compte d'une variété de facteurs. D'abord, il faut déterminer - tant par rapport à la demande que par rapport à l'offre - à quel point les produits en cause peuvent se substituer les uns aux autres. S'ils sont des substituts, ils sont dans un même marché. En outre, le Bureau doit se pencher sur les caractéristiques fonctionnelles des produits, y compris leurs caractéristiques physiques et techniques ainsi que leur utilisation finale. Les opinions, stratégies et agissements des vendeurs et des acheteurs importent également, surtout pour ce qui est de leurs réactions relativement aux prix des produits. Les coûts de transport et les tendances observées dans les livraisons peuvent également aider à définir les dimensions géographiques du marché.

Une fois le marché pertinent défini, il s'agit d'évaluer la probabilité que le comportement en cause nuira à la concurrence et, par conséquent, aux consommateurs. Les éléments suivants sont pris en considération :

  • une entreprise établie qui détient une part de marché inférieure à 35 p. 100 est jugée moins susceptible de se livrer à un comportement de prix déraisonnablement bas nuisible à la concurrence. Pour éviter de dissuader la concurrence légitime par les prix, le Bureau ne poursuivra pas son examen en ce qui concerne des allégations de prix déraisonnablement bas à moins que l'entreprise ait une part de marché considérablement supérieure à celle de ses rivaux.
  • si l'entreprise détient une part de marché supérieure à 35 p. 100 mais que les barrières à l'entrée sur le marché ne sont pas importantes, le Bureau conclura également que les bas prix sont plus susceptibles d'être du genre qui profite à l'économie, aux consommateurs et aux entreprises. Par conséquent, l'examen ne serait pas poursuivi;
  • lorsque l'entreprise détient une part de marché supérieure à 35 p. 100 ou que sa part de marché est considérablement supérieure à celle de ses rivaux et qu'il y a d'importantes barrières à l'entrée, le Bureau poursuivra son analyse pour déterminer s'il y a eu infraction aux alinéas 50(1)b) ou 50(1)c).

2. Examen préliminaire

Si les seuils décrits ci-dessus sont atteints, le Bureau poursuit son examen préliminaire de la conformité du comportement avec la Loi. Il le fait en tenant compte des éléments définissant une pratique de prix déraisonnablement bas décrits à la partie 4 des présentes lignes directrices. Le Bureau porte une attention particulière à la durée, à la fréquence, à l'étendue et aux tendances caractérisant le comportement de bas prix. Le Bureau examine également toute information accessible sur le rapport entre prix et coûts. Il reconnaît toutefois qu'à ce stade préliminaire du processus, l'accès à des renseignements sur les coûts de l'entreprise pratiquant de bas prix peut être limité. Lorsque l'entreprise pratiquant des bas prix est un nouveau concurrent sur le marché, le Bureau tente également de déterminer si les bas prix de l'entreprise relèvent d'une promotion de lancement temporaire ou d'un autre objectif commercial légitime justifiant des bas prix, comme la volonté de liquider un inventaire de produits périssables.

3. Enquête formelle

Au terme de l'examen préliminaire, le Bureau déterminera s'il y a ou non des motifs de croire qu'une infraction a été commise ou qu'elle le sera probablement. Le commissaire peut alors décider d'entreprendre une enquête formelle en vertu de la Loi pour déterminer tous les faits pertinents. La décision d'entreprendre une enquête formelle dépend du fait que la pratique de bas prix réponde ou non aux critères précisés dans la Loi.

Une fois qu'une enquête formelle est commencée, le Bureau peut avec l'autorisation d'une cour recourir à des pouvoirs formels pour recueillir des preuves supplémentaires sur les affaires faisant l'objet de l'enquête. Le Bureau peut ainsi demander des ordonnances autorisant la perquisition et l'interrogation de témoins sous serment ou exigeant la production de déclarations écrites ou de documents.

Au terme de l'enquête, le Bureau détermine la façon dont l'affaire devrait être résolue. La gamme des solutions possibles est décrite dans le Bulletin d'information sur le continuum d'observation de la loi publié par le Bureau.

4. La possibilité de procéder en vertu de l'article 79

Le Bureau peut également traiter des cas de prix déraisonnablement bas en vertu de l'article 79, la disposition de la Loi sur la concurrence concernant l'abus de position dominante. Il s'agit d'une disposition non criminelle (ou « civile ») qui vise les agissements abusifs d'une entreprise ou d'un groupe d'entreprises détenant sur le marché une position dominante et qui se livre à une pratique d'agissements anticoncurrentiels susceptibles d'empêcher ou de diminuer sensiblement la concurrence. L'article 79 permet au commissaire de la concurrence de demander au Tribunal de la concurrence, une instance spécialisée composée de juges et d'autres membres, de prendre les mesures justes et nécessaires pour pallier les effets d'une activité répondant aux critères de l'article 79.1 L'application de l'article 79 aux cas de prix déraisonnablement bas fait plus spécialement l'objet de la section 4.3 des Lignes directrices pour l'application de la loi : Abus de position dominante du Bureau.

Le Bureau se penchera sur les allégations de prix déraisonnablement bas en vertu de l'article 79 lorsqu'une entreprise ou un groupe d'entreprises exerce une dominance sur le marché. Pour déterminer s'il y a dominance, le Bureau examine les parts de marché et les barrières à l'entrée pour évaluer si les entreprises en cause contrôlent sensiblement ou complètement la catégorie ou le genre de commerce en cause.

Lorsque les critères correspondants sont vérifiés et que le comportement à l'égard des prix relève à la fois de l'alinéa 50(1)c) et de l'article 79 de la Loi sur la concurrence, les faits propres à chaque cas déterminent quelle disposition le Bureau invoquera pour résoudre la situation.

Si une entreprise a des antécédents d'inobservation de la Loi ou si la nature du comportement est notable, une poursuite en vertu de l'article 50, avec les sanctions punitives qui s'y rattachent, est indiquée.

Le Bureau choisira habituellement les dispositions civiles lorsqu'une entreprise recourt à une politique de bas prix de concert avec d'autres genres de comportement anticoncurrentiel faisant l'objet d'un examen plus vaste en vertu des dispositions sur l'abus de position dominante. Enfin, pour en arriver à sa décision d'entreprendre une poursuite civile ou criminelle, le Bureau soupèse à la lumière des circonstances l'efficacité des mesures que peut imposer le Tribunal de la concurrence en vertu de l'article 79 en comparaison des sanctions criminelles possibles en vertu de l'article 50.

5. Autres instruments de règlement des cas

Dans les cas qui s'y prêtent, le Bureau tente de résoudre l'affaire sans entreprendre une enquête formelle ni entamer des poursuites judiciaires. Cette approche permet de réduire l'incertitude, de gagner du temps et d'éviter les longues démarches devant les cours. Des engagements écrits (de faire ou de ne pas faire quelque chose) peuvent éliminer la nécessité d'une intervention supplémentaire du Bureau. Le Bureau peut accepter des engagements s'ils pallient les effets de l'activité anticoncurrentielle. Le Bureau peut résoudre certaines affaires simplement en communiquant avec l'entreprise en cause et en lui expliquant les dispositions de la loi.

Table des matières

Partie 4 : Les éléments des prix déraisonnablement bas

Si les seuils pour un examen décrits à la partie 3 sont atteints, le Bureau analyse la situation pour déterminer si les éléments d'une infraction sont réunis. La présente partie indique comment le Bureau interprète les différents éléments qui doivent être démontrés en vertu des alinéas 50(1)b) et 50(1)c).

Il faut noter qu'un facteur donné peut influer sur plusieurs éléments d'une infraction. Par exemple, le comportement précis d'une entreprise ou les effets anticoncurrentiels réels de ce comportement peuvent servir de preuve à la fois de l'aptitude de l'entreprise à exercer une puissance commerciale et de sa politique de vente à des prix déraisonnablement bas. Pareillement, un même facteur peut se rapporter à des éléments tant de l'alinéa 50(1)b) que de l'alinéa 50(1)c). Le Bureau examine tous ces éléments en sachant que les décisions quant aux prix sont prises dans le contexte complexe et dynamique du marché. Il est important de noter que pour conclure à une infraction aux dispositions, il faut que tous les éléments de l'infraction soient prouvés.

Les éléments des alinéas 50(1)b) et 50(1)c) sont les suivants :

1. l'entreprise ou la personne visée par des allégations doit exploiter une entreprise;

2. les bas prix doivent s'inscrire dans une « politique de vente de produits »;

3. la politique doit avoir au moins un des effets ou objets suivants :

  • l'effet ou la tendance de réduire sensiblement la concurrence;
  • l'effet ou la tendance d'éliminer un concurrent;
  • être destinée à réduire sensiblement la concurrence;
  • être destinée à éliminer un concurrent.

Les deux dispositions se distinguent des points de vue suivants :

4. l'alinéa 50(1)b) exige la preuve d'une politique de vente de produits à des prix inférieur dans une région du Canada que dans une autre (« prix inférieurs à ceux qu'elle exige ailleurs au Canada »);

5. l'alinéa 50(1)c) exige la preuve d'une politique de vente de produits à des prix déraisonnablement bas.

1. Exploiter une entreprise (alinéas 50(1)b) et 50(1)c))

Les dispositions sur les prix déraisonnablement bas s'appliquent à des personnes « exploitant une entreprise ». Selon la définition du paragraphe 2(1) de la Loi, sont comprises parmi les « entreprises » les entreprises :

(a) de fabrication, de production, de transport, d'acquisition, de fourniture, d'emmagasinage et de tout autre commerce portant sur des articles;

(b) d'acquisition, de prestation de services et de tout autre commerce portant sur des services.

Sont également comprises les entreprises qui recueillent des fonds pour des ?uvres de bienfaisance ou autres ?uvres sans but lucratif.

2. Politique de vente de produits (alinéas 50(1)b) et 50(1)c))

Les alinéas 50(1)b) et 50(1)c) prévoient que les bas prix doivent faire partie d'une « politique de vente de produits ». Selon l'article 2 de la Loi, un produit peut être un article ou un service.

Dans le cadre de ses réflexions, le Bureau tente de déterminer si l'activité de vente de l'entreprise en cause était une simple tactique concurrentielle légitime à court terme ou si elle était suffisamment durable ou fréquente pour être considérée comme une stratégie de prix. Dans l'affaire R. c. The Producers Dairy Limited, La Cour d'appel de l'Ontario a interprété le mot « politique » de façon qu'il suppose davantage que l'adoption par une entreprise d'une mesure temporaire pour contrer un geste agressif posé par un concurrent visant un client important. Elle a jugé que les bas prix en cause dans une affaire qu'elle examinait, qui avaient duré deux jours, ne constituaient pas une politique.2 Dans R. c. Hoffmann-La Roche, la Cour d'appel de l'Ontario a affirmé que les ventes ponctuelles n'étaient pas susceptibles de constituer une politique; la vente devait plutôt être continue ou répétée. Dans cette affaire, le tribunal a jugé que le fait de « donner » des produits gratuitement pendant six mois constituait une politique de vente.3

Pour déterminer si les bas prix relèvent d'une politique, le Bureau tient compte des circonstances. Dans Hoffmann-La Roche, la Cour a jugé que pour considérer une pratique de prix comme une « politique de vente », il fallait démontrer qu'elle était planifiée et délibérée par des responsables de l'entreprise. Par exemple, des éléments de preuve démontrant une démarche visant à éliminer un concurrent en pratiquant des prix inférieurs aux coûts peut indiquer que les prix s'inscrivent dans une démarche planifiée.

Cependant, un prix particulier s'appliquant à une seule transaction ou à un petit nombre de transactions sur le marché ne constituerait vraisemblablement pas en soi une politique de prix déraisonnablement bas. De même, des prix qui peuvent avoir été d'application générale sur le marché uniquement pendant une brève période ne représenteraient vraisemblablement pas le genre de « politique de vente » visée par les alinéas 50(1)b) et 50(1)c) de la Loi. En revanche, dans les marchés où la plupart des achats se font sur une courte période - comme les marchés saisonniers et ceux où des appels d'offres occasionnels représentent une grande partie des transactions du marché -, le Bureau peut juger que des prix appliqués durant une courte période traduisent une « politique de vente de produits » au sens des dispositions.

Il est possible qu'une infraction soit commise même si la stratégie de prix n'est pas entièrement exécutée. Le Bureau est d'avis qu'il ne devrait pas avoir à attendre pour intervenir qu'une politique de prix déraisonnablement bas produise un impact anticoncurrentiel notable. Par ailleurs, pour qu'il y ait « politique de vente », il n'est pas nécessaire de démontrer que la pratique de bas prix était officiellement autorisée par l'entreprise.

3. Impact sur la concurrence

En vertu de l'alinéa 50(1)b) aussi bien que de l'alinéa 50(1)c), il faut prouver que la politique avait au moins un des trois effets anticoncurrentiels suivants :

(a) l'effet ou la tendance de réduire sensiblement la concurrence;

(b) l'effet ou la tendance d'éliminer un concurrent;

(c) être destinée à réduire sensiblement la concurrence ou à éliminer un concurrent.

En ce qui concerne la discrimination géographique par les prix, l'alinéa 50(1)b) exige la preuve que la pratique de bas prix alléguée relevait d'une politique de vente dans le marché géographique en cause à des prix inférieurs à ceux pratiqués en même temps ailleurs au Canada, et que la politique produisait l'effet interdit (ou avait pour tendance ou être destiné à produire cet effet) dans le marché géographique où les bas prix étaient pratiqués. Pour cet alinéa, il n'est pas nécessaire que les prix soient déraisonnablement bas. La disposition sur les prix déraisonnablement bas de l'alinéa 50(1)c) s'applique pour sa part à une politique de vente à des prix déraisonnablement bas ayant les effets interdits, mais n'exige pas une comparaison des prix pratiqués dans différents marchés géographiques ou régions.

Le Bureau est d'avis que le mot « tendance » des alinéas 50(1)b) et 50(1)c) suppose davantage que la simple possibilité que la politique produise les effets interdits. Pour éviter de juger anticoncurrentiels des prix relevant d'une saine concurrence, le Bureau considère que ce mot exige la preuve que la politique de bas prix, si elle est maintenue, aura probablement un effet interdit.
Lorsque la politique alléguée de prix déraisonnablement bas a déjà produit des effets économiques vérifiables et mesurables, ceux-ci peuvent servir à évaluer l'étendue du tort causé à la concurrence et aux concurrents. Cependant, lorsque la politique en cause n'a pas été en place assez longtemps pour produire cet effet, le Bureau évalue la probabilité qu'elle nuise éventuellement à la concurrence. Une politique de prix déraisonnablement bas pratiquée par une entreprise qui dispose d'importantes ressources financières par rapport à ses concurrents sera plus susceptible de produire des effets interdits par la Loi. Ce genre d'entreprise peut être mieux en mesure de survivre à ses concurrents en cas de période prolongée de prix réduits.
De la même façon, la Loi interdit à quiconque exploite une entreprise d'adopter des politiques de bas prix conçues pour réduire sensiblement la concurrence ou pour éliminer un concurrent même lorsqu'une telle politique n'est pas efficace ou si elle n'est pas appliquée assez longtemps pour produire les effets recherchés.

Les effets, tendances ou objets qui doivent être prouvés en vertu des alinéas 50(1)b) et 50(1)c) sont examinés ci-dessous.

(a) Effet ou tendance de réduire sensiblement la concurrence

En général, en droit de la concurrence, une réduction sensible de la concurrence survient lorsqu'une pratique, une politique ou un fusionnement anticoncurrentiel crée, perpétue ou rehausse une puissance commerciale - c'est-à-dire l'aptitude d'influencer les prix, la qualité, le service ou l'innovation, de façon rentable et relativement indépendante des forces du marché. Une réduction sensible de la concurrence ne suppose pas nécessairement la création ou la perpétuation d'un monopole ou l'élimination de virtuellement toutes les autres sources de concurrence dans un marché.

Le degré et la durée de la réduction de la concurrence sont pertinents pour déterminer l'étendue de la puissance commerciale, mais des critères numériques rigides (comme un certain pourcentage d'augmentation des prix pendant un certain nombre d'années) ne sont pas nécessaires. Une explication détaillée des sources de la puissance commerciale et de son impact figure dans le document du Bureau, Fusionnements - Lignes directrices pour l'application de la loi, ainsi que dans divers jugements du Tribunal de la concurrence.4

Les principaux indicateurs de puissance commerciale sont les parts de marché et les niveaux de concentration dans un marché pertinent ainsi que les barrières à l'entrée dans ce marché. Cependant, le comportement d'une entreprise peut aussi être important. L'aptitude de se livrer à un comportement visant à éliminer, exclure ou discipliner les concurrents peut être en soi une bonne indication d'une puissance commerciale.

Niveaux de concentration et parts de marché

Le niveau de concentration du marché et la part de marché détenue par l'entreprise pratiquant les bas prix sont des facteurs déterminants de la puissance commerciale qu'elle peut exercer. La concentration du marché est le degré auquel les fournisseurs principaux contrôlent l'offre d'un produit dans un marché. Elle se mesure d'après le nombre de fournisseurs sur le marché et leur part de marché. Le Bureau est d'avis que plus la concentration est élevée dans le marché pertinent, plus il est probable qu'une politique de prix inférieurs aux coûts nuira à la concurrence et aux concurrents. Lorsqu'une entreprise établie fait l'objet d'allégations voulant qu'elle pratique une politique de bas prix, le Bureau analyse l'impact de la politique alléguée sur les niveaux de concentration et les parts de marché. Il doit déterminer si cette politique a servi à maintenir ou augmenter la part de marché de l'entreprise en cause.
Des parts de marché qui demeurent constamment élevées peuvent être un indicateur d'une puissance commerciale car elles dépendent de l'aptitude à empêcher les concurrents existants ou nouveaux d'augmenter leur part de la demande. Cela peut se faire par des moyens légitimes, comme une plus grande efficacité ou des produits supérieurs, ou des moyens inappropriés, comme un comportement anticoncurrentiel.

Les différences entre les parts de marché peuvent aussi être un facteur important. Par exemple, une entreprise détenant une part de marché relativement modérée peut être en mesure d'exercer une puissance commerciale si cette part de marché est sensiblement plus grande que celle de ses rivales.

Comme on l'a vu plus haut dans l'analyse des facteurs pris en considération pour l'application de la loi, le Bureau ne s'attardera habituellement qu'à des cas où l'entreprise établie qui pratique des bas prix détient une part de marché d'au moins 35 p. 100.

Conditions de l'entrée et de la sortie

Les barrières à l'entrée ou à la sortie peuvent créer ou consolider une puissance commerciale. Lorsque l'entrée dans un marché est impossible ou difficile, une entreprise pourra plus facilement récupérer les pertes qu'elle a encourues en raison de ses prix inférieurs aux coûts. Après l'élimination d'un concurrent, les barrières à l'entrée permettront à l'entreprise d'augmenter ses prix sans attirer de nouveaux concurrents dans le marché.

i) Barrières structurelles

Parmi les barrières à l'entrée ou à la sortie figurent des éléments structurels qui empêchent ou inhibent l'entrée de nouvelles entreprises dans un marché, ou la sortie d'entreprises qui y sont présentes. Les barrières au commerce international et interprovincial, les coûts irrécupérables et les exigences réglementaires sont des exemples de barrières structurelles.

Les nouveaux concurrents sont souvent désavantagés au plan des coûts par rapport aux entreprises établies, surtout lorsque la production ou les ventes ne sont initialement pas suffisantes pour réaliser des économies d'échelle ou de gamme. Les barrières tarifaires et non tarifaires au commerce international, comme le contingentement et les restrictions quant à la propriété, imposent aux éventuels concurrents étrangers des coûts que les entreprises du pays n'ont pas à supporter. De même, les barrières interprovinciales au commerce et le contrôle réglementaire de l'entrée peuvent s'avérer pour les éventuels nouveaux concurrents des barrières considérables, voire insurmontables, à l'entrée. Par exemple, la nécessité d'obtenir l'approbation d'un organisme gouvernemental de réglementation pour entrer dans un marché ou une industrie peut constituer une barrière en termes du délai, des coûts et des risques associés à l'entrée.

La rareté des intrants de production ou l'inaccessibilité de la technologie nécessaire peuvent aussi représenter un important désavantage économique pour les éventuels nouveaux concurrents. Dans certains cas, les intrants et la technologie nécessaires peuvent être contrôlés par les acteurs actuels de l'industrie, y compris l'entreprise en cause. Les entreprises peuvent être intégrées au point où elles contrôlent sensiblement les sources de matières premières servant au processus de production en aval, ou détenir des brevets pour les produits ou procédés nécessaires à la production efficace des biens en cause. De tels contrôles, même s'ils ont été obtenus de façon légitime, peuvent représenter des barrières à l'entrée efficace de concurrents dans les marchés en cause.
Les coûts irrécupérables peuvent entraver l'entrée de deux façons. D'abord, ils peuvent être si importants par rapport aux coûts totaux de l'entrée et au taux de rentabilité prévu qu'ils peuvent dissuader l'entrée ou allonger le délai requis pour devenir un concurrent efficace. Ensuite, même si ces barrières n'entravent pas entièrement l'entrée, elles peuvent faire en sorte que des entreprises limitent leur présence sur le marché en vue de réduire les risques financiers. Il se peut alors que ces entreprises soient incapables de livrer une concurrence efficace aux entreprises établies.

Un exemple courant de coûts irrécupérables est l'investissement dans des éléments d'actif propres à un marché. Ainsi dans certaines industries manufacturières, l'équipement hautement spécialisé servant à la production d'articles particuliers peut n'avoir que peu ou pas de valeur à d'autres fins. Lorsque de tels coûts irrécupérables constituent une part importante de l'investissement requis pour l'entrée ou l'expansion dans un marché, ils sont considérés par les éventuels nouveaux concurrents comme des investissements risqués.

ii) Barrières à l'entrée relevant du comportement

La puissance commerciale d'une entreprise peut être rehaussée par un comportement qui crée ou renforce des barrières à l'entrée. Dans toute industrie donnée, il peut y avoir plusieurs facteurs qui permettent de tirer parti de la différenciation des produits. Des facteurs non reliés au prix, comme le service technique, la réputation, la proximité géographique et même de solides rapports entre acheteurs et vendeurs peuvent influer sur les décisions d'achat et favoriser l'entreprise établie. Lorsque de tels facteurs non reliés au prix paraissent être importants pour réaliser rapidement le chiffre d'affaires nécessaire au succès, ils peuvent faire obstacle à l'entrée efficace et viable dans un marché.

Le comportement stratégique d'une entreprise établie peut aussi rendre l'entrée plus difficile. Une entreprise peut se livrer à un comportement susceptible de nuire aux rivaux existants ou éventuels, en vue de les dissuader. Le commissaire tentera de déterminer si l'entrée a été entravée ou retardée par des comportements tels que les suivants :

  • l'utilisation par une entreprise établie de capacité de production excédentaire pour augmenter la production et causer une chute des prix face à une tentative d'entrée;
  • l'investissement excessif dans la recherche-développement ou la publicité par une entreprise établie;
  • l'acquisition préemptive par une entreprise établie d'intrants dont un nouveau concurrent aurait besoin pour entrer dans le marché;
  • l'augmentation de la capacité par une entreprise établie dans un but préemptif.

Parmi les barrières à la sortie peuvent figurer les coûts irrécupérables et d'autres coûts comme des exigences réglementaires qui imposent d'importants coûts aux entreprises quittant un marché. Par exemple, la réglementation environnementale peut contraindre une entreprise à dépolluer un lieu de production lorsqu'elle cesse de l'exploiter. Les barrières à la sortie peuvent augmenter la tentation d'une entreprise de vendre à des prix inférieurs aux coûts pour discipliner des concurrents afin qu'ils livrent une concurrence moins vive ou qu'ils mettent fin à une réduction des prix. Elles peuvent également augmenter la probabilité que des concurrents augmentent les prix plutôt que de quitter le marché.

iii) Barrières à l'entrée relevant de la réputation

Une entreprise peut aussi dissuader les nouveaux concurrents en se donnant la réputation de pratiquer des prix déraisonnablement bas. En démontrant sa disposition à pratiquer des prix inférieurs aux coûts, une entreprise peut indiquer aux concurrents éventuels qu'elle réagira agressivement s'ils tentent de s'introduire sur ses marchés. La création d'une barrière à l'entrée fondée sur la renommée peut augmenter la puissance commerciale d'une entreprise et les effets d'exclusion de son comportement.

Si l'entreprise établie parvient à convaincre le nouvel arrivant que face à sa présence ou son expansion dans le marché, elle se livrera à une stratégie de prix déraisonnablement bas, le nouvel arrivant renoncera à son expansion et pourrait quitter le marché. L'entreprise établie se donne ainsi la réputation de pratiquer des prix déraisonnablement bas, dissuadant l'arrivée ou l'expansion d'autres entreprises dans ce marché ou dans d'autres marchés où l'entreprise établie est présente. Dans tout marché, le recours à une politique de prix déraisonnablement bas en vue de créer une réputation est plus probable lorsque l'entreprise en cause est présente dans plus d'un marché géographique ou marché de produits. Une entreprise établie ayant d'amples ressources financières peut exploiter cet avantage pour l'aider à assumer les coûts de sa stratégie de prix. Si le financement d'un nouvel arrivant dépend de sa rentabilité dans le temps, la politique de bas prix d'une entreprise établie peut réduire l'accès du nouvel arrivant à du capital et augmenter ses coûts de financement. Dès lors, une politique de vente à bas prix est plus susceptible d'avoir l'effet, la tendance ou l'objet interdits par les alinéas 50(1)b) et 50(1)c).

Pour déterminer si une entreprise a une réputation en matière de prix déraisonnablement bas, le Bureau effectuera une analyse prenant en compte l'historique du marché et celui d'autres marchés où l'entreprise n'est pas présente. Pour déterminer si une entreprise fait face à moins de concurrence que d'autres entreprises dans des marchés semblables, le Bureau tiendra compte des éléments suivants :

(i) si la concentration des entreprises est plus grande dans les marchés où l'entreprise est présente que dans des marchés semblables où elle ne l'est pas;

(ii) si le chiffre d'affaires et les bénéfices de l'entreprise dans les marchés où elle est présente sont plus élevés pendant une période importante que ce n'est généralement le cas pour les entreprises présentes dans des marchés semblables;

(iii) si les bas prix pratiqués par l'entreprise dans le passé ont entraîné le départ de concurrents pendant une longue période après la fin de la politique de prix;

(iv) si des prix élevés n'ont pas réussi à attirer de nouveaux concurrents dans le marché.

En évaluant la probabilité de l'arrivée de nouveaux concurrents, le Bureau prend en considération le délai qu'il faudrait probablement pour que l'entreprise augmente ses prix et récupère les coûts de sa stratégie de prix. Comme approximation, le Bureau adoptera au départ une période de deux ans et l'ajustera selon la nature de l'industrie. Par exemple, dans une industrie où l'investissement et les connaissances nécessaires sont minimes et où il est déjà arrivé que des concurrents efficaces s'établissent rapidement, le Bureau examinera la possibilité que de nouveaux concurrents arrivent par suite d'une forte augmentation des prix sur une période sensiblement plus courte que deux ans. Si l'arrivée de nouveaux concurrents est probable dans le délai pertinent, la probabilité de récupérer les pertes dues à une stratégie de bas prix est réduite. L'approche à l'égard des conditions à l'entrée est examinée plus amplement dans le document Fusionnements - Lignes directrices pour l'application de la loi.5

iv) Aptitude à récupérer les pertes

Lorsqu'une entreprise jouit d'une puissance commerciale, elle peut plus facilement récupérer les revenus qu'elle a perdus en raison de ses prix inférieurs aux coûts. Une telle aptitude à récupérer les pertes - que ce soit sur le marché où les bas prix étaient pratiqués ou sur un autre marché - est une indication supplémentaire de puissance commerciale. Une entreprise peut être en mesure de récupérer ses pertes en augmentant ses prix sensiblement pendant une courte période ou en les augmentant petit à petit sur une période plus longue pendant laquelle l'arrivée de nouveaux concurrents n'est guère probable. Par ailleurs, une entreprise peut récupérer les pertes encourues dans un marché en exerçant une puissance commerciale dans un autre marché de produits ou un autre marché géographique. Le fait qu'une entreprise ait la réputation de pratiquer des prix déraisonnablement bas peut dissuader ses concurrents d'abaisser leurs prix ou de prendre de l'expansion et de nouveaux concurrents possibles d'arriver sur un marché, de crainte de provoquer une réaction agressive. De tels effets dus à la réputation peuvent augmenter la puissance commerciale d'une entreprise et ainsi faire en sorte qu'elle puisse plus facilement récupérer ses pertes. La pratique de bas prix peut aussi être justifiée par d'autres considérations. Par exemple, une entreprise peut avoir intérêt à adopter une politique de bas prix et à sacrifier les bénéfices dans l'immédiat pour protéger la stabilité à long terme de la structure existante d'un marché. De plus, une politique de bas prix peut aider à établir une norme dans l'industrie en vue d'exclure les autres ou de perpétuer le contrôle du marché.6

Le Bureau est d'avis que bien que l'aptitude à récupérer les coûts continuera à être un élément à considérer, il ne s'agit pas d'un élément à prouver en vertu des alinéas 50(1)b) et 50(1)c).

(b) Effet ou tendance d'éliminer un concurrent

Pour conclure qu'un concurrent a été éliminé, le Bureau doit être convaincu qu'un concurrent a de fait cessé d'exploiter une entreprise ou, pour toute autre raison, n'est plus en mesure d'être un concurrent efficace dans un marché donné. Une stratégie de prix qui dissuade de nouveaux concurrents d'entrer dans un marché constitue également une forme d'élimination de concurrents et le Bureau considérera qu'un tel comportement correspond à cet élément de l'infraction.

Dans les cas où la pratique alléguée de bas prix n'a pas subsisté suffisamment longtemps pour éliminer un concurrent mais aura vraisemblablement cet effet si elle se poursuit, cet aspect de l'infraction est aussi considéré comme étant présent. Pour déterminer si l'élimination d'un concurrent est un résultat probable d'une politique de bas prix, le Bureau examine à titre d'éléments de preuve la situation financière du concurrent et les prévisions quant à sa viabilité future dans le marché afin de déterminer s'il y a une probabilité qu'il soit éliminé suite à la politique de bas prix. Le Bureau communique également avec les nouveaux arrivants éventuels pour déterminer l'effet qu'a eu ou que pourrait avoir la politique de prix déraisonnablement bas sur leurs projets d'entrée dans le marché.

(c) Être destinée à réduire sensiblement la concurrence ou d'éliminer un concurrent

Une politique de bas prix peut aussi contrevenir aux alinéas 50(1)b) et 50(1)c) lorsqu'elle est « destinée » à avoir pour effet de réduire sensiblement la concurrence ou d'éliminer un concurrent. Le Bureau est d'avis que cet élément est vérifié si la preuve est faite que l'accusé s'est livré au comportement interdit en vue d'entraîner un des deux effets en cause même si la stratégie est complètement inefficace en regard de son objectif.

La question est ici différente de celle qui se pose dans les autres scénarios en ce sens que le Bureau recherche la preuve de l'intention quant à l'objet de la politique. Cette preuve peut être directe ou indirecte. Le Bureau examine plusieurs facteurs, y compris par exemple l'ampleur des réductions de prix et des pertes encourues en conséquence; l'absence d'autres justifications pour les réductions (comme la présence d'une capacité excédentaire dans le marché ou la nécessité de disposer de biens périssables); et toute preuve documentaire ou orale décrivant l'intention de l'entreprise en cause. L'intention de la politique peut être déduit selon ces facteurs et d'autres facteurs entourant l'adoption de la politique de bas prix.

4. Prix inférieurs à ceux pratiqués ailleurs au Canada (alinéa 50(1)b))

L'alinéa 50(1)b) exige de faire la preuve qu'une personne s'est livrée à une politique de vente de produits « dans quelque région du Canada, à des prix inférieurs à ceux qu'elle exige ailleurs au Canada ».

Il n'est pas inhabituel que les mêmes produits soient vendus en même temps à des prix différents dans différents marchés géographiques. Les prix peuvent être influencés par des différences dans les coûts, la demande ou l'intensité de la concurrence locale. Exiger qu'une entreprise pratique les mêmes prix dans tous les marchés où elle est présente risquerait d'entraver la concurrence légitime par les prix. Par exemple, une entreprise pourrait choisir de renoncer à des réductions de prix concurrentielles dans un marché donné si elle était tenue d'appliquer les mêmes réductions dans tous ses marchés. C'est pourquoi le Bureau ne fait pas enquête dans chaque cas où il y a des différences de prix entre différents marchés géographiques au Canada. Plutôt, pour éviter d'inhiber la concurrence légitime, il fait enquête uniquement lorsque la vente d'un produit à un prix plus bas dans un marché local que dans un autre marché au Canada nuira éventuellement à la concurrence (voir la partie 3 ci-dessus).

5. Prix « déraisonnablement bas » (alinéa 50(1)c))

L'alinéa 50(1)c) exige que la preuve soit faite d'une politique de vente de produits « à des prix déraisonnablement bas ». Le Bureau considère que ces mots englobent davantage que le montant des prix ou leur rapport aux coûts. L'analyse du Bureau tient également compte du contexte dans lequel l'entreprise livre concurrence. Ce qui peut de prime abord sembler correspondre à des prix déraisonnablement bas peut être en fait une réaction justifiable au comportement d'un concurrent ou à d'autres conditions du marché.

i) Comparaison prix-coûts

Pour déterminer si un prix donné est suffisamment bas pour être considéré « déraisonnable », le Bureau détermine si l'entreprise pratiquant le prix est en mesure de recouvrer les coûts de la fourniture du produit en cause. La justification de cette analyse fondée sur les coûts tient au fait qu'il est raisonnable de prévoir qu'une entreprise fera en sorte de recouvrer ses coûts. Une entreprise qui pratique des prix insuffisants pour ce faire et qui n'a pas d'autre justification commerciale légitime pour ces prix ne satisfera pas au critère du Bureau axé sur les coûts.

En appliquant le critère fondé sur les coûts, le Bureau considère les coûts évitables comme étant le concept de coûts pertinent. Les coûts évitables sont tous ceux qui auraient pu être évités par une entreprise si elle avait choisi de ne pas vendre le produit en cause. En général, les coûts évitables ne comprennent pas les coûts irrécupérables.

Aux fins de l'analyse prix-coûts, deux questions liées au temps doivent être prises en considération : la période sur laquelle porte l'analyse fondée sur les coûts et la période sur laquelle les coûts de l'entreprise sont évitables. Le tout dépend de la disponibilité de données sur les prix et les coûts, de la période sur laquelle portent les allégations de prix déraisonnablement bas et de la nécessité de prendre en considération les fluctuations aléatoires de la demande. Le second aspect dépend également en partie du délai normal que prend la direction d'une entreprise pour évaluer le rendement commercial et mettre en ?uvre tout changement qui s'impose.

Habituellement, une entreprise vendant plusieurs produits encourt des coûts qui sont communs à la production de tous ses produits ou des produits d'un groupe donné. Ainsi, lorsque le Bureau applique son critère fondé sur les coûts par suite d'une allégation de prix déraisonnablement bas visant seulement un des produits de l'entreprise, il considérera les coûts communs encourus dans la production de ce produit comme étant inévitables et les exclura donc de son analyse. Il reconnaît ainsi que l'entreprise devra toujours encourir ces coûts afin de produire d'autres produits qui ne sont pas visés par l'allégation de prix déraisonnablement bas. Le critère fondé sur les coûts évitables appliqué par le Bureau n'exige pas que l'entreprise recouvre ses coûts intégralement répartis.

À défaut de justification commerciale, le Bureau considérera qu'un prix inférieur aux coûts évitables est déraisonnable puisque dans une situation commerciale normale, une politique de vente à un prix inférieur à cette mesure des coûts maximiserait les profits uniquement en raison de ses effets anticoncurrentiels. Une entreprise pratiquant des prix inférieurs aux coûts évitables aurait plutôt avantage à cesser complètement la production ou à augmenter ses prix.

ii) Justifications commerciales de bas prix

La jurisprudence se rapportant à l'alinéa 50(1)c) exige que le Bureau prenne en considération les objectifs commerciaux légitimes pouvant justifier la pratique de bas prix.7 Par exemple, il peut être raisonnable qu'une entreprise vende à des prix inférieurs aux coûts des biens excédentaires, désuets ou périssables, ou des biens à l'égard desquels la demande est en baisse. Dans le cas d'augmentations des coûts ou de diminutions de la demande qui sont temporaires, une entreprise peut recourir à des prix inférieurs aux coûts pour conserver ses clients existants ou demeurer en position d'augmenter ses ventes. Les entreprises peuvent pratiquer des prix inférieurs aux coûts à titre promotionnel, pour convaincre les clients d'essayer un nouveau produit. Une entreprise peut également pratiquer des prix inférieurs aux coûts en même temps qu'elle lance la production à grande échelle, pour acquérir rapidement l'expérience qui lui permettra de devenir plus efficace à l'avenir et ainsi récupérer ses coûts. Dans chaque cas, le Bureau examine le contexte concurrentiel particulier de la pratique de prix en cause sans privilégier aucun facteur en particulier.

Il peut également y avoir d'autres motifs commerciaux légitimes pour pratiquer des prix inférieurs aux coûts. Il peut s'agir par exemple de vouloir demeurer concurrentiel face aux bas prix pratiqués par un concurrent. Ainsi, lorsqu'un nouveau concurrent pratique des prix réduits pour s'établir dans le marché, une entreprise établie peut réagir en adoptant les mêmes prix à court terme. La jurisprudence confirme que le fait de réagir à la concurrence peut dans certaines circonstances constituer une défense face à des accusations entourant des prix inférieurs aux coûts. En général, le Bureau ne considérerait pas une telle situation comme un cas de prix déraisonnablement bas. Pour déterminer si le fait d'adopter les prix de la concurrence est anticoncurrentiel, le Bureau examine chaque situation pour préciser les faits et les circonstances susceptibles de justifier la politique de bas prix en fonction de motifs commerciaux légitimes. Le Bureau prendra notamment en considération le fait qu'il y ait ou non une différence qualitative entre les produits offerts par les entreprises rivales. Ainsi, lorsque deux produits sont vendus au même prix mais qu'un d'entre eux est supérieur à l'autre au plan de la qualité ou du service, le prix réel du produit supérieur est inférieur. En pareil cas, si l'entreprise qui adopte le prix d'un concurrent pratique un prix inférieur à ses coûts évitables, le Bureau peut prendre des mesures d'application de la loi en vertu de cet article. De plus, le Bureau prendra en compte la longueur de la période pendant laquelle les bas prix sont offerts sur le marché et les éventuelles indications selon lesquelles l'entreprise ayant adopté le prix d'un concurrent prend des mesures pour réduire ses coûts afin de demeurer concurrentielle ainsi que l'aptitude de l'entreprise pratiquant présumément des bas prix de livrer concurrence grâce à l'innovation ou à des méthodes autres que de fixer les prix sous ses coûts évitables.

Table des matières

Partie 5 : Bas prix lors de l'expansion dans un nouveau marché

Les prix déraisonnablement bas suscitent des inquiétudes lorsqu'une entreprise établie tente de protéger ou de développer sa position dominante sur le marché en dissuadant ou en disciplinant des nouveaux arrivants. Il peut toutefois y avoir des circonstances où une entreprise bien établie entre dans un nouveau marché et tente d'y améliorer sa position en pratiquant des prix déraisonnablement bas. Cette éventualité n'est guère probable lorsque la part de marché du nouvel arrivant est relativement modeste et qu'il n'a pas d'activités sur d'autres marchés, mais elle devient plus plausible lorsque l'entreprise exploite des entreprises semblables sur d'autres marchés, si elle dispose d'importantes ressources financières et si elle a agi de façon agressivement concurrentielle, voire anticoncurrentielle, dans d'autres marchés. Un nouvel arrivant qui a des activités ailleurs pourrait financer sa stratégie de bas prix grâce aux bénéfices qu'il réalise sur d'autres marchés. Il faut aussi voir si une entreprise s'est déjà livrée à des comportements semblables sur d'autres marchés. Par ailleurs, si elle relève d'une société mère disposant d'amples ressources financières ou d'un accès supérieur au financement, elle peut être mieux en mesure d'arriver sur un nouveau marché et d'y supporter des pertes pendant une longue période.

En toute logique, un nouvel arrivant sur un marché est initialement susceptible de se livrer à une forme de promotion par les prix en y proposant des produits à un prix inférieur à celui qu'il pratique dans ses autres marchés. Pour déterminer si les bas prix sont problématiques, le Bureau tiendra compte de la longueur de la période de promotion, de l'ampleur des différences de prix par rapport à ses autres marchés, du fait que le nouvel arrivant ait ou non réussi à établir une présence dans le nouveau marché et depuis combien de temps, ainsi que des conditions de concurrence dans le nouveau marché.

En toute hypothèse, en cas de plainte soutenant qu'un nouvel arrivant pratique des prix déraisonnablement bas, le Bureau applique l'analyse décrite ci-dessus. Le Bureau est plus susceptible de conclure qu'un nouvel arrivant pratique des prix déraisonnablement bas s'il constate que :

  • la pratique en matière de prix répond aux critères décrits dans les présentes lignes directrices;
  • il n'y a pas d'autre explication raisonnable pour la pratique;
  • la pratique nuirait à la concurrence dans le marché;
  • les prix du nouvel arrivant sont inférieurs aux prix qu'il pratique ailleurs pour les mêmes produits dans des conditions de concurrence semblables.

En examinant les autres explications de la conduite observée, ainsi que ses effets, le Bureau évalue si le nouvel arrivant est plus efficient que l'entreprise déjà en place, offre plus ou moins de variété, est plus ou moins attirant pour les consommateurs et peut recouvrer ses coûts évitables en tenant compte de l'entreprise déjà en place dans le marché.

En évaluant l'incidence de la conduite du nouvel arrivant, le Bureau cherche à déterminer si la poursuite des activités du nouvel arrivant mènera vraisemblablement à l'élimination de concurrents ainsi qu'à des prix plus élevés et autres coûts aux consommateurs (p. ex., des frais de transport) et si les coûts du nouvel arrivant sont semblables ou supérieurs à ceux d'entreprises existantes. D'après ces critères, le Bureau peut conclure que la politique de bas prix aurait un impact négatif sur la concurrence dans le marché.

Table des matières

Partie 6 : Les différentes mesures d'application de la Loi

Lorsqu'un examen préliminaire mène à une enquête formelle, diverses mesures peuvent en découler. Ces mesures sont énumérées ci-dessous, y compris le programme d'avis consultatifs du Bureau qui vise à indiquer aux entreprises si le comportement commercial qu'ils envisagent est susceptible de soulever des questions en vertu de la Loi sur la concurrence.

1. Poursuite

Si le Bureau conclut qu'une entreprise a commis une infraction, il peut recommander au procureur général de porter des accusations criminelles. Le procureur général décidera alors de suivre ou non la recommandation. Une personne jugée coupable d'une infraction en vertu des alinéas 50(1)b) ou 50(1)c) peut se voir imposer une peine de prison maximale de deux ans ou une amende.

2. Autres mesures correctives

Les mesures applicables en cas de comportement anticoncurrentiel ne se limitent pas à celles découlant d'une poursuite devant les tribunaux ou d'une procédure devant le Tribunal de la concurrence. En vertu de l'article 34 de la Loi sur la concurrence, le procureur général peut demander une ordonnance d'interdiction pour une période maximum de dix ans pour mettre fin à un comportement qui constitue une infraction ou tend à la perpétration d'une infraction. Dans les situations urgentes, le procureur général du Canada peut en vertu de l'article 33 demander une injonction provisoire de suspendre le comportement en cause en attendant qu'une poursuite ou des procédures prévues au paragraphe 34(2) soient engagées ou achevées.

Au lieu de procédures formelles en application de la Loi, le commissaire a la latitude de recourir à d'autres instruments de règlement des cas. Ces moyens moins formels sont décrits dans le Bulletin d'information sur le continuum d'observation de la loi du Bureau.

3. Abandon d'une enquête

Si le commissaire conclut que les éléments de preuve n'établissent pas les éléments des alinéas 50(1)b) ou 50(1)c), l'enquête est abandonnée. Le commissaire produit alors un rapport formel à l'intention du ministre de l'Industrie décrivant l'information obtenue et la raison de l'abandon. Par la suite, l'entreprise qui faisait l'objet de l'examen ainsi que le ou les plaignants sont avisés par écrit de l'abandon de l'enquête.

4. Droit de recours civil

L'article 36 de la Loi prévoit par ailleurs un droit de poursuite privée. Ce recours est possible s'il y a eu infraction aux dispositions criminelles de la Loi ou défaut d'observation d'une ordonnance du Tribunal de la concurrence ou d'un autre tribunal. Quiconque a subi une perte ou des dommages par suite d'un comportement allant à l'encontre de l'article 50 peut poursuivre ceux qui se sont livrés au comportement anticoncurrentiel. Des dommages-intérêts équivalant à la perte ou aux dommages peuvent être accordés si la preuve nécessaire est faite par la personne exerçant le recours.

5. Programme d'avis consultatifs

Une entreprise peut vérifier si une activité éventuelle est susceptible de contrevenir à la Loi en présentant le projet ou la pratique en cause au Bureau. Celui-ci peut alors donner un avis consultatif indiquant si la situation soulève des questions liées à la concurrence. Les parties ne sont pas liées par l'avis et l'entreprise demeure libre d'adopter le projet ou la pratique en dépit d'un avis consultatif négatif. Le Bureau demeure également libre de réexaminer l'activité si les faits changent. Si le projet de loi C-23 est adopté, les avis consultatifs lieront le commissaire pourvu que la situation de fait demeure inchangée.


Notes

1  L'article 79 prévoit que le Tribunal de la concurrence peut rendre à l'encontre d'une entreprise des ordonnances visant son comportement ou sa structure pour pallier les effets d'une pratique d'agissements anticoncurrentiels. En vertu de l'article 79, le Tribunal n'a pas le pouvoir d'imposer des amendes ou des peines de prison. Cependant, l'article 66 prévoit des sanctions criminelles pour défaut d'observation d'une ordonnance du Tribunal. Par ailleurs, après l'adoption des modifications à la Loi sur la concurrence contenues dans le projet de loi C-23 et visant l'industrie des transports aériens, le Tribunal de la concurrence aura le pouvoir d'imposer à un transporteur aérien des sanctions pécuniaires maximales de 15 millions de dollars lorsqu'il constate que ce transporteur a abusé de sa position dominante sur le marché.

2  R. c. The Producers Dairy Ltd. (1966), 50 C.P.R. (2d) 265. Voir aussi R. c. Carnation Co., (1968), 58 C.P.R. 112 (C.A. Alb.)

3  R. c. Hoffmann-La Roche (1980), 28 O.R. (2d) 164 confirmé (1981) 33 O.R. (2d) 694 (C.A.).

4  Voir par exemple Canada (Directeur des enquêtes et recherches) c. NutraSweet Co. (1990), 32 C.P.R. (3e) 1 (Tribunal de la concurrence) et Canada (Directeur des enquêtes et recherches) c. Laidlaw Waste Systems Ltd. (1992), 40 C.P.R. (3e) (Tribunal de la concurrence).

5  Voir partie 4.6, « Entraves à l'accès »; et annexe I du document « Fusionnements - Lignes directrices pour l'application de la loi ».

6  Australian Competition and Consumer Commission v. Boral Limited et. al., FCA, Australie, février 2001.

7  R. c. Consumers Glass Co. (1981), 33 O.R. (2d) 228. Voir aussi Boehringer Ingelheim (Canada) Inc. c. Bristol-Myers Squibb Canada Inc., Cour de justice de l'Ontario (Division générale), le 9 octobre 1998, non publié - un recours privé exercé en vertu de l'article 36 de la Loi sur la concurrence.


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