This site will look much better in a browser that supports web standards, but it is accessible to any browser or Internet device.

Bureau de la concurrence du Canada

Bureau de la concurrence

Analyse comparative internationale des droits d'action privés

ÉTUDE DEMANDÉE PAR
INDUSTRIE CANADA
BUREAU DE LA CONCURRENCE

(PDF: 566 KB)

R. Jack Roberts
Professeur émérite
Faculté de droit
University of Western Ontario
R. J. Roberts & Associates
3044 Bloor Street West, Box 177
Toronto, Canada
M8X 2Y8

ADJOINTS À LA RECHERCHE
Andrew Chan
Christopher Cates
Patrick Smith
Osgoode Hall Law School
Toronto, Canada


TABLE DES MATIÈRES

Introduction
Résumé

AUSTRALIE

Introduction
I. Aperçu des actions privées

1a) Conduite donnant ouverture à une action privée
1b) Types d?actions que les parties privées ont tendance à intenter en pratique
1c) Lieu d?introduction des actions privées
1d) Nombre d?actions privées par rapport au nombre d?actions intentées par l?ACCC
1e) Évolution de l?utilisation des actions privées

II. Qualité pour agir en justice

2a) Qualité pour intenter une action privée
2b) Critères appliqués pour déterminer la qualité pour agir

III. Mesures correctives

3a) Mesures correctives que peuvent demander les parties privées

(1) Injonctions
(2) Ordonnances de dessaisissement
(3) Dommages-intérêts
(4) Recours collectifs
(5) Jugements déclaratoires

3b) Mesures correctives dont dispose l?ACCC

(1) et (2) Injonctions civiles et ordonnances de dessaisissement
(3) et (4) Dommages-intérêts et recours collectifs
(5) Sanctions pécuniaires
(6) Ordonnances interdisant à des particuliers de gérer des personnes morales
(7) Application administrative

3c) Mesures correctives provisoires
3d) Octroi de dommages-intérêts
3e) Dépens adjugés dans les actions privées
3f) Comparaison avec les dépens adjugés dans les actions publiques

IV. Le rôle de l?ACCC dans les actions privées

4a) Pouvoir d?exercer un recours collectif
4b) Droit d?intervention dans une action privée
4c) Prise en charge des actions privées
4d) Pouvoir de conférer l?immunité contre des poursuites judiciaires au moyen d?une notification dans les cas d?accord d?exclusivité
4e) Pouvoir de conférer l?immunité contre des poursuites judiciaires au moyen des autorisations
4f) Politique de l?ACCC au sujet de la prise en charge des affaires ou de les laisser aux parties privées
4g) Accès pour les parties privées aux renseignements ou éléments de preuve recueillis par l?ACCC

V. Gestion des instances et efficacité procédurale

5a) Gestion du volume d?instances
5b) Mode de règlement extrajudiciaire des différends
5c) Ordonnances par consentement
5d) Jugement sommaire
5e) Efficacité versus qualité de la justice
5f) Les actions privées portées devant la Cour fédérale
5g) Importance des actions privées dans la jurisprudence sur la concurrence

NOUVELLE-ZÉLANDE

Introduction

I. Aperçu des actions privées

1a) Conduite donnant ouverture à une action privée
1b) Nombre d?actions privées par rapport au nombre d?actions intentées par la Commerce Commission
1c) Lieu d?introduction des actions privées
1d) Nombre d?actions privées par rapport au nombre d?actions intentées par la Commerce Commission
1e) Naissance du droit d?action privée

II. Qualité pour agir en justice

2a) Qualité pour intenter une action privée
2b) Critères appliqués pour déterminer la qualité pour agir

III. Mesures correctives

3a) Mesures correctives que peuvent demander les parties privées

(1) Injonctions

a) Généralités
b) Injonctions provisoires
c) Injonctions permanentes

(2) Ordonnances de dessaisissement
(3) Dommages-intérêts
(4) Recours collectifs
(5) Jugements déclaratoires
(6) Autres ordonnances

3b) Mesures correctives que la Commerce Commission peut exercer :

(1) Injonctions provisoires et permanentes et ordonnances de faire
(2) Ordonnances d?interdiction
(3) Sanctions pécuniaires
(4) Ordonnances interdisant à des particuliers de diriger ou de gérer des personnes morales
(5) Ordonnances de dessaisissement
(6) Application administrative

3c) Octroi de dommages-intérêts
3d) Dépens adjugés dans les actions privées
3e) Comparaison avec les dépens adjugés dans les actions publiques

IV. Le rôle de la Commerce Commission dans les actions privées

4a) Pouvoir d?exercer un recours collectif
4b) Droit d?intervention dans les actions privées
4c) Prise en charge des actions privées
4d) Pouvoir de conférer l?immunité contre des poursuites judiciaires au moyen d?autorisations et d?approbations
4e) Politique au sujet de la prise en charge des affaires ou de les laisser aux parties privées
4f) Accès pour les parties privées aux renseignements ou éléments de preuve recueillis par la Commerce Commission

V. Gestion des instances et efficacité procédurale

5a) Gestion du volume d?instances et efficacité par opposition à la qualité de la justice
5b)Traitement par la Haute Cour des actions privées intentées sous le régime de la Commerce Act
5c) Importance des actions privées dans la jurisprudence sur la concurrence

ROYAUME-UNI

Introduction

I. Aperçu des actions privées
II. Le rôle de l'Office of Fair Trading dans les actions privées
III. Gestion des instances et efficacité procédurale

IRLANDE

Introduction

I. Aperçu des actions privées
II. Qualité pour agir et mesures correctives

2a) Qualité pour agir
2b) Mesures correctives

III. Le rôle de la Competition Authority dans les actions privées

3a) Le pouvoir d'intervenir, etc., les recours collectifs
3b) Le pouvoir d'accorder une immunité
3c) Politique de la Competition Authority relativement aux actions privées
3d) Accès des parties privées aux renseignements recueillis par la Competition Authority

IV. Gestion des instances et efficacité procédurale

ÉTATS-UNIS

Introduction

I. Aperçu des actions privées

1a) Comportement donnant ouverture à une action privée :
1b) Types d?actions que les parties privées ont tendance à intenter en pratique

(1) Aperçu général
(2) Temps écoulé entre le début de l?instance et le règlement
(3) Pourcentage des actions privées débouchant sur une ordonnance

a) Nombre de règlements en général
b) Taux de règlement dans les affaires de ventes liées et de refus de vendre

1c) Lieu d'introduction des actions privées
1d) Nombre d?actions privées par rapport au nombre d'actions publiques
1e) Évolution de l'utilisation des actions privées

II. Qualité pour agir en justice
III. Mesures correctives

3a) Mesures correctives que peuvent demander les parties privées

(1) Dommages-intérêts triplés
(2) Injonction provisoire ou permanente
(3) Recours collectif

3b) Mesures correctives accessibles aux États-Unis

(1) Poursuite criminelle
(2) Dommages-intérêts
(3) Injonction et ordonnance de dessaisissement
(4) Jugement par consentement
(5) Ordonnance de cesser et de s?abstenir
(6) Sanction civile en cas de désobéissance à une ordonnance de cesser et de s?abstenir
(7) Ordonnance temporaire de ne pas faire ou injonction provisoire obtenue par la FTC
(8) Application administrative

a) Ministère de la Justice

(1) Programme d?indulgence envers les entreprises
(2) Programme d?indulgence envers les particuliers
(3) Lettre d?intention

b) Federal Trade Commission

(1) Ordonnance administrative par consentement
(2) Avis consultatif
(3) Règles ou lignes directrices régissant l?activité commerciale

c) Coordination des activités de la FTC et de la division antitrust

3c) Adjudication de dommages-intérêts
3d) Adjudication des dépens dans le cadre d?une action privée
3e) Comparaison avec les dépens adjugés dans le cadre d?une action publique

IV. Le rôle des États-Unis dans le cadre d?une action privée

4a) Pouvoir d?intenter une action collective
4b) Droit d?intervenir dans une action privée
4c) Pouvoir d?accorder l?immunité contre les poursuites judiciaires
4d) Politique américaine concernant la substitution éventuelle au demandeur privé
4e) Appui aux demandeurs privés

V. Gestion des instances et efficacité des poursuites

5a) Gestion du volume d'instances et règlement extrajudiciaire des différends
5b) Modification des règles fédérales applicables à la procédure civile en matière de communication préalable
5c) Jugement sommaire, poursuite non fondée et offre de règlement
5d) Issue judiciaire des actions antitrusts privées
5e) Apport des actions privées à la jurisprudence antitrust

ANALYSE COMPARATIVE

Introduction

I. Philosophie d?application
II. Étendue de la collaboration en matière d?application

(1) Échange de renseignements
(2) Autres formes de collaboration

III. Le partage du pouvoir d?application entre les pouvoirs publics et les parties privées
IV. Caractère approprié de l?injonction aux fins de l?application privée
V. Priorité de l?application publique
VI. Réduction du coût de l?application privée

(1) Généralités
(2) Réduction du coût des actions antitrusts

VII. Surveillance des actions privées par l?État

(1) Intervention
(2) Immunité contre les poursuites judiciaires

VIII. Prévenir le recours stratégique à l?action privée à des fins anticoncurrentielles
IX. Paramètres : Efficacité de l?application privée

(1) Détection
(2) Dissuasion
(3) Conformité
(4) Indemnisation
(5) Lignes directrices à l?intention du milieu des affaires


INTRODUCTION

Le Bureau de la concurrence m?a demandé de remettre au commissaire de la concurrence une étude écrite visant à comparer les pratiques et l?expérience internationales dans le domaine de l?application privée de la législation relative à la concurrence. L?étude servirait de guide en vue de la conception d?un droit privé d?accès au Tribunal de la concurrence.

L?étude devait porter sur les cinq territoires suivants : l?Australie, la Nouvelle-Zélande, le Royaume-Uni, l?Irlande et les États-Unis. L?examen de l?expérience vécue dans ces territoires dans le domaine des actions privées permettrait d?obtenir des renseignements précieux non seulement sur les types de conduite anticoncurrentielle qui se prêtent le mieux aux mesures d?application de la loi prises par le secteur privé, mais également sur les droits d?action et sur les répartitions qui conviennent le mieux aux actions privées. De plus, cet examen pourrait être révélateur en ce qui a trait aux mesures de prudence, aux stimulants et aux procédures nécessaires pour éviter les litiges abusifs ou stratégiques et pour trancher les différends de manière rapide et efficace.

L?étude envisagée par le Bureau devait être structurée comme suit : elle comporterait six chapitres, soit un pour chacun des cinq territoires et un dernier chapitre présentant une analyse comparative des lois, des pratiques et de l?expérience de chacun d?eux en matière de mesures d?application privées. L?analyse comparative devait, ce qui s?est d?ailleurs produit, fournir un certain nombre de leçons à retenir pour faciliter la conception d?un droit privé efficace et réel en ce qui a trait à l?accès au Tribunal de la concurrence.

En plus de respecter la structure que le Bureau a suggérée, la présente étude vise, dans chacun des cinq chapitres consacrés aux territoires, à répondre de la façon la plus exhaustive qui soit à plusieurs questions spécifiques qu?il a posées. Les questions concernaient, notamment, les types de comportement donnant ouverture à une action de la part des secteurs public et privé, les types d?actions effectivement intentées, le nombre d?actions engagées par chaque secteur, la qualité pour exercer une action, la durée et le coût des litiges privés, l?éventail des mesures correctives que peuvent obtenir les secteurs public et privé, la possibilité d?obtenir des dommages-intérêts, les pratiques relatives à l?adjudication des dépens, le succès relatif des actions privées, les moyens dont le secteur public dispose pour contrôler les litiges privés, les politiques gouvernementales concernant l?intervention dans les actions privées, la possibilité pour les parties privées d?obtenir des renseignements découlant des enquêtes, l?existence de procédures de gestion des instances, l?utilisation d?autres mécanismes permettant de contrôler les litiges stratégiques ou abusifs et le rôle des actions privées sur le plan de l?évolution du droit de la concurrence. À moins d?avis contraire, cette étude s?actualise en juin 1999.

Les chapitres concernant les cinq territoires ont été structurés de façon à présenter des renseignements en réponse à ces questions de la façon la plus efficace qui soit. Toutefois, le chapitre de l?analyse comparative et le résumé sont présentés d?une façon qui est mieux adaptée au déroulement de l?analyse.

RÉSUMÉ

L?analyse comparative de l?étude a donné lieu aux résultats suivants, qui pourraient avoir une grande utilité pour la conception d?un droit privé d?accès au Tribunal de la concurrence.

(1) Philosophie sous-jacente aux mesures d?application

Si tous les territoires visés par l?étude, à l?exception du Royaume-Uni, considèrent les actions privées comme un complément souhaitable des mesures d?application publiques, l?Australie et la Nouvelle-Zélande en sont venues à adopter graduellement une philosophie axée sur la collaboration dans le cadre des mesures d?application et sur l?accroissement du rôle du secteur privé sur le plan de la protection de l?intérêt public.

(2) Ampleur des mesures d?application axées sur la coopération

Cependant, même en Nouvelle-Zélande, qui est allée le plus loin en ce sens, les mesures d?application axées sur la coopération se sont limitées pour ainsi dire à l?octroi d?un droit ouvert en matière de demande d?injonction et à la formulation d?une proposition visant à inciter les tribunaux à tenir compte des intérêts de tous les consommateurs dans les demandes d?injonction provisoire privées. Dans tous les territoires examinés, la coopération a été minime en ce qui a trait à l?accès privé aux renseignements obtenus dans le cadre d?enquêtes publiques.

La plupart des territoires visés par l?étude offrent de l?aide sous une forme ou l?autre aux parties privées qui désirent engager des actions lorsque l?enquête publique menée par le secteur public a donné lieu à des résultats favorables à leur cause. L?aide prend habituellement la forme d?une reconnaissance à première vue de la valeur de la preuve déposée dans l?action du secteur public ou du jugement rendu par le tribunal dans cette action.

(3) Répartition des pouvoirs en matière d?application de la loi entre les secteurs public et privé

C?est le secteur public qui détient la majorité des pouvoirs en matière d?application de la loi, surtout en raison de l?ampleur des mesures correctives dont il dispose ainsi que des pouvoirs administratifs dont il est investi. Dans tous les territoires, le secteur public est autorisé à demander que de lourdes peines, pécuniaires ou autres, soient infligées aux coupables, que ce soit au civil ou au criminel. Dans presque tous les territoires sauf en Australie, où une exception mineure est reconnue dans les cas de fusionnement, le secteur public peut également obtenir des ordonnances exigeant l?adoption de certaines mesures pour rétablir la concurrence, y compris la dissolution et le dessaisissement. Enfin, seul le secteur public dispose d?un arsenal reconnu de pouvoirs administratifs. Aux États-Unis et au Royaume-Uni, ces pouvoirs comprennent celui de délivrer des ordonnances d?interdiction. La Nouvelle-Zélande a l?intention de s?orienter en ce sens et le Royaume-Uni est même allé plus loin, puisqu?il permet au Director of the Office of Fair Trading d?infliger des amendes.

(4) Interdictions qui conviennent le mieux aux mesures d?application du secteur privé

Les actions privées semblent être les mesures les plus utiles pour mettre un terme à la conduite anticoncurrentielle

(1) qui entraîne des répercussions visibles pour les participants du marché;
(2) qui peut être réglée de façon satisfaisante par l?obtention d?une injonction provisoire ou permanente.

La conduite visée est celle qui a pour but d?exclure les concurrents actuels ou éventuels et qui a des répercussions économiques évidentes sur eux. Les ventes liées, les accords d?exclusivité et les refus de vendre feraient apparemment partie des types de conduite répondant à ces critères. D?après les données disponibles, ces comportements représentent de 40 à 50 p. 100 au moins des actions privées qui sont déposées.

(5) Objet des mesures d?application du secteur public

En Australie, en Nouvelle-Zélande et aux États-Unis, les mesures d?application du secteur public ont été de plus en plus axées sur les activités des grands cartels, y compris la fixation des prix, le truquage des offres, les ententes de limitation de la production et la division horizontale du marché. Ces types de comportement anticoncurrentiel sont habituellement entourés d?un grand secret et il est plus facile de les déceler et d?y mettre fin par une intervention du secteur public. Aux États- Unis, les taux de détection ont augmenté sensiblement par suite de l?application du programme d?amnistie américain. La Nouvelle-Zélande songe à s?engager dans cette voie.

D?après les critères publiés par certains territoires, comme l?Australie, la Nouvelle-Zélande et l?Irlande, la prise en compte de plusieurs autres facteurs pourrait donner lieu à une intervention publique dans d?autres secteurs. Ces facteurs comprennent les répercussions sur la concurrence, le caractère délibéré de l?infraction, la valeur possible d?une décision comme précédent et l?insuffisance des ressources dont les parties privées disposent pour intenter elles-mêmes une action.

(6) Réduction des coûts des mesures d?application privées

Dans la plupart des territoires, les mesures visant à réduire la durée et le coût des litiges ont été prises dans le contexte plus général des litiges complexes en matière civile. Les affaires portant sur la concurrence ont été reconnues comme les litiges faisant partie des litiges les plus complexes du système judiciaire. En Australie, en Nouvelle-Zélande, au Royaume-Uni et aux États-Unis, les tribunaux ont pris ou adoptent actuellement plusieurs mesures visant à réduire la durée et le coût des litiges. Ces mesures comprennent principalement la mise sur pied de systèmes rigoureux de gestion des instances, notamment le renvoi à des mécanismes de règlement extrajudiciaire des différends, et la simplification des règles relatives aux interrogatoires préalables. La règle du paiement des frais à titre d?indemnités, qui s?applique dans tous les territoires visés par l?étude, sauf aux États-Unis, demeure inchangée.

Les seuls territoires où des mesures spécifiques visant à réduire les coûts en matière antitrust ont été proposées sont l?Australie et la Nouvelle-Zélande. L?Australian Law Reform Commission a suggéré des modifications législatives ayant pour but d?autoriser l?Australian Competition and Consumer Commission à exercer des recours collectifs au nom des consommateurs et des petites entreprises. Elle a également proposé de permettre aux associations de consommateurs et d?entreprises d?intenter des poursuites au nom de leurs membres dans le cadre de recours collectifs. La Nouvelle-Zélande a proposé d?atténuer les obstacles aux actions publiques et privées visant à obtenir une injonction provisoire en autorisant la Commerce Commission à rendre des ordonnances d?interdiction.

(7) Intervention du gouvernement dans les actions privées

De tous les territoires visés par l?étude, seule l?Australie a expressément autorisé l?organisme compétent en matière de concurrence, l?Australian Competition and Consumer Commission, à intervenir dans les actions privées et même à les prendre en charge. Ces pouvoirs ont toutefois rarement été utilisés, s?ils l?ont été. Les États-Unis accordent aux membres du secteur public le droit d?intervenir à titre d?intervenants bénévoles ou d?intervenants désintéressés dans les appels interjetés à l?égard des décisions rendues dans les actions privées en matière antitrust. En pratique, le gouvernement n?intervient que lorsqu?il existe une question de droit claire au sujet de laquelle il désire être entendu.

À l?exception des États-Unis, chaque territoire visé par l?étude autorise l?organisme compétent en matière de concurrence à protéger l?auteur d?une conduite anticoncurrentielle de poursuites en justice, en autant que la conduite en question donne lieu à des avantages publics supérieurs aux inconvénients qui en découlent sur le plan de la concurrence. Toutefois, ces pouvoirs ont rarement été utilisés de manière à retirer aux demandeurs privés éventuels leurs droits d?action.

(8) Mesures visant à empêcher l?utilisation stratégique d?actions privées à des fins anticoncurrentielles, non valables en droit ou abusives

Presque tous les territoires visés par l?étude reconnaissent que les mesures ayant pour objet d?améliorer l?application des lois antitrust au moyen d?actions privées ne doivent pas, au même moment, permettre au secteur privé d?utiliser les actions de façon stratégique à des fins anticoncurrentielles ou non valables en droit. C?est la raison pour laquelle l?Australie a retiré aux parties privées le droit de demander une injonction dans les cas de fusionnement. C?est également pour cette raison que la Nouvelle-Zélande a rejeté l?idée de permettre les actions en triples dommages-intérêts.

Toutefois, à l?heure actuelle, les tribunaux des différents territoires semblent avoir les moyens nécessaires pour trancher les litiges abusifs, non valables ou stratégiques. Ils disposent en effet de toute une panoplie de mécanismes permettant de filtrer ces recours, depuis les procédures mineures, comme le jugement sommaire, jusqu?aux sanctions disciplinaires plus strictes, comme les ordonnances de paiement de frais punitifs.

(9) Orientation : efficacité des mesures d?application privées

Parmi les cinq grands secteurs d?application de la loi, soit la détection, la dissuasion, la conformité, l?indemnisation et l?orientation des entreprises, c?est dans les domaines de la détection, de la conformité et de l?orientation des entreprises que les actions privées se sont révélées le plus efficaces. Elles sont particulièrement utiles pour détecter la conduite anticoncurrentielle ayant des répercussions immédiates sur les participants du marché, notamment lorsqu?il s?agit de ventes liées, d?accords d?exclusivité et de refus de vendre. Les actions privées peuvent en effet permettre d?assurer la conformité avec les lois sur la concurrence dans ces domaines, pourvu que les parties concernées puissent obtenir assez rapidement et à peu de frais une injonction provisoire ou une ordonnance d?interdiction. Enfin, malgré les failles qu?elles comportent sur le plan de la dissuasion et de l?indemnisation, les actions privées ont guidé le milieu des entreprises en favorisant l?évolution des règles portant sur des aspects fondamentaux du droit de la concurrence en Australie, en Nouvelle- Zélande et aux États-Unis.

AUSTRALIE

Introduction

Les règles générales sur la concurrence de l?Australie sont énoncées dans les dispositions relatives aux pratiques commerciales restrictives de la partie IV de la Trade Practices Act (loi sur les pratiques commerciales - la Loi)1. En vertu de cette Loi, les parties privées peuvent intenter une action pour contravention à ses dispositions devant la Cour fédérale de l?Australie. L?évolution que le droit de la concurrence australien a connue au cours des 25 dernières années est imputable en bonne partie aux actions privées ainsi intentées.

La Loi n?offre pas aux parties privées, en matière de poursuites, les mêmes stimulants que les lois antitrust américaines. Comme dans la plupart des pays du Commonwealth, les parties privées doivent payer les frais de la partie qui a gain de cause. Les poursuites en triples dommages-intérêts, populaires aux États-Unis, ne sont pas reconnues en Australie. Les mesures correctives que peuvent demander les parties privées se limitent aux dommages-intérêts simples, aux jugements déclaratoires et aux injonctions. En cas de fusionnement, une ordonnance de dessaisissement peut être obtenue, mais non une injonction. La mesure corrective que semblent privilégier la plupart des parties privées en Australie est l?injonction.

Les parties privées peuvent également exercer des recours collectifs. Les dispositions pertinentes de la Federal Court Act (loi sur la Cour fédérale) permettent aux parties privées d?exercer un recours collectif pour contravention aux règles relatives aux pratiques commerciales, pourvu qu?au moins sept personnes aient des réclamations soulevant une question de droit ou de fait commune sous un rapport essentiel.

L?organisme appelé Australian Competition and Consumer Commission (ACCC) peut lui aussi adopter des mesures pour assurer le respect des dispositions de la Loi touchant les pratiques commerciales restrictives. En 1995, l?ACCC a absorbé la Trade Practices Commission (TPC) qui, jusqu?à cette date, veillait au respect des dispositions en question. L?ACCC peut adopter certaines mesures coercitives, notamment demander des engagements ayant force exécutoire devant les tribunaux, des sanctions pécuniaires, des injonctions civiles et des ordonnances de dessaisissement. L?ACCC serait peut-être également habilitée à intenter des recours collectifs visant à obtenir des dommages-intérêts au nom des petites entreprises ou des consommateurs.

L?ACCC a également le droit, en vertu de la loi, d?intervenir dans la plupart des actions privées, mais elle l?a rarement invoqué. De plus, elle est autorisée à accorder l?immunité contre des poursuites en justice, y compris des actions privées, au moyen de notifications ou d?autorisations. Cependant, les défendeurs dans les actions privées n?ont pas invoqué ces mesures pour échapper à leur responsabilité potentielle.

Pour décider s?il y a lieu d?intervenir dans un cas donné ou s?il est préférable de laisser aux parties privées le soin de régler entre elles le différend qui les oppose, l?ACCC doit tenir compte de plusieurs facteurs, notamment la possibilité que l?action devienne un instrument de dissuasion important, l?importance de promouvoir le respect de la Loi et la possibilité d?obtenir une réparation pour les parties lésées par la conduite en question. Toutefois, l?ACCC est souvent réticente à communiquer aux parties privées les renseignements qu?elle obtient dans le cadre des enquêtes qu?elle mène. Les parties privées doivent obtenir elles-mêmes les renseignements dont elles ont besoin en signifiant une assignation ou en présentant une demande d?accès à l?information.

La Cour fédérale de l?Australie a adopté différentes procédures de gestion des instances afin de réduire les délais au minimum et de permettre aux parties de se faire entendre le plus rapidement possible. Elle a également recours à plusieurs formations spécialisées, dont une formation spécialisée en droit de la concurrence, afin d?accélérer le traitement de ce type de litiges. Le but de la Cour fédérale est de faire en sorte de trancher 98 % des affaires qui lui sont soumises dans les 18 mois suivant l?introduction de l?instance. Toutefois, il semble reconnu que cet objectif n?est pas réaliste dans le domaine de la concurrence, en raison de la complexité des questions que la Cour doit trancher.

I. Aperçu des actions privées

1a) Conduite donnant ouverture à une action privée

En vertu de la Loi, une action privée peut être intentée en cas de contravention à la partie IV (pratiques commerciales restrictives), à la partie IVB (codes d?activité économique) et à la partie V (protection du consommateur) de la Loi2. La partie IV, qui renferme les dispositions relatives à la concurrence, interdit les pratiques commerciales restrictives suivantes :

Pratique Article(s) Illégale en soi?3
1. Entente entraînant une diminution importante de la concurrence 45, 45B Non
2. Entente comportant des engagements limitatifs (boycottage collectif) 45, 45D Oui
3.(i) Ententes sur la fixation des prix Marchandises ou services 45, 45A Oui
(ii) Exceptions à la règle de l?illégalité en soi :
(1) Prix fixé par consortium 45, 45A(2) Non
(2) Recommandations sur les prix 45A(3) Non
(3) Groupes d?achat 45A(4) Non
4. Boycottages secondaires par les syndicats 45D & E Non
5. Abus de position dominante 46, 46A Non
6. Exclusivité 47 Non
7. Ventes liées 47(7)- (9) Oui
8. Maintien du prix de revente des marchandises 48, partie VIII Oui
9. Fixation de prix différents à l?égard des marchandises 49 Non
10. Fusionnements 50, 50A Non

L?ensemble de ces pratiques commerciales restrictives correspondent à peu près à celles qui sont visées par les dispositions correspondantes de la Loi sur la concurrencedu Canada4.

De façon générale, la Loi permet aux parties privées de demander une injonction ou des dommages-intérêts par suite d?une contravention aux dispositions susmentionnées5. Une partie privée peut demander une injonction dans tous les cas, sauf les cas de fusionnement visés par l?article 50 de la Loi. L?exclusion des cas de fusionnement a été ajoutée dans les révisions qui ont été apportées à la Loi en 197766.

Les actions privées en dommages-intérêts sont régies par l?article 82 de la Loi. Pour avoir le droit d?intenter une action en dommages-intérêts, une partie privée doit avoir subi un préjudice par suite de la contravention. Seuls des dommages-intérêts simples peuvent être recouvrés. Un délai de prescription de trois ans, prévu au par. 82(2), empêche les parties de demander des dommages- intérêts par suite d?un préjudice subi plus de trois ans avant l?introduction de l?action.

1b) Types d?actions que les parties privées ont tendance à intenter en pratique

À l?heure actuelle, les documents publiés renferment très peu de renseignements au sujet des types d?actions que les parties privées ont tendance à intenter. La plus récente étude sur cette question, l?étude Brunt7, a été publiée en 1990 et portait sur les données recueillies entre 1975, année suivant la promulgation de la Loi, et 1989. Elle contenait le tableau suivant, qui indique le nombre d?actions intentées par la défunte Trade Practices Commission (TPC) et les parties privées entre 1975 et 1980 ainsi que la nature des causes d?action8.

Tableau 2 Causes d?action indiquées par la TPC, 1975-1980

Nbre d?affaires fondées sur une cause d?action désignée
  Intentées Réglées
Causes d?action TPC Partie privée TPC Partie privée
Art. 45 - Fixation des prix 7 2 4 1
Art. 45 - Autres ententes 4 42 3 7
Al. 45D, 45E - Boycottages secondaires (et infractions connexes) 1 37 1 11
Art. 46 - Monopolisation 2 20 1 4
Art. 47 - Exclusivité 4 20 1 4
Art. 48 - Maintien des prix de revente 13 5 11 3
Art. 49 - Fixation de prix différents 0 11 0 1
Art. 50 - Fusionnement 1 2 1 0
Autres (non classifiées ou multiples) 0 3 0 0
Toutes les causes 32 142 23 31

Il appert du tableau qu?au cours des premières années qui ont suivi la promulgation de la Loi, les parties privées ont eu le plus souvent tendance à intenter des actions qui portaient sur des ententes visant à diminuer sensiblement la concurrence, des boycottages secondaires illégaux9, la monopolisation, l?exclusivité ou la fixation de prix différents. Même si la majeure partie de ces actions ont été réglées à l?amiable ou ont fait l?objet d?un désistement, la plupart de celles qui ont été tranchées par une décision mettaient en cause les mêmes pratiques.

Le tableau suivant, qui découle d?un survol du site web Scaleplus du gouvernement de l?Australie10, indique que les ententes anticoncurrentielles et l?exclusivité (y compris les ventes liées) constituent maintenant l?objet de la plupart des décisions rendues dans les actions privées11.

Année civile

Pratique 90 91 92 93 94 95 96 97 98 99 Total
Fixation des prix 0 1 2 1 0 1 0 1 1 0 7
Ententes entraînant une diminution sensible de la concurrence 5 7 5 5 3 3 5 5 11 0 49
Abus de position dominante 0 0 1 2 0 0 1 0 0 0 4
Exclusivité 5 5 6 2 6 1 4 3 1 0 33
Ventes liées (sous-catégorie de l?exclusi-vité) 1 0 1 0 2 0 1 1 0 0 6
Maintien des prix de revente 0 1 1 0 1 0 1 1 3 0 8
Fixation de prix différents 4 0 0 1 2 1 0 3 1 0 12
Total des décisions                     119

Il convient de se rappeler que le tableau qui précède est fondé sur des renseignements partiels et traduit simplement le nombre de décisions provisoires et définitives que la Cour fédérale a rendues dans des actions fondées sur les pratiques susmentionnées12. Il ne comprend pas le nombre d?actions qui ont été introduites et réglées à l?amiable plus tard et ne constitue peut-être pas un indicateur fiable de toutes les pratiques que les demandeurs privés peuvent cibler à l?heure actuelle. L?Australian Competition and Consumer Commission (ACCC) et l?Australian Law Reform Commission (ALRC) ont cependant indiqué que des renseignements plus précis seraient bientôt disponibles. Le commissaire Sitesh Bhojani, de l?ACCC, a récemment fait savoir qu?une étude sur l?application des règles australiennes en matière de concurrence par les tribunaux était actuellement en cours pour le compte de l?ACCC et serait vraisemblablement publiée en mars ou avril 199913. L?ALRC a fait savoir que, plus tard en 1999, elle publierait une étude exhaustive du système accusatoire de l?Australie qui comporterait, notamment, une analyse du cheminement d?un certain nombre d?actions privées intentées sous le régime de la partie IV de la Loi14.

1c) Lieu d?introduction des actions privées

Les actions civiles intentées sous le régime de la Loi, que ce soit par des parties privées ou par l?ACCC, sont portées devant la Cour fédérale de l?Australie. Voici à ce sujet l?extrait pertinent de l?article 86 de la Loi :

(TRADUCTION)
86(1) La Cour fédérale a compétence sur toute question au sujet de laquelle une action civile a été introduite, avant ou après l?entrée en vigueur du présent article, sous le régime de la présente partie...

La Cour fédérale a compétence à l?exclusion de tout autre tribunal, sauf en ce qui a trait à la compétence de la Haute Cour en vertu de l?article 75 de la Constitution australienne15.

1d) Nombre d?actions privées par rapport au nombre d?actions intentées par l?ACCC

Suivant le tableau tiré de l?étude Brunt et reproduit ci-dessus à la partie 1b) du présent document, les parties privées ont, au cours de la période allant de 1975 à 1980, intenté de trois à quatre fois plus d?actions que la défunte Trade Practices Commission (TPC)16. Cependant, le nombre d?actions que les parties privées ont menées à terme se rapproche de celui des actions de la TPC. Les actions de la TPC portaient principalement sur le maintien des prix de revente et la fixation des prix, tandis que les actions privées concernaient surtout des ententes entraînant une diminution importante de la concurrence, des accords d?exclusivité et des allégations de monopolisation (abus de position dominante).

Aucune statistique semblable n?est disponible à l?égard d?une période plus récente. Toutefois, notre propre survol du site Web Scaleplus peut donner une idée générale des actions intentées par l?ACCC comparativement à celles des parties privées. Cet examen indique qu?au cours de la période allant de 1990 à 1999, les actions intentées par l?ACCC ont donné lieu au nombre de décisions indiqué ci-dessous selon les causes d?action qui suivent :

Année civile

Pratique 90 91 92 93 94 95 96 97 98 99 Total
Fixation des prix 0 3 0 1 3 2 3 4 6 1 23
Ententes entraînant une diminution sensible de la concurrence 0 3 1 5 4 4 4 5 1 1 28
Abus de position dominante 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0
Exclusivité 0 0 1 0 0 0 0 0 0 0 1
Ventes liées (sous- catégorie de l?exclusivité) 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0
Maintien des prix de revente 5 3 2 2 4 1 1 3 4 0 25
Fixation de prix différents 0 0 1 0 0 0 0 0 0 0 1
Fusionnement 4 0 4 2 5 0 0 3 0 0 16
Total des décisions 94

Le tableau indique qu?au cours de la période allant de 1990 à 1999, un total de 94 décisions provisoires et définitives ont été rendues dans les actions intentées par l?ACCC ou son prédécesseur, la TPC17, comparativement à un total de 135 décisions provisoires et définitives rendues dans les actions privées à l?égard de la même période18. La plupart des décisions rendues dans les actions intentées par l?ACCC portaient sur des allégations de fixation des prix, d?ententes entraînant une diminution sensible de la concurrence et de maintien des prix de revente.

Cet éventail de décisions ne traduit pas très bien les priorités officielles de l?ACCC en matière d?application des dispositions de la partie IV de la Loi touchant les pratiques commerciales restrictives. Ces priorités sont les ventes liées, l?abus de position dominante et le maintien des prix de revente19. La différence entre nos résultats et les priorités officielles de l?ACCC s?expliquent peut- être par le manque de raffinement de la méthode d?examen du site web Scaleplus. Le relevé du nombre de décisions rendues dans un domaine donné ne tient pas compte des poursuites judiciaires intentées ou des mesures administratives prises qui ont été réglées avant le prononcé d?une décision20. Cependant, il appert des communiqués publiés par l?ACCC pour l?année civile 1998 que la fixation des prix et les ententes entraînant une diminution sensible de la concurrence demeurent la préoccupation majeure de l?organisme21. Le point saillant eu égard aux priorités officielles de l?ACCC en matière d?application, c?est que les litiges portant sur des allégations d?exclusivité, y compris des ventes liées, sont devenus pour ainsi dire l?apanage du secteur privé. En effet, 33 décisions provisoires et définitives concernant des allégations d?exclusivité ont été rendues dans des actions intentées par le secteur privé, alors qu?une seule portait sur une action de même nature engagée par l?ACCC au cours de la même période.

1e) Évolution de l?utilisation des actions privées

Les actions privées sont utilisées en Australie depuis l?entrée en vigueur de la Loi en 1974. Voici les commentaires formulés dans l?étude Brunt à ce sujet :

(TRADUCTION) La première décision publiée rendue sous le régime de la partie IV (pratiques commerciales restrictives) de la Trade Practices Act 1974 (Cth) (la Loi) était une action privée : Top Performance Motors v. Ira Berk (1975). La première décision publiée de la Haute Cour concernait également une action privée : Quadramain v. Sevastapol (1976). De plus, le jugement le plus important qui a été prononcé jusqu?à maintenant l?a été dans une autre action privée : Queensland Wire Industries v. B.H.P. (1989). Dans cette affaire, la Haute Cour de l?Australie a rendu, en matière d?abus de position dominante (art. 46 de la Loi), un jugement qui a été universellement reconnu comme un arrêt clé...22

Depuis l?implantation de ce recours en 1974, les actions privées ont joué un rôle majeur dans l?élaboration de la jurisprudence rendue sous le régime des dispositions de la Loi touchant les pratiques commerciales restrictives.

II. Qualité pour agir en justice

2a)Qualité pour intenter une action privée

La Loi renferme deux dispositions concernant la qualité pour agir. Dans le cas des injonctions, le par. 80(1) de la Loi n?est pas limitatif. Il (TRADUCTION) « confère le pouvoir de demander une injonction dans tous les cas autres que les fusionnements nationaux au procureur général, à (l?ACCC) et à ?toute autre personne?-- et les tribunaux ont décidé à plusieurs reprises que l?expression ?toute autre personne? a précisément ce sens »23.

La Loi est plus restrictive en ce qui a trait aux actions en dommages-intérêts. Le par. 82(1) de la Loi reconnaît la qualité pour agir uniquement (TRADUCTION) « aux ?personnes ayant subi un préjudice par suite (...) d?une contravention? et uniquement dans les cas (...) où il est possible d?établir un lien de causalité entre la conduite constituant la contravention et le préjudice subi »24.

Cependant, cette restriction a été jugée mineure, compte tenu de l?accessibilité générale des recours en injonction. Rappelons que l?injonction est le recours privilégié dans les actions privées intentées sous le régime de la Loi. Un auteur australien a formulé les commentaires suivants à ce sujet :

(TRADUCTION) Nos tribunaux obtiendront peut-être un résultat similaire à ceux qui découlent des règles antitrust (américaines) en appliquant la doctrine du caractère éloigné du préjudice. Toutefois, à l?heure actuelle, compte tenu de la diminution des frais anticipés et des rendements obtenus, la question a peu d?importance... En Australie, la plupart des parties privées qui intentent une action seront satisfaites si elles obtiennent une injonction. En effet, la valeur financière que l?injonction (contrairement à une indemnité) représente pour elles sera nettement supérieure au coût du litige...25.

La possibilité d?obtenir une indemnité ne semble pas être considérée comme un facteur important susceptible d?inciter les parties privées à engager des poursuites sous le régime de la Loi.

2b)Critères appliqués pour déterminer la qualité pour agir

Comme nous l?avons vu, le par. 80(1) n?impose pas de restriction quant à la qualité nécessaire pour obtenir une injonction, notamment sous le régime des dispositions de la Loi touchant les pratiques commerciales restrictives. Il s?agit donc d?une accessibilité beaucoup plus grande que celle qui est habituellement reconnue dans le cas des actions privées visant à obtenir une réparation publique en vertu des règles de droit générales et de bon nombre d?autres lois australiennes, dont plusieurs obligent les parties privées à prouver qu?elles ont la (TRADUCTION) « capacité voulue pour représenter l?intérêt public » ainsi qu?un « intérêt spécial » à l?égard de l?objet de l?action.

Dans un rapport de 1996, l?Australian Law Reform Commission (ALRC)26 s?est efforcée de réfuter les arguments allant à l?encontre de la libéralisation des règles touchant la qualité pour demander une mesure corrective publique en faisant allusion à l?expérience antérieure, notamment, sous le régime du par. 80(1) de la Loi. Commentant la crainte que la libéralisation n?entraîne une avalanche de litiges, l?ALRC s?est exprimée comme suit : (TRADUCTION) « Aucune donnée n?indique que la disposition de la Trade Practices Act 1974 (Cth) prévoyant l?accessibilité générale du recours a mené à un nombre élevé de litiges »27.

L?ALRC a recommandé que tous les critères relatifs à la qualité pour intenter et poursuivre des actions en droit public selon les règles de droit générales et presque toutes les lois soient remplacés par un seul critère plus libéral :

Toute personne devrait être en mesure d?intenter et de poursuivre des actions en droit public, sauf si l?une des deux conditions suivantes s?applique :

  • le législateur a clairement indiqué qu?il ne voulait pas que la décision ou la conduite visée par la poursuite puisse être contestée par une personne telle la partie requérante;
  • compte tenu de toutes les circonstances, l?exercice du recours irait à l?encontre de l?intérêt public parce qu?il entraverait indûment la capacité d?une personne ayant un droit privé dans l?affaire de l?exercer différemment ou de s?abstenir de le faire...28.

L?ALRC a également recommandé que (TRADUCTION) « la qualité pour agir soit présumée (...) de façon qu?il incombe (...) à ceux qui veulent contester la qualité d?une partie d?établir l?existence de l?un des facteurs d?exclusion »29.

Toutefois, ce nouveau critère n?aurait pas pour effet de remplacer les critères actuellement prévus dans la Loi à ce sujet. L?ALRC a confirmé la recommandation qu?elle avait formulée dans un précédent rapport de 198530, selon laquelle aucune modification ne devrait être apportée, notamment, à (TRADUCTION) « la qualité, que confère une loi aux organismes gouvernementaux ou aux particuliers, d?engager et de poursuivre des procédures ou de demander une réparation spécifique » 31.

III.Mesures correctives

3a)Mesures correctives que peuvent demander les parties privées

Tel qu?il est mentionné auparavant dans les sections 1a) et 2a) de l?étude, les parties privées ont, en vertu des par. 80(1) et 82(1) de la Loi, le droit de demander une injonction ou des dommages-intérêts simples, bien que la possibilité d?obtenir une indemnité ne semble pas être considérée comme un facteur important qui les incite à engager des poursuites. Depuis 1977, les parties privées ne peuvent obtenir une injonction dans les cas de fusionnement. Toutefois, elles peuvent obtenir une ordonnance de dessaisissement en pareil cas. Elles peuvent également exercer un recours collectif devant la Cour fédérale pour contravention à la Loi et intenter une action en vue d?obtenir un jugement déclaratoire.

(1) Injonctions

Voici le libellé du par. 80(1) de la Loi :

(TRADUCTION)
(1) Sous réserve des paragraphes 1A), 1AAA) et 1B), lorsque, à la demande de la commission ou de toute autre personne, la Cour est convaincue qu?une personne s?est livrée ou a l?intention de se livrer à une conduite qui constitue ou constituerait
a) une contravention à une disposition de la partie IV, IVA, IVB ou V;
b) une tentative en vue de contrevenir à l?une de ces dispositions;
c) une conduite visant à aider une personne à contrevenir à l?une de ces dispositions ou à lui conseiller de le faire;
d) une conduite visant à inciter une personne à contrevenir à l?une de ces dispositions, notamment par des menaces ou des promesses;
e) une participation directe ou indirecte à une contravention par une autre personne;
f) un complot avec d?autres personnes en vue de contrevenir à l?une de ces dispositions;
la Cour peut accorder une injonction selon les conditions qu?elle juge à propos.

À l?instar de l?ACCC, les parties privées peuvent obtenir une injonction en cas de contravention ou de tentative de contravention, notamment, aux dispositions de la partie IV de la Loi touchant les pratiques commerciales restrictives. Elles peuvent également obtenir une injonction contre ceux qui incitent ou aident une personne à contrevenir à ces dispositions, qui y participent ou qui sont complices d?une telle contravention.

Toutefois, l?ACCC est la seule entité ayant le droit d?obtenir une injonction en cas de contravention aux dispositions relatives aux fusionnements de l?article 50 de la Loi. Le paragraphe 80(1A) de la Loi est ainsi libellé :

(TRADUCTION)

(1A)

À l?exception de la commission, nul n?a le droit de présenter une demande d?injonction fondée sur le paragraphe (1) au motif qu?une personne a contrevenu ou a tenté de contrevenir à l?article 50 ou a l?intention de le faire ou d?être partie à une contravention.

Cette restriction a été ajoutée à la Loi en 1977 afin de contrer l?emploi apparemment abusif de l?injonction par les parties privées dans les cas de fusionnement32.

Les autres dispositions de l?article 80 de la Loi indiquent clairement que la Cour dispose de larges pouvoirs en ce qui a trait à l?octroi d?injonctions. En vertu du par. 80(2), la Cour peut accorder une injonction provisoire jusqu?à ce que la demande d?injonction fondée sur le par. 80(1) soit tranchée. Aux termes du par. 80(1AA), les parties peuvent obtenir une injonction sur consentement, (TRADUCTION) « que la Cour soit convaincue ou non qu?une personne a participé ou a l?intention de participer » à une contravention à la Loi. Selon le par. 80(4), une injonction interdisant l?exécution d?un acte donné peut être rendue, que la Cour soit convaincue ou non que la personne visée avait l?intention de commettre l?acte en question, qu?elle a déjà commis l?acte ou que l?exécution de l?acte par la personne en question présente un danger imminent de préjudice important à autrui. Le paragraphe 80(5) permet à la Cour de prononcer une injonction péremptoire enjoignant à une personne d?exécuter un acte donné dans des circonstances analogues. Enfin, en vertu du par. 80(3), la Cour peut annuler ou modifier toute injonction qu?elle a précédemment prononcée.

En vertu de l?art. 87 de la Loi, la Cour est également habilitée à rendre les ordonnances qu?elle juge à propos pour corriger les préjudices que les parties à l?instance ont subis ou subiront vraisemblablement par suite d?une contravention à la partie IV, IVA, IVB ou V de la Loi. Ainsi, la Cour peut annuler ou modifier des contrats ou en interdire l?exécution ou encore ordonner le remboursement de sommes d?argent ou la restitution de biens, le paiement du montant du préjudice, la réparation ou la fourniture de pièces, la prestation de services ou la passation d?actes juridiques ayant pour effet de modifier ou d?annuler des droits sur un bien-fonds33.

Habituellement, la Cour fédérale oblige la partie qui demande une injonction provisoire à déposer un cautionnement garantissant le paiement des frais ou d?une indemnité. Dans un rapport de 1996 concernant la conformité à la Trade Practices Act34, l?ALRC a souligné que les petites entreprises considéraient cette restriction comme un obstacle à l?obtention de mesures correctives en vertu des dispositions de la Loi touchant les pratiques commerciales restrictives et que d?autres règles de la Cour, notamment la règle obligeant les entreprises à être représentées par un conseiller juridique, produisaient également cet effet. En raison de ces préoccupations, l?ALRC a recommandé que la Trade Practices Commission dispose d?une plus grande marge de manoeuvre en ce qui a trait à la possibilité d?exercer des recours collectifs au nom des personnes ayant subi un préjudice par suite d?une contravention à la Loi35.

Suite| Table des matières


Remplissez notre sondage