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Bureau de la concurrence du Canada

Bureau de la concurrence

Les prix d'éviction et lois des États sur la vente sous le prix coûtant aux États-Unis

par Terry Calvani

Associé, Pillsbury Madison & Sutro (Washington (D.C.) et San Francisco (CA); auparavant, commissaire, Federal Trade Commission des États-Unis.

Le présent document examine comment les pratiques de prix d'éviction sont traitées aux États-Unis et analyse les lois des États relatives à la vente sous le prix coûtant. La Federal Trade Commission des États-Unis a participé activement à l'élaboration de la politique relative aux prix d'éviction pendant mon mandat de commissaire. J'ai puisé dans l'expérience que j'y ai acquise lorsqu'elle s'avérait pertinente.

RÉSUMÉ

On parle généralement de prix d'éviction lorsqu'une entreprise dominante vend sous le prix coûtant pendant une période relativement longue, dans le but d'éliminer un concurrent, puis hausse les prix à un niveau supraconcurrentiel pour récupérer ses pertes et rendre l'opération profitable(1).

Au cours des ans, les prix d'éviction ont suscité, aux États-Unis, une abondance de dispositions législatives et de décisions judiciaires. Les premières décisions judiciaires fédérales se caractérisaient par leur interventionnisme et leur fondement économique rudimentaire. Le droit relatif aux prix d'éviction a donc eu pour effet de supprimer la concurrence, au détriment des consommateurs qui ont dû acquitter des prix supraconcurrentiels. Toutefois, le droit fédéral en cette matière est devenu plus rationnel et plus favorable aux consommateurs. Aujourd'hui, Cour suprême en tête, tout le monde s'entend pour dire que les pratiques de prix d'éviction sont très rares et que les tribunaux devraient s'abstenir d'intervenir à moins que ne soient démontrées l'existence de ventes en deçà de coûts économiquement fondés et la possibilité de la récupération des pertes(2). La position adoptée par les instances fédérales américaines s'apparente à celle du Bureau de la concurrence telle qu'elle ressort de son document Prix d'éviction Ä Lignes directrices pour l'application de la Loi(3).

Beaucoup d'États ont légiféré au sujet des pratiques de prix d'éviction, mais pas tous, loin de là. Certains États ont élaboré des dispositions d'application générale, d'autres ont légiféré sur des marchés déterminés, par exemple, la vente d'essence au détail. Certains encore ont édicté des dispositions appartenant à ces deux types. De plus, chaque État interprète et applique différemment ses dispositions. Il en est qui, à l'instar des autorités fédérales, exigent la preuve de ventes en deçà de coûts économiquement fondés et de la récupération probable des pertes. D'autres ont adopté une conception plus «populiste» rappelant l'ancien point de vue fédéral, axé sur le préjudice aux concurrents plutôt qu'à la concurrence. D'autres encore se sont peu occupés de cette question.

Les études portant sur les marchés de l'essence démontrent que les consommateurs paient l'essence plus cher dans les marchés régis par des lois relatives à la vente d'essence sous le prix coûtant. Point encore plus intéressant, elles révèlent que ces lois ne procurent aucun avantage particulier aux détaillants indépendants. Par conséquent, les consommateurs paient plus cher, sans que les détaillants indépendants en tirent un plus grand profit. Il faut peut-être voir dans cette situation la raison de l'échec des efforts visant à faire adopter des dispositions similaires au niveau fédéral.

Le droit antitrust américain est dynamique. Le droit fédéral en cette matière a mûri et, aujourd'hui, il cherche à protéger la concurrence, non les concurrents. Tous les États n'ont pas encore entièrement intégré ces enseignements à leur législation, mais des indices donnent à penser que les législatures et les tribunaux des États affinent leur analyse.

OBSERVATIONS GÉNÉRALES SUR LES LOIS RELATIVES AUX PRIX D'ÉVICTION

1. L'expérience fédérale américaine

Le droit fédéral américain(4) (comme le droit fédéral canadien(5)) interdit les prix d'éviction(6). En général, il y a «prix d'éviction» lorsqu'une entreprise dominante sur un marché pratique, pendant une période temps suffisamment longue, des prix bas pour en éliminer un concurrent ou empêcher un nouveau venu d'y entrer, puis hausse ses prix pour récupérer ses pertes(7). Bien que ces pratiques aient déjà été considérées comme fréquentes, peu d'allégations de prix d'éviction ont donné lieu à des poursuites devant des tribunaux fédéraux aux États-Unis, ces dernières années(8). Sous l'égide de la Cour suprême, s'est forgé un consensus voulant qu'un sain scepticisme doive présider à l'examen des plaintes relatives à des prix d'éviction(9). Une analyse minutieuse de la question révèle pourquoi il en est ainsi.

Les bas prix forment l'essence d'une politique de concurrence et sont une bénédiction pour les consommateurs(10). Ce n'est que lorsque de graves problèmes en découlent qu'ils deviennent préoccupants. C'est-à-dire lorsqu'ils éliminent des concurrents d'un marché et qu'ils permettent ensuite à l'entreprise qui les applique de hausser les prix à un niveau anticoncurrentiel et de les y maintenir au détriment des consommateurs(11). Il importe donc de distinguer entre des bas prix concurrentiels et de réels prix d'éviction Ä une tâche difficile. Comme l'a récemment écrit un juriste renommé :

(TRADUCTION) Les consommateurs, au bénéfice de qui sont édictées les lois antitrust, se réjouissent des bas prix mais ne veulent pas de prix monopolistiques. Les allégations voulant que des entreprises se livrent à des pratiques de prix d'éviction Ä la séquence : bas prix maintenant, prix élevés plus tard Ä soulèvent donc des problèmes difficiles pour les tribunaux. Si un concurrent intente une action pendant la période des «bas prix», comment un tribunal peut-il déterminer si les prix sont bas parce que le défendeur est une entreprise efficace réduisant ses coûts (ou réduisant simplement le prix au prix coûtant) ou parce qu'il cherche à éliminer un concurrent? Un prix considéré «trop bas» par un concurrent inefficace peut être le prix adéquat du point de vue des consommateurs, indiquant seulement que les coûts du défendeur sont inférieurs à ceux du demandeur Ä ce qui devrait lui valoir une récompense dans le marché plutôt qu'une sanction de la justice. On voit donc que l'allégation d'un demandeur voulant qu'il perde des clients parce que son concurrent coupe les prix peut tout autant correspondre à une concurrence dynamique qu'à des prix d'éviction. Comment les différencier(12)?

Les deux situations présentent de grandes similitudes. En raison de la difficulté qu'il y a à les séparer, il s'impose donc que les artisans de la politique de concurrence fassent preuve de circonspection, car ils risquent de causer préjudice aux consommateurs dont ils cherchent à préserver les intérêts.

L'histoire juridique des pratiques de prix d'éviction aux États-Unis éclaire quelque peu ce problème. Par souci de commodité, on peut la diviser en trois périodes. Pendant la première période Ä de l'adoption de la Sherman Act(13) à la fin des années 1960 Ä on a pris très au sérieux les accusations de pratiques de prix d'éviction(14). De fait, les présumées tactiques d'éviction employées par John D. Rockefeller et le «Standard Oil Trust» font partie du folklore américain(15). L'affaire Standard Oil(16) est devenue un modèle. La croyance selon laquelle les «requins de la finance» pouvaient réussir à éliminer des concurrents en vendant temporairement sous le prix coûtant, puis leur objectif atteint, hausser les prix au- dessus du niveau concurrentiel et employer les profits monopolistiques ainsi réalisés pour financer d'autres pratiques de prix d'éviction ailleurs jusqu'à ce qu'ils aient accaparé tout le marché, était largement répandue(17).

Cette perception a connu son apogée avec l'arrêt de la Cour suprême dans l'affaire Utah Pie Co. v. Continental Baking Co.(18) La demanderesse, qui était le principal vendeur de tartes congelées dans son marché, a poursuivi trois boulangeries nationales en soutenant qu'elles avaient accru leur part de marché en ayant recours à des prix d'éviction. Jugeant que les trois boulangeries avaient cherché à pousser leur part de marché au-delà de leur pourcentage cumulatif de 28 %, la Cour a conclu qu'elles avaient vendu leurs tartes, dans le marché de la demanderesse, à un prix inférieur à celui qu'elles demandaient ailleurs. De fait, la part de marché de la demanderesse avait régressé à 45 %, pendant la «guerre de prix» de quarante-quatre mois. La Cour suprême a rétabli le verdict du jury en faveur de la demanderesse, malgré l'existence d'éléments de preuve indiquant que le volume de ventes de celle-ci avait augmenté pendant la période en cause et qu'elle avait continué à réaliser des profits. Sans aborder expressément la définition de vente «sous le prix coûtant», la Cour suprême a laissé entendre que le coût total moyen constituerait un critère approprié. En bref, les affaires de prix d'éviction de cette époque se caractérisaient par la taille relativement importante des entreprises poursuivies pour prix d'éviction, la discrimination par les prix sur une base géographique, la vente sous le coût total moyen et l'intention d'évincer(19).

L'arrêt Utah Pie a appliqué à l'envers les principes antitrust. En effet, la demanderesse détenait, avant «la guerre de prix», une part de marché quasi- monopolistique de 66,5 %(20). Elle a continué à réaliser des profits pendant la période, et elle a même accru son volume de ventes. Comme l'ont fait remarquer les juges dissidents : (TRADUCTION) «En supposant que la discrimination par les prix établie a eu des effets sur la concurrence, ces effets ont dû être bénéfiques. (L)a Cour a commis l'erreur de considérer que la (Loi) protégeait les concurrents, au lieu de la concurrence. (...)(21). Cet arrêt et les décisions qui en ont découlé ont marqué l'apogée de l'attention portée, en matière antitrust, aux prix d'éviction et à la vente «sous le prix coûtant(22).

C'est un article pionnier sur les prix d'éviction, écrit par deux éminents spécialistes de l'antitrust, qui a inauguré la deuxième période, en 1975. Le traitement juridique de cette pratique avait suscité de nombreuses critiques(23), mais l'article Predatory Pricing and Related Practices Under Section 2 of the Sherman Act des professeurs Donald F. Turner(24) et Philip Areeda(25) de la faculté de droit de la Harvard University a modifié radicalement la façon de voir cette question aux États-Unis(26). Cet ouvrage important préconisait l'application d'une règle fondée sur le coût pour déterminer si une stratégie d'établissement de prix constituait ou non une pratique de prix d'éviction.

Areeda et Turner ont d'abord signalé que cette pratique n'était pas fréquente(27). Ils n'en ont pas moins reconnu que les artisans de la politique antitrust avaient encore lieu de s'en préoccuper, en précisant qu'ils devaient prendre grand soin de ne pas faire obstacle à une concurrence vigoureuse.

(TRADUCTION) La rareté des pratiques de prix d'éviction ne signifie pas nécessairement qu'il ne faille pas établir des règles les interdisant. Mais elle invite à la plus grande prudence dans la formulation de ces règles, afin d'éviter que la menace de poursuite (...) ne nuise gravement à des pratiques légitimes d'établissement de prix concurrentiels(28).

Areeda et Turner ont élaboré leur règle à partir de l'analyse du modèle statique, à court terme, de l'entreprise utilisé dans tous les ouvrages introductifs sur la théorie des prix. Faisant fond sur le théorème développé dans ces ouvrages selon lequel les prix établis en fonction du coût marginal mènent à une allocation à court terme adéquate des ressources et affirmant que les visées d'exclusion sont la seule explication des prix inférieurs au coût marginal, ces auteurs formulent les principes suivants :

a. Le prix égal ou supérieur au coût marginal à court terme «raisonnablement prévisible» n'est pas un prix d'éviction.

b. Le prix inférieur au coût marginal à court terme «raisonnablement prévisible» est un prix d'éviction à moins qu'il ne soit égal ou supérieur au coût total moyen (...)

c. Comme les données relatives au coût marginal sont difficiles à obtenir, les tribunaux devraient se servir plutôt du coût variable moyen, beaucoup plus facile à établir, en remplacement du coût marginal dans la formule ci-dessus, à moins que le coût variable moyen soit considérablement inférieur au coût marginal dans l'éventail pertinent de produits(29).

Sans se lancer dans l'exégèse des textes juridiques et économiques, on peut dire que presque toutes les cours d'appel des États-Unis ont adhéré à une forme ou une autre du critère Areeda-Turner(30). La méthode analytique adoptée par le Bureau de la concurrence canadien va dans le même sens(31). En pratique, toutefois, le critère Areeda-Turner, fondé sur le coût, n'est pas facile d'application(32).

Bien qu'il soit difficile de fixer avec précision le début de la troisième et dernière période, la décision de la Court of Appeals dans l'affaire A.A. Poultry Farms v. Rose Acre Farms, Inc.(33), en 1989, constitue un point de départ acceptable. Dans cette affaire, une guerre de prix sévissait entre producteurs d'oeufs, et l'économiste retenu par la demanderesse avait témoigné au procès que les prix de la défenderesse avaient été en deçà de son coût total moyen et inférieurs à son coût variable moyen pendant une certaine période. S'ajoutaient en outre aux données relatives au coût, des propos des dirigeants indiquant une intention d'éviction, dont les suivants figuraient parmi les plus colorés : (TRADUCTION) «Nous allons vous faire fermer boutique. Vos jours sont comptés(34). La Cour, reconnaissant d'abord que l'application d'une règle prix/coût est une «opération difficile(35), a ensuite déclaré qu'il convenait en premier lieu d'examiner la possibilité que le prédateur puisse récupérer les coûts de l'éviction.

(TRADUCTION) En pratiquant des prix d'éviction, l'entreprise investit en vue d'un monopole futur; elle sacrifie aujourd'hui des profits pour en réaliser demain. Elle doit récupérer son investissement. Si elle ne peut pas fixer plus tard un prix monopolistique, l'opération n'est pas profitable, et il est possible de conclure que le bas prix actuel n'est pas un prix d'éviction. De façon plus importante, si la récupération «ultérieure» est impossible, le consommateur est alors le bénéficiaire incontestable de la situation, même si le prix actuel est inférieur au coût de production. Le prix inférieur au prix coûtant aujourd'hui, suivi d'un prix concurrentiel demain est un cadeau au consommateur. Parce que les lois antitrust visent à protéger les consommateurs, non les concurrents (...), un tel cadeau ne saurait donner lieu à des poursuites(36).

Parce qu'il est plus facile de déterminer s'il existe une possibilité de récupération que de se livrer à la définition et à la comparaison des prix et des coûts(37), la Cour a jugé que les tribunaux de première instance devaient procéder d'abord à l'analyse relative à la récupération. L'improbabilité de la récupération rendrait alors inutile le laborieux examen du rapport prix/coût.

(TRADUCTION) La structure de marché offre une possibilité de couper court à une telle enquête, d'éviter les questions impondérables qui ont fait des poursuites antitrust les affaires comptant parmi les plus longues et les plus coûteuses. Ce n'est que dans les cas où la structure de marché rend la récupération possible que le tribunal doit examiner la relation entre les prix et les coûts(38).

La récupération est un facteur nécessaire, bien qu'insuffisant, de l'action d'un demandeur. En l'espèce, la Cour a ajouté que l'intention n'intervenait pas dans la question de savoir si des agissements constituaient une pratique de prix d'éviction(39).

La Cour suprême des États-Unis a fait sien ce raisonnement dans l'arrêt Brooke Group Ltd. v. Brown & Williamson Tobacco Corp.(40) Dans cette affaire, Brown & Williamson était accusée, par un rival de plus petite taille, de pratiquer des prix d'éviction dans le but d'influer sur les prix des cigarettes génériques(41). Cet arrêt est important pour plusieurs raisons. Premièrement, la Cour a noté que la pratique des prix d'éviction n'était généralement pas plausible(42). Le juge Kennedy, exprimant l'opinion de la Cour, a fait état d'une décision antérieure, Matsushita Electric Industrial Co. v. Zenith Radio Corp.(43), concluant qu'«il est rare que des affaires de prix d'éviction se rendent à procès». Dans la décision Matsushita, la Cour avait jugé :

(TRADUCTION) Le succès de telles opérations est intrinsèquement incertain : la perte à court terme est indiscutable, mais il n'y aura gain à long terme que si la concurrence est neutralisée. Qui plus est, il ne s'agit pas seulement d'établir un monopole, puisque les prix monopolistiques peuvent susciter l'entrée rapide de nouveaux concurrents désireux de participer aux profits excédentaires. Le succès d'une opération d'éviction dépend en fait de la capacité de maintenir le monopole assez longtemps pour récupérer les pertes encourues et pour récolter des gains supplémentaires. À moins d'être relativement assuré de parvenir à établir le monopole souhaité et de pouvoir le maintenir sur une durée substantielle, «le prédateur doit consentir un investissement considérable sans garantie qu'il en récoltera les fruits». (...) C'est pourquoi les auteurs conviennent qu'«il est rare que des affaires de prix d'éviction se rendent à procès» et encore plus rare que les poursuivants aient gain de cause(44).

Deuxièmement, la Cour a statué que seules les ventes véritablement réalisées sous le prix coûtant devaient être considérées comme des ventes à prix d'éviction. Sur ce point, la Cour a fait le commentaire suivant :

(TRADUCTION) Ou bien l'effet d'exclusion résultant de prix supérieurs à un niveau approprié de coût peut indiquer une structure de coût inférieure du présumé prédateur Ä et constitue ainsi de la concurrence quant à l'efficacité Ä ou bien il dépasse, en pratique, la capacité des tribunaux de surveiller ces comportements sans faire naître le risque intolérable de freiner des réductions de prix légitimes. «Conclure que le droit antitrust protège les concurrents des pertes de profits attribuables à la concurrence par les prix aurait pour effet de rendre illégale toute décision d'une entreprise de couper les prix dans le but d'accroître sa part de marché. Le droit antitrust n'exige pas de résultat aussi absurde(45).

La Cour n'a pas poursuivi son analyse du critère prix/coût qu'il convenait d'appliquer car les deux parties avaient convenu d'avoir recours à la norme du coût variable moyen pour remplacer celle du coût marginal.

Troisièmement, la Cour a jugé que le demandeur doit établir que le présumé prédateur sera vraisemblablement en mesure de récupérer plus tard les pertes que lui occasionnent les prix d'éviction qu'il pratique. Elle a estimé que le prédateur dont l'opération échoue (qui fixe des prix d'éviction mais ne réussit pas par la suite à élever les prix à un niveau supraconcurrentiel) ne constitue pas un problème antitrust(46). Il a pu mener la vie dure aux entreprises présentes sur le marché, mais les consommateurs en sont sortis gagnants. Le juge Kennedy a écrit : «Du moment que la concurrence ne subit pas d'atteinte, les lois antitrust ne se préoccupent pas de ce que l'établissement de prix sous le prix coûtant ait pu causer des pertes cruelles à des entreprises ciblées. C'est une évidence que les lois antitrust ont pour but de «protéger la concurrence, non les concurrents(47).

Bien que le droit fédéral américain permette encore l'institution de poursuites fondées sur des prix d'éviction, la jurisprudence actuelle manifeste beaucoup de scepticisme au sujet de cette théorie en général. D'une part, il y a le point de vue selon lequel ces actions se rendent rarement à procès et sont encore plus rarement accueillies, et d'autre part, on voit aussi l'opinion voulant qu'une intervention intempestive entraîne des coûts particulièrement élevés en ce que les consommateurs perdent les avantages d'une concurrence vive. Les critères coût/prix préconisés par Areeda et Turner, auxquels il n'est pas facile de satisfaire, ont été reçus en droit actuel. De plus l'exigence relative à la récupération formulée dans l'arrêt Brooke Group oblige le demandeur à démontrer qu'il existe une possibilité de récupération avant d'aller plus avant. Les poursuites pour prix d'éviction devant les tribunaux fédéraux américains ne constituent peut-être pas un ensemble vide, mais leur champ n'est pas très étendu. Ce sont les consommateurs qui tirent profit de cette évolution du droit.

Contrairement aux lois des États, le droit fédéral américain ne renferme aucune disposition moderne importante concernant les prix d'éviction dans des marchés ou des canaux de distribution déterminés. Les efforts visant à obtenir un traitement particulier ont généralement échoué. Il importe toutefois de faire état de l'expérience de la vente d'essence au détail(48). En 1981, le ministère américain de l'Énergie a réalisé une étude sur le marché de la vente d'essence au détail, à la demande du Congrès. L'étude n'a pas constaté d'indices suggérant l'existence de prix d'éviction et, pendant une courte période, elle a réprimé tout enthousiasme que le Congrès aurait pu éprouvé à l'idée de légiférer en la matière. Pendant toutes les années 1980, toutefois, on a assisté à des efforts en vue de l'adoption de dispositions législatives obligeant les grandes sociétés pétrolières intégrées à séparer les opérations de détail. La Small Business Motor Fuel Marketer Preservation Act de 1983 illustre bien ces efforts(49). Comme son titre l'indique, ce projet était présenté à l'instigation des organisations de détaillants d'essence indépendants. Ce projet, ainsi que d'autres, n'a jamais réussi à réunir des appuis suffisants au Congrès(50).

2. L'expérience des États américains

L'expérience générale Ä Beaucoup d'États américains ont légiféré en matière de prix d'éviction et de questions connexes(51). Dans une fédération aussi diverse que les États-Unis, les généralisations ne peuvent être précises. Certaines lois ont été interprétées plus ou moins conformément aux précédents fédéraux contemporains mentionnés plus haut(52). D'autres ont été interprétées suivant la tradition plus populiste maintenant rejetée par les tribunaux fédéraux(53). Relativement à ce deuxième type d'interprétation, un auteur a fait le commentaire suivant :

(TRADUCTION) Même si la Cour (suprême) a, avec raison, rendu plus difficile de faire valoir une allégation de prix d'éviction en droit fédéral, de nombreux États continuent à encourager le recours aux poursuites pour faire obstacle au comportement proconcurrentiel de rivaux, en facilitant la preuve de l'infraction de prix d'éviction prévue par des lois relatives à la «vente sous le prix coûtant».

(...)

Ces lois, poursuivant en apparence les mêmes objets, que les textes de loi fédéraux analogues Ä la promotion de la concurrence Ä, sont généralement des tentatives à peine déguisées de protéger les petites entreprises locales de la concurrence que leur livrent des entreprises plus grandes, d'envergure nationale. Ces lois, par conséquent, favorisent l'inefficacité au détriment du consommateur(54).

Il est toutefois impossible de rendre entièrement compte de l'expérience américaine en matière de prix d'éviction sans examiner également le droit des États.

Les auteurs étrangers signalent quelquefois que les États des États-Unis disposent, en matière de prix d'éviction, d'un régime légal élaboré. Cette affirmation est probablement exagérée. Certaines lois étatiques sont appliquées et d'autres non(55). Bien qu'on s'attende à trouver des prix plus élevés dans les États disposant de mesures d'application de la loi, la seule menace implicite de poursuite peut influer sur l'établissement des prix Ä en particulier dans les États où les défendeurs sont passibles de sanctions pénales(56). Ainsi, les lois peuvent avoir des répercussions sur l'établissement des prix, que les États prennent ou non des mesures d'application à leur égard(57).

Certaines lois étatiques sont générales(58), d'autres visent des industries en particulier, comme la vente d'essence au détail(59).

TABLEAU A : LOIS ÉTATIQUES RELATIVES À LA VENTE SOUS LE PRIX COÛTANT

Lois générales sur la VSPC(60)

Lois sur la VSPC concernant l'essence(61)

Arkansas

Alabama

Californie

Colorado

Colorado

Floride

Hawaï

Massachusetts

Idaho

Missouri

Kentucky

New Jersey

Louisiane

Caroline du Nord

Maine

Tennessee

Maryland

Utah

Massachusetts

Minnesota

Montana

Nebraska

Caroline du Nord

Dakota du Nord

Oklahoma

Rhode Island

Caroline du Sud

Tennessee

Utah

Washington

Virginie de l'Ouest

Wisconsin

Wyoming

La disposition d'une loi de l'État où j'habite, le Tennesse, interdisant de vendre des desserts congelés sous le prix coûtant compte parmi les plus curieuses(62).

Les efforts déployés en vue de faire réglementer la vente d'essence au détail par les États, dont il a été question plus haut, montrent bien de quoi il s'agit(63). De façon générale, l'adoption de telles lois a été réclamée par des organismes représentant les détaillants indépendants(64). Ainsi que je l'ai mentionné, les tribunaux des États ont interprété diversement ces textes de loi, mais ils tendent de plus en plus à mettre l'accent sur l'atteinte à la concurrence plutôt que sur le préjudice causé aux concurrents.

L'ouvrage Validity, Construction, and Application of State Statutory Provision Prohibiting Sales of Commodities Below Cost, résumant la jurisprudence en la matière, a été publié dans les American Law Reports en 1985(65). Le supplément courant examine la jurisprudence des tribunaux des États de 1985 à 1998(66). Une nette majorité des onze affaires qui y sont analysées ont statué en faveur des défendeurs(67). Bien que ce facteur seul ne soit pas très significatif, la lecture des décisions récentes indique que les tribunaux des États s'intéressent de plus en plus au tort causé à la concurrence plutôt qu'au préjudice subi par les concurrents(68). Cela semble donc indiquer que ces tribunaux emboîtent le pas aux tribunaux fédéraux en ce domaine - quoique plus lentement.

Des chercheurs ont étudié l'effet des lois étatiques interdisant la vente d'essence sous le prix coûtant. Ainsi que le prévoit la théorie économique, ces lois semblent générer des marges de détail supérieures(69). Il faut signaler les conclusions d'une étude très récente réalisée par Anderson et Johnson(70). Les auteurs affirment clairement : (TRADUCTION) «Les lois RVSPC visant le marché de la vente d'essence au détail ont engendré des marges plus élevées(71). Ces économistes ont également constaté que (TRADUCTION) «la différence entre les marges réalisées à des endroits où s'appliquent des lois RVSPC concernant directement l'essence et à des endroits où aucune loi RVSPC n'est applicable est de plus de 0,02 $ le gallon(72). Ils concluent : (TRADUCTION) «les données concernant la marge minimale observée indiquent que (ces lois) restreignent la concurrence en limitant la pression à la baisse qui s'exerce sur les marges de détail(73).

Les conclusions de cette étude récente sont en harmonie avec celles d'études antérieures. Par exemple, l'étude Savvides-Gellerson sur les effets des lois relatives à la vente «sous le prix coûtant» de trois États du sud-est a constaté que les prix de l'essence y étaient substantiellement plus élevés après l'adoption, alors récente, des lois en question(74).

(TRADUCTION) Les comparaisons statistiques des fluctuations de prix antérieures et postérieures à l'application des lois indiquent que les prix de détail pratiqués dans les États ayant adopté des lois relatives à la vente «sous le prix coûtant» ont augmenté par rapport au prix américain moyen et par rapport au prix moyen de l'essence vendue dans les États voisins n'ayant pas de telles lois(75).

L'augmentation des coûts (en dollars de 1987) était importante.

(TRADUCTION) Au cours des douze mois ayant suivi la mise en oeuvre de la loi relative à la vente sous le prix coûtant, la baisse de revenu subie par les consommateurs en raison de l'augmentation des prix de l'essence attribuable à cette loi a été estimée à 37 millions de dollars en Alabama, à 43 millions en Géorgie et à 57 millions en Floride(76).

Point important, l'étude Savvides-Gellerson énonce que la corrélation est significative sur le plan statistique : (TRADUCTION) «le test statistique appuie la conclusion voulant que les lois relatives à la vente «sous le prix coûtant soient associées à des augmentations statistiquement significatives du prix de détail de l'essence(77). L'étude conclut donc :

(TRADUCTION) les prix de détail supérieurs associés à la promulgation de lois relatives à la vente sous le prix coûtant peuvent s'expliquer par une diminution de la concurrence. La conséquence qu'on peut en tirer en matière d'intérêt public est donc que ces lois sont anticoncurrentielles et qu'elles nuisent aux consommateurs(78).

Des études antérieures semblent confirmer ces résultats(79) :

Curieusement, les marges plus élevées ne se traduisent pas nécessairement par des profits accrus pour les détaillants que ces lois visent à protéger. Anderson et Johnson parviennent à la conclusion suivante : (TRADUCTION) «dans les États où des lois RVSPC s'appliquent particulièrement à l'essence, les marges (supérieures) ne se traduisent pas par des profits économiques plus élevés pour les détaillants(80). Les conditions d'entrée sur le marché et des facteurs analogues peuvent faire en sorte que les détaillants ne récoltent aucun profit additionnel(81). Si cette conclusion est vraie, les lois de cette nature ont des répercussions nocives pour les consommateurs sans pour autant réussir à protéger ceux pour qui elles ont été édictées.

Plus récemment, le professeur Johnson a étudié la question de savoir si les lois RVSPC visant particulièrement l'essence avaient modifié le nombre et la structure des points de vente d'essence dans les États qui les avaient adoptées(82). Il a cherché plus particulièrement à déterminer si ces lois protègent les détaillants indépendants. Comme les études antérieures, celle-ci a conclu qu'elles ne les protègent pas. Le nombre de détaillants indépendants semble décliner tout autant dans les États qui adoptent une loi RVSPC que dans ceux qui ne le font pas(83). Johnson avance deux explications. Premièrement, l'accès au marché de la vente au détail d'essence est relativement libre, et il est normal que des marges de profit élevées attirent des nouveaux venus. L'avènement des postes d'essence/dépanneurs laisse aussi supposer que la régulation des marges d'un produit de l'ensemble des produits vendus par le détaillant n'empêche pas qu'une concurrence vigoureuse s'exerce relativement à d'autres marges.

Ces conclusions vont dans le sens d'une étude antérieure de M.J. Houston, qui visait à évaluer quelle est l'efficacité des lois imposant des marges bénéficiaires minimum pour préserver les petites entreprises(84). Si ces lois étaient efficaces, les petites entreprises vigoureuses devraient se trouver en plus grand nombre dans les États qui les appliquent. Or, l'étude n'a pas permis de vérifier cette hypothèse, et son auteur a conclu que ces lois (TRADUCTION) «avaient peu d'effet sur la réussite des petites entreprises de vente au détail». Du point de vue de l'intérêt public, il en résulte une perte pour le consommateur sans gain pour les détaillants indépendants.

Les consommateurs peuvent être sensibles à une telle conclusion. Le Montana a légiféré sur l'essence automobile en 1991(85). La loi prévoyait qu'un détaillant ne pouvait vendre l'essence à un prix moindre que son coût à la livraison majoré de son coût d'exploitation. Cette mesure législative a provoqué l'hostilité des consommateurs, en particulier lorsque les automobilistes ont comparé les prix qu'ils payaient à ceux qui étaient demandés dans l'État voisin du Wyoming. Devant l'inaction de la législature, les citoyens se sont mobilisés et ont obtenu le nombre requis de signatures pour inscrire la question sur les bulletins de vote de l'élection générale de 1998. Le référendum est passé et la loi a été abrogée.

La conclusion voulant que les lois étatiques régissant la vente sous le prix coûtant font monter le prix de l'essence concorde généralement avec les résultats d'autres études portant sur le marché américain de l'essence, selon lesquelles les conditions de la concurrence ne justifient pas l'intervention législative. La conclusion formulée tout récemment par le professeur Philip E. Sorensen en est un bon exemple.

(TRADUCTION) Les législatures des États n'ont aucune raison d'intervenir dans le marché existant de la distribution de l'essence. Depuis 1981, aux États-Unis, l'expérience a démontré que l'industrie de l'essence est concurrentielle tant au niveau du marché de gros que du marché de détail. Les prix réels de l'essence sont à leur plus bas niveau depuis les années 1920. La qualité des produits et services continue de s'améliorer ainsi que leur accessibilité en tout temps. Par ailleurs, les taux de profit des entreprises de raffinage sont bas Ä le contraire de ce à quoi on s'attendrait dans des conditions de coordination des prix ou de puissance commerciale(86).

À la suite de l'augmentation marquée du prix de détail de l'essence au cours des premiers mois de 1996, le président Clinton a ordonné au ministère de l'Énergie de mener une enquête. Dans la lignée des études antérieures relatives à cette industrie(87), celle-ci a constaté que les prix étaient établis en fonction des forces du marché (plutôt que par suite de comportements anticoncurrentiels)(88).

Le rôle de la FTC Ä La Federal Trade Commission des États-Unis est l'organisme fédéral d'application de la loi qui veille au respect des lois antitrust et des lois de protection des consommateurs. Elle ressemble beaucoup au Bureau de la concurrence du Canada(90). Lorsque j'y ai siégé comme commissaire (de 1983 à 1990) et comme président par intérim (en 1985-1986), il est arrivé souvent que des législatures demandaient à l'organisme de donner son avis sur les effets que des projets de loi concernant la vente «sous le prix coûtant» auraient sur la conc(89)urrence. Nous avons généralement accédé à ces demandes, et nous nous sommes invariablement opposés à l'adoption de telles lois parce que nous estimions qu'elles n'étaient pas nécessaires et, surtout, parce que, selon nous, elles auraient pour effet de faire monter le prix de détail de l'essence(91). L'étude Anderson-Johnson confirme que l'opposition de la Commission était fondée.

Nous avons trouvé particulièrement préoccupante, dans notre examen de ces projets de loi, la présence de propositions allant au-delà de la seule interdiction visant l'établissement de prix d'éviction («sous le prix coûtant»). Certaines dispositions prévoyaient un pourcentage de profit pour les commerçants ainsi que la répartition des coûts des sociétés intégrées(92). Quelquefois, ces termes n'étaient pas définis avec précision. Nous étions d'avis que ces propositions pourraient ne pas prohiber seulement les prix d'éviction, mais également la concurrence vigoureuse en matière de prix.

Nous craignions que les sociétés intégrées décident, «pour plus de sûreté» de fixer des prix de gros plus élevés que ceux qui auraient autrement été permis. (Cela risque particulièrement de se produire lorsque la loi emploie des termes imprécis ou prévoit des sanctions criminelles)(93). Nous redoutions également que les litiges traînent en longueur parce que les parties et les tribunaux tenteraient de donner un sens à ces dispositions par ailleurs imprécises.

Il convient de signaler que ces propositions s'inscrivaient dans un ensemble législatif plus vaste portant sur la vente au détail d'essence. Des propositions connexes visaient à interdire les postes d'essence libre-service(94), à imposer des marges bénéficiaires minimum dans le marché du commerce au détail de l'essence(95) ou à exiger que les sociétés pétrolières intégrées se dessaisissent de leurs opérations de détail(96). Bien que les mesures préconisées diffèrent, ces propositions sont toutes des variations sur un même thème Ä les sociétés intégrées pratiquent des prix d'éviction et les entreprises indépendantes ont besoin d'être protégées contre cette concurrence.

CONCLUSION

L'expérience américaine en matière de prix d'éviction s'est approfondie avec le temps. Aujourd'hui, les mesures fédérales antitrust sont axées sur la protection du consommateur et mettent l'accent sur le maintien du processus concurrentiel plutôt que sur la protection des concurrents. La position des États, par contre, est plus diversifiée. Certains ont interdit généralement les prix d'éviction, d'autres ont adopté des lois relatives à la vente «sous le prix coûtant» visant des canaux de distribution particuliers et d'autres encore ont combiné les deux régimes. La façon dont ces lois sont appliquées varie également. En outre, les tribunaux ne les interprètent pas tous de la même façon. Certains tribunaux d'États ont exigé la preuve d'un préjudice à la concurrence, et d'autres non. Pour que l'analyse de cette question en arrive au présent stade de perfectionnement, il aura fallu aux tribunaux fédéraux de nombreuses années et de nombreux litiges. Il faudra probablement encore quelques temps et quelques affaires avant que le droit des États ne parvienne au même point.

D'après les publications économiques, les lois relatives à la vente au détail d'essence sous le prix coûtant ont entraîné une hausse de coûts pour les consommateurs. Curieusement, ces lois ne semblent pas avoir permis aux détaillants indépendants de réaliser des profits plus élevés ou d'acquérir plus de stabilité. Il appert donc qu'elles engendrent des coûts pour les consommateurs sans qu'aucun avantage n'en découle pour les canaux de distribution qu'elles visent à protéger.

Le 25 février 1999

Notes en bas de la page

(1) De façon générale, voir, Directeur des enquêtes et recherches, Prix d'éviction Ä Lignes directrices pour l'application de la Loi, 1992, (ci-après «Lignes directrices»).

(2) Ainsi que nous le préciserons plus loin, trois événements important ont marqué cette évolution. Premièrement, les tribunaux ont commencé à reconnaître que les erreurs d'application de la loi nuisaient à une vigoureuse concurrence sur les prix et entraînaient des hausses de prix. Comme les consommateurs payaient plus cher en raison de ces erreurs, les tribunaux se sont montrés plus prudents. Deuxièmement, la jurisprudence a adopté une définition de l'expression «sous le prix coûtant» plus éclairée et mieux fondée économiquement. Troisièmement, les tribunaux ont conclu qu'il n'y avait de risque réel pour la concurrence que si le présumé prédateur était en mesure de récupérer subséquemment les coûts de l'opération d'éviction. En conséquence, il est devenu nécessaire pour les demandeurs de prouver la possibilité de récupération.

(3) Voir, Lignes directrices, op. cit. note 1.

(4) Deux lois antitrust différentes renferment des dispositions sur les prix d'éviction. Une pratique de prix d'éviction peut souvent être alléguée comme élément de l'infraction de tentative de monopolisation prévue à l'article 2 de la Sherman Act, 15 U.S.C. § 2. C'est aussi l'allégation qui est formulée dans les affaires de première ligne (niveau vendeur) fondées sur la Robinson Patman Act, 15 U.S.C. § 13 et suivants. Bien que le premier cas n'appelle pas de commentaire, le second nécessite une explication. Cette dernière loi interdit certaines formes de discrimination par les prix. L'une des pratiques ainsi visées est la vente «sous le prix coûtant» dans une région, et au- dessus dans une autre. La Robinson Patman Act a été adoptée dans le but d'endiguer la croissance des chaînes de magasins aux États-Unis. Pour en savoir plus sur l'histoire de cette loi, consulter Calvani et Breidenbach, «An Introduction to the Robinson Patman Act and Its Enforcement by the Government», 59 Antitrust L.J. 765, 1991.

(5) Loi sur la concurrence, art. 50.

(6) De façon générale, voir Calvani et Lynch, «Predatory Pricing Under the Robinson-Patman and Sherman Acts: An Introduction», 51 Antitrust L.J. 375, 1982 (ci-après «Calvani/Lynch»); Calvani et Lynch, «Predatory Pricing After Matsushita», 7 Antitrust, 22 juin 1986; ABA, Antitrust Section, Monograph No. 22, Predatory Pricing, 1996.

(7) Lignes directrices, op. cit. note 1, à la p. 1.

(8) Cette affirmation vaut aussi pour le Canada. Dans les Lignes directrices, le Bureau de la concurrence signale que les allégations de pratiques de prix d'éviction n'ont pas donné lieu à beaucoup de poursuites (ibid.).

(9) Voir la note 36 et le texte qui l'accompagne.

(10) (TRADUCTION) «Les bas prix profitent aux consommateurs quelle que soit la manière de les établir (...)», Atlantic Richfield Co. v. USA Petroleum Co., 495 U.S. 328, 340 (1990).

(11) Comme l'ont écrit deux éminents spécialistes du domaine :

Les prix d'éviction (...) n'existent que si les entreprises prédatrices consentent un sacrifice temporaire de revenus nets dans l'espoir de réaliser des gains futures (...) En conséquence, à moins qu'un prédateur potentiel ne soit financièrement mieux en mesure que ses rivaux d'assurer sa position dans le marché et n'ait une possibilité substantielle de réaliser, après avoir éliminé ses rivaux, des profits supérieurs aux pertes que l'opération d'éviction lui fait subir, il aurait économiquement peu à gagner.

Donald F. Turner et Philip Areeda, «Predatory Pricing and Related Practices Under Section 2 of the Sherman Act», 88 Harv. L. Rev. 697, 1975 (ci-après «Areeda/Turner»).

(12) A. A. Poultry Farms, Inc. v. Rose Acre Farms, Inc., 881 F.2d 1396, 1400 (7th Cir., 1989; juge Easterbrook).

(13) 15 U.S.C. § 1-7.

(14) Avant l'adoption de la Sherman Act en 1890, les juges de common law attachaient peu d'importance aux pratiques de prix d'éviction. Ils estimaient que la liberté du commerce viendrait à bout des efforts de quiconque tenterait de dominer un marché en ayant recours à ce type d'opérations (Calvani/Lynch, à la p. 376).

(15) Voir, p. ex. Ida Tarbell, History of the Standard Oil Company, 1904.

(16) Standard Oil Co. of New Jersey v. United States, 221 U.S. 1 (1911).

(17) Il faut signaler que les auteurs subséquents ont mis en doute la réalité des pratiques de prix d'éviction imputées à Rockefeller et à la Standard Oil. Voir, p. ex. McKee, «Predatory Price Cutting: The Standard Oil (N.J.) Case», 1 J.L. & Econ. 137 (1958).

(18) 386 U.S. 685 (1967).

(19) Calvani/Lynch, à la p. 378; voir également Brodley et Hay, «Predatory Pricing: Competing Economic Theories and the Evolution of Legal Standards», 66 Cornell L.Rev. 738 (1981).

(20) 386 U.S., à la p. 705.

(21) Les juges Stewart et Harlan étaient dissidents.

(22) Les commentateurs ont beaucoup critiqué la décision. Voir, p. ex. Bowman, «Restraint of Trade by the Supreme Court: The Utah Pie Case», 77 Yale L.J. 70 (1967).

(23) Voir McKee, op. cit., note 17; Elzinga, «Predatory Pricing: The Case of the Gunpowder Trust», 13 J.L. & Econ. 223 (1970); voir également Koller, «The Myth of Predatory Pricing: An Empirical Study», 4 Antitrust L. & Econ. Rev. 105, été 1971.

(24) Donald F. Turner avait une formation d'avocat et d'économiste. Il a rempli la fonction de procureur général adjoint en matière antitrust pendant la présidence de Lyndon Johnson. Il a été titulaire de la chaire Bussey à la faculté de droit de la Harvard University jusqu'à sa retraite en 1979.

(25) Phillip Areeda a été titulaire de la chaire Langdell à la faculté de droit de la Harvard University et conseiller du président Gerald Ford. Au moment de son décès, en 1997, il était considéré comme le plus grand spécialiste en matière antitrust aux États-Unis.

(26) 88 Harv. L. Rev. 697 (1975), loc. cit. note 11, cité comme «Areeda/Turner».

(27) Voir également R. Bork, The Antitrust Paradox, à la p. 433, 1993.

(28) Areeda/Turner ¶ 711. La recherche empirique montre qu'il est difficile de distinguer les pratiques de prix d'éviction des situations de concurrence dynamique. Le professeur Koller a examiné quelque quatre-vingt-quinze affaires jugées entre l'adoption de la Sherman Act, en 1890, et 1971. Des vingt-six affaires dont le dossier était suffisant pour les fins de l'étude, seulement sept présentaient des éléments de preuve étayant une conclusion de pratique réelle de prix d'éviction. Voir Koller, loc. cit. note 23, à la p. 112.

(29) Calvani/Lynch, 380-81, citant Areeda/Turner, ¶¶ 711(d), 715(d). Pour une analyse des différentes critiques, voir Calvani/Lynch 381-94. Voir également, Economic Analysis & Antitrust Law 231-45, 279-82, T. Calvani et J. Siegfried (dir.), 2e éd., 1988.

(30) ABA Section of Antitrust Law, Antitrust Law Developments, 256-62 (4e éd., 1997); Hurwitz et Kovacic, «Judicial Analysis of Predation: The Emerging Trends», 35 Vand. L.Rev. 63 (1982); monographie de l'ABA, op. cit. note 6, à la p. 8.

(31) Lignes directrices, op. cit. note 1, préface, section 2.2.2.

(32) Il appartient au jury de déterminer quels coûts sont variables (ABA Section of Antitrust Law, Antitrust Law Developments, op. cit. note 30, à la p. 255). Cela signifie que les questions ardues et épineuses de qualification des coûts et les témoignages des experts sur ce point occupent souvent les interrogatoires préalables et le procès lui-même.

(33) 881 F.2d, à la p. 1396, (7th Cir., le juge Easterbrook).

(34) 881 F.2d, à la p. 1398.

(35) 881 F.2d, à la p. 1400.

(36) 881 F.2d, à la p. 1401 (citations omises).

(37) (TRADUCTION) «Il est beaucoup plus facile de conclure, à partir de la structure du marché, que la récupération est improbable que de déterminer les coûts supportés par un producteur donné à court, moyen ou long terme, selon le cas», ibid.

(38) Ibid.

(39) Les observations de la Cour sur la question de l'intention sont très intéressantes.

(TRADUCTION) L'intention ne nous a pas renseignés sur la possibilité de récupération et, si cette possibilité n'existe pas, même l'intention la plus malveillante ne saurait porter atteinte au système de concurrence.

Maintes autres raisons convaincantes appuient la conclusion selon laquelle l'intention n'est d'aucune utilité dans ce type de litige. Les entreprises «ont l'intention» de faire le plus d'affaires possible, d'écraser leurs rivales si elles le peuvent (...) La rivalité est âpre, et c'est lorsque les entreprises sabrent dans les coûts et réduisent les prix jusqu'au prix coûtant pour étendre leur marché que les consommateurs en profitent le plus (...) Les entrepreneurs les plus acharnés à couper leurs prix causent le plus de tort à leurs rivaux (...) Si les tribunaux considéraient la course furieuse et impitoyable aux ventes comme la preuve d'une «intention» prohibée, ils risqueraient de pénaliser les forces vives de la concurrence (citations omises).

Presque tous les éléments de preuve relatifs à l'intention tendent à établir à la fois un désir de réussite alimenté par l'appât du gain et la jubilation devant les malheurs des rivaux (...) Les entreprises n'ont pas à aimer leurs concurrents; elles n'ont pas à les encourager. Le désir d'éliminer ses rivaux est tout à fait compatible avec la concurrence et en constitue même souvent le moteur.

881 F.2d, aux p. 1401-1402.

(40) 509 U.S. 209 (1993).

(41) Plus précisément, le marché était entre les mains de six entreprises principales qui ne se livraient pas de concurrence vigoureuse quant aux prix, et les profits étaient élevés. La demanderesse a été le premier grand fabriquant de cigarettes génériques à commercialiser un produit «générique» beaucoup moins cher. Ce marché a pris de l'ampleur au fur et à mesure que les fumeurs se sont tournés vers les produits génériques. La défenderesse, qui venait au troisième rang parmi les entreprises de fabrication et détenait 12 % du marché, a introduit un produit générique concurrent dont le prix de gros était moins élevé que celui de la demanderesse. Une guerre de prix s'est ensuivie pendant laquelle, selon la demanderesse, la défenderesse a vendu ses produits à perte. La thèse de la demanderesse était que la défenderesse voulait la forcer à accroître ses prix afin de réduire l'écart de prix entre les cigarettes génériques et les cigarettes de marque pour maintenir la profitabilité de ces derniers produits. Le jury a rendu un verdict favorable à la demanderesse, lequel a été infirmé par la Court of Appeals.

(42) (TRADUCTION) «Dans l'affaire Matsushita, nous avons signalé que de façon générale, les pratiques de prix d'éviction n'étaient guère plausibles» (509 U.S. 209, 227, citant Matsushita Elec. Indus. Co. v. Zenith Radio Corp., 475 U.S. 574, 588-590 (1986).

(43) 475 U.S. 574, à la p. 589.

(44) Ibid., citant Easterbrook, «Predatory Strategies and Counterstrategies», 48 U. Chi. L. Rev. 263, 268 (1981).

(45) 509 U.S. 209, 223, citant Cargill, Inc. v. Monfort of Colorado, Inc., 479 U.S. 104, 116 (1986). Le juge White, qui était l'auteur de la décision rendue dans l'affaire Utah Pie, siégeait à sa dernière session. Quoique la Cour n'ait pas expressément infirmé le jugement qu'elle avait prononcé dans cette affaire, elle n'en a pas moins indiqué que, dans cette décision, elle (TRADUCTION) «abordait pour la première fois la question» et qu'elle avait eu l'occasion de se repencher sur ce point (509 U.S., à la p. 221).

(46) La Cour a fait le commentaire suivant :

La récupération est le but final des pratiques illégales de prix d'éviction. C'est de cette façon que le prédateur tire profit de son opération. Sans récupération, les prix d'éviction font baisser les prix globaux sur le marché, et le bien-être des consommateurs s'accroît. Bien que les pratiques de prix d'éviction qui échouent puissent encourager certaines substitutions inefficaces en faveur du produit vendu à un prix inférieur au prix coûtant, elles sont en général une aubaine pour les consommateurs.

509 U.S. 209, à la p. 224 (1993).

(47)Ibid., citant Brown Shoe Co. v. United States, 370 U.S. 294, 320 (1962) (Non mis en italique dans l'original). La Cour a aussi examiné les liens entre la Sherman Act et la Robinson Patman Act. Comme il en a été fait mention, les deux régissent les prix d'éviction. La Cour en a profité pour répéter que (TRADUCTION) «la Robinson Patman Act devait être interprétée suivant les principes plus larges des lois antitrust» (509 U.S. à la p. 220, citant Great Atlantic & Pacific Tea Co. v. FTC, 440 U.S. 69, 80 n.13 (1979). Elle a ajouté : (TRADUCTION) «il est devenu évident que le tort causé aux concurrents de première ligne, envisagé par la Robinson Patman Act, s'apparente au préjudice causé par les prix d'éviction interdits à l'article 2 de la Sherman Act» (ibid).

(48) Voir, U.S. Department of Energy, The State of Competition in Gasoline Marketing, 1981.

(49) S. 40, 98e Cong. (1983).

(50) Les autorités antitrust se sont opposées à l'adoption de cette loi, la considérant contraire aux intérêts des consommateurs. Voir p. ex. le témoignage du sous-directeur du Bureau of Competition de la FTC, Ronald B. Rowe, devant le Committee on the Judiciairy du Sénat des États-Unis, sur l'article 1140 de la Motor Fuel Sales Competition Improvements Act of 1985, 99e Cong., 9 octobre 1985. L'opinion de la FTC était que (TRADUCTION) «il n'y a pas de preuve crédible que les prix anticoncurrentiels que le projet de loi cherche à corriger existent dans les faits. Les lois fédérales actuelles sont suffisantes pour réprimer les pratiques de prix d'éviction (...) (Le projet de loi) entraînerait la hausse des coûts de distribution de l'essence, l'élimination de la concurrence légitime qui s'exerce sur les prix et l'augmentation des prix de l'essence automobile payés par les consommateurs».

Je ne me prétends pas expert en droit de la concurrence canadien, mais l'expérience américaine et canadienne me paraissent très semblables. L'article 50 de la Loi sur la concurrence traite des prix d'éviction. Les Lignes directrices relatives aux prix d'éviction formulées par le directeur des enquêtes et recherches décrivent une méthode d'analyse qui s'apparente beaucoup à celle qui est actuellement utilisée par les tribunaux fédéraux américains (voir les Lignes directrices, loc. cit. note 1, à la p. 1). Intégrant les enseignements nouveaux de la microéconomique, ces lignes directrices renferment l'observation suivante :

le prix d'éviction, prévu dans les lois sur la concurrence de plusieurs pays, est devenu un phénomène mieux compris internationalement ces derniers temps et son traitement, en matière de politique de concurrence, profite d'une démarche analytique plus cohésive (ibid.).

Comme aux États-Unis, les cas réels de prix d'éviction ont été rares. Les tribunaux canadiens, comme les juges américains, prennent soin aujourd'hui de distinguer entre le tort causé aux concurrents et le préjudice à la concurrence. Voir R. v. Consumers Glass Co. (1981), 33 O.R. 2d 228, à la p. 247. Comme aux États-Unis, la récupération constitue un élément important d'une affaire de prix d'éviction (Lignes directrices., loc. cit. note 1, aux p. 5, 7 et 10). De plus, la loi canadienne et les lois américaines établissent un régime passablement similaire en matière de prix d'éviction (id., aux p. 10 à 13). Ainsi, malgré certaines différences, la démarche fédérale des deux pays sur ce point présente de fortes similitudes.

(51) De façon générale, voir W. Lifland, State Antitrust Law, § 2.04, 1998. Également, voir plus loin le tableau A ainsi que les notes 63 et 64 et le texte qui les accompagne. Pour un historique général des lois relatives à la «vente sous le prix coûtant» aux États-Unis, voir «State Legislation Prohibiting Sales Below Cost», 52 Harv. L.Rev. 1142 (1939).

(52) Voir p. ex. Caller-Times Publishing Co. v. Triad Communications, Inc., 1992-1 CCH Trade Cas. ¶ 69, 746 (C.S. Tex., 1992); Ideal Dairy Farms, Inc. v. Farmland Dairy Farms, Inc., 1995- 2 CCH Trade Cas. ¶ 71,074 (C.A.N.J., 1995); Prestressed Concrete Inc. Bladholm Bros. Culvert Co., 1993-1 Trade Cas. ¶ 70,187 (C.A. Minn., 1993); Ghem, Inc. v. Mapco Petroleum, Inc., 1993 Trade Cas. ¶¶ 70,161; 70,236 (Tenn., 1993).

(53) Voir p. ex. Turnbull & Turnbull v. ARA Transportation, Inc., 1990-1 Trade Cas. ¶ 69,073 (C.A. Cal., 1990); McGuire Oil Co. v. Mapco, Inc., 1993-1 CCH Trade Cas. ¶ 70,133 (Ala., 1992).

(54) Jordan, «Predatory Pricing after Brooke Group: The Problem of State ?Sales Below Cost? Statutes», 44 Emory L.J. 267, 268 (1995). La Robinson Patman Act, 15 U.S.C. § 13-13c, est un bon exemple de ce genre de loi fédérale protectionniste. Son titre original était Wholesale Grocers Protection Act, et elle a été adoptée pour protéger certains canaux de distribution menacés par la commercialisation de masse. Pour un historique de cette loi, voir In re General Motors Corp., 103 F.T.C. 691 (1984). Pour une analyse générale des lois relatives à la vente «sous le prix coûtant» aux États-Unis, voir, «State Legislation Prohibiting Sales Below Cost», 52 Harv. L.Rev. 1142 (1939).

(55) Dans d'autres États encore, ou bien les tribunaux ont interprété restrictivement les lois en cause, voir So-Lo Oil Co. v. Total Petroleum, Inc., 832 P.2d 14 (Okla., 1992), ou ils les ont jugées inconstitutionnelles, voir Kentucky Milk Marketing and Antimonopoly Comm'n v. Kroger Co, 691 S.W.2d 893 (Kent., 1985).

(56) Les plus grands perdants ... sont les consommateurs des États ayant adopté ce type de lois. Si la loi est appliquée, ces consommateurs paieront plus cher leurs biens et services, car la concurrence vigoureuse est alors illégale (Jordan, loc. cit. note 54, à la p. 307).

(57) L'application sporadique de certaines lois étatiques répond probablement à des motifs politiques. En effet, la plupart des procureurs généraux des États sont élus. Or, s'il y a pour eux un avantage politique à donner leur appui à des dispositions législatives visant à garantir un «profit raisonnable» à un certain électorat commerçant, il y en a peu à intenter des poursuites qui ont pour résultat d'entraîner des hausses de prix pour les consommateurs. Cela peut expliquer pourquoi certains États appliquent mollement ces dispositions.

(58) Un auteur dénombre plus de vingt États ayant des dispositions législatives générales en matière de prix d'éviction (Jordan, loc. cit. note 54). Pour une liste partielle de ces lois, voir Jordan, loc. cit. note 54, Appendix, 1995. Pour une analyse générale des lois des États relatives à la vente sous le prix coûtant, voir Annot., «Validity, Construction, and Application of State Statutory Provision Prohibiting Sales of Commodities Below Cost?Modern Cases», 41 ALR 4th 612 (1985) et Supp. 1998.

(59) D'autres encore visent les cigarettes, le lait, ou l'assurance (Jordan, loc. cit. note 54, à la p. 305).

(60) Les données proviennent de Jordan, loc.cit. note 54, Appendix. La catégorisation des lois est imprécise. Par conséquent, il existe des différences entre les sources, lesquelles différences dépendent des dates des études, de ce que l'auteur a ou non tenu compte de l'interprétation judiciaire de ces lois, p. ex. une déclaration d'inconstitutionnalité, et du jugement. Je n'ai pas entrepris d'étude indépendante des lois étatiques.

(61) Les données proviennent du tableau I d'Anderson-Johnson, note 69, à la p. 7. J'ai ajouté la Caroline du Nord puisqu'elle figure dans les travaux récents de Johnson. Voir Johnson, note 82. Signalons que les auteurs indiquent qu'ils ont communiqué avec les autorités des États pour confirmer leur liste.

(62) Voir Tenn. Code. Ann. § 53-3-201.

(63) Au cours de la présente décennie, plusieurs États ont légiféré en cette matière. Par exemple, le Montana a adopté une loi en 1991 (voir Mont. Rev. Code § 30-14-801). Le Colorado a adopté sa loi en 1993 (voir Col. Rev. Stat. § 6-2-105(1b)). Le Missouri a lui aussi légiféré cette même année (voir Mo. Rev. Code § 416.600).

(64) Il en va de même des efforts en vue d'obtenir l'adoption d'une loi fédérale. Par exemple, c'est la Society of Independent Marketers of America (SIGMA) qui militait en faveur du H.R. 2966, proposé en 1992.

(65) 41 ALR 4th 612. Les notes analysent tous les types de lois relatives à la vente sous le prix coûtant et non seulement celles qui réglementent la vente au détail d'essence.

(66) 41 ALR 4th 76 (Supp. 1998).

(67) Ghem, Inc. v. Mapco Petroleum, Inc., 850 S.W.2d 447 (Tenn. 1993), 1993-1 Trade Cases (CCH) ¶ 70,161; Hartsock-Flesher Candy Co. v. Wheeling Wholesale Grocery Co., 328 S.E.2d 144 (1984), 1984-2 Trade Cases (CCH) ¶ 66,321; Kentucky Milk Marketing & Antimonopoly Com. v. Korger Co., 691 S.W.2d 893 (Kent., 1985), 1985-1 Trade Cases (CCH) ¶ 66,596; Remote Services, Inc. v. FDR Corp., 764 S.W.2d 80 (Kent., 1989), 1989-1 Trade Cases (CCH) ¶ 68, 394; McGuire Oil Co. v. Mapco Petroleum, Inc., 763 F. Supp. 1103 (S.D. Ala, 1991); Money Back Inc. v. Gray, 569 S.2d 325 (Ala. 1990); Star Services & Petroleum Co. v. State, 518 S2d 126 (Ala. App. 1986); Walmart Stores v. American Drugs, 319 Ark. 214 (1995), 891 S.W.2d 30 (1995); Glenn Smith Oil Co. v. Sheets, 704 P.2d 474 (Okla., 1985); Vollrath Co. v. Sammi, 9 F.3d 1455 (9th Cir. 1993); G. Fruge Junk Co. v. Oakland, 637 F.Supp. 422 (N.D. Cal., 1986).

(68) Par exemple, dans la décision Ghem, Inc. v. Mapco Petroleum, Inc., id., la Cour suprême du Tennessee a statué que la loi relative à la commercialisation du pétrole obligeait la demanderesse à prouver à la fois qu'elle entraînait des effets néfastes pour la concurrence et qu'elle causait un préjudice antitrust. En droit, le seul préjudice au concurrent n'était pas suffisant. Dans Kentucky Milk Marketing, id., la Cour suprême du Kentucky a jugé que la loi, même si elle interdisait la vente sous le prix coûtant, était en fait une loi prescrivant une marge bénéficiaire minimum et qu'elle restreignait en conséquence de façon inacceptable le système de libre entreprise.

(69) Voir Anderson et Johnson, «Antitrust and Sales-Below-Cost Laws: The Case of Retail Gasoline», Rev. Ind. Org. 1 (1998) (ci-après Anderson-Johnson). Voir également Hogarty, The Consumer Impacts of Mandatory Markup Laws & Related Restrictions, API, fév. 1984.

(70) Anderson-Johnson, id.

(71) Anderson-Johnson, id., à la p. 2.

(72) Anderson-Johnson, id., à la p. 8.

(73) Id.

(74) E. Savvides-Gellerson, The Effects of State ?Below-Cost? Selling Laws on Retail Prices of Motor Gasoline, API Research Study 043, 1987.

(75) Id., à la p. 38.

(76) Id., à la p. 39. Le prix moyen de l'essence en Alabama a grimpé de 2,08 cents le gallon par rapport à la moyenne régionale, en Géorgie de 2,13 cents le gallon et, en Floride, de 1,39 cents le gallon. Id., aux p. iii-iv. On peut lire, dans l'étude Savvides-Gellerson : (TRADUCTION) «Les données indiquent clairement qu'il se produit, dans les États ayant adopté une loi relative à la vente «sous le prix coûtant», une augmentation du prix de l'essence qu'on n'observe pas dans les États de la région où de telles lois n'existent pas». Id.

(77) Id.

(78) Id.

(79) Voir, p. ex., Fenili et Lane, «Thou Shalt Not Cut Prices! Sales-Below-Cost Laws for Gas Stations», 9 Regulation 31-35 (1985). Des études nombreuses, mais qui datent quelque peu, ont analysé sur les allégations selon lesquelles les grandes sociétés subventionnaient leurs canaux de distribution. Voir, p. ex. U.S. Dept. of Energy, Final Report: The State of Competition in Gasoline Marketing, 1981; Min. de l'Énergie des É-U, Deregulated Gasoline Marketing: Consequences for Competition, Competitors, and Consumers, 1984. Les études commandées par des gouvernements d'États ont donné lieu à des conclusion concordantes. Voir, p. ex., Final Report to the Washington State Legislature on the Attorney General?s Investigation of Retail Gasoline Marketing, 12 août 1987); Final Report to the Arizona Joint Legislative Study Committee on Petroleum Pricing and Marketing Practices and Producer Retail Divorcement, décembre 1988. Aucune de ces études n'a pu réunir suffisamment d'éléments de preuve pour justifier une loi en la matière.

(80) Anderson-Johnson, loc. cit. note 69, à la p. 11.

(81) Id.

(82) Johnson, The Impact of Sales-Below-Cost Laws on the U.S. Retail Gasoline Market, 1999.

(83) Id., à la p. i. Il est intéressant de relever que (TRADUCTION) «les résultats indiquent aussi que l'interdiction visant l'exploitation de points de vente par les raffineries (divorcement) et les stations libre-service n'a pas enrayé le déclin du nombre de points de vente au détail (...)» Id.

(84) Houston, «Minimum Markup Laws: An Empirical Assessment», 4 J. of Retailing 57, hiver 1984.

(85) Johnson, op. cit. note 82, à la p. 4. La raison d'être de la loi est exposée dans le texte de loi même. La législature reconnaît que les petits détaillants et distributeurs indépendants d'essence automobile sont un rouage essentiel d'un marché sain et concurrentiel et qu'ils ne peuvent survivre financièrement s'ils doivent faire concurrence à des marchands et distributeurs disposant d'autres sources de revenu, qui pratiquent des prix de détail sous le prix coûtant grâce à des subventions, id. L'analyse de l'expérience du Montana est tirée de Johnson, op. cit. note 82.

(86) Sorensen, Gasoline Prices in the U.S.--Why Do They Differ Among States & Within Regions (manuscrit non publié, janvier 1998).

(87) Voir, p. ex. les études mentionnées à la note 79.

(88) U.S. Dept. of Energy, An Analysis of Gasoline Markets, juin 1996.

(89) La Commission se compose de cinq membres nommés par le Président sur la recommandation et avec le consentement du Sénat. En matière antitrust, elle exerce généralement une compétence concurrente avec la Division antitrust du ministère de la Justice.

(90) La FTC exerce également un pouvoir juridictionnel; elle ressemblerait davantage à la combinaison du Bureau de la concurrence et du Tribunal de la concurrence du Canada.

(91) Voir, p. ex., la lettre du 5 mai 1992 du directeur du contentieux de la FTC, Ronald B. Rowe, à l'honorable David Knowles (en rapport avec le projet de loi no 2371 de l'assemblée de la Calif.); la lettre du 22 mars 1991 du directeur du bureau régional de Dallas de la FTC, Thomas B. Carter, à l'honorable W.D. Moore Jr. (relativement à la Petroleum Trade Practices Act de l'Arkansas); la lettre du 15 mai 1989 du directeur du bureau régional de Dallas de la FTC, Thomas B. Carter, à l'honorable William R. Ratliff (concernant le projet de loi 974 du Sénat du Texas); la lettre du directeur du Bureau of Competition de la FTC., Jeffrey I. Zuckerman à l'honorable Gene Thayer (au sujet du projet de loi 464 de la Chambre du Montana); la lettre du 2 juin 1989 du directeur du bureau régional de Dallas de la FTC, Thomas B. Carter, à l'honorable Francis C. Heitmeier (en rapport avec le projet de loi 444 de la Chambre de la Louisiane). Lorsque les délais ne permettaient pas à la Commission de prendre position, mon propre Bureau le faisait. Voir la lettre du 3 mai 1984 du commissaire Terry Calvani au gouverneur Lamar Alexander.

(92) Un auteur a décrit ainsi la situation aux États-Unis : (TRADUCTION) «De fait, les consommateurs doivent acquitter une taxe imposée par l'État qui a pour effet de transférer leur avoir à des entreprises inefficaces, sous la forme d'une subvention qui maintient artificiellement les prix à un niveau élevé» (Jordan, loc. cit. note 54, à la p. 307).

(93) L'expérience des États-Unis indique que l'application ferme de sanctions criminelles constitue un excellent moyen de faire respecter les lois antitrust. La perspective de l'incarcération fait réfléchir. Comme le signale l'ancien directeur des enquêtes et recherches, Howard Weston, maintenant juge : «L'imposition d'une interdiction criminelle au niveau d'une concurrence en matière de prix (...) comporte le danger que les gens d'affaires, en raison des incertitudes (...), hésitent jusqu'à un certain point à se lancer dans une concurrence saine et bénéfique au niveau des prix» (voir Lignes directrices, op. cit. note 1, préface).

Il est vrai que les États-Unis ont une disposition criminelle régissant les prix d'éviction. Le Borah Van Nuys Amendment de la Robinson Patman Act interdit certaines pratiques de prix d'éviction (15 U.S.C. § 13a). Depuis que j'exerce ma profession, le ministère de la Justice des É- U. n'a intenté aucune poursuite en vertu de cette disposition. (Il est intéressant de noter que la Cour suprême des É-U a statué qu'il ne s'agit pas d'une loi antitrust au sens de la Clayton Act (15 U.S.C. §§ 15, 26) et qu'elle ne peut, en conséquence, fonder des recours privés en dommages- intérêts ou en injonction (Nashville Milk Co. v. Carnation Co., 355 U.S. 373, 343 (1958)). Peu de domaines ont, comme le présent, donné lieu à un tel consensus au sujet du niveau d'application convenable (ou, plus exactement, de non-application). Toutes les administrations antitrust sous les présidents Johnson, Nixon, Ford, Carter, Reagan, Bush et Clinton ont partagé la même optique.

(94) Voir la lettre du 21 avril 1988 du directeur du Bureau of Economics de la FTC, David T. Sheffman, à l'honorable Elizabeth Randall (au sujet des projets de loi S. 15, S. 2321, S. 813 et A. 1385 de l'Assemblée du New Jersey). Les fonctionnaires de la FTC étaient opposés à ces lois, car ils estimaient que (TRADUCTION) «les premiers bénéficiaires de la réglementation semblent être les actuels détaillants d'essence, qui peuvent conserver hors du marché une forme de vente au détail à l'efficacité éprouvée. À l'opposé, les consommateurs du New Jersey et les visiteurs de l'État en sortent clairement perdants» (Lettre de M. Sheffman, à la p. 6).

(95) Voir Hogarty, The Consumer Impacts of Mandatory Markup Laws & Related Restrictions, API, fév. 1984. Il n'est pas étonnant que Hogarty ait conclu que de telles dispositions législatives avaient pour effet (TRADUCTION) «d'élever les prix à la consommation» (lettre de Hogarty, à la p. 3).

(96) Voir Hogarty et Dougher, The Impact of Divorcement on Consumers in Maryland: A Critique of ?Gasoline Prices in Maryland Following Divorcement, API, juin 1987. Consulter toutefois Putnam, Hayes et Barlett, Inc., Gasoline Prices in Maryland Following Divorcement 13 mars 1987). Voir Barron et Umbeck, «A Dubious Bill of Divorcement», Regulation, janv.- fév. 1983, à la p. 29.

La FTC s'est vigoureusement opposée à l'adoption de telles lois tant à l'échelon fédéral qu'étatique. Voir la note 50 pour la description de l'appui du Congrès à la loi, lequel n'a jamais été très substantiel. Les projets de loi des États ont donné lieu à des luttes plus intenses. La FTC a produit de nombreux commentaires et témoignages à l'occasion de ces oppositions. Voir la lettre du 18 mars 1987 du directeur du Bureau of Competition, Jeffrey I. Zuckerman, au gouverneur Joe Frank Harris (relativement au projet de loi 177 du Sénat de la Géorgie). La FTC a signalé qu'il n'était pas démontré que les sociétés intégrées avaient un comportement prédateur ou procédaient à des subventions. Elle a également affirmé que le droit fédéral existant permettait de réprimer les pratiques de prix d'éviction et que le projet de loi engendrerait des hausses du prix de l'essence. Voir également le témoignage du directeur du contentieux de la FTC, Ronald B. Rowe, devant le Sénat de Virginie et le sous-comité mixte de la Chambre des délégués sur le «divorcement» (23 octobre 1990); la lettre du 23 décembre 1985 du président par intérim de la FTC, l'honorable Terry Calvani, à l'honorable Peter K. Apo (relativement au projet de loi 1376 de la Chambre de Hawaï); la lettre du 22 avril 1987 du directeur du Bureau of Competition de la FTC, Jeffrey I. Zuckerman, à l'honorable Randolph J. Townsend (relativement au projet de loi 420 de l'Assemblée du Nevada); la lettre du 9 avril 1990 du directeur du contentieux de la FTC, Ronald B. Rowe, à l'honorable Daniel E. Bosley (relativement aux projets de loi 2225 et 2226 de la Chambre du Massachusetts.

Terry Calvani

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Terry Calvani est associé du cabinet Pillsbury Madison & Sutro LLP, où il exerce dans le groupe antitrust. Avant de revenir au cabinet, il a été commissaire à la Federal Trade Commission des États-Unis (1983-1990) et président par intérim de l'organisme en 1985-1986.

Après avoir obtenu son diplôme en droit de la Cornell Law School, où il a été éditeur de la revue de droit pendant ses études, il a exercé dans le cabinet susmentionné à San Francisco. De 1974 à 1983, il a enseigné le droit antitrust à la Vanderbilt School of Law. Il est toujours professeur de droit antitrust, et il a récemment enseigné à la faculté de droit de la Harvard University (hiver-printemps 1998 et automne-hiver 1999).

Il a publié un ouvrage, écrit de nombreux articles et participé comme conférencier à plusieurs séminaires sur le droit antitrust. Il a présidé le comité Robinson-Patman, le comité sur la thèse Noerr et l'action des États et le comité spécial sur les sanctions et les dommages-intérêts en matière antitrust de la section antitrust de l'ABA, ainsi que son conseil de direction. Il est membre de l'American Law Institute, il siège au conseil consultatif de l'Antitrust Bulletin et il a été membre de l'Administrative Conference des États-Unis.

Depuis que M. Calvani est revenu à l'exercice du droit, il a oeuvré à des projets d'acquisition et de coentreprise dans un très grand nombre d'industries et suivi leur examen par les organismes fédéraux et étatiques compétents. Il a participé à de nombreuses enquêtes civiles et criminelles menées relativement à diverses industries par des autorités fédérales ou étatiques en rapport à des questions autres que le fusionnement. Il a également agi comme conseil en matière antitrust auprès de nombreuses sociétés et de plusieurs associations manufacturières.

Il a des bureaux à Washington et à San Francisco et vit à Nashvile (Tennessee).

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