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Bureau de la concurrence du Canada

Bureau de la concurrence

Notes pour allocution

prononcée par
Sheridan Scott
Commissaire de la concurrence

Bureau de la concurrence

Conférence annuelle d’automne sur le droit de la concurrence de l’Association du Barreau canadien

Hilton Lac-Leamy, Gatineau
Le 28 septembre 2006

(Seul le texte prononcé fait foi.)

(PDF : 118 Ko)


Je suis ravie d’être parmi vous aujourd’hui et de pouvoir vous entretenir des travaux du Bureau de la concurrence. Lors de la conférence printanière sur le droit de la concurrence de mai dernier, j’ai expliqué ce que faisait le Bureau pour préserver et renforcer la concurrence au Canada, dans un contexte économique soumis à la pression de puissantes forces externes, de réformes réglementaires intérieures et de nouvelles technologies. J’ai alors profité de l’occasion pour annoncer les priorités qu’avaient retenues le Bureau pour l’année, en se concentrant plus particulièrement sur la mise en application de la loi, la promotion de la concurrence et la gestion du rendement.

J’aimerais aujourd’hui vous faire part des progrès que nous avons accomplis et vous donner une idée de ce qu’il nous reste à faire d’ici la fin de l’année. Pour aller de l’avant, nous comptons annoncer nos priorités lors de la prochaine Conférence printanière et vous livrer nos résultats à l’automne. Nous espérons continuer ainsi de tirer parti de la Conférence pour discuter des changements à nos lignes directrices, nos bulletins et nos pratiques.

Priorités au chapitre de la mise en application de la loi

J’aimerais tout d’abord vous entretenir de nos réalisations en ce qui a trait à nos priorités de mise en application de la loi.

Comme vous me l’avez entendu dire à maintes reprises, notre plus grande priorité à cet égard consiste à éliminer les cartels, en particulier les cartels nationaux qui nuisent à la concurrence au Canada. En conséquence, nous avons enrichi le budget de la Direction des affaires criminelles d’environ 50 % au cours des trois dernières années et avons accru la capacité de nos bureaux régionaux afin que nous soyons plus aptes à déceler l’existence de cartels aux niveaux local et national. L’affaire des marchands de papier, qui s’est conclue au mois de janvier dernier par l’imposition d’amendes inégalées de 37,5 millions de dollars et le renvoi ou la rétrogradation d’employés clés, n’est qu’un exemple des efforts que nous déployons pour combattre les cartels nationaux. Cette affaire illustre bien notre volonté d’assujettir à des conséquences personnelles les employés et cadres qui se livreraient à des complots ou qui mettraient en œuvre des directives ayant un effet semblable. Comme vous avez pu vous en rendre compte récemment, nous avons aussi une politique de tolérance zéro lorsque nous croyons qu’il y a eu obstruction à nos enquêtes. Plus tôt ce mois-ci, le procureur général du Canada a déposé une accusation au criminel d’obstruction reliée à la destruction de documents à l’encontre d’un employé d’une entreprise de ventilation de Laval qui faisait l’objet d’une enquête de cartel du Bureau.

Vous avez sûrement constaté à la lecture des journaux que nos équipes d’enquêteurs ont été très actives cette année. En juin, j’ai fait une déclaration pour confirmer que la Cour supérieure du Québec nous avait accordé les mandats de perquisition nécessaires à notre enquête sur des allégations de fixation de prix par des détaillants concurrents de l’industrie de l’essence dans des marchés de la province de Québec. Plus récemment, en septembre, nous avons confirmé que nous avions obtenu des mandats de perquisition et que nous enquêtions sur des allégations de pratiques anticoncurrentielles de certains voyagistes canadiens. Certes, nous avons d’intéressants dossiers en cours.

Aussi, les cartels internationaux nous préoccupent. Au mois d’août, nous avons obtenu une ordonnance d’interdiction à l’encontre de la maison internationale de vente aux enchères Sotheby’s et de sa filiale canadienne, Sotheby’s (Canada) Inc., suite à une enquête sur un complot international de fixation des prix et ses répercussions sur les services de vente aux enchères fournis à des clients canadiens. Le Bureau avait entamé son enquête en 2003, mais il a dû l’interrompre pendant près de deux ans principalement en raison d’une contestation, fondée sur la Charte, de l’ordonnance prise en vertu de l’article 11 de la Loi sur la concurrence. Nous étions alors satisfaits que les parties aient par la suite convenu de collaborer à l’enquête de la commissaire pour établir les faits et c’est ce qui a permis le règlement de cette affaire en septembre dernier.

Nous avons également pris une part active aux efforts déployés par la communauté internationale pour combattre les cartels. Ainsi, Mme Denyse MacKenzie continuera de coprésider un sous-groupe sur les techniques de mise en application de la loi aux cartels. À la conférence du Réseau international de la concurrence tenue le printemps dernier au Cap, en Afrique du Sud, ce sous-groupe a ajouté à son manuel des techniques de mise en application des mesures anticartels un chapitre sur la cueillette de preuves numériques et a étendu son chapitre sur l’indulgence. Il a également établi un modèle d’application anticartels qui établit les principales caractéristiques de la grande majorité des régimes anticartels en vigueur dans le monde aujourd'hui. De plus, le sous-groupe tient un atelier annuel sur les cartels auquel participent des agents du RCN de toutes les parties du globe qui échangent des points de vue concernant des pratiques optimales et des expériences de le domaine des enquêtes.

Plus près de nous, à la mi-septembre, j’ai participé à un groupe d’experts international qui s’est penché sur les questions de la dissuasion et du recours à des sanctions criminelles dans la mise en application du droit criminelle de la concurrence à l’occasion de la Conférence de Fordham on sur la politique du droit antitrust international à New York. Le débat a en partie porté sur la nécessité d’améliorer notre aptitude à déceler des cartels. Dans cette optique, nous avons entrepris d’actualiser notre Programme d’immunité. Mme MacKenzie vous parlera de nos travaux dans ce domaine cet après-midi à la réunion d’experts sur l’immunité.

Une autre de nos priorités au chapitre de la mise en application de la loi consiste à combattre la fraude par marketing de masse. Ce dossier représente une lourde charge de travail et devrait nous tenir très occupés. Le Bureau est saisi de milliers de plaintes alléguant des fraudes de marketing de masse chaque année. La plupart se rapportent à des activités frauduleuses transfrontalières, et nous collaborons avec d’autres organismes pour poursuivre les fraudeurs en justice. Toutefois, pour déterminer quelles seront les fraudes par marketing de masse à l’égard desquelles nous intenterons des poursuites, nous cherchons à raffiner notre approche pour traiter les stratagèmes qui exploitent les Canadiennes et les Canadiens.

À l’heure actuelle, le Bureau porte une attention particulière aux dossiers d'approvisionnements aux entreprises. Ces manoeuvres, qui ciblent les entreprises, les gouvernements, les organismes caritatifs et les ONG, consistent à donner des indications trompeuses dans le but de vendre toutes sortes de choses, des cartouches de toner aux répertoires d’entreprises. Notre but est d’établir une jurisprudence qui aura un effet dissuasif optimal sur les vendeurs d'approvisionnements aux entreprises.

L’affaire Benlolo illustre bien nos travaux dans ce domaine et les sanctions que nous cherchons à faire imposer à ce type d’activité criminelle. Le printemps dernier, la Cour d’appel de l’Ontario a maintenu la condamnation à une peine d’emprisonnement de 34 mois et à des amendes de 400 000 $ de chacun des deux principaux instigateurs du stratagème de fausses factures Yellow Business Directory.com. Nous sommes particulièrement ravis de l’avis formulé par la Cour d’appel selon lequel les activités assujetties à l’article 52 de la Loi devraient être considérées comme criminelles et frauduleuses. Le Bureau recommandera au procureur général que les principes énoncés dans l’affaire Benlolo soient appliqués aux représentations au moment de la sentence et aux plaidoyers négociés dans tous les cas de marketing de masse frauduleux, et notamment les cas d'approvisionnements aux entreprises. Ces principes prévoient que :

  1. les amendes devraient être d’une valeur égale aux revenus générés par le stratagème;
  2. une peine d’emprisonnement importante sera imposée dans certains cas;
  3. un accusé peut encourir à la fois une amende et une peine d’emprisonnement.

Bien entendu, notre lutte contre le marketing de masse frauduleux s’articule en grande partie autour des activités en direct. C’est pour cela que trouver de meilleures façons de mettre en application la Loi sur la concurrence sur le marché électronique constitue notre troisième priorité de mise en application de la loi. Nous sommes bien déterminés à donner suite aux allégations frauduleuses et trompeuses relatives aux produits de santé qui sont véhiculées par Internet et par pourriels. En avril 2004, le Bureau a lancé FrancNet, un programme de surveillance entièrement voué à la lutte contre la publicité trompeuse dans Internet. Depuis, nous avons mené à terme et avec grand succès avec nos partenaires de la collectivité internationale une campagne concertée de deux ans essentiellement destinée à combattre les arnaques liées aux produits d'amaigrissement dans Internet. Cette initiative s’est traduite par l’adoption de plus de 734 mesures d’observation de la loi et de sensibilisation par ces partenaires. De tous les sites Web surveillés par le Bureau dans le cadre de cette initiative, 73 % se conforment maintenant à la Loi sur la concurrence.

Comme le fait ressortir cette initiative, la nature transfrontière de la fraude par Internet nécessite une réaction d’envergure internationale. Le Bureau travaille en étroite collaboration avec ses partenaires de la communauté internationale pour mieux combattre et reconnaître les dangers dont recèle le marché du commerce électronique. À titre d’exemple, en tant que membres du Réseau international de contrôle et de protection des consommateurs (RICPC) et du Groupe d'étude Canada-États-Unis-Mexique sur la fraude dans le domaine de la santé, ou MUCH, nous tirons parti de la mise en commun de renseignements et de la concertation des efforts en ce sens par les organismes partenaires internationaux. Dans l’exécution de ces travaux, le Bureau a pu compter sur des moyens technologiques de déceler des activités frauduleuses dans Internet, ce qui lui a permis d’adopter une approche proactive. En fait, nous avons récemment commencé à nous servir d’un outil de recherche dans Internet qui permet de cerner plus rapidement et d’une manière plus méthodique les activités frauduleuses potentielles. Nous nous sommes également assurés les services d’experts indépendants pour exercer des fonctions de surveillance et pour nous aider à dépister les auteurs d’activités frauduleuses.

Au Canada, nous avons tenu en janvier dernier une Journée du commerce électronique de détail qui a remporté un franc succès auprès des consommateurs, entrepreneurs et experts de l’industrie qui se sont penchés sur les tendances actuelles du commerce électronique ainsi que sur les pratiques commerciales déloyales et d’autres nouveaux concepts tels que la neutralité dans Internet.

Enfin, notre dernière priorité au chapitre de la mise en application de la loi se rapporte à l’abus de position dominante. Cet aspect de la politique de la concurrence suscite de plus en plus l’intérêt des organismes antitrust du monde entier, déterminés qu’ils sont à définir plus clairement les normes relatives au monopoles et les pratiques optimales. Ce mois-ci, justement, j’ai participé à un groupe d’experts internationaux qui a témoigné lors d’audiences publiques conjointes de la Federal Trade Commission et de la division antitrust du Department of Justice des États-Unis sur les pratiques des entreprises dominantes. Notre priorité à ce chapitre consiste à mieux définir la portée des dispositions sur l’abus de position dominante. En conséquence, grâce à des évaluations préliminaires fondées sur des critères de catégorisation ainsi qu’à un examen interne effectué par un comité de la Direction générale des affaires civiles chargé de la mise en application de la loi, nous nous efforçons d’accorder la priorité aux questions qui sont le plus susceptibles de nous aider à atteindre cet objectif en délaissant les autres.

Ce travail nécessitera entre autres une rationalisation de notre politique d’intervention relativement aux prix d’éviction. Nous avons plusieurs publications qui décrivent notre démarche dans ce domaine du droit, incluant l’ébauche du bulletin sur l’abus de position dominante dans l’industrie des télécommunications parue cette semaine. Nous tiendrons d’ailleurs cette année, dans un premier temps, des discussions à l’interne visant à éclaircir notre approche face aux plaintes de prix d’éviction.

Bien évidemment, nous avons aussi l’intention d’être très actifs sur cette question dans le cadre du Réseau international de la concurrence. À ce sujet, je voudrais d’ailleurs souligner la participation de nombreux conseillers non gouvernementaux qui ont apporté une contribution inestimable au travail du réseau dans ce domaine. C’est avec plaisir que nous accueillerons votre aide pour poursuivre nos efforts.

Au chapitre de la mise en application de la loi en la matière, nous avons été heureux lorsque, en juin dernier, la Cour d’appel fédérale du Canada a ordonné au Tribunal de la concurrence de réexaminer nos arguments contre Tuyauteries Canada. Dans son ordonnance, la Cour a estimé que le Tribunal avait mal interprété la traitement des agissements anticoncurrentiels ou la prévention ou l’empêchement sensible de la concurrence dans le contexte d’une conduite unilatérale selon l’article 79. La Cour a également rejeté le contre-appel de Tuyauteries Canada contestant la conclusion du Tribunal, à savoir que l’entreprise occupait une position dominante dans le marché. À notre avis, cette décision donne des directives utiles régissant les dossiers fondés sur l’article 79.

Priorités en matière de promotion de la concurrence

Je voudrais aborder maintenant le rôle du Bureau dans la promotion de la concurrence, notre deuxième grande question prioritaire. Le commentaire le plus pertinent sur l’importance de cette mission a sans doute été émis par mon homologue allemand, Ulf Böge, lorsqu’il s’est exprimé comme suit :

« Faire obstacle aux infractions à la loi sur la concurrence commises par les entreprises demeure sans aucun doute notre principale tâche mais, pour protéger la concurrence de façon efficace, il faut faire plus. La guerre contre les restrictions à la concurrence imposées par l'État n'est pas moins importante si la concurrence doit se développer librement.1»

Comme vous le savez, le Bureau joue un rôle crucial en sa qualité de promoteur éclairé du marché auprès et à l’extérieur du gouvernement. Une part énorme de notre mandat consiste à faire valoir les avantages de la concurrence dans les marchés d’un océan à l’autre. En mai, j’ai expliqué comment nous entendions concentrer nos efforts de promotion dans le domaine de la santé, des télécommunications, des professions autoréglementées et de la mise en place d’une perspective concurrentielle. Où en sommes-nous donc dans ces secteurs? Voici, dans les grandes lignes, ce qui s’est fait au cours des derniers mois.

Dans le domaine de la santé, nous avons mis l’accent sur l’industrie pharmaceutique, qui revêt une importance non négligeable du fait qu’elle représente un gros morceau du budget canadien des soins de santé et qu’elle a connu une croissance chaque année, que ce soit en dollars absolus ou relatifs. Nous avons élaboré un plan de travail détaillé de promotion de la concurrence dans cette industrie. Nos équipes spécialisées dans la propriété intellectuelle et le secteur de la santé ont organisé une journée sectorielle dédiée au domaine pharmaceutique en mars. Les membres se sont également adressés à des acheteurs des milieux pharmaceutiques et à des intervenants de divers échelons du gouvernement et des organisations gouvernementales pour leur expliquer les activités potentiellement nuisibles à la concurrence dans l’industrie. Nous continuerons de chercher les occasions semblables de faire entendre nos arguments, parce que je suis convaincue qu’il s’agit d’un secteur où les forces du marché sont susceptibles de donner des résultats positifs et d’être profitables à l’ensemble des Canadiennes et des Canadiens.

Cette année, nous étudierons aussi le marché des produits pharmaceutiques génériques. Les médicaments génériques jouent en effet un rôle capital dans la création de la concurrence sur le plan de l’offre de produits pharmaceutiques une fois que ceux-ci ne sont plus protégés par brevet. Des études comme le rapport publié en juin 2006 par Conseil d’examen du prix des médicaments brevetés, où les auteurs ont constaté que le prix des médicaments génériques au Canada étaient généralement élevés par rapport à d’autres pays, portent à croire que les marchés canadiens connexes n’engendrent peut-être pas les avantages auxquels on pourrait s’attendre. Notre étude tentera d’évaluer cette question et les moyens possibles de multiplier, dans une mesure justifiable, les avantages découlant de la concurrence créée par les médicaments génériques; elle s’attachera particulièrement à la structure de la réglementation et des marchés.

Entre-temps, nous collaborons avec l’Office de la propriété intellectuelle du Canada et d’autres instances au sujet de l’interface entre la propriété intellectuelle et la politique de concurrence. Nous avons demandé un examen des grands enjeux, précisé des sujets à étudier et créé un groupe de rédaction international qui supervisera le travail des divers auteurs chargés de se pencher sur ces questions. Ce travail alimentera les discussions à un symposium de haut niveau qui aura lieu au début de l’an prochain et il est possible que nous révision nos Lignes directrices pour l’application de la loi concernant la propriété intellectuelle. Nous contribuerons au dialogue dans ce domaine, en publiant des précis d’information technique sur diverses sociétés pharmaceutiques, comme la transaction qui a impliqué récemment GlaxoSmithKline Inc. et ID Biomedical Corporation.

Nous continuons également de faire la promotion de la concurrence dans le secteur des télécommunications. En mars 2006, le Groupe d’étude sur le cadre réglementaire des télécommunications a publié un rapport assorti de certaines recommandations, à l’intention du ministre de l’Industrie, qui venaient rejoindre notre point de vue. Le groupe d’étude conseillait entre autres de se fier davantage aux forces du marché et a insisté sur l’importance d’utiliser notre expertise et celle du CRTC d’une manière mieux coordonnée et plus efficace. Nous avons ensuite approché le CRTC pour nous aider à rédiger un bulletin sur l’abus de position dominante dans l'industrie des télécommunications. Pour les besoins de ce document, nous avons tiré parti de la connaissance qu’a le CRTC de cette industrie, en incluant plusieurs exemples de conduites fréquemment alléguées anticoncurrentielles par les participants de l’industrie des télécommunications. L’emphase sur un secteur spécifique est l’exception pas le règle pour nous, mais parce que le groupe d’étude avait recommandé de laisser jouer davantage les forces du marché, il nous semblait bien que la prévisibilité et la transparence seraient bien reçus par les intervenants. Par conséquent, nous avons consacré d’abondantes ressources cet été à la rédaction de ce bulletin en ébauche afin de l'émettre à temps pour la présente conférence. Je suis sûre qu’il a déjà provoqué certains débats et je suis impatiente de poursuivre le dialogue avec vous.

La promotion de la concurrence dans les professions autoréglementées constitue notre troisième priorité, et vous en entendrez parler en long et en large demain dans le cadre de l’atelier avec mes collègues qui oeuvrent à l’étranger. Pour le moment, je dirai que nous avons connu un succès modeste en juin lorsque le Real Estate Council de l’Alberta a décidé d’éliminer les règles interdisant aux courtiers immobiliers d’offrir des incitatifs financiers aux acheteurs et de mettre un terme aux restrictions concernant le paiement, dans certaines circonstances, de commissions pour recommandation. Dans ses discussions avec le conseil albertain, le Bureau l’avait fortement encouragé à adopter ces modifications dans le but de favoriser une concurrence plus vigoureuse dans les services immobiliers en Alberta.

Notre travail visant à promouvoir les avantages de la concurrence dans le secteur de l’hygiène dentaire est un autre exemple de notre démarche de promotion de la concurrence : le 7 mars 2006, le Bureau a publié dans son site Web les lettres qu’il a envoyées aux gouvernements de l’Alberta, de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick, où nous faisions part de notre appui envers les initiatives provinciales instituant des collèges indépendants d’hygiénistes dentaires. Nous avons également recommandé des règles qui pourraient régir un collège efficient. Nous avons encouragé aussi les provinces à saisir l’occasion pour mettre en place une concurrence véritable dans le marché des services d’hygiène dentaire en vue de favoriser la prestation de services efficients, peu coûteux et novateurs dans le domaine.

Finalement, comme je l’ai déjà mentionné, une de nos plus grandes priorités consiste à trouver des façons d’examiner les lois du Canada afin de limiter l’intervention de l’État aux mesures les moins envahissantes. Cet automne, nous participerons aux réunions du Comité sur la concurrence de l’OCDE, où nous prendrons connaissance de certains outils qui pourraient nous servir à cette fin.

Gestion du rendement

Conformément à ce que j’ai déclaré le printemps dernier à cette même tribune, nous avons mis en œuvre un nouveau cycle de planification au Bureau. Ce processus, dirigé par un groupe de planification interne, commence par une évaluation préliminaire où tous les employés du Bureau sont appelés à examiner le contexte dans lequel ils travailleront dans l’année qui vient. Les résultats de cette évaluation sont discutés lors d’une journée de réflexion des membres de la haute direction.

Cette année, j’ai demandé à ce groupe de planification de recourir à une approche semblable pour mettre en œuvre notre projet de gestion du rendement. Nous sommes persuadés que cette initiative nous permettra de faire en sorte que nous sommes aussi efficients que possible dans notre travail visant à préserver et à favoriser une économie concurrentielle pour tous les Canadiens. Nous avons demandé à nos collègues d’autres pays quelles pratiques optimales existent chez eux dans ce domaine.

Bien entendu, la gestion du rendement comprend un volet important, soit l’examen critique du travail accompli. À ce propos, Steven D. Levitt et Stephen J. Dubner affirment dans leur ouvrage intitulé Freakonomics que, si on pose assez de questions, même si elles peuvent sembler étranges de prime abord, il est possible d’apprendre en bout de ligne quelque chose de valable. Nous avons déjà entamé un examen d'une fusion à posteriori et je suis sûre que nous en tirerons bien des leçons utiles. L’examen portera essentiellement sur une fusion qui n’est plus assujettie à notre période d’examen de trois ans prévue par le législateur. D’après les commentaires que nous avons entendus lors de notre journée sectorielle sur l’industrie des forêts en janvier dernier, je peux imaginer que certains intervenants auraient souhaité que nous jetions un coup d’oeil à une fusion qui vient d’avoir lieu dans l’industrie. Cependant, ces transactions entrent dans ce période de trois ans, alors elles ne feront pas parties de l’exercice.

Nous ferons aussi un examen séparé concernant les mesures correctives passées, ce qui nous permettra de rester en harmonie avec les autres instances à l’étranger, notamment la Commission européenne et la Federal Trade Commission, une étape critique de notre autoévaluation.

L’analyse d'une fusion à posteriori nous aidera dans notre autoévaluation en répondant aux questions suivantes :

  • Le marché est-il plus ou moins concurrentiel maintenant qu’avant le fusionnement?
  • Nos prévisions relatives aux effets concurrentiels de la fusion étaient-elles exactes?
  • Des effets imprévus se sont-ils fait sentir?
  • Avons-nous négligé des facteurs pertinents durant notre examen?
  • Avons-nous utilisé les bonnes techniques dans l’application de notre cadre analytique?

Le projet comprendra des entrevues auprès de participants de l’industrie et un examen d’autres sources valables d’information. Nous nous attendons à disposer des résultats au plus tard à la fin de 2006. Une fois que le rapport final aura été approuvé et dépouillé des renseignements de nature confidentielle, il sera publié dans notre site Web.

Dans la partie de notre analyse qui traite des mesures correctives, nous interrogerons des acheteurs, des vendeurs et des fiduciaires. Nous avons pour objectif d’évaluer, a posteriori, les forces et les faiblesses de nos mesures ainsi que l’efficacité du processus de dessaisissement. Ce projet vient tout juste de se mettre en branle; nous prévoyons analyser environ 30 dossiers assortis de mesures correctives, puis procéder aux entrevues. Nous avons l’intention de mener ce projet à terme dans le courant de la prochaine année, Nous rendrons nos conclusions publiques, bien évidemment, mais les renseignements confidentiels seront éliminés.

Initiatives continues

Avant de terminer, je voudrais faire le point rapidement sur certaines autres initiatives importantes qui nous ont occupés cette année.

Sur le front législatif, j’ai annoncé lors de la conférence de l’automne dernier que le Bureau avait formé un groupe de travail externe composé d’avocats et d’économistes experts chargés de nous aider à examiner divers modèles qui pourraient être utilisés dans la mise en application de l’article 45 de la Loi sur la concurrence. En même temps, nous avons aussi mis sur pied un groupe de travail interne qui se pencherait sur les modèles. En juin dernier, les membres de ces deux groupes de travail ont terminé cette tâche. Depuis, le Bureau examine leurs constatations en vue de rédiger une proposition de réforme de l’article 45. Cette proposition devrait être discutée lors de tables rondes publiques de nature technique que nous prévoyons tenir au début de l’année 2007.

Un grand nombre d’entre vous le savez : nous avons lancé plusieurs initiatives visant à clarifier comment les gains en efficience devraient être analysés à la lumière de la Loi. Parmi nos plus récentes, nous avons confié à un comité consultatif, en 2005, la tâche de faire rapport sur le traitement approprié des gains en efficience dans le cadre de l’examen d’une fusion. Stimulés en partie par certaines recommandations du comité consultatif, nous avons depuis lors sollicité les conseils d’experts externes, notamment sur l’efficience dynamique, ce point étant particulièrement vital dans l’économie d’aujourd’hui, marquée par la rapidité de l’innovation et des changements technologiques. Bien que notre travail à ce jour suggère qu’il n’existe aucun indice clair permettant de prédire les efficiences dynamiques réelles ni aucun moyen facile de les mesurer, le domaine est vaste et présente des dimensions qui justifient une étude approfondie.

Pendant que nous poursuivons notre travail sur les gains en efficience – et nous croyons pouvoir être en mesure de préciser davantage l’approche que nous jugeons adéquate en matière de mise en application de la loi – je voudrais vous faire part de certains commentaires et principes issus de ce que nous avons réalisé jusqu’à maintenant.

Premièrement, nous ne considérons pas qu’il soit, à court terme, ni souhaitable ni conseillé de chercher à faire modifier les dispositions sur les gains en efficience. Même si nous sommes convaincus qu’il reste des incertitudes quant à l’utilisation du moyen de défense fondé sur les gains en efficience, toute notre attention sera orientée pour le moment vers un objectif, qui consiste à clarifier comment nous interprétons notre mandat, compte tenu des termes utilisés dans la Loi et des décisions rendues par les tribunaux, et comment nous nous acquitterons de ce mandat en pratique.

Deuxièmement, nous voulons souligner – tout comme nous le faisons explicitement dans nos lignes directrices pour l’application de la loi en matière de fusions – que nous prenons effectivement en considération les gains en efficience qui nous sont signalés. Il est important pour nous de prendre connaissance d’observations solides et soigneusement réfléchies, qui expliquent aussi bien la motivation des parties à la transaction que les synergies possibles ayant une pertinence pour notre évaluation. Nous exhortons donc vos clients à nous transmettre ces observations dès les premières étapes du processus, et sous une forme aussi étayée que possible, et à ne pas se laisser arrêter par l’idée fausse suivant laquelle le fait de présenter ces observations revient en quelque sorte à avouer qu’il existe des répercussions néfastes à la concurrence.

Troisièmement, une interprétation claire de la Loi nous oblige à tenir compte des gains en efficience durant l’évaluation que nous effectuons pour déterminer si nous contesterons ou non un fusionnement. En ce qui concerne l’article 96 plus spécifiquement, disons que nous n’aurons pas nécessairement recours au Tribunal lorsque les gains en efficience résultant de la fusion surpasseraient et neutraliseraient clairement les conséquences anticoncurrentielles : bien que l’expérience nous ait montré que les dossiers de tels cas sont rares, nous pourrions alors procéder plutôt à notre propre évaluation des gains en efficience, si nous sommes suffisamment convaincus par les éléments de preuve, et autoriser la fusion en conséquence.

Nous avons certaines interrogations, pour ce qui est de l’article 92, au sujet de la place que nous pouvons donner aux gains en efficience à la première étape de notre évaluation, surtout depuis l’affaire Superior Propane, où le Tribunal a déclaré que les gains en efficience devaient être examinés seulement à la lumière de l’article 96 et non pas de l’article 92. Comme pour les gains en efficience dynamiques, nous avons l’intention de continuer nos consultations à cet égard. Nous pensons être en mesure de donner des conseils plus poussés dans un avenir proche, et nous sommes impatients d’en discuter plus amplement avec vous.

Comme vous pouvez le constater, l’année qui vient de s’écouler a certainement été bien remplie, et l’hiver s’annonce encore plus occupé. Bien entendu, il me serait impossible de remplir mes fonctions de commissaire de la concurrence sans le travail inestimable des employés du Bureau : sans eux, le Bureau n’existerait pas, et je désire remercier chacun et chacune pour son dévouement sans relâche. C’est notamment parce qu’ils ne comptent pas leurs efforts que nous avons pu publier plusieurs documents à temps, dans des délais extrêmement serrés, de manière à ce que vous puissiez en débattre ici. Il s’agit notamment du Bulletin d’information sur les mesures correctives en matière de fusions au Canada et l’ébauche du Bulletin d’information sur les dispositions en matière d’abus de position dominante dans l’industrie des télécommunications. Je voudrais aussi remercier tous ceux qui ont travaillé avec nous cette année, peu importe à quel titre, ou qui ont participé à nos consultations. Il est clair que nous avons tous le même intérêt, c’est-à-dire veiller à ce que la concurrence reste vigoureuse et efficace dans les marchés canadiens. C’est avec plaisir que nous poursuivrons notre collaboration encore cette année.

Merci.


1 Ulf Böge, Forum sur la concurrence 2004 à Séoul, Corée.

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