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Bureau de la concurrence du Canada

Bureau de la concurrence

Notes pour une allocution

prononcée par
Sheridan Scott
Commissaire de la concurrence

Bureau de la concurrence

Panel de la commissaire : L'antitrust dans les professions autoréglementées : une perspective internationale

Conférence annuelle d’automne 2006 en droit de la concurrence
Gatineau, Québec
29 septembre 2006

(Vérifier au moment de l'allocution)

(PDF : 143 Ko)


Je vous remercie. Je suis ravie d’avoir l’occasion d’agir comme modératrice de notre distingué groupe d’experts. Avant que les discussions ne commencent, j’aimerais vous entretenir brièvement des professions et d’une partie du travail que nous accomplissons au Bureau de la concurrence.

Dans un nouveau livre intitulé Licensing Occupations: Ensuring Quality or Restricting Competition? (Upjohn Institute, 2006), le professeur Morris Kleiner, de l’Université du Minnesota, a estimé qu’aux États-Unis, en 2000, 20 % des travailleurs occupaient des emplois assujettis à une forme quelconque d’exigences de permis de pratique de l’État, comparativement à 5 % dans les années 50. Si l’on prend en considération les exigences des gouvernements locaux et fédéral, c’est peut-être trois travailleurs sur 10 qui sont tenus d’obtenir un permis pour travailler. En abordant la question sous autre angle, on peut dire que le nombre de travailleurs qui doivent détenir un permis professionnel atteint maintenant plus du double de celui des travailleurs couverts par une convention collective négociée par un syndicat. Il est difficile d’obtenir des données comparables au Canada, mais on peut présumer que les résultats seraient assez semblables. Certains emplois inclus par le professeur Kleiner ne seraient pas considérés comme des « professions autoréglementées » au sens ordinaire de cette expression; les résultats ne seraient alors sans doute pas aussi spectaculaires. Néanmoins, il est indéniable que ce secteur compte pour une part significative et croissante du PIB.1

Jusqu’à récemment, le Bureau tenait pour acquis que la « défense de la conduite réglementée » (DCR) s’appliquerait dans la plupart des situations concernant les professions réglementées et que, par conséquent, notre rôle serait limité. Certains d’entre vous se souviennent peut-être que nous avons publié dans notre site un bulletin technique sur la DCR il y a quelque temps et que nous avions alors demandé au public de nous soumettre ses commentaires dans le cadre d’une révision à grande échelle de nos politiques en la matière. Cette démarche nous a conduits à modifier nos politiques internes; en effet, nous sommes désormais ouverts à l’idée de mener des affaires civiles concernant des entités réglementées devant le Tribunal de la concurrence. Il reste à voir comment le Tribunal réagira, mais nous sommes impatients de préciser notre rôle dans les industries réglementées, autant pour notre propre gouverne que pour celle du secteur privé.

Le suivi des activités des autres autorités de la concurrence fait partie intégrante de nos activités courantes. Nous savons donc que bon nombre de nos homologues étrangers ont entrepris des études en profondeur ainsi que d’autres initiatives concernant les professions autoréglementées au sein de leur pays respectif. On pourrait nommer, entre autres, les Américains, les Britanniques, les Australiens, les Irlandais et les Européens – et des représentants de trois de ces administrations sont avec nous aujourd’hui. Ces études utiles nous ont permis, entre autres, de procéder à des comparaisons sur le plan international.

Ces trois considérations – l’importance croissante des professions autoréglementées pour l’économie, notre approche révisée concernant la DCR et l’exemple des autres autorités – ont joué un grand rôle dans ma décision de donner la priorité à ce secteur pour ce qui est de nos activités de promotion de la concurrence et de mise en application de la loi. Permettez-moi de vous décrire en quelques mots une partie de notre travail dans ce domaine.

Vers la fin de 2005, nous avons appris que trois gouvernements provinciaux, ceux de l’Alberta, de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick, étaient en train de modifier leur réglementation en vue d’établir l’autoréglementation pour les hygiénistes dentaires. Le 7 mars 2006, nous avons publié dans notre site Web des lettres que j’avais envoyées aux trois gouvernements pour présenter le point de vue du Bureau sur l’autoréglemention des professions et la structure légale qui régit leur fonctionnement. Dans ces lettres, j’établissais huit principes généraux qui doivent guider les gouvernements lorsqu’ils créent des organismes d’autoréglementation (OAR). Je n’en donnerai pas la liste ici mais, en général, ils traitent de questions telles que l’accès au marché, la transparence, l’impartialité et l’évaluation périodique.2

Plusieurs mois après, j’ai annoncé, dans un discours intitulé « Concurrence et innovation dans un monde plat »3  prononcé lors d’une conférence Insight tenue à Toronto le 15 mai 2006, que j’avais demandé à aux membres de mon personnel d’entreprendre une étude comparative d’un certain nombre d’OAR afin de déterminer si certains d’entre eux utilisent des restrictions pouvant être nuisibles à la concurrence ou contrôlent la conduite de leurs membres en matière de concurrence et, si c’est le cas, dans quelle mesure ils le font. Ces restrictions pourraient inclure toutes celles qui ont un impact sur l’entrée dans la profession, les honoraires, les droits réservés, la structure des entreprises et la publicité. L’étude couvrira la législation, la réglementation et les codes de pratique régissant une série de services professionnels dans les 10 provinces et les trois territoires. Le Bureau tentera aussi de mesurer les effets économiques sur la concurrence des différents genres de restrictions.

À cette fin, nous avons envoyé des questionnaires aux associations professionnelles, aux ordres professionnels et aux conseils d’administration des comptables, avocats, optométristes, opticiens, pharmaciens et agents immobiliers des dix provinces et des trois territoires. Notre étude reposera en grande partie sur l’information que nous recevrons en réponse à ces questionnaires. Nous en sommes aux dernières étapes d’un processus de demande de propositions afin de retenir les services d’un économiste spécialisé qui nous aidera dans notre analyse économique des effets sur le bien-être des consommatrices et des consommateurs des restrictions gouvernementales et non gouvernementales imposées sur les membres de ces OAR. En fonction de la qualité des réponses reçues, nous publierions d’ici environ un an un document de consultation traitant du recours à ces pratiques. Une fois le processus de consultation terminé, nous publierions un rapport final qui informera le public et les responsables de l’élaboration des politiques de nos constatations et, le cas échéant, de ce qu’il en coûte aux consommateurs et à l’économie en termes de réduction de la concurrence. L’étude sera semblable à celle qu’ont menées les organismes responsables de la politique sur la concurrence d’autres administrations, par exemple la Commission européenne4 et l’Irish Competition Authority.5  Nous espérons que, comme cela s’est produit dans d’autres pays, les ordres professionnels prendront par la suite des mesures pour modifier les pratiques qui auront été jugées anticoncurrentielles. Voici comment l’Union européenne (UE) a procédé.

En janvier 2003, la Direction générale de la concurrence a publié un rapport sur la concurrence dans les professions. Ce rapport analysait six professions : les avocats, les notaires, les ingénieurs, les architectes, les pharmaciens et les comptables (y compris les conseillers en fiscalité). Dans son résumé sur l’impact économique de la réglementation des professions libérales dans les États membres, les auteurs du rapport déclarent :

[Traduction] « ...les données empiriques disponibles semblent indiquer que des résultats sous-optimaux attribuables à la réglementation du point de vue de l’ensemble de l’économie (ainsi que du point de vue des consommateurs en particulier) sont présents à divers degrés dans les domaines du droit, de la comptabilité, de la pharmacie et des professions techniques dans de nombreux pays membres de l’Union européenne, en particulier dans les pays qui réglementent les services professionnels de manière restrictive. Cette étude nous amène à conclure de manière globale qu’on pourrait faire en sorte que les stratégies de réglementation allégée qui fonctionnent dans un État membre fonctionnent également dans un autre, sans réduire la qualité des services professionnels et pour le bénéfice ultime du consommateur. »

La Commission a invité les autorités de réglementation des pays membres et les organismes professionnels à revoir les règles actuelles en se demandant si ces règles sont d’intérêt public, si elles sont proportionnelles et si elles sont justifiées. Nous voulons faire de même.

En 2005, La Commission a publié un document de travail intitulé « Progress by Member States in reviewing and eliminating restrictions to Competition in the area of Professional Services » qui donne un aperçu détaillé du progrès fait par les pays membres.

Parmi les professions qui seront visées par notre étude, et dont j’ai donné la liste il y a quelques instants, trois, soit les optométristes, les opticiens et les pharmaciens, font partie du secteur de la santé et c’est de ce secteur dont je veux maintenant vous parler, car il s’agit d’un des secteurs prioritaires pour le Bureau ainsi que d’un des grands thèmes de nos discussions d’aujourd’hui.

Lorsqu’on pense aux secteurs professionnels réglementés au Canada, l’exemple le plus évident qui nous vient en premier lieu à l’esprit est le secteur de la santé. En 2004, le total estimatif des dépenses associées au secteur de la santé s’est chiffré à 130 milliards de dollars.6  En 1975, les coûts totaux des soins de santé au Canada représentaient 7 % du PIB. En 2005, cette proportion a atteint 10,4 %, selon les estimations, soit 4 411 $ par personne. On a estimé qu’en moyenne, en 2005, 7 dollars sur 10 dépensés en soins de santé provenaient des fonds publics. Les trois autres dollars provenaient de sources privées et couvraient les coûts de services supplémentaires comme les médicaments, les soins dentaires et les soins de la vue.7

Une part importante des professionnels de l’industrie, par exemple les optométristes, les opticiens et les pharmaciens, mènent leurs activités dans un environnement qui s’apparente plus ou moins à un marché, en vertu d’un régime d’autoréglementation semblable à celui qui régit les activités des professions choisies pour notre étude. Si nous arrivons aux mêmes conclusions que nos homologues, nous croyons que nous pouvons contribuer à la discussion sur la meilleure manière de procéder en vue d’améliorer la réglementation de ces professions.

Bien entendu, bon nombre d’entre nous qui travaillons dans le domaine du droit de la concurrence, même si nous n’avons pas à l’heure actuelle de politiques précises à proposer pour améliorer la situation, sommes d’avis qu’au moins une partie de la solution consiste à introduire une dynamique de marché dans la mesure du possible ou au moins à concevoir des mesures qui permettraient d’atteindre les objectifs politiques de la manière la moins importune possible. J’espère que nos discussions d’aujourd’hui nous aideront à découvrir comment on s’y est pris ailleurs.

La discussion du groupe d’experts adoptera la formule suivante : nous entendrons tout d’abord une présentation du professeur Ted Marmor, professeur de politique et de gestion publique à la faculté de gestion de l’Université Yale. Le professeur Marmor nous entretiendra du rôle des mesures antitrust dans le secteur des soins de santé. Formé à Harvard et à Oxford, le professeur Marmor enseigne à la faculté de droit de Yale ainsi qu’au département de sciences politiques et à la faculté de gestion. Il a écrit plusieurs livres sur la réforme de l’assurance-maladie et il est un des principaux experts du domaine.

La présentation du professeur Marmor sera suivie d’une séance de questions et réponses à laquelle participeront aussi nos invités de marque, qui représentent des organismes antitrust du Royaume-Uni, des États-Unis et d’Australie. Ils ont tous été actifs dans le domaine des professions réglementées et, dans certains cas, se sont intéressés précisément à celui du secteur des soins de santé. Il s’agit de :

Me Philip Collins, président de l’Office of Fair Trading (OFT) de Grande-Bretagne depuis le 1er octobre 2005. Me Collins a pratiqué dans le domaine du droit de la concurrence pendant près de 30 ans. Il a établi le droit de la concurrence en tant que champ de pratique spécialisé pour le cabinet Lovells. Pendant les 12 dernières années de sa carrière, il a eu ses bureaux à Bruxelles. Me Collins a conseillé les clients de nombreux secteurs industriels dans une série d’affaires variées, devant l’OFT, la Commission de la concurrence, la Commission européenne et les tribunaux européens.

Me William Blumenthal est chef du contentieux de la Federal Trade Commission. Il détient un B.A. et une M.A. en économie de l’Université Brown ainsi qu’un doctorat en droit de l’Université Harvard. Avant d’entrer au service du gouvernement en mars 2005, il a pratiqué le droit en tant qu’associé au bureau de Washington (DC) de King & Spalding LLP. Il a été actif dans les travaux du Réseau international de la concurrence, de la section antitrust de l’American Bar Association, du comité sur la concurrence du Comité consultatif économique et industriel auprès de l'OCDE (BIAC) et de nombreux autres groupes antitrust.

M. John Martin a été nommé commissaire de l’Australian Competition and Consumer Commission (ACCC) en juin 1999 et renommé dans ses fonctions le 7 juin 2004 pour un second mandat de cinq ans en tant que commissaire. Ses responsabilités particulières incluent les questions touchant la petite entreprise ainsi que celles concernant la santé.

M. Martin a été directeur exécutif de la Chambre de commerce et d’industrie d’Australie de 1989 jusqu’à sa nomination à l’ACCC. Plus tôt dans sa carrière, M. Martin a été conseiller en politiques et gestionnaire de programme pour le compte du Trésor d’Australie et du ministère de l’Industrie ainsi que consultant industriel régional auprès des Nations Unies à Bangkok.


1 Site Web de Santé Canada

2 http://www.competitionbureau.gc.ca/internet/index.cfm?itemID=2033&lg=f;
 http://www.competitionbureau.gc.ca/internet/index.cfm?itemID=2034&lg=f;
 http://www.competitionbureau.gc.ca/internet/index.cfm?itemID=2035&lg=f

3 http://www.competitionbureau.gc.ca/internet/index.cfm?itemID=2092&lg=f

4 On peut consulter l’étude de la Commission dans le site Web de la Commission européenne (disponible en anglais seulement).

5 Le site Web de l’Irish Competition Authority (disponible en anglais seulement). Les études sur les professions se trouvent sous la rubrique « Professions Study ».

6 Site Web de l’Institut canadien d’information sur la santé .

7 Institut canadien d'information sur la santé, « Tendances des dépenses nationales de santé, 1975 à 2005, Ottawa, l’Institut, 2005, pp. iii, 4-5, 7 et 99, cité sur le site Web de Santé Canada.


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