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Bureau de la concurrence du Canada

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Lignes directrices pour l'application des dispositions sur l'abus de position dominante - Annexe III : Compression verticale constituant une pratique d'exclusion

Table des matières

Introduction

La première pratique d'agissements anticoncurrentiels mentionnée à l'article 78 est la « compression ». Cette pratique est définie dans la Loi comme suit :

  1. la compression, par un fournisseur intégré verticalement, de la marge bénéficiaire accessible à un client non intégré qui est en concurrence avec ce fournisseur, dans les cas où cette compression a pour but d'empêcher l'entrée ou la participation accrue du client dans un marché ou encore de faire obstacle à cette entrée ou à cette participation accrue.

La pratique décrite à l'article 78 est très précise. Elle s'applique aux ventes faites par un fournisseur situé en amont de la chaîne à un client situé en aval et qui, outre son statut de client, est aussi un concurrent. Il y a compression lorsque le fournisseur (en amont) augmente le prix de gros par rapport au prix de détail, ce qui rétrécit la marge bénéficiaire de ses clients (en aval). Il peut également y avoir compression lorsque le prix de gros demeure le même, mais que le fournisseur abaisse le prix de vente au détail, forçant ainsi son client et concurrent à faire de même.

Envisagé sous l'angle de la politique relative à la concurrence, le concept de la « compression » est bien différent du concept de l'érosion de la marge bénéficiaire découlant des pressions exercées par une saine concurrence. S'ils sont interrogés à ce sujet, la plupart des concurrents se plaindront que leurs marges sont insuffisantes à cause de la concurrence féroce qui se livre dans le marché. La compression des marges peut indiquer la vigueur de la concurrence sur le marché concerné, et ne pas nécessairement résulter d'une pratique de prix d'éviction à laquelle se livreraient les grandes entreprises. La marge bénéficiaire peut être comprimée lorsqu'un marché est en déclin, qu'il est encombré ou qu'il doit faire l'objet d'un remodelage en raison de l'évolu tion des tendances des consommateurs. En pareil cas, une marge bénéficiaire rétrécie peut constituer un signal pour les entreprises moins efficaces, à savoir qu'il est temps de quitter le marché.

La théorie des formes de compression anticoncurrentielles

L'article 79 traite de la pratique de compression à laquelle se livrent une entreprise ou un groupe d'entreprises dominantes dans le but d'exclure ou d'évincer les concurrents du marché ou de mettre au pas ceux qui représentent une menace. L'objet de cette compression est de dissuader ou d'empêcher de nouveaux venus de faire leur entrée dans le marché en aval, de confiner les entreprises en aval à de petits créneaux du marché, ou de les éliminer du marché.

Cette forme de compression a pour effet de diminuer la concurrence dans le marché en aval à un point tel que l'entreprise qui pratique la compression peut exercer une puissance commerciale en augmentant ses marges de profit ou en abaissant la qualité ou le service. Le but de la compression comme moyen d'éviction est donc de faire des superbénéfices. Il convient de distinguer cette pratique d'une stratégie normale qui, face à une baisse de la demande ou à l'évolution des habitudes de consommation, consiste à minimiser les pertes.

Conditions structurelles préalables à l'extension de la puissance commerciale à un autre stade de production

Pour décider si une allégation de compression des prix tombe sous le coup de l'article 79, le Bureau examinera les conditions structurelles du marché en question. Si certaines conditions structurelles ne sont pas présentes, la compression des prix exercée sur un concurrent en aval ne pourra pas constituer une stratégie rentable pour un fournisseur intégré dominant. Pour que l'accroissement vertical de la puissance commerciale soit une stratégie rentable, il faut que certaines conditions structurelles soient réunies, autant dans le marché en amont que dans celui qui se situe en aval. Il doit d'abord y avoir une puissance commerciale sûre et importante constituée d'une ou de plusieurs entreprises opérant sur le marché en amont (c'est-à-dire le marché de la vente en gros). Si tel n'est pas le cas, les clients en aval pourront éviter la compression en se tou rnant vers d'autres fournisseurs. Par conséquent, pour que l'on puisse considérer la pratique de compression des prix comme étant anticoncurrentielle, il faut d'abord pouvoir conclure à l'existence d'une position dominante unilatérale ou conjointe dans le marché de la vente en gros.

Lorsque aucune entreprise ne détient, à elle seule, une position dominante sur le marché, mais qu'un groupe d'entreprises coordonne son action de façon à constituer une puissance commerciale et à en faire une utilisation abusive, cette coordination constitue, en soi, une pratique anticoncurrentielle, pour la raison qu'elle confère artificiellement une puissance commerciale aux membres d'un groupe d'entreprises qui seraient autrement tenus de se faire concurrence.

Établissement du fondement de la compression anticoncurrentielle

Tel que déjà mentionné, la simple compression ou érosion des marges de profit ne suffit pas pour conclure qu'une ou plusieurs grandes entreprises se livrent à des agissements anticoncurrentiels. Même si les entreprises en question occupent une position dominante dans le marché, il est nécessaire, pour pouvoir faire la distinction entre une conduite qui justifierait la présentation d'une demande d'ordonnance au Tribunal et un comportement concurrentiel par ailleurs légitime, d'examiner attentivement leurs pratiques en matière d'établissement des prix. Tel qu'il est indiqué dans cette section, le Bureau inclura dans son analyse l'examen de plusieurs scénarios économiques possibles.

Le fournisseur (grossiste) qui possède la puissance commerciale nécessaire pour exercer le contrôle, et qui n'a pas acquis cette puissance par des moyens allant à l'encontre de la Loi, peut tirer des profits de monopole simplement en fixant, à l'étape de la vente en gros, un prix de monopole pour un produit donné. Cette pratique ne constitue pas une utilisation abusive de la puissance commerciale, car le fournisseur qui touche déjà le rendement maximal, n'a pas intérêt à exiger un prix pouvant avoir pour effet d'éliminer ses clients ou de les mettre au pas.

Pour que l'extension du pouvoir monopolistique soit logique, les données doivent indiquer que la dominance exercée à un niveau de la production (celui de la vente en gros) ne suffit pas et qu'elle doit s'étendre au moins à un autre niveau (celui de la vente au détail). Il y a plusieurs cas où l'extension de la puissance commerciale à un autre niveau de production peut être rentable.

Une situation de cette nature existe dans le cas des proportions variables. Lorsque l'intrant fourni par l'entreprise monopoliste située en amont n'est pas utilisé par les entreprises en aval dans des proportions déterminées, il ne suffira pas, pour tirer pleinement partie du pouvoir monopolistique en amont, de fixer un prix monopolistique au niveau de la vente en gros, parce que les utilisateurs en aval substitueront le produit d'un détenteur de monopole s'il augmente son prix. Il faudrait, pour que pareille stratégie réussisse, que le détenteur d'un monopole puisse obliger le client en aval à utiliser l'intrant dans des proportions supérieures à ce qui serait le cas en l'absence d'un pouvoir monopolistique en amont.

D'autres façons de procéder, pour que l'extension de la puissance commerciale d'un stade à un autre soit profitable, consisteraient à contourner la réglementation des prix en amont ou à exploiter les possibilités de discrimination des prix en aval.

Lorsque la concurrence est imparfaite aux deux stades de production, les entreprises intégrées sembleront toujours se livrer à des pratiques de compression à l'endroit de leurs concurrents non intégrés. La raison en est que la marge bénéficiaire d'une entreprise intégrée verticalement dans des conditions de concurrence imparfaite est toujours inférieure au total des marges bénéficiaires d'une entreprise située en aval et de tout fournisseur non lié qui se trouve en amont. Les économistes parlent alors du problème de la double majoration des prix. Prenons le cas d'une entreprise dominante qui, seule en amont, fournit un intrant à deux entreprises faiblement concurrentielles qui, sises en aval, vendent leur produit aux consommateurs. S'il n'y a pas d'intégration verticale, l'entreprise en amont exigera des entreprises en aval, pour l'intrant qu'elle leur vend, un prix supérieur au coût marginal (le prix normal dans un marché où la concurrence est parfaite). Ces entreprises majoreront à leur tour le prix du produit qu'elles vendent aux consommateurs. C'est le problème de la double majoration des prix, c'est-à-dire la majoration de prix déjà majorés à l'étape précédente.

Prenons maintenant un autre cas, celui d'une entreprise dominante sise en amont qui fusionne avec l'une des entreprises sises en aval, tout en continuant d'approvisionner l'autre entreprise ou les autres entreprises non intégrées, également sises en aval. La Division en amont de l'entreprise intégrée verticalement fournit maintenant l'intrant, à un coût marginal (aucune marge bénéficiaire), à la Division en aval, laquelle majorera son prix. Cette majoration unique est inférieure au total des majorations auparavant fixées par les entreprises en amont et en aval, de sorte que l'entreprise intégrée verticalement accroît sa production et abaisse ses prix tandis que son concurrent non intégré qui se trouve en aval perd une part de marché ou est obligé de baisser son prix. Dans l'un ou l'autre cas, il y a perte de profits, malheureuse pour le concurrent non intégré, mais avantageuse pour le consommateur de même que pour l'économie. En raison de la marge bénéficiaire globale inférieure de l'entreprise intégrée, les entreprises non intégrées qui achètent de celle-ci semblent être soumises à une manoevre de compression de sa part. Cette compression apparente n'est toutefois pas forcément liée à une stratégie d'éviction et ne serait donc pas nécessairement considérée comme une pratique anticoncurrentielle.

Critères permettant de décider si la compression constitue une pratique anticoncurrentielle

Il est évident qu'une analyse approfondie s'impose pour déterminer dans quels cas la compression constitue une pratique anticoncurrentielle. Lorsqu'il est saisi d'allégations de cette nature et qu'il estime que l'entreprise faisant l'objet de la plainte contrôle le marché pertinent, le Bureau cherchera à savoir si la compression reprochée a eu pour effet de diminuer sensiblement la concurrence. Pour répondre à cette question par l'affirmative, le Bureau doit être en mesure de conclure que la compression en cause, par ses effets de mise au pas, d'exclusion ou d'éviction, a permis à l'entreprise dominante ou à celle qui s'est livrée à cette pratique de maintenir ou d'accroître sa puissance commerciale. Si ce fait est établi, le Bureau poursuivra son examen en présumant, dès ce moment-là, que la compression des marges bénéficiaires alléguée dans la plainte est anticoncurrentielle.

Il existe plusieurs situations où un concurrent peut resserrer les marges bénéficiaires d'un autre. La plupart de ces situations sont compatibles avec une concurrence saine et ne posent pas de problème au sens de la Loi. La compression de la marge bénéficiaire va à l'encontre de l'article 79 dans les cas où une entreprise ou un groupe d'entreprises dominantes intégrées verticalement jugent rentable de resserrer la marge bénéficiaire des concurrents non intégrés situés en aval, afin de les évincer ou de les mettre au pas, et où cette pratique entraînera une hausse des prix pour le consommateur. Voici les caractéristiques de ces situations :

  1. Les conditions structurelles de la domination unilatérale ou conjointe au stade pertinent de production en amont (comme la vente en gros) doivent être réunies. Ces conditions sont énoncées à la section 3.2.1d) des présentes lignes directrices. Voici quelques-unes des conditions qui doivent être réunies pour conclure à l'existence d'une forme de contrôle de la part d'un groupe d'entreprises :
    1. Les entreprises doivent détenir ensemble une part importante du marché en question. Étant donné qu'il est foncièrement difficile pour les concurrents non affiliés de coordonner leur action pour exercer une puissance commerciale sur le marché, le seuil de la part de marché collective devrait être plus élevé que dans les cas où la domination est exercée par une seule entreprise.
    2. L'élément de preuve doit indiquer que l'action a pour effet d'entraîner une hausse des prix ou qu'elle s'apparente à une forme de pratique d'agissements anticoncurrentiels.
    3. L'élément de preuve doit indiquer l'existence d'entraves à l'entrée au sein du groupe ainsi que d'obstacles empêchant de nouveaux venus d'avoir accès au marché en question. Par définition, une action équilibrée et bien coordonnée est une action qui a pour effet d'augmenter les prix au sein du groupe au-delà des niveaux concurrentiels, ce qui est de nature à inciter d'autres entreprises à se joindre au groupe. Un exemple de preuve d'obstacles à l'entrée réside dans l'application de mesures d'exclusion qui empêchent un nouveau venu de faire partie du groupe. De façon générale, il est tout aussi difficile d'établir une coordination de cette nature que de prouver l'existence d'une entente, et il est donc nécessaire de mettre en preuve une certaine capacité d'exclure les entreprises extérieures (p. ex., une asymétrie qui permet aux entreprises conjointement dominantes de bénéficier d'un avantage unique sur l'entreprise qui s'estime lésée).
    4. Même dans les cas où une action coordonnée est plausible et où il existe suffisamment d'obstacles à l'entrée au sein du groupe, la possibilité d'une rivalité entre les membres du groupe (par exemple, la tricherie) est souvent une contrainte importante qui empêche un groupe d'entreprises de coordonner leur action de façon rentable. Il faut donc avoir des éléments de preuve concrets établissant que les membres du groupe ont pris des mesures destinées à freiner la concurrence entre eux47.
    5. Enfin, il faut avoir la preuve qu'un grand nombre de clients ne peuvent utiliser de stratégies de réplique. Les clients importants sont souvent en mesure de structurer leurs activités d'approvisionnement de façon à neutraliser les efforts que déploient les membres d'un groupe d'entreprises pour atténuer la rivalité entre eux (soit, par exemple, en utilisant le processus d'appel d'offres, soit en concluant des ententes secrètes avec certains vendeurs, soit encore en n'achetant les extrants qu'en petites quantités, l'objectif de cette dernière tactique étant de porter atteinte à la règle du partage implicite des extrants, essentielle au maintien d'une action coordonnée).
  2. Il faut prouver que l'élimination ou, du moins, la diminution sensible de la concurrence au dernier stade de la production (comme celui de la vente au détail) est possible. On peut y arriver en établissant qu'il existe des obstacles à l'accès au marché, qu'il s'agisse ou non d'un nouveau venu, qu'il n'y a aucun proche substitut et que l'entreprise ou le groupe d'entreprises dominantes possèdent déjà une part importante du marché en aval.
  3. Il faut également prouver qu'il y a eu une compression des prix visant l'exclusion et que celle-ci a été suffisamment prolongée et systématique pour constituer une pratique.
  4. Il faut aussi prouver que l'entreprise dominante désire étendre sa puissance commerciale à un autre stade de production en vue d'accroître ses profits. À cette fin, il est possible de démontrer que la capacité dont dispose l'entreprise dominante pour exploiter sa puissance commerciale à ce stade de production, qu'elle domine déjà, est restreinte.

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47 Les pratiques facilitantes peuvent avoir pour but de permettre aux entreprises de mieux coordonner leur action ou de déceler les écarts de conduite par rapport aux conditions de la coordination. Mais il peut aussi arriver, au même moment, que l'on s'adonne à ces pratiques pour des raisons de bonne gestion commerciale (par exemple, dans le but de fournir aux consommateurs des renseignements sur les prix, ou de protéger les stimulants relatifs à certains investissements), et qui n'ont donc rien à voir avec une action qui serait coordonnée dans un dessein malintentionné. Il faut examiner la raison d'être et les effets probables de ces pratiques avant de les considérer comme élément de preuve d'une forme de contrôle conjoint.


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