Page d'accueil English version
 

Débats du Sénat (hansard)

2e Session, 35e Législature,
Volume 135, Numéro 6

Le mardi 26 mars 1996
L'honorable Gildas L. Molgat, Président


LE SÉNAT

Le mardi 26 mars 1996
La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Le décès de M. Paul Septimus Deacon

Hommages

L'honorable Richard J. Doyle: Honorables sénateurs, l'un des journalistes les plus connus du Canada est mort samedi à l'hôpital Mount Sinai, à Toronto, sa ville natale. Paul Deacon a cependant partagé sa vie entre deux villes, se consacrant autant à la capitale financière qu'à la capitale politique de son pays.

Des années durant, il pilotait son propre avion entre Toronto et Ottawa, pour être plus vite rendu dans l'autre ville chaque fois qu'il s'arrêtait dans l'une d'elles. On remarque fréquemment cette sorte de maladie chez nous qui travaillons en cette enceinte. C'est l'un des attraits du métier que les parlementaires partagent avec les journalistes.

Paul Septimus Deacon était diplômé de l'Université de Toronto. C'est l'un de ceux qui sont passés directement de la salle de classe à l'armée de l'air. Il s'est distingué durant la guerre au sein du 620e Escadron de la RAF. On remarque que des dépêches ont mentionné les exploits du capitaine d'aviation Deacon.

Sa carrière au Financial Post a progressé à un rythme fulgurant. Engagé en 1947 à titre de reporter, il est devenu rédacteur de la section sur les investissements en 1952, rédacteur en chef du journal en 1964 et éditeur en 1968. Il était aussi directeur de Maclean Hunter Limitée.

Il a tenu les rênes au cours d'une période de croissance et d'innovation qui a permis au journal d'établir sa réputation au pays. Il n'était certainement pas à l'image de certains éditeurs stéréotypés comme on en voit dans les salles de nouvelles de toutes les villes du Canada.

Paul Deacon était un Canadien distingué, à la voix calme et aux manières réservées. Il était journaliste d'enquête dans l'âme. Quant il le fallait, il pouvait diriger des recherches approfondies jusque dans les transactions les plus obscures du monde des affaires. Toutefois, ses intérêts n'étaient pas limités à sa profession. Il suffit pour s'en convaincre de prendre connaissance de ses accomplissements et de son influence pendant les années où il était président du Ballet national du Canada.

Par ailleurs, il ne cachait pas ses liens avec la Fondation des prix Michener. Durant un certain temps, Paul a été président de l'institution qui portait le nom de cet ancien Gouverneur général ayant une passion pour le journalisme. C'est la persévérance de Paul Deacon qui a permis de recueillir le financement nécessaire à l'établissement de ce programme de remise annuelle du prix Michener - des bourses d'études pour service public dans les médias. Les prix Michener sont les plus recherchés dans le domaine du journalisme au Canada.

De nos jours, cela paraît bien, dans les deux Chambres du Parlement, de dire qu'il est temps de faire quelque chose au sujet des journalistes. Le travail de Paul Deacon pour améliorer la qualité de la presse écrite nous laisse avec une dette de reconnaissance pour le travail de pionnier qu'il a accompli avec détermination dans le domaine du journalisme.

[Français]

Le Développement des ressources humaines

La réforme de l'assurance-chômage-Répercussions pour les travailleurs saisonniers

L'honorable Jean-Maurice Simard: Honorables sénateurs, pour poursuivre ma croisade contre le projet de loi C-12 et mon invitation à la majorité libérale au Sénat d'autoriser le comité d'entreprendre une pré-étude, je vais vous lire un éditorial de l'Acadie nouvelle de vendredi dernier qui résume bien les sentiments de ce côté de la Chambre et surtout les raisons de ce désir de voir un comité du Sénat au Nouveau-Brunswick pour étudier et améliorer le projet de loi C-12.

C'est un article de Michel Doucet. Je lis l'éditorial en question dont le titre est «Un drôle d'investissement».

Rarement un projet de loi fédéral aura-t-il soulevé autant de controverse, de crainte et d'indignation que celui qui traite de la réforme de l'assurance-chômage. L'opposition à cette réforme est telle que le gouvernement montre déjà certains signes de fléchissement.

Le projet de loi C-12 (l'ancien C-111, tout simplement rebaptisé mais aucunement modifié... pour l'instant) sera bientôt introduit et débattu aux Communes. Son principal défenseur, l'Acadien Doug Young, élu. Ses principaux opposants: des milliers de travailleurs saisonniers, électeurs.

On apprenait plus tôt cette semaine que le fédéral pourrait engager jusqu'à 2 millions de dollars pour «vendre» les vertus de ce projet de loi à la population canadienne. Il s'agirait d'un plan de communication destiné à démontrer que l'ensemble du pays est d'accord avec une réforme de l'assurance-chômage. Des sondages s'en sont pourtant déjà chargés.

S'il est vrai qu'une vaste proportion de Canadiens et de Canadiennes s'entendent pour dire oui à des modifications, il serait tout à fait illusoire de croire que la réforme telle qu'elle est actuellement présentée est acceptable aux yeux de tous.

M. Young a déjà promis des modifications. A-t-il vraiment le choix devant pareille levée de boucliers, particulièrement dans sa province et dans tout l'est du pays? Les libéraux peuvent-ils vraiment croire que le C-12 va «passer» dans sa forme actuelle? Jamais de la vie, et cette idée de campagne publicitaire à coups de millions de dollars le démontre clairement.

Ce que ce projet de loi de promotion démontre aussi, c'est le désarroi du gouvernement fédéral devant les récriminations de ceux et celles que la réforme de l'assurance-chômage va toucher le plus durement, le plus cruellement. Ottawa n'avait apparemment pas vu venir le coup, ce qui démontre bien le manque de clairvoyance et de sens commun de certains élus.

On essaie donc maintenant de faire diversion; on voudrait que les caméras de télévision montrent autre chose que des manifestants en colère dans les rues de nos communautés. Pourtant, cela n'y fera rien.

Le mouvement d'opposition a démontré sa détermination, et rien ne laisse croire pour l'instant à un essouflement de cet élan. On a beau dire à Ottawa que les manifs ne dérangent pas; foutaise! Plusieurs sont dans leurs petits souliers sur la Colline.

Plutôt que de dépenser inutilement des sous dans des campagnes publicitaires, le gouvernement serait beaucoup mieux avisé de tendre l'oreille et de démontrer aux travailleurs saisonniers qu'il comprend leur situation. C'est quand les gens ont l'impression - et dans ce cas-ci, la certitude - de ne pas être écoutés que les choses tournent mal.

Il est à peu près certain que cette campagne publicitaire n'aura aucun effet sur le mouvement de révolte enclenché en Acadie et de plus en plus suivi dans le reste du pays. En fait de coup d'épée dans l'eau, on n'aura rarement vu mieux.

Doug Young et Jean Chrétien savent mieux que quiconque dans quelle situation se trouvent les travailleurs saisonniers. Ils connaissent l'état et l'humeur de l'économie et ils devraient reconnaître que les changement proposés ne sont pas applicables dans la conjoncture actuelle.

Bien sûr, on nous promet des changements, mais encore faut-il qu'Ottawa tende l'oreille afin de saisir parfaitement le désir de la population, pas seulement la majorité qui demeure totalement ignorante de la réalité dans certaines régions du pays.

À l'heure où tous les paliers décisionnels prêchent les coupures et les restrictions, voilà deux beaux millions de dollars investis pour absolument rien.

J'ajoute que c'est un gaspillage éhonté lorsque l'on demande aux travailleurs saisonniers et à tous les Canadiens de couper dans les dépenses frivoles et dans la publicité alors que l'on s'apprête à faire des frais aux travailleurs saisonniers par l'entremise du projet de loi C-12.

[Traduction]

La justice

L'abrogation de la disposition prévoyant l'admissibilité des meurtriers à la libération conditionnelle anticipée

L'honorable Gerry St. Germain: Honorables sénateurs, les Canadiens d'un bout à l'autre du pays ont été choqués et furieux d'apprendre que Clifford Olson, qui a été condamné pour meurtre, pourra dès août prochain demander une libération conditionnelle anticipée en vertu de l'article 745 du Code criminel.

Les familles des victimes de Clifford Robert Olson ont été assez terrorisées. En tant que législateurs, nous devrions avoir honte d'avoir permis si longtemps des abus de la sorte au sein de notre système judiciaire.

Le mois dernier, en Alberta, le ministre de la Justice a rencontré les familles des victimes. Il les a laissées sur l'impression qu'il allait accorder une attention hautement prioritaire à l'élimination de l'article 745 du Code criminel. Or, cela fait plus de quinze mois que le comité de la justice de la Chambre des communes a été saisi de cette question et pourtant, le ministre a dit qu'il allait falloir encore plus de temps à son gouvernement pour l'examiner.

Hier, le ministre de la Justice s'est adressé à l'Association canadienne des policiers à l'occasion de son assemblée annuelle. L'un des sujets abordés lors de cette rencontre fut l'article 745. L'Association canadienne des policiers veut que cet article soit supprimé. Moi aussi.

Dans le discours qu'il a prononcé devant l'ACP, le ministre de la Justice a défendu l'article 745 dans le cadre d'une affaire de meurtre à Toronto. Dans cette affaire, la famille du meurtrier est également celle de la victime. Donc, la famille veut une libération conditionnelle anticipée.

La plupart des Canadiens pensent que, indépendamment des circonstances, le meurtre d'un Canadien innocent justifie la prison à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle. Le ministre de la Justice est-il en train de dire qu'il a un certain plateau de tolérance pour les personnes condamnées pour meurtre?

Face à l'indignation manifestée par les nombreuses familles de victimes de meurtre, le ministre de la Justice dit aussi qu'il se peut que l'article 745 soit abrogé seulement dans le cas des personnes coupables d'une série de meurtres. L'un des avantages d'abroger l'article 745 est que, je l'espère, cela permettra d'empêcher des meurtriers libérés sous condition de commettre des meurtres en série.

Les déclarations récentes du ministre de la Justice concernant l'article 745 m'amènent à croire qu'il se préoccupe davantage de la perte apparente des droits des meurtriers que des droits des victimes et de leurs familles et de la protection du public en général.

Je veux dire ceci au ministre de la Justice: si nous devons faire une erreur, que ce soit en faveur des victimes et pour le bien du public, et non en faveur des meurtriers. Honorables sénateurs, combien de Canadiens devront succomber aux mains de meurtriers libérés sous condition avant que ce gouvernement ne fasse quelque chose pour éliminer l'article 745?

[Français]

Le Québec

Résultat des élections complémentaires

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, il y avait hier au Canada, et plus particulièrement au Québec, des élections complémentaires.

[Traduction]

Quelle n'a pas été ma surprise de lire dans un article de Susan Delacourt paru dans le Globe & Mail que Pierre Pettigrew, l'un des deux ministres choisis par le premier ministre Chrétien lui-même, avait remporté «le siège de Papineau-Saint-Michel avec une marge infime».

Je me demande où était Susan Delacourt hier soir, car Pierre Pettigrew a remporté une victoire retentissante. Moi qui suis fédéraliste et ami intime de M. Pettigrew, je ne comprends pas ce genre d'article. La dernière fois, mon camarade de classe et ami, André Ouellet, avait remporté ce siège avec 51 p. 100 des voix; cette fois, M. Pettigrew l'a remporté avec 59 p. 100 du scrutin.

L'excellent candidat qui représentait le Bloc québécois a obtenu 34 p. 100 des voix tandis que, lors des dernières élections, le candidat du Bloc en avait recueilli 39 p. 100. Lors du référendum, les fédéralistes l'avaient remporté par une large majorité dans cette circonscription et les séparatistes avaient recueilli 35 p. 100 des voix. Ils en ont eu moins hier.

En tant que fédéraliste, je me réjouis de ces percées dans la bataille du Québec. Je suis heureux d'être le premier, avant même les sénateurs libéraux, à parler de ces élections parce que je suis un activiste et que j'aime l'organisation. Aux élections générales de 1993, le candidat libéral dans Lac-Saint-Jean avait remporté 5 100 voix et, hier, même si moins de gens ont voté, le candidat libéral a obtenu 5 100 voix. C'est remarquable.

J'ai été consterné par l'article de Susan Delacourt dans le Globe and Mail, un journal très respecté et que j'aime lire. En tant que fédéraliste, je dirais que les résultats d'hier au Québec paraissent très intéressants. Quant aux résultats à Terre-Neuve et en Ontario, je laisse aux autres le soin de les commenter.

Je suis heureux que la cause fédéraliste canadienne, qui subit des attaques constantes, ait gagné l'appui de deux nouveaux ministres, MM. Dion et Pettigrew. M. Pettigrew, que je connais mieux que M. Dion, sera un solide pilier au Québec. Il est un homme éloquent. Il comprend la position du Québec au Canada. C'est un fédéraliste détendu. Vous devriez tous vous réjouir de l'arrivée au Parlement de ces deux ministres élus avec d'aussi confortables avances hier.

Il n'est pas étonnant que les circonscriptions de Saint-Laurent-Cartierville et de Papineau-Saint-Michel fassent toutes deux partie de la circonscription que j'ai représentée pendant tant d'années à la Chambre des communes. Je suis heureux de voir qu'il n'y a pas eu de changement après mon départ.

Les championnats mondiaux de patinage artistique de 1996

Edmonton, Alberta

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je serai brève. En tant que fière Albertaine et fière Canadienne, je voulais signaler au Sénat l'immense succès des championnats mondiaux de patinage artistique, qui ont eu lieu à Edmonton la semaine dernière. Je félicite les organisateurs. Je ne crois pas qu'un tel succès aurait été possible sans l'Association canadienne de patinage artistique, qui appuie ces jeunes athlètes canadiens depuis tant d'années.

Je félicite aussi les bénévoles de la ville d'Edmonton, qui ont créé ce qu'on a appelé les meilleurs championnats mondiaux jamais tenus. Évidemment, des félicitations vont aussi à nos patineurs, Shae-Lynn Bourne et Victor Kraatz, qui ont remporté la médaille de bronze en danse sur glace.

Tous nos patineurs ont fait honneur au Canada. Les habitants d'Edmonton ont montré au monde entier le travail, l'appui, l'enthousiasme et l'excellence dont le Canada, l'Alberta et les villes de cette province sont capables.

Les jeunes

Les prêts d'études du provincial-Les restrictions de la mobilité des étudiants du premier cycle

L'honorable M. Lorne Bonnell: Honorables sénateurs, je voudrais porter à l'attention de la Chambre ce qui m'apparaît comme une violation possible des droits constitutionnels des étudiants du premier cycle qui désirent fréquenter des universités et collèges canadiens.

À la différence des garanties que la Loi canadienne sur la santé accorde à tous les Canadiens, des étudiants dans le besoin qui désirent fréquenter une université ou un collège de leur choix se voient souvent nier leur droit à la mobilité reconnu par la Charte canadienne des droits et libertés. À la différence du prêt d'études du fédéral, qui est transférable à tout établissement public d'enseignement postsecondaire au Canada, des provinces comme la Saskatchewan, l'Alberta et la Colombie-Britannique lient souvent l'admissibilité aux prêts provinciaux à la fréquentation d'établissements situés sur leur territoire, et refusent d'accorder une aide financière si cette condition n'est pas sastisfaite, même lorsque la demande d'admission de l'étudiant à un établissement situé dans une autre région de notre magnifique pays a été acceptée.

À la différence du prêt d'études du fédéral, qui permet à tout étudiant admissible d'emprunter le même montant maximum de 165 $ par semaine, des provinces comme la Colombie- Britannique, le Nouveau-Brunswick et Terre-Neuve imposent des plafonds de prêt tellement bas que certains étudiants du premier cycle ne peuvent pas se permettre d'étudier à l'extérieur de leur province.

En fait, honorables sénateurs, l'an dernier des étudiants du premier cycle de la province de Nouvelle-Écosse avaient droit à un prêt hebdomadaire deux fois plus élevé que celui accordé aux étudiants de la Colombie-Britannique.

Enfin, tout n'est pas parfait dans ma propre province, l'Île-du-Prince-Édouard. Comme plusieurs autres provinces, l'Île-du-Prince-Édouard n'offre pas de prêt d'études aux étudiants à temps partiel et elle ne possède pas non plus de programmes d'exemption d'intérêts à l'intention des étudiants qui se retrouvent en chômage ou qui sont incapables de rembourser immédiatement leur prêt.

En tant que parlementaires, nous protestons souvent contre le système de santé à deux vitesses aux États-Unis. Pourquoi demeurons-nous si silencieux au moment où le pays se dirige justement vers un système d'enseignement supérieur à deux vitesses, une pour les riches et une autre pour le reste de la population?

Honorables sénateurs, j'exhorte les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux de commencer immédiatement à travailler en vue d'aller au-delà de l'harmonisation administrative, pour faire en sorte que non seulement les nantis et les chanceux puissent étudier dans les universités canadiennes de leur choix mais pour que les étudiants les meilleurs et les plus brillants puissent en faire autant.


AFFAIRES COURANTES

Le Budget des dépenses de 1995-1996

Présentation et impression en annexe du rapport du Comité national des finances nationales sur le Budget des dépenses supplémentaire (B)

L'honorable Pierre De Bané: Honorables sénateurs, au nom de notre président, le sénateur Tkachuk, j'ai l'honneur de présenter le deuxième rapport du comité sénatorial permanent des finances nationales concernant l'examen du Budget des dépenses supplémentaire (B), déposé devant le Parlement pour l'exercice se terminant le 31 mars 1996.

Je demande que le rapport soit imprimé en annexe aux Journaux du Sénat d'aujourd'hui pour qu'il fasse partie du compte rendu permanent du Sénat.

Son Honneur le Président: Est-ce d'accord, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

(Le texte du rapport figure en annexe aux Journaux du Sénat de ce jour.)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand étudierons-nous ce rapport?

(Sur la motion du sénateur De Bané, avec la permission du Sénat et par dérogation à l'alinéa 58(1)g) du Règlement, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la présente séance.)

[Français]

L'Euthanasie et l'aide au suicide

Dépôt du rapport du comité

L'honorable Thérèse Lavoie-Roux: Honorables sénateurs, conformément à l'article 104 du Règlement du Sénat, j'ai l'honneur de déposer le rapport du comité sénatorial spécial sur l'euthanasie et l'aide au suicide concernant les dépenses engagées par le comité au cours de la première session de la trente-cinquième législature.

Le Comité de sélection

Présentation et impression en annexe du troisième rapport

L'honorable Jacques Hébert: Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de présenter le troisième rapport du comité de sélection portant sur la désignation des sénateurs pour faire partie des comités mixtes du Sénat.

Je demande que le rapport soit imprimé en annexe aux Journaux du Sénat de ce jour.

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

(Le texte du rapport figure aux Journaux du Sénat de ce jour.)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand étudierons-nous ce rapport?

Le sénateur Hébert: Honorables sénateurs, je propose que le rapport soit étudié à la prochaine séance.

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, je suis bien prêt à donner mon consentement, mais avant de le faire, je veux dire ceci.

[Traduction]

Je constate qu'une fois encore, les membres des comités mixtes ont été désignés. Certains d'entre nous ont une bonne expérience en la matière. J'ai moi-même été membre du comité mixte spécial de la Chambre des communes et du Sénat sur un code d'éthique. Je n'ai jamais manqué une réunion, contrairement à d'autres.

[Français]

Son Honneur le Président: Honorable sénateur Prud'homme, je regrette de vous interrompre, mais il n'y a pas eu demande de permission. L'honorable sénateur Hébert proposait que l'étude du rapport soit remise à la prochaine séance du Sénat. Donc, la permission du Sénat n'est pas requise. La motion est adoptée et nous reprendrons le débat à la prochaine séance.

(Sur la motion du sénateur Hébert, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

[Traduction]

Énergie, environnement et ressources naturelles

Dépôt du rapport du comité

L'honorable Ron Ghitter: Honorables sénateurs, conformément à l'article 104 du Règlement du Sénat, j'ai l'honneur de présenter le premier rapport du comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles. Ce rapport porte sur les dépenses engagées par le comité durant la première session de la trente-cinquième législature.

Accords de l'aéroport Pearson

Dépôt du rapport du comité spécial

L'honorable Finlay MacDonald: Honorables sénateurs, conformément à l'article 104 du Règlement du Sénat, j'ai l'honneur de présenter le premier rapport du comité spécial du Sénat sur les accords de l'aéroport Pearson. Ce rapport porte sur les dépenses engagées par le comité durant la première session de la trente-cinquième législature.

Honorables sénateurs, à cause des renseignements erronés diffusées dans les médias, je tiens à souligner que le Sénat a accordé un budget de 298 000 $ à ce comité que j'ai eu l'honneur de présider. J'attire l'attention du Sénat sur le fait que nous avons dépensé 200 000 $, soit près de 30 p. 100 de moins que le montant approuvé.

L'ajournement

L'honorable B. Alasdair Graham (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)h) du Règlement, je propose:

Que, lorsque le Sénat s'ajournera aujourd'hui, ce soit à demain, mercredi 27 mars 1996, à 13 h 30.

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

Projet de loi sur le pouvoir d'emprunt pour 1996-1997

Première lecture

Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu des Communes un message accompagné du projet de loi C-10, Loi portant pouvoir d'emprunt pour l'exercice 1996-1997.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Graham, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 57(1)f) du Règlement, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la présente séance.)

Le Code criminel

Projet de loi modificatif-PremiÈre lecture

L'honorable Anne C. Cools présente le projet de loi S-6, Loi modifiant le Code criminel (période préalable à la libération conditionnelle).

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président: Quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Cools, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour du jeudi 28 mars 1996.)

Énergie, environnement et ressources naturelles

Avis de motion portant autorisation au comité d'étudier les questions se rapportant à son mandat

L'honorable Ron Ghitter: Honorables sénateurs, je donne avis que demain, mercredi 27 mars 1996, je proposerai:

Que le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, en conformité au Règlement 86(1)(p), soit autorisé à étudier les questions qui pourraient survenir occasionnellement se rapportant à l'énergie, l'environnement et les ressources naturelles du Canada; et

Que le Comité fasse rapport au Sénat au plus tard le 31 mars 1997.

Loi sur les carburants de remplacement

Avis de motion portant autorisation au Comité de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles de suivre les questions liées à la mise en vigueur de la loi

L'honorable Ron Ghitter: Honorables sénateurs, je donne avis que demain, mercredi 27 mars 1996, je proposerai:

Que le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles soit autorisé à suivre toutes les questions liées à la mise en vigueur et à l'application de la Loi visant à promouvoir l'utilisation de carburants de remplacement dans les moteurs à combustion interne (antérieurement S-7); et

Que le Comité fasse rapport au Sénat au plus tard le 21 juin 1996.

Avis de motion portant autorisation au comité de permettre le reportage de ses réunions par les médias électroniques

L'honorable Ron Ghitter: Honorables sénateurs, je donne avis que demain, mercredi 27 mars 1996, je proposerai:

Que le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles soit habilité à permettre le reportage de ses délibérations publiques par les médias d'information électroniques, en dérangeant le moins possible ses travaux.

Affaires juridiques et constitutionnelles

Avis de motion portant autorisation au comité de siéger en même temps que le Sénat

L'honorable Sharon Carstairs: Honorables sénateurs, je donne avis que le mercredi 27 mars 1996, je proposerai:

Que le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles soit autorisé à siéger à 15 h 15 le mercredi 27 mars 1996, même si le Sénat siège à ce moment-là et que l'application du paragraphe 95(4) du Règlement soit suspendue à cet égard.

[Français]

Avis de motion autorisant le comité À engager du personnel et des services

L'honorable Sharon Carstairs : Honorables sénateurs, je donne avis que demain, mercredi, le 27 mars 1996, je proposerai:

Que le Comité sénatorial permanent des Affaires juridiques et constitutionnelles soit autorisé à retenir les services des conseillers juridiques et du personnel technique, d'employés de bureau ou d'autres personnes nécessaires pour examiner les projets de loi, la teneur des projets de loi et les prévisions budgétaires qui pourraient être déférés au Comité.

[Traduction]

(1440)

Projet de loi réglementant certaines drogues et autres substances

Avis de motion portant autorisation au Comité des affaires juridiques et constitutionnelles de recevoir et d'utiliser les documents et témoignages se rapportant à l'ancien projet de loi C-7 qui a été étudié pendant la dernière session du Parlement

L'honorable Sharon Carstairs: Honorables sénateurs, je donne avis que mercredi prochain, le 27 mars 1996, je proposerai:

Que les documents et témoignages recueillis par le Comité sénatorial des affaires juridiques et constitutionnelles pendant son examen du projet de loi C-7, Loi portant réglementation de certaines drogues et de leurs précurseurs ainsi que d'autres substances, modifiant certaines lois et abrogeant la Loi sur les stupéfiants en conséquence, au cours de la première session de la trente-cinquième législature et tout autre document parlementaire et témoignage pertinent concernant ledit sujet soient renvoyés à ce comité pour la présente étude du projet de loi C-8, Loi portant réglementation de certaines drogues et de leurs précurseurs ainsi que d'autres substances, modifiant certaines lois et abrogeant la Loi sur les stupéfiants en conséquence.


PÉRIODE DES QUESTIONS

La Justice

L'abrogation de la disposition prévoyant l'admissibilité des meurtriers à la libération conditionnelle anticipée-Les déclarations contradictoires du ministre-La position du gouvernement

L'honorable Gerry St. Germain: Honorables sénateurs, la question que j'adresse au leader du gouvernement est en conformité avec ma déclaration de tout à l'heure selon laquelle, dès août prochain, le nommé Clifford Robert Olson, condamné pour des meurtres multiples, pourra demander une libération conditionnelle anticipée en vertu de l'article 745 du Code criminel. Comme je l'ai souligné plus tôt, les familles des victimes sont scandalisées, avec raison, et ont demandé au gouvernement d'abroger cet article pour que des meurtriers comme Olson ne soient pas admissibles à une libération conditionnelle après seulement 15 ans d'incarcération.

Madame le leader du gouvernement au Sénat peut-elle assurer aux Canadiens que le gouvernement prend des mesures pour que des meurtriers comme Olson et d'autres ne soient pas admissibles à une libération conditionnelle anticipée après avoir purgé une si courte partie de leur peine?

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, beaucoup d'entre nous suivent cette question de très près. En guise d'introduction, je dirais que la sécurité publique est une très grande priorité pour le gouvernement. Le ministre de la Justice rencontré quelques-unes des familles des victimes qui sont vivement préoccupées par cette question.

Le ministre de la Justice a dit qu'il examinait l'article 745. Il a déclaré tant ici, à Ottawa, que dans ma province natale, l'Alberta, que le statu quo ne suffit pas et qu'il examinera cet article pour trouver la meilleure solution possible aux inquiétudes qui ont été exprimées.

Je ne peux pas promettre à mon honorable collègue que le ministre décidera d'abroger cet article. Il n'a encore pris aucune décision, mais la question le préoccupe beaucoup. Il est conscient du dossier et des divers sentiments qu'il soulève. Il a dit publiquement et clairement que des modifications seront apportées.

Le sénateur St. Germain: Honorables sénateurs, cette question me touche peut-être beaucoup du fait que la plupart des meurtres ont été commis dans la circonscription que j'ai représentée à l'autre endroit. De plus, j'ai travaillé pendant cinq ans comme agent de police, dont une bonne partie comme agent d'infiltration pour la police de la ville de Vancouver. Je connais la violence et la méchanceté de certains de ces gens. Je suis donc dans une position différente pour comprendre certains aspects de ce genre d'activités criminelles.

J'adresse donc une question complémentaire au leader du gouvernement au Sénat. Comment peut-on expliquer les déclarations contradictoires du ministre de la Justice sur cette question? En Alberta, quand il a parlé aux familles des victimes, il a fait allusion à une mesure qu'il prendrait certainement. Hier, devant l'Association canadienne des policiers, il a tergiversé et fait des déclarations plus vagues que celles qu'il avait faites en Alberta.

Je voudrais savoir si le leader du gouvernement au Sénat a arrêté une opinion à ce sujet. Quelle est sa position? Ne convient-elle pas que, lorsque le ministre parle dans le vague au sujet d'une telle question, il sape la confiance des Canadiens dans la sécurité publique et dans la police?

Le sénateur Fairbairn: Comme je l'ai dit plus tôt, le gouvernement accorde une importance primordiale à la sécurité publique.

Je ne suis pas d'accord avec les observations de l'honorable sénateur voulant que le ministre de la Justice parle dans le vague. Il examine les diverses possibilités qui s'ouvrent à l'égard de l'article 745. Il s'y est engagé. Il a déclaré clairement à Calgary que le statu quo était inacceptable. Si ma mémoire est bonne, et j'étais dans la province quand il a fait sa déclaration, il n'a pas dit catégoriquement qu'il abrogerait l'article 745. Il a dit qu'il l'étudierait et qu'il déciderait de la meilleure façon de servir les intérêts de la sécurité publique au Canada en modifiant cet article. Je suis d'accord avec sa position sur la question.

Les Pêches et les océans

Les manifestations des pêcheurs dans les Maritimes-L'état des projets de loi pertinents à venir

L'honorable Gerald J. Comeau: Honorables sénateurs, la question que j'ai à poser à la ministre a trait au conflit de la pêche dans la région de Scotia-Fundy. Comme la ministre le sait sans doute, lors des négociations entre des groupes de pêcheurs et le ministère des Pêches et des Océans, un des principaux sujets de préoccupation des pêcheurs avait trait aux projets de loi C-98, concernant les océans du Canada, et C-115, concernant les pêches. La ministre pourrait-elle nous dire où en sont ces deux mesures législatives?

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je devrai vérifier auprès du ministre des Pêches et auprès du leader parlementaire à l'autre endroit avant de pouvoir vous répondre.

Le sénateur Comeau: Au cours des négociations à Halifax, on a donné l'assurance que ces deux projets de loi feraient l'objet de consultations. Au nom des pêcheurs, nous voudrions obtenir l'assurance qu'on respectera les engagements que les représentants du parti du leader du gouvernement au Sénat ont pris à Dartmouth lors de ces négociations.

Madame le leader cherchera-t-elle à obtenir du ministre des Pêches l'assurance que ces projets de loi feront effectivement l'objet des vastes consultations qui avaient été réclamées?

Le sénateur Fairbairn: Je vais certainement transmettre les observations de mon honorable collègue au ministre des Pêches et au leader parlementaire à l'autre endroit afin d'établir où en sont ces deux mesures législatives, et je lui répondrai aussitôt que possible.

Le Sénat

Les nominations de sénateurs de la Nouvelle-Écosse

L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, je voudrais poser deux questions très brèves à madame le leader du gouvernement au Sénat. Je suis persuadé qu'elle ne peut pas répondre à l'une d'entre elles, mais je voudrais quand même connaître sa réaction.

Au cours d'une conversation qu'ont eue les premiers ministres Savage et Chrétien, pas plus tard que l'autre jour, ici même, à Ottawa, a-t-il été question que le premier ministre Savage remplace le sénateur MacEachen plus tard, au courant de l'été, et, dans l'affirmative, qu'est-ce qui a été décidé? Je crois qu'il s'agit d'un fait accompli et que c'est exactement ce qui va arriver.

La Défense nationale

Le retard dans le remplacement des hélicoptères de recherche et de sauvetage-Les paramètres à considérer lors d'une future décision

L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, je voudrais poser encore quelques questions à la ministre à propos d'hélicoptères. On a jusqu'à maintenant claqué près d'un milliard de dollars. On nous a promis de remplacer les vieux hélicoptères Sea King employés pour les opérations de recherche et de sauvetage. Si l'on en juge par le Budget des dépenses principal, il est manifeste que l'achat annoncé en novembre dernier des hélicoptères de remplacement pour les opérations de recherche et de sauvetage est compromis, pour ne pas dire plus.

(1450)

En outre, le ministre a annoncé récemment qu'on avait décidé de reporter d'une autre année le remplacement des Sea King, ce qui a forcé un certain nombre de militaires haut-gradés à assurer publiquement qu'un équipement vétuste était sécuritaire. Je les félicite de l'avoir fait, mais je trouve répréhensible qu'on les ait obligés à défendre l'indéfendable. Par contre, il paraît qu'on investit des millions de dollars dans de l'équipement que les Forces canadiennes ne pourront pas employer par suite de leur déclassement.

Madame le leader du gouvernement au Sénat peut-elle vérifier si le ministère, le ministre, le premier ministre ou quelque autre porte-parole a l'intention de clarifier sous peu la position de principe du gouvernement et des Forces canadiennes? Si je pose la question, c'est que nous sommes devant l'autre dilemme, soit la déclaration claire selon laquelle la politique nationale en matière de défense sera fonction non pas des paramètres habituels, telles la défense de notre territoire et la sécurité du Canada, mais de notre rôle en ce qui a trait au maintien de la paix.

Ma question est très claire: le Canada aura-t-il encore des forces armées, ou n'aura-t-il que des casques bleus? Cette question mérite qu'on y réponde sinon maintenant, du moins sous peu.

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, mon collègue a raison de dire que cette question mérite une réponse. Je vais m'efforcer de lui obtenir la réponse la plus complète possible.

En ce qui concerne la première question de mon collègue, je dirai que je n'ose même pas envisager ce qui va se produire le 6 juillet prochain.

[Français]

Le Développement des ressources humaines

La réforme de l'assurance-chômage-Réitération de la demande pour établir un comité-La position du gouvernement

L'honorable Jean-Maurice Simard: Honorables sénateurs, je voudrais poursuivre ma série de questions relatives au projet de loi C-12, la Loi sur la réforme de l'assurance-chômage. J'aimerais demander au leader du gouvernement si elle a bien employé son temps en fin de semaine pour étudier ma suggestion de donner son assentiment, et celui de la majorité de cette Chambre, à la création d'un nouveau comité pour étudier le projet de loi C-12. Le gouvernement pourrait-il permettre au comité des affaires sociales de voyager au Nouveau-Brunswick et lui donner les moyens financiers nécessaires, entre autres, pour lui permettre de s'acquitter de ce mandat?

La semaine passée, j'avais suggéré au leader du gouvernement d'y penser au cours de la fin de semaine et possiblement d'entrer en contact avec les gens du Nouveau- Brunswick et d'ailleurs. Je souhaite qu'elle puisse répondre affirmativement à ma demande aujourd'hui.

[Traduction]

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, j'ai écouté attentivement les observations qu'a faites l'honorable sénateur chaque jour la semaine dernière lorsqu'il a posé des questions à ce sujet. Premièrement, je suis tout à fait d'accord avec l'honorable sénateur; cette mesure législative est sûrement l'une des plus importantes dont ont été saisis le Parlement et le Sénat. J'ai déjà discuté de la situation avec mes collègues de l'autre endroit. Comme je l'ai mentionné à mon honorable collègue la semaine dernière, le projet de loi fait l'objet d'audiences très sérieuses au cours desquelles sont proposés des amendements. Certains sénateurs veulent avoir l'occasion d'étudier très bientôt ce projet de loi et je suis de leur nombre. On me dit que tout est en marche pour que cela soit possible. À ce stade-ci, je n'ai pas d'autre réponse positive à donner à mon honorable collègue. Je ne peux que l'assurer que le travail actuellement effectué à l'autre endroit sera communiqué au Sénat dès que possible, afin que nous ayons amplement le temps d'examiner à fond ce projet de loi.

Le sénateur Simard: Honorables sénateurs, comme je l'ai dit la semaine dernière, madame le leader du gouvernement au Sénat semble être totalement convaincue que nous aurons tout le temps du monde pour étudier cet important projet de loi. Toutefois, je le répète, comme je l'ai dit la semaine dernière, elle n'a aucune prise sur le temps que l'autre endroit consacrera à l'étude du projet de loi. Nous le savons et elle le sait. Nous ne sommes qu'à trois mois de l'entrée en vigueur visée de la loi, soit le 1er juillet. Les deux Chambres seront en congé pendant deux semaines à Pâques et peut-être pendant une autre semaine en mai ou en juin. Nous savons que la Chambre des communes voudra ajourner ses travaux pour l'été vers le 20 juin, comme elle a coutume de le faire. Tout cela pour vous dire que je ne suis pas aussi convaincu que madame le leader du gouvernement que nous aurons amplement le temps d'étudier le projet de loi dans son libellé actuel ainsi que, peut-être, les propositions d'amendement que pourrait faire le gouvernement dans un projet de loi révisé.

Honorables sénateurs, pourquoi la majorité libérale au Sénat ne veut-elle pas accorder ce pouvoir? Il y a pourtant de nombreux précédents. Pensons seulement à la TPS et aux autres projets de loi liés à l'assurance-chômage. Je me souviens de m'être déplacé avec le sénateur Robertson à Terre-Neuve et en Nouvelle-Écosse à la demande de sénateurs libéraux. Pourquoi est-ce si difficile d'accorder ce pouvoir? Certes, cela pourrait coûter 25 000 $ ou 50 000 $, mais ce n'est rien comparativement aux 2 millions de dollars que le ministre Young dit qu'il dépensera pour faire accepter ce projet de loi stupide. Pourquoi le Sénat ne peut-il pas se rendre au Nouveau-Brunswick ou ailleurs pour entendre des témoins? Pourquoi est-ce impossible? Dites-le nous le, je vous en prie. Dites-nous la vérité.

Honorables sénateurs, je vous dis que je prendrai la parole deux fois par jour, même le dimanche, pour attirer l'attention des citoyens, voire de nos collègues de la majorité libérale. Il n'y a pas de sacrilège. Les sénateurs libéraux ont tout à fait le droit de changer d'idée et d'accorder cette demande raisonnable.

Le sénateur Fairbairn: Honorables sénateurs, je suis d'accord pour dire que ce n'est pas sacrilège de changer d'idée si les circonstances ont changé - et ce pourrait bien être le cas. J'ai essayé de faire comprendre que, pour le moment, je ne partage pas le pessimisme du sénateur, selon lequel ce projet de loi ne franchira pas les étapes assez rapidement. Je crois qu'il nous parviendra assez tôt pour nous donner le temps de l'étudier comme il se doit.

Nous surveillerons très attentivement la progression de ce projet de loi. Au moindre signe que mon optimisme est déplacé, je réviserai certainement la position que j'ai adoptée en réponse aux demandes formulées par mon honorable collègue durant toute la semaine dernière. Je comprends son inquiétude.

Comme je l'ai dit en réponse à une question du sénateur MacDonald l'autre jour, nous avons discuté un certain temps de la question de l'étude préalable. Les opinions des sénateurs varient et je respecte toutes les opinions. Toutefois, je ne veux rien faire qui puisse faire du tort à cette mesure législative. Nous surveillerons de très près la progression de cette mesure à l'autre endroit. Je reste confiante que nous en serons saisis à temps pour que les sénateurs des deux côtés de la Chambre puissent l'étudier attentivement.

[Français]

L'unité nationale

Le dévoilement d'un sondage favorisant le renouvellement du fédéralisme-La position du gouvernement

L'honorable Pierre Claude Nolin: Honorables sénateurs, hier soir, la Société Radio-Canada a fait bénéficier tous les Canadiens, tant de langue anglaise que de langue française, des résultats d'un vaste sondage tenu entre le 11 et le 17 mars dernier.

Entre autres, on peut comprendre qu'une nette majorité de Canadiens hors Québec, soit 83 p. 100, et 60 p. 100 des Québécois pensent que le premier ministre Bouchard devrait chercher à négocier une entente avec le gouvernement fédéral et les autres provinces en vue de renouveler le fédéralisme plutôt que de travailler à la souveraineté du Québec. Je crois que c'est une très bonne nouvelle.

Ce sondage nous révèle, entre autres, que 57 p. 100 et non la totalité, seulement 57 p. 100 des souverainistes québécois sont du même avis. Est-ce que votre gouvernement est disposé à offrir au gouvernement du Québec des mesures qui sauraient plaire à la population québécoise en vue du renouvellement du fédéralisme canadien?

[Traduction]

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je suis au courant des chiffres dont on a parlé hier soir. Je n'ai pas encore pu les analyser en détail. Toutefois, je partage avec mon honorable ami un certain sentiment d'encouragement devant la tendance qu'ils indiquent.

Le gouvernement fédéral a très nettement l'intention de démontrer aux Québécois, de la façon la plus large possible, que les avantages, non seulement pécuniaires, qu'ils ont à faire partie de ce pays sont tels qu'on peut répondre à leurs besoins au sein de la fédération et qu'il faut apporter des changements à cette dernière pour tenir compte des intérêts des Québécois et de ceux des Canadiens dans les autres régions du pays. C'est la raison pour laquelle nous allons de l'avant dans un domaine qui tient à coeur à mon honorable collègue, à savoir la formation de la main-d'oeuvre.

J'ai également l'impression que le gouvernement québécois va être plus ouvert aux discussions et à la coopération avec le gouvernement fédéral, maintenant qu'il doit redresser la situation dans la province et qu'il reconnaît la nécessité d'adopter des politiques et de participer à des projets coopératifs qui serviront les intérêts du peuple québécois.

Hier soir, en regardant les résultats des élections, nous avons également vu les résultats du sondage. L'élection de mes collègues MM. Pettigrew et Dion va être très utile pour trouver la meilleure façon de coopérer dans l'intérêt de tous les Québécois.

[Français]

Le Québec

Le dévoilement d'un sondage favorisant la souveraineté-La position du gouvernement

L'honorable Pierre Claude Nolin: Honorables sénateurs, le même sondage nous révèle que 51 p. 100 des Québécois, si la question leur avait été posée entre le 11 et le 17 mars dernier, soit après que votre gouvernement ait posé les trois gestes de l'automne dernier, soit la déclaration de société distincte, la question du droit de veto et le désengagement complet - et j'espère financièrement - du secteur de la formation de la main-d'oeuvre, tels que contenus dans le discours du Trône.

Donc, à l'époque du sondage, ces données-là étaient connues, et malgré cela, 51 p. 100 des Québecois auraient voté OUI à une question semblable à celle du 30 octobre dernier. Comment pouvez-vous justifier que votre gouvernement est sur la bonne voie?

[Traduction]

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, mon collègue a probablement beaucoup plus d'expérience que moi en matière de sondages. Les gens posent quotidiennement toute une variété de questions qui font ressortir certaines réponses. Je voudrais dire à mon collègue que le gouvernement fédéral veut bien connaître les résultats des sondages, mais il veut surtout favoriser les rencontres et la compréhension entre les personnes, comme il le fait déjà avec les gens du Québec, pour tenter de résoudre les problèmes qui causent tant de tensions dans cette province et notamment la formation professionnelle, le droit de veto, la société distincte et d'autres points semblables.

De même, au coeur de la grande ville de Montréal se trouvent de nombreux Québécois qui doivent se battre pour assurer leur pain quotidien. Ces gens préoccupent au plus haut point le gouvernement fédéral. La stabilité du pays, avec le Québec en son sein, est certainement un levier très puissant grâce auquel on peut aider le Québec et les Québécois à profiter des meilleures occasions et à atteindre une excellente qualité de vie.

Le gouvernement fédéral a consacré beaucoup d'énergie au secteur économique, que ce soit la réduction du déficit ou l'établissement d'un climat favorable, comme celui qui a fait baisser nos taux d'intérêt à court terme sous le niveau des taux américains. Nous préparons maintenant le terrain pour que les Québécois, comme tous les autres Canadiens, puissent profiter de ce que le pays peut offrir de mieux.

Ces éléments font partie du plan du gouvernement fédéral pour convaincre les Québécois de répondre différemment lorsque les sondeurs leur poseront des questions.

L'agriculture

La réglementation sanitaire concernant les bovins de boucherie-Les mesures pour rassurer le public que le produit est sûr-La position du gouvernement

L'honorable Leonard J. Gustafson: Les honorables sénateurs savent que l'industrie du boeuf est quelque peu nerveuse en raison de la baisse de 20 p. 100 ou plus du prix du boeuf au cours de la dernière année. Il faut ajouter à cela les récentes déclarations en Grande-Bretagne concernant la maladie de la vache folle.

Que font le gouvernement du Canada et le ministère de l'Agriculture pour rassurer les consommateurs et les producteurs quant à l'excellente qualité de la réglementation sanitaire canadienne? Je suis sûr que le ministre de l'Agriculture et son ministère se préoccupent de cela. J'ai vu quelque 15 ou 20 communiqués au sujet de cette maladie. Je ne dis pas que les médias ne devraient pas nous informer de la situation. Toutefois, je pense qu'il est important que l'on fasse quelque chose de très précis pour rassurer les consommateurs et les producteurs et les convaincre de la qualité de notre réglementation et du fait que nous avons un produit parfaitement sûr.

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je suis consciente des inquiétudes de mon collègue. J'en ferai part au ministre de l'Agriculture.

L'honorable sénateur connaît le ministre de l'Agriculture. Celui-ci parle chaque fois que c'est possible pour faire savoir aux Canadiens et au monde qu'il n'y a absolument pas l'ombre d'une difficulté au Canada en ce qui concerne la production de boeuf et que nous n'avons certainement pas ici cette maladie de la vache folle.

En fait, mon collègue se souviendra qu'il y a tout juste quelques années, il y avait eu une mince possibilité qu'une vache ayant eu des liens avec la Grande-Bretagne soit présente dans notre pays. Le gouvernement avait agi rapidement afin d'éviter toute possibilité que la maladie puisse se propager dans nos troupeaux.

Il n'y a pas de doute que lorsque l'on compare le Canada aux autres pays du monde, nous constatons que nous avons la réglementation sanitaire la plus stricte en ce qui concerne l'industrie du boeuf. Je suis d'accord qu'il faudrait faire savoir de la façon la plus persuasive possible que les consommateurs de ce pays ne devraient avoir aucune crainte. Je pense que l'industrie le sait déjà et assume cette responsabilité.

L'un des indicateurs les plus importants à cet égard est le fait que certains ont presque immédiatement pensé que le Canada pourrait devenir le fournisseur de première ligne si le Royaume-Uni se trouvait en difficulté.

Le sénateur Gustafson: Honorables sénateurs, je prends bonne note de cette réponse. Toutefois, compte tenu de l'importance qu'Agriculture Canada et le gouvernement accordent aux règlements en matière de santé, ne devrions-nous pas prévoir des annonces à l'intention des consommateurs afin de les rassurer à cet égard?

Le sénateur Fairbairn: Honorables sénateurs, je me ferai un plaisir d'en discuter avec mon collègue, le ministre Goodale. Je sais qu'il s'est lui-même empressé de transmettre des messages à cet effet. Je vais lui en parler.

Mon honorable collègue a raison, c'est une nouvelle qui n'est pas près de disparaître. Elle fait actuellement la une des journaux de tous les pays de l'Ouest. Des solutions extrêmes sont actuellement proposées au Royaume-Uni et l'on met en place des mesures de protection extrêmes dans les pays membres de l'Union économique européenne.

Le Canada a de la chance, car ses gouvernements n'ont eu de cesse de prendre des mesures visant à protéger notre production et la santé de nos animaux. Je vais certes en parler avec le ministre de l'Agriculture afin de voir s'il n'y aurait pas un moyen efficace de transmettre ce message à la population. Mon honorable collègue est une voix écoutée dans le secteur agricole. Il est important que nous parlions de la sécurité des approvisionnements que le Canada offre aux consommateurs et aux agriculteurs. Voilà un autre volet important du message à transmettre à la population.


ORDRE DU JOUR

La Loi sur les juges

Projet de loi modificatif-Troisième lecture

L'honorable P. Derek Lewis propose: Que le projet de loi C-2, Loi modifiant la Loi sur les juges, soit lu pour la troisième fois.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu une troisième fois, est adopté.)

Les travaux du Sénat

L'honorable B. Alasdair Graham (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je voudrais faire apporter une légère modification à l'ordre de nos travaux.

Il y a eu discussion entre les leaders des deux côtés de la Chambre. Afin de suivre un ordre plus logique, je demande qu'on étudie maintenant le rapport du Comité des finances sur le Budget des dépenses supplémentaire (B) avant d'étudier les projets de loi C-21 et C-22.

Son Honneur le Président: Est-ce d'accord, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

Le Budget des dépenses de 1995-1996

Rapport du Comité des finances nationales sur le Budget des dépenses supplémentaire (B)-Ajournement du débat

Le Sénat passe à l'étude du deuxième rapport du Comité permanent des finances nationales (Budget des dépenses supplémentaire (B), 1995-1996), présenté plus tôt aujourd'hui au Sénat.

L'honorable Pierre De Bané: Honorables sénateurs, je propose l'adoption de ce rapport.

-Honorables sénateurs, comme le montre le rapport, votre comité a examiné le Budget des dépenses supplémentaire (B) pour l'exercice financier 1995-1996 avec le soin et le souci du détail qui lui sont habituels.

Le comité a consacré une séance à l'examen du Budget des dépenses supplémentaire le jeudi 21 mars 1996, sous la présidence de notre collègue, l'honorable sénateur Tkachuk.

Nous avons innové, à la suggestion du Conseil du Trésor, en tenant la veille une réunion informelle à huis clos avec des représentants du secrétariat du Conseil du Trésor. Il s'agissait de permettre aux membres du comité de soulever les questions que le Budget des dépenses pouvait leur inspirer.

À la suite des questions soulevées à cette réunion, le 21 mars, les fonctionnaires du Conseil du Trésor étaient accompagnés de fonctionnaires des ministères de la Justice et de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire. La séance fut donc beaucoup plus fructueuse, car les fonctionnaires de ces ministères ont pu répondre à certaines questions très détaillées concernant les prévisions budgétaires de leur ministère respectif.

En l'absence de ces fonctionnaires, ceux du Conseil du Trésor auraient tout probablement dû s'engager à fournir plus tard un grand nombre de réponses écrites au comité, ce qui aurait alourdi leur charge de travail en privant le comité de l'information désirée pendant plusieurs semaines.

Je voudrais attirer l'attention des honorables sénateurs sur la partie du rapport où il est question du tableau ci-joint, intitulé «Sommaire du cadre des dépenses et des prévisions pour 1995-1996», et sur l'importante distinction entre le total des dépenses budgétaires déposées à ce jour et ce qu'on appelle les «dépenses budgétaires prévues».

Avec le dépôt du Budget des dépenses supplémentaire (B), les prévisions budgétaires déposées s'élèvent maintenant à 167,1 milliards de dollars. Les dépenses budgétaires prévues sont également appelées cadre des dépenses. Le total de ces prévisions est un chiffre clé que le ministre des Finances fait connaître avec son budget. Si on le soustrait des recettes prévues, on obtient le montant prévu du déficit pour l'exercice financier.

(1520)

Le cadre des dépenses de 1995-1996, annoncé dans le budget de 1995 et rappelé dans le budget du 6 mars 1996, est de 163,5 milliards de dollars, soit 3,6 milliards de moins que les prévisions budgétaires déposées jusqu'à maintenant. Le gouvernement a bon espoir que des rajustements nets à la baisse en fin d'exercice seront d'au moins 3,6 milliards, ce qui ramènera les prévisions bien en deçà des 163,5 milliards du cadre des dépenses. Le nouveau système de gestion des dépenses force les ministres et les gestionnaires de la fonction publique à respecter le plafond de leurs dépenses globales, car les réserves d'intervention ont disparu. Par conséquent, il se fait aujourd'hui beaucoup plus de réaménagements des ressources, entre les ministères et à l'intérieur de chacun d'eux, que ce n'était le cas par le passé, car les gestionnaires doivent réduire les dépenses des programmes peu prioritaires s'ils veulent dégager des ressources pour d'autres initiatives. L'une des conséquences est que d'importantes autorisations de dépenses accordées par le Parlement dans le Budget des dépenses principal et les budgets supplémentaires deviendront périmées. En outre, la fin de l'exercice 1995-1996 arrive à grands pas, et la réserve pour éventualités de 2,5 milliards de dollars n'a aucunement été utilisée. Ce montant deviendra donc lui aussi périmé.

Le comité a exprimé des inquiétudes devant la croissance phénoménale de la dette publique du Canada au cours des 20 dernières années - elle devrait atteindre 600 milliards de dollars en 1996-1997 - et demandé des explications. Comme il est dit dans le rapport, l'une des causes a été l'énorme croissance des programmes sociaux, comme la sécurité de la vieillesse, qui sont indexés à l'inflation et doivent également répondre aux besoins pendant les récessions et s'adapter à la croissance constante des populations visées, par exemple les personnes âgées. Les coûts de ces programmes croissent inexorablement, que l'économie soit prospère ou stagnante. Dans sa revue des programmes, le gouvernement s'est efforcé de comprimer les dépenses de programme et les transferts entre gouvernements. Par ailleurs, les politiques monétaire et budgétaire ont créé un climat de faible inflation qui se maintiendra probablement un certain temps. Les fonctionnaires ont rappelé à votre comité que, dans son récent budget, le ministre des Finances avait prévu une diminution des besoins financiers à seulement 6 milliards de dollars pour l'exercice 1997-1998, comparativement à 20 milliards et 13,7 milliards respectivement pour les exercices 1995-1996 et 1996-1997. Si l'on présume que la tendance se poursuivra, le gouvernement devrait pouvoir commencer à rembourser la dette publique d'ici la fin de la décennie.

Votre comité a porté une attention considérable au Budget des dépenses supplémentaire du ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, où l'on demande un certain nombre d'importantes subventions exceptionnelles dans le cadre des dispositions de transition mises en place lorsque la Loi sur le transport du grain de l'Ouest et le Programme d'aide au transport des céréales fourragères ont été abolis. Par contre, il y a aussi la réduction de 412 millions de dollars effectuée dans les paiements législatifs accordés aux sociétés ferroviaires et autres sociétés de transport qui figure dans les prévisions budgétaires de l'Office national des transports.

On a également posé des questions au sujet de la vente d'actions dans Petro-Canada et le Canadien National, du paiement de 325 millions de dollars au titre du développement des ressources humaines, la majeure partie pour couvrir une part de l'arriéré des prêts impayés des étudiants, et des paiements de transfert effectués par les ministères de la Justice et du Développement des ressources humaines pour aider à financer les programmes provinciaux d'aide juridique. Les fonctionnaires des ministères se sont engagés à fournir plus tard à votre comité d'autres renseignements par écrit sur quelques-unes de ces questions. En outre, votre comité prévoit revoir une partie de ces questions lorsqu'il examinera le Budget des dépenses principal de 1996-1997.

[Français]

L'honorable Jean-Maurice Simard: Honorables sénateurs, avant de proposer l'ajournement du débat, je me propose de présenter une motion. Certains pourraient me demander pourquoi je ne me suis pas levé plus tôt dans l'après-midi, lorsque la motion a été faite par le sénateur De Bané pour ajourner à plus tard aujourd'hui l'étude de ce rapport.

Je ne voulais pas être tout à fait désagréable. Je voulais avoir le bénéfice du discours que vient de prononcer le sénateur De Bané. Je réalise que c'est un comité qui est présidé par un sénateur de ce côté de la Chambre. Cela ne veut pas dire que l'on doive adopter tous les projets de loi et tous les rapports le jour même de leur présentation.

J'ai bien l'intention de prendre quelques jours, si nécessaire, pour étudier ce rapport. J'aimerais revoir et relire le discours de mon ami le sénateur De Bané. En temps et lieu, j'aviserai lorsque je serai en position d'ajouter au débat, s'il y a lieu. J'espère que ma suggestion d'ajournement est conforme et acceptable à la majorité des sénateurs en cette Chambre.

Est-ce que le sénateur De Bané pourrait, avant que la motion d'ajournement ne soit acceptée, nous décrire les raisons de sa demande pour l'adoption de ce rapport aujourd'hui ou dans les prochains jours.

Le sénateur De Bané: L'honorable sénateur a beaucoup d'expérience. Il sait fort bien que, dans les questions budgétaires et de finances, si l'on veut que l'administration ne souffre pas de perturbations, il est fort souhaitable que les questions touchant les finances et le budget soient adoptées le plus rapidement possible.

Le sénateur Simard: Oui, je veux bien le croire. Mais d'après la réponse du sénateur De Bané, je ne vois aucune raison qui nous obligerait à accélérer le processus. Est-ce que l'échéance prochaine du 31 mars et la fin de l'année fiscale sont des raisons suffisantes? Est-ce que le gouvernement manquera d'argent pour payer ses employés et les citoyens qui dépendent du gouvernement, si ce rapport n'est pas approuvé aujourd'hui ou cette semaine, d'ici le 31 mars? Est-ce que le sénateur De Bané peut nous dire si le gouvernement pourrait continuer à fonctionner même après le premier avril, si le rapport n'était pas adopté?

Le sénateur De Bané: Honorables sénateurs, je suis incapable de répondre à cette question précise de mon honorable collègue. Je regrette qu'il n'ait pas été présent à la séance du comité la semaine dernière lors de laquelle les représentants de son parti étaient présents. J'ai cru comprendre que tous les membres du comité étaient d'accord pour que les mesures que nous sommes en train d'étudier soient adoptées le plus rapidement possible. C'était un consensus de tout le monde. Je reconnais cependant le droit fondamental du sénateur Simard, à poser des questions qui lui semblent pertinentes.

(Sur la motion du sénateur Simard, le débat est ajourné.)

Projet de loi de crédits no 4 pour 1995-1996
Projet de loi de crédits no 1 pour 1996-1997

Deuxième lecture

L'honorable Pierre De Bané: Honorables sénateurs, est-ce que j'ai le consentement de mes collègues pour étudier simultanément les projets de loi C-21 et C-22, à l'étape de la deuxième lecteur?

Son Honneur le Président suppléant: Honorables sénateurs, la permission est-elle accordée?

Des voix: D'accord.

[Traduction]

Le sénateur De Bané: Honorables sénateurs, les projets de loi dont nous sommes saisis aujourd'hui, soit le projet de loi de crédits no 4 pour 1995-1996, ou projet de loi C-21, et le projet de loi de crédits no 1 pour 1996-1997, ou projet de loi C-22, prévoient le déblocage de tous les montants prévus dans le Budget des dépenses supplémentaire (B) de 1995-1996, qui s'élèvent à 675,8 millions de dollars, ainsi que le déblocage de crédits provisoires pour 1996-1997, qui totalisent 28 milliards de dollars.

Le Budget des dépenses supplémentaire (B) de 1995-1996 a été déposé à l'autre endroit le 8 mars 1996. Il avait pour objet de demander l'autorisation de dépenser environ 675,8 millions de dollars. Du point de vue de la planification budgétaire, ces montants ont été prévus dans le budget du 6 mars 1996 et représentent la réaffectation de fonds au sein de ministères et d'organisations, ou encore d'un à l'autre. On demande au Parlement d'autoriser l'acquittement de dettes comprises dans les déficits des exercices précédents.

Le Budget des dépenses supplémentaire a aussi pour objet d'informer le Parlement des dernières prévisions de dépenses aux termes de certaines autorisations législatives. Ce Budget des dépenses supplémentaire fait état d'une augmentation nette de 711,1 millions de dollars, aussi prévue dans les dépenses courantes.

Je voudrais faire ressortir certains des principaux éléments du projet de loi de crédits. Premièrement, 333,4 millions de dollars sont prévus pour neuf ministères et organismes aux fins des programmes de cessation d'emplois dans la fonction publique, par exemple, les programmes d'encouragement à la retraite anticipée, de départ anticipé et, à la Défense nationale, de réduction du personnel civil. Deuxièmement, 141,4 millions de dollars sont alloués à 13 ministères et organismes pour leur permettre de satisfaire diverses exigences de fonctionnement, en utilisant la disposition de report de 5 p. 100. Troisièmement, 85 millions de dollars de subventions sont prévus pour Agriculture et Agroalimentaire Canada, afin d'aider des individus et des organismes à s'adapter aux modifications apportées dans le système de transport du grain. Quatrièmement, 23,8 millions de dollars sont alloués à Statistique Canada en vue du recensement de 1996.

[Français]

Les principaux rajustements législatifs indiqués dans ce budget des dépenses supplémentaires représentent une variation globale de dépenses de 711,1 millions de dollars. Les principaux postes de dépenses sont 3,238 milliards de dollars répartis en trois postes distincts, pour le transfert de Petro Canada et du Canadien National au secteur privé.

Cette somme comprend deux postes de Transports Canada d'une valeur globale de 2 milliards de dollars et un poste du ministère des Finances d'une valeur de 1,328 milliard de dollars, en vertu de la Loi sur la participation publique au capital de Petro Canada; 400 millions de dollars pour le Conseil du Trésor du Canada, pour des paiements au compte spécial des régimes compensatoires afin de couvrir le coût des incidences de la pension versée aux fonctionnaires qui ont choisi de se prévaloir du programme d'encouragement à la retraite anticipée en 1995-1996.

Une augmentation de 325,4 millions de dollars pour Développement des ressources humaines Canada au titre de l'aide consentie en vertu de la Loi canadienne sur les prêts aux étudiants et de la Loi canadienne sur l'aide financière aux étudiants.

Une diminution de 2,5 milliards de dollars des frais de la dette publique découlant de taux d'intérêt plus favorables que ceux qui avaient été prévus pour 1995-1996.

Une diminution de 656 millions de dollars des versements prévus à même le compte de l'assurance-chômage.

Une diminution de 412 millions de dollars des paiements de transport, attribuables surtout à l'abrogation de certains pouvoirs législatifs, dont le principal était la Loi sur le transport du grain de l'Ouest.

Le Budget des dépenses principal de 1996-1997 a été déposé à l'autre Chambre le 7 mars.

Le Budget des dépenses principal de 1996-1997 s'élève à quelque 157 milliards de dollars au total pour l'exercice à venir. Ce total comprend 111,7 milliards de dollars de dépenses budgétaires découlant des lois en vigueur et 45,3 milliards de dollars de dépenses que le Parlement doit approuver. Le projet de loi dont vous êtes saisis aujourd'hui, qu'on appelle aussi projet de loi de crédits provisoires, sollicite le pouvoir de dépenser 28 millards de dollars pour permettre au gouvernement de fonctionner jusqu'à la fin d'octobre 1996, date à laquelle le Parlement examinera le Budget des dépenses principal de 1996-1997.

Honorables sénateurs, si vous avez besoin de renseignements supplémentaires à ce sujet, je suis à votre disposition.

[Traduction]

L'honorable Terry Stratton: Honorables sénateurs, je voudrais, moi aussi, aborder les projets de loi C-21 et C-22.

Le projet de loi C-21 porte sur le Budget des dépenses supplémentaire (B). Le Budget des dépenses supplémentaire a été examiné par le comité des finances nationales, qui en a fait rapport la semaine dernière. Toutes les observations des sénateurs de notre côté se trouvent dans le corps du rapport, que le sénateur de Bané a déposé un peu plus tôt aujourd'hui.

Le projet de loi de crédits provisoires C-22 traite, comme son nom l'indique, des crédits provisoires. Le comité des finances nationales aura jusqu'à la fin du mois de juin pour examiner le budget des dépenses et en profitera pour analyser en même temps les détails contenus dans le projet de loi de crédits provisoires.

Les seules observations que je veux faire ont trait aux frais ponctuels pour l'agriculture, Petro-Canada et le CN, particulièrement pour la vente de sociétés d'État, et les frais ponctuels pour la réduction de la fonction publique. Il est à espérer que le gouvernement réalisera de grandes économies dans les années à venir dans le cadre de sa lutte contre le déficit, et ce, d'ici la fin du siècle.

Pour toutes les raisons que je viens d'énumérer, les sénateurs de ce côté-ci ne voient aucun mal à adopter rapidement ces mesures législatives.

[Français]

L'honorable Jean-Maurice Simard: Honorables sénateurs, j'aimerais demander au sénateur De Bané, le parrain de cette motion et le porte-parole du gouvernement, de nous rafraîchir la mémoire et de nous dire à quelle moment le Sénat a pris connaissance de ces projets de loi. Il s'agit des projets de loi C-21 et C-22. Je vois à la première page de ces projets de loi qu'ils ont été adoptés le 20 mars 1996, soit mercredi. Comme nous ne siégeons pas le mercredi soir et que nous avons siégé effectivement jeudi après-midi, j'aimerais que le sénateur De Bané ou le leader du gouvernement nous dise à quel moment la semaine dernière le Sénat a reçu ces projets de loi. J'aurai d'autres questions par la suite.

Le sénateur De Bané: Honorables sénateurs, le sénateur Simard doit être au courant que ces projets de loi sont étudiés ici après que les leaders des deux partis se soient entendus entre eux sur le programme législatif que nous étudions. J'ai été en contact avec des représentants du bureau du leader de l'opposition officielle sur la marche à suivre. Il n'est pas du tout question de prendre l'opposition par surprise. On s'est entendu d'avance sur le programme législatif que nous avions à étudier.

Mon collègue le sénateur Simard, après étude de ces projets de loi de crédits, se rendra compte qu'ils sont tout à fait conformes aux prévisions de dépenses du gouvernement et à la façon traditionnelle de procéder, c'est-à-dire de demander des crédits provisoires en attendant le budget des dépenses qui sera déposé l'automne prochain.

Le sénateur Simard: Honorables sénateurs, avec tout le respect que je dois à mon ami le sénateur De Bané, il n'a pas répondu à ma question. Il a évoqué la tradition, le travail que certains pourraient considérer comme le travail au noir des deux partis en présence au Sénat. Il ne nous a pas dit la date, l'heure ou la journée, à tout le moins, où le Sénat aurait reçu ces deux projets de loi.

Sauf erreur, le comité des finances nationales s'est prêté a une pré-étude, soit mercredi passé, soit dans les jours précédents. J'aimerais qu'il nous dise si, effectivement, il y a eu pré-étude. Je vais continuer chaque jour de tenter de convaincre la majorité libérale en cette Chambre de nous accorder la pré-étude des projets de loi que le gouvernement a à coeur, mais aussi qu'il accorde une étude au projet de loi C-12. Je veux voir s'il y a deux poids, deux mesures, dans cette Chambre, au cours de la même semaine.

Lorsque j'aurai la réponse à ma question, à savoir quand nous aurons reçu les projets de loi C-21 et 22, je pourrai confirmer qu'il y a deux poids et deux mesures lorsque cela sert l'intérêt du gouvernement.

[Traduction]

(1540)

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Honorables sénateurs, au risque d'empirer les choses, je vais essayer d'éclaircir quelque peu la question.

Nous débattons maintenant d'un projet de loi qu'a précédé l'étude, par le comité sénatorial permanent des finances nationales, du Budget des dépenses supplémentaire. L'usage veut que le Budget des dépenses supplémentaire aille au comité des finances, et puis que le rapport soit adopté. Le projet de loi appuyant ce budget des dépenses n'est pas renvoyé au comité des finances parce que la question a été examinée en même temps que le budget des dépenses lui-même. Par conséquent, le rapport du comité en date du 26 mars couvre le budget des dépenses. Nous avons adopté le rapport, et on nous demande maintenant de lire pour la deuxième et la troisième fois un projet de loi que confirme le rapport du comité. Il est inutile de renvoyer le projet de loi au comité puisque le comité a déjà mené l'étude qui se ferait normalement après la deuxième lecture.

C'est le contraire de ce que nous faisons habituellement dans l'étude des projets de loi, mais l'usage le veut ainsi. Je sais que cela porte à confusion. J'espère avoir réussi à clarifier un peu la procédure.

Le sénateur Simard: Oui. Je ne veux pas me disputer ici avec mon chef, mais je tiens à faire valoir que le Sénat n'a pas encore été saisi du sujet du projet de loi C-12, et non du projet de loi C-12. Cela fait deux semaines qu'on refuse de m'accorder que le sujet du projet de loi C-12 soit étudié par un comité de cet endroit. Pourquoi y a-t-il deux poids, deux mesures selon qu'il s'agit du projet de loi C-12, C-21 ou C-22?

Je voudrais que le leader ou le leader adjoint du gouvernement me parle un peu de logique et de sagesse. Je conviens qu'il faut de l'ordre et de la collaboration entre les leaders des deux partis. Toutefois, tous les sénateurs, moi y compris même si je ne fais pas partie d'un comité, ont besoin de temps pour étudier des questions aussi importantes que celles qu'abordent le projet de loi C-21, le projet de loi C-22 et le projet de loi C-10. Je crois que je mérite une explication.

L'honorable B. Alasdair Graham (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, l'explication du sénateur Lynch-Staunton est tout à fait juste. J'ai essayé plus tôt d'expliquer l'ordre logique dans lequel nous tentions de procéder, et c'est pourquoi j'ai demandé que le Budget des dépenses supplémentaire (B) soit examiné avant les projets de loi C-21 et C-22.

Ces projets de loi ne sont habituellement pas renvoyés à un comité. Ils peuvent faire l'objet de débats au Sénat, et je m'attendais à ce qu'on nous demande d'en faire la troisième lecture non pas aujourd'hui, mais demain. Les projets de loi C-21 et C-22 ont franchi l'étape de la première lecture le jeudi 21 mars et, comme les sénateurs le savent, il y a eu des discussions sur l'étude de ces projets de loi entre le gouvernement et l'opposition, et nous avons donné notre accord à la façon de procéder, comme il a déjà été précisé.

En ce qui touche les préoccupations du sénateur Simard au sujet du projet de loi C-12, elles ne sont pas nécessairement liées aux projets de loi C-21 et C-22, voire au projet de loi C-10 dont nous sommes saisis aujourd'hui. Comme le projet de loi C-12 et ses préoccupations sur ce dernier font l'objet d'une étude appropriée, ils devraient être traités séparément. Madame le leader du gouvernement s'est déjà engagée envers le sénateur Simard, comme je le fais moi-même à titre de leader adjoint, à veiller à ce que suffisamment de temps soit accordé à la question, tant au Sénat qu'au comité, pour que l'étude du projet de loi C-12 soit complète et sérieuse.

Le sénateur Simard: Que d'autres gouvernements aient commis ou non la même faute, je trouve personnellement inexcusable qu'on attende à la dernière semaine, à la dernière heure et à la dernière minute. Le gouvernement a eu deux ans pour agir. Si nous lisons le rapport de l'an dernier, nous verrons probablement le même problème. Nous avons dû procéder à toute vapeur la semaine dernière pour que le gouvernement puisse avoir les fonds nécessaires le 1er avril.

Vous parlez d'organiser le programme, le menu législatif. Sachant que le 1er avril tombe le lendemain du dernier jour de mars qui, lui, est précédé chaque année par le mois de février, comment se fait-il que le gouvernement n'ait pas fait les efforts nécessaires? Il est majoritaire à l'autre endroit. Pourquoi sommes-nous traités de la même façon et pourquoi nous demande-t-on chaque année d'adopter les mesures à toute vapeur, à la dernière minute? Même si nous nous fions au travail du comité, je pense que tous les sénateurs ont le droit et l'obligation d'étudier personnellement ces projets de loi et qu'ils devraient avoir suffisamment de temps pour le faire.

Je vois le 1er juillet approcher. Évidemment, en juin, on nous dira que le gouvernement avait l'intention de faire cela, qu'il avait prévu cela dans son menu législatif, mais que des imprévus surviennent, et cetera. Le gouvernement va tenter d'expliquer l'inexplicable et il demandera au Sénat d'approuver...

[Français]

...à toute vapeur le projet de loi C-112 sans l'étude nécessaire réclamée par les citoyens du Nouveau-Brunswick et d'ailleurs. En tout les cas, nous allons surveiller. Nous allons donner quelques jours encore à la majorité libérale pour changer d'avis. On va garder l'oeil ouvert. D'ici ce temps-là, je veux bien laisser passer et accepter l'adoption du projet de loi. Je veux être raisonnable. Je ne veux pas que l'on abuse dans le traitement que l'on pourrait avoir lors d'études futures que ce soit le projet de loi C-12 ou d'autres projets de loi.

[Traduction]

(La motion est adoptée et les projets de loi sont lus pour la deuxième fois.)

Son Honneur le Président suppléant: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ces projets de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur De Bané, la troisième lecture des projets de loi est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance du Sénat.)

Projet de loi sur le pouvoir d'emprunt pour 1996-1997

Deuxième lecture-Ajournement du débat

L'honorable Pierre De Bané propose: Que le projet de loi C-10, Loi portant pouvoir d'emprunt pour l'exercice 1996-1997, soit lu pour la deuxième fois.

- Honorables sénateurs, je suis heureux de prendre la parole pour appuyer, à l'étape de la deuxième lecture, le projet de loi C-10 sur le pouvoir d'emprunt. Le Sénat est saisi chaque année de ce type de mesure législative. Le pouvoir d'emprunt qui est demandé est directement lié aux besoins financiers énoncés dans le budget fédéral présenté plus tôt ce mois-ci. Les renseignements concernant les aspects financiers du projet de loi sont aussi contenues dans le plan budgétaire.

Avant de parler d'aspects particuliers du projet de loi, j'estime important de rappeler son contexte général, celui du budget fédéral lui-même. Puisqu'il s'agit d'un projet de loi sur le pouvoir d'emprunt, je veux notamment rappeler l'orientation financière du gouvernement et son engagement indubitable et concret à réduire le déficit.

[Français]

Le budget de 1996 renforce et prolonge les mesures prises en vertu de la stratégie exhaustive exposée dans les budgets 1994 et de 1995. Ensemble, ces budgets aident les Canadiens à assurer leur avenir dans certains secteurs clés.

Premièrement, assurer notre avenir financier: les objectifs financiers du gouvernement seront atteints et dépassés, année après année, grâce à des réductions soutenues des dépenses des programmes fédéraux. Et le budget de 1996 réaffirme l'engagement du gouvernement à l'égard de l'équilibre budgétaire.

Deuxièmement, repenser le rôle de l'État: d'autres mesures seront prises afin de définir un rôle plus judicieux pour le gouvernement fédéral dans l'économie et la fédération modernes.

Troisièmement, assurer l'avenir des programmes sociaux pour le siècle prochain: les mesures que nous avons adoptées visent à rétablir la confiance dans le régime de sécurité de la vieillesse, et à garantir un système sûr, stable et croissant de soutient fédéral aux soins de santé, à l'enseignement postsecondaire et à l'aide sociale.

Et finalement, investir dans l'avenir: le gouvernement a réattribué les fonds afin de faire de nouveaux investissements dans des initiatives d'aide à la jeunesse, à la technologie et au commerce international, des secteurs essentiels aux emplois et à la croissance futurs.

[Traduction]

Honorables sénateurs, ce n'est pas le moment d'examiner toutes les mesures prévues dans le budget. Comme je l'ai dit, je veux insister sur l'avenir financier, parce que c'est ce qui détermine les besoins d'emprunt du gouvernement. Je suis sûr de ne pas avoir à insister sur les raisons qui ont amené le gouvernement à prendre des mesures énergiques sur ce plan. Les dettes et les déficits élevés du secteur public ont fait grimper les taux d'intérêt, miné la confiance, épuisé l'épargne au pays et entraîné une forte hausse de la dette nette du pays à l'étranger. Ces facteurs sont aussi, au bout du compte, la cause d'un fardeau fiscal que la plupart des Canadiens trouvent déjà excessive.

La combinaison fatale de taux d'intérêt élevés et d'emprunt pour financer le déficit signifie également que le gouvernement doit consacrer une part accrue de ses ressources au paiement de l'intérêt sur la dette qui va en augmentant. Cette année, le gouvernement et les contribuables devront débourser 47 milliards de dollars pour le service de la dette. C'est autant d'argent qui ne pourra servir à aider les personnes dans le besoin ou à relancer l'économie pour créer de nouveaux emplois. C'est pour ces raisons que le gouvernement a agi, non pas parce que la solution aux problèmes financiers du Canada constitue un objectif en soi, mais bien parce que la réforme fiscale est un élément fondamental de notre croissance nationale, de la création d'emplois et de la sécurité économique.

[Français]

Lors des deux premiers budgets, nous avons amorcé un processus d'assainissement des finances publiques et de rétablissement de la crédibilité de la politique budgétaire de l'État, après des années d'objectifs ratés en matière de déficit.

L'honorable Jean-Maurice Simard: On se rappelle les budgets de M. Lalonde et du sénateur MacEachen.

Le sénateur De Bané: Dois-je rappeler à mon honorable collègue, lorsque M. Wilson avait présenté son premier budget, et par la suite M. Mazankowski, on devait à l'aube des années 90, avoir réglé le problème du déficit?

Le sénateur Simard: Parlons plutôt des ministres des Finances Lalonde et MacEachen.

Le sénateur De Bané: Mon collègue voulait faire allusion à la gestion de son gouvernement, qui a été aux affaires durant plus d'une dixaine d'années. Je pense qu'il conviendra de dire que les plans avancés par MM. Wilson et Mazankowski ne se sont pas réalisés.

En fixant des objectifs mobiles crédibles de deux ans, en recourant à des hypothèses économiques prudentes aux fins de la planification budgétaire et en créant des réserves substantielles pour éventualités de manière à faire face aux répercussions de situations économiques imprévues en matière d'atteinte des objectifs du déficit, nous rétablissons la crédibilité dans les finances publiques.

Les deux premiers budgets prévoyaient des réductions sans précédent des dépenses de programmes; ces compressions sont de nature structurelle et visent le moyen terme.

Grâce à ces mesures, l'objectif de 1995-1996 et 1996-1997 en matière de déficit, c'est-à-dire ramener le déficit à 3 p. 100 du PIB, sera atteint malgré une croissance plus faible que prévu du PIB. Ces progrès sont en partie attribuables au fait que les taux d'intérêt sont également beaucoup plus bas que prévus, ce qui a neutralisé les effets néfastes d'une plus faible croissance sur le déficit.

Les mesures annoncées dans le budget de 1996 consolident et prolongent celles de nos premiers budgets et contribuent davantage à l'atteinte de nos objectifs économiques et financiers.

Nous avons maintenu le cap sur la réduction des dépenses de programmes parce que ce sont les gouvernements qui ont créé les problèmes de la dette; ils doivent donc le résoudre en remettant de l'ordre dans leurs propres affaires. En conséquence, le budget de 1996 ne prévoit aucune hausse d'impôt et de taxe. J'insiste, pas de hausse du taux de l'impôt des particuliers, ni de l'impôt des sociétés, ni de la taxe d'accise.

Les compressions de dépenses annoncées dans le budget de 1996 totaliseront 1,9 milliard de dollars en 1998-1999 et poursuivront sur la lancée des deux derniers budgets pour maintenir les dépenses de programmes sur une trajectoire descendante.

[Traduction]

La chose la plus importante à retenir est que, sur l'ensemble des mesures financières prises entre 1994-1995 et 1998-1999, 87 p. 100 auront servi à réduire les dépenses. Ensemble, les trois budgets auront permis de réaliser des économies de 26,1 milliards de dollars jusqu'en 1997-1998. Ces mesures, conjuguées de la réforme de l'assurance-chômage, nous permettront d'atteindre notre nouvel objectif concernant le déficit et de le ramener à 2 p. 100 du PIB. Notre gestion budgétaire nous permettra d'économiser un montant supplémentaire de 28,9 milliards de dollars en 1998-1999, ce qui signifie que le déficit continuera de diminuer.

[Français]

Un autre élément financier mérite d'être souligné: les besoins financiers du gouvernement, c'est-à-dire la façon dont bon nombre d'autres pays, y compris les États-Unis et le Royaume-Uni, mesurent leur déficit.

En 1993-1994, nos besoins financiers, c'est-à-dire les emprunts que le gouvernement canadien a faits sur les marchés ont atteint 30 milliards de dollars - 4,2 p. 100 du PIB. Voilà, le montant que le gouvernement canadien a emprunté sur le marché en 1993-1994. En 1997-1998, ils auront chuté à seulement 6 milliards de dollars - à peine 0,7 p. 100 de l'économie - nos besoins financiers vont chuter à seulement 6 milliards de dollars. De 4,2 p. 100 du PIB, on va tomber à 0,7 p. 100 de l'économie. Par rapport à la taille de l'économie, il s'agit du niveau le plus faible en près de 30 ans. En maintenant ce rythme, nous enregistrerons vraisemblablement le plus faible manque à gagner de toutes les administrations centrales du G-7.

Donc, au lieu d'assécher les marchés financiers et que le gouvernement accapare les capitaux qui devraient aller au secteur privé, qui étaient 30 milliards de dollars, ces emprunts du gouvernement vont baisser à 6 milliards de dollars.

Il est évident que nous réalisons des progrès soutenus, comme toutes les autres administrations publiques. Les grands gagnants seront les Canadiens et les Canadiennes: nous avons pris des mesures nécessaires pour abaisser les taux d'intérêt, accroître la compétitivité, favoriser la création d'emploi et rehausser le niveau de sécurité économique.

[Traduction]

Ayant cerné le contexte, permettez-moi, honorables sénateurs, de passer maintenant au projet de loi C-10. À l'instar des anciennes lois portant pouvoir d'emprunt, ce projet de loi contient trois éléments fondamentaux: l'autorisation de combler les besoins financiers de 1996-1997; les recettes du Compte du Fonds des changes; et un montant reportable. En tout, le gouvernement demande l'autorisation d'emprunter 18,7 milliards de dollars pour l'année financière 1996-1997.

Je voudrais parler brièvement des principales dispositions du projet de loi. Une disposition accorde l'autorisation d'emprunter 13,7 milliards de dollars pour couvrir les emprunts anticipés nécessaires aux besoins financiers nets annoncés dans le nouveau budget. Deuxièmement, une disposition vise un montant d'un milliard de dollars au titre des revenus du Compte du Fonds des changes qui crée des besoins d'emprunts supplémentaires en dollars canadiens. Cela est attribuable au fait que ces revenus, même s'ils sont reportés comme des recettes budgétaires, sont conservés dans le Compte du Fonds des changes. Ils ne sont pas disponibles pour financer les opérations courantes du gouvernement.

Troisièmement, le projet de loi prévoit un montant reportable de 4 milliards de dollars. Cette caractéristique mérite d'être soulignée parce qu'elle représente un changement par rapport à la pratique de nombreuses années précédentes. Depuis 1986, le montant reportable était de 3 milliards de dollars. L'augmentation demandée par le gouvernement lui permettra de mieux gérer ses besoins en matière de change, compte tenu de l'accroissement du flux et de la volatilité des marchés de change.

Je tiens à signaler que le montant reportable peut être utilisé dans le cours de l'année pour faire face aux imprévus ou peut être reporté temporairement à l'exercice financier suivant jusqu'à ce que le gouvernement reçoive un nouveau pouvoir d'emprunt. Dans l'un et l'autre cas, cela met en évidence la prudence financière et économique qui, croyons-nous, doit être la marque de tout bon gouvernement dans un monde qui subit des changements rapides.

Honorables sénateurs, le projet de loi contient aussi des dispositions de forme mineures qui lient plus clairement le pouvoir d'emprunt de l'exercice financier courant aux besoins d'emprunt de cet exercice. Par exemple, cette mesure législative établit que le pouvoir d'emprunt pour 1996-1997 ne peut être utilisé qu'à partir du début de l'exercice financier 1996-1997.

Pour mieux comprendre le contexte, je veux examiner l'évolution de la dette du gouvernement au cours de l'exercice courant, jusqu'à la mi-mars. Jusqu'à maintenant, dans le cadre du programme relatif à la dette intérieure pour 1995-1996, le gouvernement a émis pour environ 25,4 milliards de dollars d'obligations négociables, 1,4 milliard de dollars d'obligations à rendement réel et 55 millions de dollars d'obligations d'épargne du Canada. On a aussi racheté des bons du Trésor pour la somme nette de 2,8 milliards. Tout cela constitue un total de 24 milliards de dollars qui s'ajoute à la dette en titres négociés.

Je veux faire rapport à la Chambre sur la campagne des obligations d'épargne du Canada de l'automne dernier. Cette année, le gouvernement a pris une initiative sur le marché très concurrentiel des REER. L'automne dernier, pour la première fois, les obligations d'épargne du Canada pouvaient être enregistrées directement en tant que REER. En janvier, la nouvelle option REER était élargie à toutes les séries en cours d'obligations à intérêt composé. La campagne d'obligations d'épargne de 1995 a rapporté 4,6 milliards de dollars. Après soustraction des rachats effectués durant l'année en cours, la somme nette des obligations d'épargne en cours s'était accrue de 55 millions de dollars, comme je le disais tout à l'heure.

Pour ce qui est de la dette en devises étrangères, la somme des bons du Trésor canadien en cours avait diminué de 2,8 milliards de dollars US pour s'établir à 3,7 milliards US à la fin de février. Il s'agit plus précisément de bons à court terme en monnaie américaine qui sont émis de temps en temps sur le marché américain pour financer la réserve de devises du Canada.

Le gouvernement a aussi fait l'an dernier deux émissions de bons du Trésor à l'échelle mondiale qui ont eu beaucoup de succès, l'une en mai pour un terme de cinq ans et l'autre en juillet pour un terme de dix ans, chacune totalisant 1,5 milliard de dollars US. En fait, les bons de cinq ans ont été reconnus par la International Financing Review comme étant la meilleure affaire de l'année. Les bénéfices tirés de ces deux émissions ont été ajoutés à la réserve officielle de devises du Canada.

[Français]

En conclusion, j'invite instamment cette Chambre à adopter, dès que possible, ce projet de loi. Notre objectif est de pouvoir disposer du nouveau pouvoir d'emprunt le premier avril, au début du nouvel exercice du gouvernement. Cela évitera toute interruption dans les activités normales de financement. Les pouvoirs d'emprunt accordés dans la loi de l'an dernier, y compris le montant non annulable de 3 milliards de dollars, seront épuisés vers la mi-avril. Si ce projet de loi n'entre pas en vigueur à temps, cela signifiera que le gouvernement devra recourir à l'article 47 de la Loi sur la gestion des finances publiques pour faire face à ses besoins d'emprunt.

Or, l'article 47 limite les emprunts au court terme. Il pourrait être coûteux pour le gouvernement et les contribuables canadiens de recourir à un financement à court terme. Et cela exposerait le gouvernement à un risque supplémentaire de taux d'intérêt, en raison de la hausse des fonds de proportion à court terme. C'est la raison pour laquelle il est essentiel, à mon avis, d'obtenir un pouvoir d'emprunt le plus vite possible, après la présentation du budget.

(Sur la motion du sénateur Stratton, le débat est ajourné.)

La Loi canadienne sur les droits de la personne

Projet de loi modificatif-Deuxième lecture

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Kinsella, appuyé par l'honorable sénateur Losier-Cool, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-2, Loi modifiant la Loi canadienne sur les droits de la personne (orientation sexuelle.)-(L'honorable sénateur Beaudoin)

L'honorable Gérald-A. Beaudoin: Honorables sénateurs, le projet de loi S-2, qui est débattu en cette Chambre depuis quelques jours, vise à inclure l'orientation sexuelle comme motif de distinction illicite aux articles 2, 3 et 16 de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

Ce faisant, nous réagissons aux décisions des tribunaux qui ont estimé que le motif est implicite à l'article 3 de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

La décision de la Cour d'appel de l'Ontario, qui a conclu, dans l'arrêt Haig, que les mots «orientation sexuelle» doivent être inclus à l'article 3 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, constitue l'état actuel du droit au Canada. Ce jugement n'a pas fait l'objet d'un appel à la Cour suprême du Canada. En conséquence, l'orientation sexuelle est donc un motif de discrimination prohibée au niveau fédéral aujourd'hui.

De plus, la Cour suprême du Canada a reconnu, il y a quelques mois, dans l'arrêt Egan, que l'orientation sexuelle constitue un motif de discrimination analogue à ceux qui sont énumérés au paragraphe 15(1) de la Charte canadienne des droits et libertés.

Certaines provinces ont légiféré, pour leurs fins, à cet égard. En effet, le Québec, l'Ontario, le Manitoba, le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse, de même que le territoire du Yukon ont, dans leur Charte ou code des droits de la personne, des dispositions prohibant la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle.

Le Parlement doit-il légiférer?

Il y a lieu de préciser que, bien que le jugement de la Cour d'appel de l'Ontario fasse autorité au Canada, une cour d'appel d'une autre province pourrait en arriver à une décision contraire.

Le président de la Commission canadienne des droits de la personne, Maxwell Yalden, déplore dans son rapport rendu public le 19 mars dernier l'inaction du Parlement à cet égard. Il affirme:

Ce n'est pas la première fois que nous devons signaler que les améliorations relativement à la protection des Canadiens contre la discrimination en fonction de l'orientation sexuelle ont été le résultat beaucoup plus d'interventions devant les tribunaux que de réformes législatives. Malgré les promesses répétées du gouvernement de modifier la Loi canadienne sur les droits de la personne pour y inclure l'orientation sexuelle, rien n'a été fait jusqu'à maintenant. De l'avis de la Commission, l'absence actuelle d'une protection d'ordre législatif contre la discrimination pour ce motif est une situation à peine meilleure que l'acquiescement à l'intolérance. Si les homosexuels bénéficiaient d'une protection égale contre la discrimination pour ce motif, non seulement disposeraient-ils des mêmes recours que les autres Canadiens, mais on affirmer sans équivoque surtout que l'égalité n'a pas de parti pris: soit qu'elle s'applique indifféremment à tous, soit qu'elle devienne une devise dévaluée de peu d'utilité pour quiconque.

Alors, pourquoi ne pas amender l'article 3 de la Loi canadienne sur les droits de la personne pour rendre explicite ce qui, d'après les tribunaux - dont la Cour suprême du Canada - est implicite?

Honorables sénateurs, je suis bien sûr d'accord pour que le projet de loi S-2 soit renvoyé pour étude au comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Je tiens à préciser qu'il s'agit là d'une mesure progressiste qui, si elle est adoptée, nous rapprochera un peu plus de l'idéal de l'égalité devant la loi.

L'honorable Eymard G. Corbin: J'aurais une question à poser au sénateur Beaudoin.

Le sénateur Beaudoin: Oui.

Le sénateur Corbin: J'ai écouté avec attention votre intervention, mais il y a une chose que je n'ai pas très bien saisie. Je sais que vous avez une opinion assez nette sur ce que je vais vous dire. Est-ce que le Parlement doit nécessairement se conformer au désir de la cour en ce qui concerne la réforme de la législation? Vous êtes mieux renseigné que moi sur le rôle de la Cour suprême aux États-Unis, qui, dit-on, légifère bien souvent dans certains domaines en vertu des précédents qu'elle établit, sans que le Congrès américain n'ait à intervenir. Comme je n'ai pas de formation légale, cela reflète quand même le fond de ma pensée.

En d'autres mots, est-ce que dans ce cas précis l'on bouge parce que c'est la cour qui nous incite à le faire? Je ne dis pas qu'elle nous oblige à le faire. La cour a déjà émis des opinions dans d'autres domaines. Souvenez-vous, entre autres, que la cour, il y a un peu plus d'un an, a donné une formule pour qu'une personne, qui est incapable de s'enlever la vie, puisse y arriver par personne interposée. Elle a donné une recette pour ce faire. À mon sens, s'immisçant dans un domaine qui est nettement réservé au législateur, au Parlement de la nation, aurais-je tort de dire que le Parlement, cette fois-ci, agit en quelque sorte parce qu'il est forcé de le faire, à la suite de jugements ou d'opinions émises par la cour? Et, ce faisant, qu'il s'immisce dans un domaine strictement réservé aux parlementaires?

Le sénateur Beaudoin: C'est sûrement une excellente question. J'avoue, au départ, que je suis un partisan de l'école de Jefferson. J'aime beaucoup les chartes des droits et libertés et je suis partisan de la séparation des pouvoirs. J'aime bien que la cour fasse son travail et j'aime bien que le Parlement fasse également son travail. On peut différer d'opinion avec la Cour suprême, bien sûr. Vous avez mentionné l'affaire Sue Rodriguez et vous étiez, comme moi, le sénateur Carstairs et d'autres, membres du comité spécial. Comme vous le savez, la Cour suprême s'est partagée 5 à 4. La cour n'a pas entériné l'euthanasie ni l'aide au suicide. Et au sein de notre propre comité, nous étions partagés là-dessus.

Dans ce cas-ci, la Cour suprême est arrivée à la conclusion que c'était une question de discrimination et qu'implicitement, la question de l'orientation sexuelle était protégée à l'article 15 de la Charte.

Le législateur doit-il donner suite à cela? Oui, à mon avis, si on est convaincu que ce jugement est tout à fait bien fondé. Non, si certains députés ou sénateurs croient que ce serait une erreur. Alors moi, je dis - et je suis porté à aller dans cette direction - voilà un cas où le Parlement doit prendre ses responsabilités. C'est difficile, c'est controversé. Je comprends très bien tout cela. J'analyse cela d'un point de vue juridique aujourd'hui: on devrait légiférer dans ce domaine et inscrire ce motif dans la Loi canadienne des droits de la personne. C'est une opinion, évidemment. Je pense que notre rôle comme législateur, c'est d'essayer de favoriser l'égalité devant la loi et d'empêcher la discrimination.

Je respecte tout à fait un point de vue opposé au mien là-dessus. Je sais que c'est une question difficile à trancher - comme beaucoup d'autres questions, que ce soit la peine de mort, l'avortement, l'euthanasie, c'est toujours difficile de prendre position dans ces domaines. Je pense que le temps est probablement venu de prendre position. Je prône l'adoption de ce projet de loi.

Le sénateur Corbin: Je vais vous poser la question encore plus directement. Il me semble qu'autrefois, nous n'avions pas d'opinion - j'hésite à employer le mot «prescription» - dans des jugements de la Cour suprême qui s'adressaient au Parlement canadien. Or, depuis quelque temps, il me semble qu'il y a une tendance dans ce sens. Croyez-vous que ce soit sain dans l'esprit de la séparation des pouvoirs au pays, que la cour abonde dans ce sens à l'avenir? Que ce soit sur des questions sur la Charte des droits ou n'importe quelle autre question? Est-ce qu'on est en train de vivre, en ce moment, un abandon des pratiques de neutralité de la cour en ce qui concerne les prérogatives bien délimitées du Parlement canadien et les droits bien délimités de la Cour suprême? Il me semble qu'on est en train d'établir des ponts; c'est une tendance nouvelle.

Le sénateur Beaudoin: Je ne nie pas que depuis 1982, avec l'adoption de la Charte canadienne des droits dans la Constitution du Canada, on a changé profondément le rôle du Parlement. Je ne nie pas cela. Je sais que de nombreux juristes et autres, ne sont pas favorables aux chartes des droits ou, à tout le moins, ne veulent pas qu'une cour de justice puisse annuler ou déclarer invalide une loi du Parlement, parce qu'elle viole la Charte des droits et libertés.

Il y a deux écoles de pensée et, je respecte les deux écoles, j'accepte que la Charte des droits et libertés fasse partie de la Constitution. J'accepte que cela soit la loi suprême du pays. Et j'accepte qu'une Cour suprême puisse déclarer un article de loi inconstitutionnel. J'accepte cela, je sais que d'autres ne l'acceptent pas, mais dans notre système actuel, c'est la loi: «It's the law of the Land». Si on n'est pas satisfait, on peut aller à l'encontre d'une décision de la Cour suprême, par amendement ou par l'utilisation de la clause dérogatoire. Mais je pense que c'est un débat éternel entre ceux qui sont partisans des chartes et ceux qui ne sont pas partisans des chartes des droits et libertés.

Depuis 1982, nous avons, dans la Constitution canadienne, une Charte des droits et libertés, et cela donne le dernier mot à la Cour suprême dans une foule de secteurs. Certains parlementaires s'objectent à cela, mais c'est notre système politique, c'est notre système constitutionnel.

Évidemment, si, dans ce cas précis, la cour arrive à cette conclusion, le Parlement fera bien ce qu'il voudra; mais je pense que, comme la Cour suprême est arrivée à une conclusion semblable et comme les arguments qu'elle a invoqués me semblent assez convaincants, nous, comme législateurs, devrions amender cette loi fédérale pour qu'elle respecte davantage l'égalité devant la loi. C'est mon point de vue.

[Traduction]

L'honorable Lorna Milne: Honorables sénateurs, je suis heureuse de prendre part aujourd'hui au débat sur le projet de loi S-2, Loi modifiant la Loi canadienne sur les droits de la personne. Le sénateur Kinsella et les autres sénateurs qui sont intervenus ont déjà fait l'historique de cette question, et je ne vais pas recommencer. Toutefois, je voudrais souligner deux choses.

Le sénateur Kinsella a introduit ce projet de loi en 1992, sous le numéro S-15. Comme il l'a fait remarquer dans son intervention la semaine dernière, la Cour d'appel de l'Ontario a récemment rendu une décision dans l'affaire Haigh-Birch. Les trois juges étaient de l'opinion unanime que la Loi canadienne sur les droits de la personne était inconstitutionnelle parce qu'elle ne protégeait pas le droit des homosexuels à être traités de façon égale. En omettant de protéger des personnes sur la base de leur orientation sexuelle, la loi ne satisfait pas à la disposition de la Charte canadienne des droits concernant l'égalité des sexes. Plutôt que d'invalider la loi comme étant inconstitutionnelle, la cour a décidé de remédier à cette omission en ordonnant que l'expression «orientation sexuelle» y soit insérée.

Autrement dit, la cour a ordonné que la loi soit interprétée, appliquée et administrée, comme si la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle était expressément interdite.

Je dois dire, honorables sénateurs, que je souscris à cette interprétation. Bien que je ne sois pas avocate et que je ne sois pas qualifiée pour interpréter la Constitution, comme l'a fait la Cour de l'Ontario dans cette affaire, je pense que c'est une question de principe et que le gouvernement fédéral devrait inclure l'orientation sexuelle parmi les motifs illicites de discrimination dans la Loi canadienne sur les droits de la personne.

Comme le sénateur Beaudoin l'a fait remarquer, la province de Québec a été la première à interdire la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle en 1976, il y a 20 ans. La plupart des autres provinces et territoires ont suivi son exemple. Le Parti libéral du Canada a préconisé cet amendement à la loi fédérale dès 1977. Ainsi que le sénateur Kinsella l'a fait remarquer dans son intervention, le gouvernement fédéral est en retard sur la plupart des provinces et des territoires dans ce domaine. Il est temps de se rattraper, j'en conviens.

Il est important de noter que le gouvernement du Canada a refusé d'en appeler de la décision rendue dans l'affaire Haig-Birch, acceptant ainsi l'interprétation de la cour. Cela m'amène à croire que le gouvernement du jour ne pensait pas pouvoir gagner, s'il interjetait appel devant la Cour suprême, ou qu'il était d'accord avec la cour. Quoi qu'il en soit, la décision rendue par la cour est devenue loi Le projet de loi S-15 n'était qu'une simple tentative raisonnable de codification de la décision Haig-Birch, afin que le droit écrit soit conforme à la jurisprudence.

Ceux qui ont témoigné devant le comité sénatorial étudiant ce projet de loi ont tous exprimé leur appui à son égard. Parmi ces témoins, on peut mentionner les représentants du ministère de la Justice, de la Commission canadienne des droits de la personne et du Centre pour les droits de l'homme, ainsi qu'un groupe de militants, le groupe EGALE, Égalité pour les gais et les lesbiennes. Les souvenirs du sénateur Kinsella quant aux témoignages des représentants du ministère de la Justice m'ont intéressée au plus haut point. Ces témoignages semblent confirmer les affirmations du sénateur portant que le projet de loi ne soit rien d'autre qu'une mesure de codification du droit de l'époque, qui survenait à un moment très opportun. Ils révèlent aussi que, selon les témoins, il valait mieux expliciter la loi que de se fier uniquement au droit jurisprudentiel.

Le comité a fait rapport du projet de loi S-15 sans propositions d'amendement et celui-ci a été adopté avec dissidence en troisième lecture au Sénat. La seule voix dissidente a été celle du sénateur Frith, qui s'inquiétait surtout de ce que la Chambre n'aurait pas le temps d'adopter le projet de loi avant le congé d'été et que cela irait à l'encontre de l'objectif même du projet de loi. Le sénateur Frith n'a exprimé aucune réserve à propos de l'objectif même. Finalement, les faits lui ont donné raison quant à l'avenir du projet de loi.

Certains événements se sont produits depuis la mort au Feuilleton du projet de loi S-15. Le sénateur Ghitter l'a déjà mentionné en posant sa question au sénateur Kinsella la semaine dernière. Je sais que, dans son récent jugement dans Vriend c. l'Alberta, la cour d'appel de l'Alberta s'est dite en désaccord avec le postulat à la base de la décision Haig-Birch. La cour de l'Alberta a déterminé que les hétérosexuels et les homosexuels étaient traités également en vertu de la loi dite Alberta Individual Rights Protection Act. Même si les tribunaux interprétaient des lois différentes, ils sont donc arrivés à des conclusions contradictoires relativement aux protections constitutionnelles assurées aux gais et aux lesbiennes. Cela rend plus difficile la mise en application de ces deux lois. Dans l'état actuel des choses, il se pourrait qu'on soit forcé d'interjeter appel auprès de la Cour suprême pour régler la question. Cependant, je ne suis pas convaincue que ce soit la meilleure façon de légiférer.

La cour de l'Alberta a conclu que, même s'il y avait discrimination, la seule solution serait d'invalider la loi pour que le pouvoir législatif la modifie. Cette idée a du bon. Le sénateur Kinsella, en réponse à une question du sénateur Ghitter sur la décision de la cour de l'Alberta, a fait remarquer qu'elle servait seulement à souligner la nécessité de prendre une mesure législative de façon à dissiper tout doute. Dans son discours sur le projet de loi, le sénateur Cohen a cité la déposition du président sortant de la Commission canadienne des droits de la personne, Max Yalden, devant le comité sénatorial des affaires juridiques et constitutionnelles qui étudiait le projet de loi S-15.

Je conviens avec le sénateur Beaudoin que l'une des remarques de M. Yalden vaut la peine d'être répétée.

Le Parlement a la responsabilité de légiférer sur des questions de cette importance [...] Les Canadiens devraient pouvoir savoir ce qui se trouve dans leurs lois sans avoir à lire les jugements des tribunaux.

Dans son tout récent rapport au Parlement, M. Yalden a réitéré cette opinion avec la plus grande insistance.

Il n'appartient pas au Sénat de décider de la question de l'interprétation constitutionnelle, c'est-à-dire de savoir si la Charte exige une protection supplémentaire contre la discrimination basée sur l'orientation sexuelle. Nous sommes constitués pour délibérer sur les questions de politique. Que l'on agisse ou non pour protéger les gais et les lesbiennes est une question de politique. C'est une question dont nous pouvons certainement traiter.

Honorables sénateurs, les jugements diamétralement opposés que j'ai mentionnés prouvent que la loi n'est pas claire. Si le Parlement n'agit pas, cette question sera très certainement réglée par les tribunaux. Il me semble que récemment, et je trouve cela troublant, la Cour suprême a eu tendance à décider selon ce qui m'apparaît être une interprétation personnelle de la loi, plutôt qu'en fonction de l'intention originale du législateur. Cela a été porté à notre attention récemment, lorsque la Cour suprême a rendu une décision où les juges masculins se rangeaient d'un côté et les juges féminins, de l'autre. Les décisions comme celle-ci, qui concernait le Yukon Order of Pioneers, soulignent la nécessité de préciser plus clairement les droits individuels protégés par les lois de notre pays. Le Sénat a ici l'occasion de faire un bon travail. Par une ironie du sort, à l'heure actuelle, il est probablement plus facile pour le Sénat que pour la Chambre des communes de traiter de cette question.

C'est un projet de loi qui mérite d'être étudié et il devrait être renvoyé à un comité aussi rapidement que possible.

L'honorable Noël A. Kinsella: Honorables sénateurs...

Son Honneur le Président suppléant: Honorables sénateurs, je voudrais signaler au Sénat que si l'honorable sénateur Kinsella prend la parole maintenant, son discours aura pour effet de clore le débat sur la motion de deuxième lecture de ce projet de loi.

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, je ne voudrais pas retarder les délibérations. J'ai entendu tous les discours prononcés, y compris celui du sénateur Beaudoin, je sais ce que le sénateur Kinsella a fait dans le passé et j'ai lu presque tout ce qui a été écrit à ce sujet. Cependant, je ne vais pas intervenir dans le débat pour l'instant. Je tiens à dire clairement que je souscris entièrement à ce qu'ont dit le sénateur Milne et les autres.

C'est donc avec plaisir que je laisse la parole au sénateur Kinsella pour qu'il close le débat en deuxième lecture du projet de loi.

Le sénateur Kinsella: Honorables sénateurs, notre débat en deuxième lecture aura permis d'aborder toutes les grandes questions relatives au principe de ce projet de loi. Comme le sénateur Beaudoin nous l'a rappelé cet après-midi, la plupart des administrations dans les provinces et les deux territoires ont adopté des dispositions antidiscrimination qui s'apparentent à ce projet de loi. Si vous consentiez à renvoyer ce projet de loi au comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles pour étude, ce serait probablement la façon la plus efficace de procéder.

Son Honneur le Président suppléant: Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?.

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu une deuxième fois.)

Renvoi au comité

Son Honneur le Président suppléant: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Kinsella, le projet de loi est renvoyé au comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.)

Le Code criminel

Projet de loi modificatif-Deuxième lecture-Ajournement du débat

L'honorable Anne C. Cools propose: Que le projet de loi S-4, Loi modifiant le Code criminel (détournement de la justice), soit lu une deuxième fois.

-Honorables sénateurs, au cours de la session précédente de la législature, ce projet de loi était connu sous le nom de projet de loi S-13. Je renvoie les honorables sénateurs au discours que j'ai prononcé à ce sujet le 5 décembre 1995 et qui figure à la page 2407 des Débats du Sénat.

Le projet de loi S-4 réaffirme le principe que l'immunité judiciaire n'a pas pour raison d'être de permettre aux avocats de tromper la justice, d'y faire obstruction ou d'y faire échec dans les procédures judiciaires. Le projet de loi S-4 crée trois nouvelles infractions. La première est celle où l'avocat, dans une procédure judiciaire et hors de la présence du tribunal, fait une déclaration publique qu'il sait fausse. La deuxième est celle où l'avocat engage des procédures qu'il sait principalement motivées par le souci d'intimider ou de léser un tiers. La troisième est celle où l'avocat trompe sciemment le tribunal en invoquant des documents faux, trompeurs, exagérés ou incendiaires.

Il faut absolument légiférer à cet égard, parce que la population remet de plus en plus en question les activités de certains membres de la profession juridique et parce qu'il y a une commercialisation évidente de la pratique du droit. La conduite des avocats au cours de poursuites judiciaires est déterminante parce qu'ils sont des représentants du tribunal. Des causes récentes prouvent qu'il faut apporter des correctifs dans la façon dont de nombreux avocats exécutent leurs travaux. Je ferai état de situations, de causes et de jugements qui révèlent un abus du processus et qui montrent le besoin pressant pour le Parlement de modifier le Code criminel.

Honorables sénateurs, on relève l'exemple le plus frappant d'abus de la procédure judiciaire dans l'affaire Casey Hill c. l'Église de scientologie et Morris Manning. J'ai parlé de la décision que la Cour suprême a rendue dans cette affaire, le 23 novembre 1995, comme l'ont rapporté les Débats du Sénat, à la page 2356.

Cette décision a été rendue par le juge Peter Cory. Il était question de libelle, de calomnie et d'une défense fondée sur le secret à l'égard de fausses déclarations faites par l'Église de scientologie et ses avocats, Morris Manning, Michael Code et Clayton Ruby. Dans sa décision, le juge Cory a rejeté la défense fondée sur le secret et a fait valoir la position légale et morale selon laquelle le mensonge dans les procédures judiciaires ne bénéficie pas de l'immunité judiciaire.

Honorables sénateurs, Casey Hill était un avocat de la Couronne à Toronto, chargé d'enquêter sur l'Église de la scientologie au début des années 1980. Les avocats de l'Église de la scientologie, Morris Manning, Michael Code et Clayton Ruby, ont cherché à détruire la réputation de Casey Hill. Pendant le litige, ils ont fait de fausses allégations concernant la réputation et l'intégrité de Casey Hill. Ils l'ont fait avec beaucoup de tapage. Ils ont intenté contre Casey Hill des poursuites pour outrage au tribunal, afin de le faire emprisonner.

L'Église de la scientologie et ses avocats ont tenu une conférence de presse sur les marches d'Osgoode Hall, siège de la Cour d'appel de l'Ontario. Revêtu de sa toge, Morris Manning a lu un avis de motion qui n'avait pas encore déposé, proférant des allégations fausses et injurieuses concernant M. Hill. Les procédures pour outrage au tribunal intentées par MM. Manning, Code et Ruby ont été jugées non fondées par le juge Cromarty, qui a déclaré sans la moindre équivoque qu'il y avait une preuve écrasante que les allégations étaient fausses. Plus tard, en 1984, quand M. Casey Hill a poursuivi l'Église de scientologie et Morris Manning en dommages et intérêts pour atteinte à sa réputation causée par ces fausses déclarations, les avocats ont soutenu que leurs fausses déclarations étaient protégées par l'immunité judiciaire et, donc, qu'ils étaient libres de toute responsabilité.

Dans son jugement, le juge Cory de la Cour suprême a décrit la conduite dont l'Église de scientologie et ses avocats avaient fait preuve en faisant de fausses déclarations en la qualifiant de «follement tyrannique, suprêmement arrogante et récalcitrante». Le juge Cory ajoutait:

Il semble y avoir eu un effort conscient continu de la part de l'Église de scientologie pour intensifier et perpétuer ses attaques contre M. Casey Hill sans se soucier le moindrement de savoir si ses allégations étaient vraies ou non.

Le juge Cory a été catégorique sur la question de l'immunité judiciaire comme protection contre une telle conduite. Il a jugé qu'il ne fallait pas abuser des privilèges judiciaires et que les déclarations fausses font tomber l'immunité. Le juge Cory a tranché:

En tant qu'avocat d'expérience, M. Manning aurait dû prendre des mesures pour confirmer les allégations qui étaient faites... Dans ces circonstances, il avait l'obligation d'attendre que l'enquête soit terminée avant de lancer une attaque aussi grave contre l'intégrité professionnelle de M. Hill. M. Manning a négligé de prendre ces précautions raisonnables. À cause de cette négligence, le champ permis de ses commentaires était limité et l'immunité conditionnelle qui était attachée à ses commentaires disparaissait.

Ce mauvais usage de l'immunité judiciaire, cet abus de la procédure dans les poursuites judiciaires sont au coeur de la crise de la justice civile en Ontario et au Canada. Le problème tient au recours aux procès et à la procédure judiciaire de la part des avocats pour harceler autrui et lui nuire, c'est-à-dire le molester sans pénalité. Il faudrait en effet considérer comme des infractions pénales le fait d'utiliser des documents, des privilèges et des procédures judiciaires comme des instruments de malveillance et de préjudice. Cet abus continuel d'actes de procédure et de procédures judiciaires de la part de certains membres de la profession juridique exige un examen attentif et une scrupuleuse attention. Les avocats plaidant dans la cause de l'Église de scientologie se recrutaient parmi le gratin de la profession juridique au Canada. Cette affaire et le jugement de la Cour suprême mettent sérieusement en doute la conduite des avocats dont l'un, Clayton Ruby, était membre du conseil de la Law Society of Upper Canada et, à l'époque, vice-président du comité de discipline de cet organisme.

Honorables sénateurs, les détournements de la justice que le projet de loi vise à réprimer sont particulièrement visibles dans les procédures du droit de la famille. J'ai déjà abordé la question ici même le 13 juillet 1995, comme on peut le lire à la page 2052 de notre compte rendu. Ce jour-là, j'ai attiré l'attention du Sénat sur le rapport intitulé Civil Justice Review, de 1995, et l'utilisation de malveillance, mensonges, fausses déclarations sous serment et parjure dans les procédures judiciaires en droit de la famille. Ce rapport était une étude du système de droit civil en Ontario, réalisée conjointement par la Cour de justice de l'Ontario et le ministère du Procureur général de l'Ontario, et coprésidée par le juge Robert Blair. Le rapport du juge Blair disait ceci:

Les avocats ont fait l'objet de critiques pour avoir rédigé des documents d'affidavit longs, portant préjudice et parfois indéfendables.

On nous a souvent parlé [...] de la nature fréquemment pernicieuse de documents d'affidavit volumineux...

...on nous a dit [...] que le parjure dans ces affidavits était monnaie courante.

On a clairement l'impression [...] que ces parjures ne sont jamais punis.

Il ajoute encore:

D'aucuns se sont dits agacés et préoccupés par le nombre d'allégations, dans les affidavits, ne pouvant être prouvées d'aucune façon.

Le juge Blair concluait son rapport en disant que le système de justice civile en Ontario était en crise.

Au cours de mon intervention de juillet, j'ai parlé du problème des fausses allégations dans le contexte des litiges matrimoniaux et sur la garde des enfants. Voyons quelques causes de droit familial qui se sont présentées dans quatre provinces.

L'affaire Plesh c. Plesh en est une de fausses allégations dans le cadre d'une procédure de garde, au Manitoba. Dans le jugement qu'il a rendu en 1992, le juge Carr, de la Cour du Banc de la Reine du Manitoba, a déclaré ceci:

C'est là un exemple classique d'affaire de droit familial qui a dégénéré en folie furieuse [...] C'est le genre d'affaire qui a amené à l'occasion notre tribunal d'appel et notre juge en chef à s'étonner de ce qu'une affaire apparemment simple dégénère jusqu'à épuisement des ressources financières des parties (et souvent de leurs parents). La ligne de conduite choisie ici peut sembler une douce vengeance pour une des parties, mais il y a un vrai perdant en la personne du garçonnet de six ans qui est l'objet de cette procédure.

Le juge Carr nous a dit ceci:

La preuve et la façon dont elle a été présentée montrent à l'évidence que la mère [...] était déterminée à punir son mari... La seule façon qu'elle a trouvée de faire cela a été de le priver de ses biens (elle a gardé tous les meubles) et de leur fils. Son mobile était purement et simplement la vengeance.

À propos des fausses accusations qui avaient été portées, le juge Carr a dit ceci:

... elle a crié à l'exploitation de l'enfant et maintient toujours cette allégation. Ce faisant, elle a presque détruit son mari et ses rapports avec leur enfant. J'estime qu'elle n'a jamais cru que son fils avait été maltraité, pas plus aujourd'hui que lorsqu'elle l'a prétendu. Elle ne pouvait pas croire cela, car elle est intelligente et qu'il n'existe pas maintenant plus qu'alors la moindre preuve d'une telle chose!

Le juge Carr ajoute ceci:

Un des problèmes sociaux les plus pressants réside dans l'exploitation des enfants. C'est pourquoi les professionnels prennent tellement au sérieux toute allégation qui est portée à leur attention [...] Une affaire comme celle-ci, toutefois, a de quoi nous donner le frisson en nous rappelant à tous qu'une accusation n'est pas une preuve.

Le juge Carr a signalé la possibilité d'un contentieux futur en disant ceci:

Compte tenu des sarcasmes et des coups d'oeil de la mère, j'ai bien peur qu'elle n'en a pas encore « fini » avec le père.

Ma cause suivante est l'affaire opposant Lin c. Lin, à la Cour d'appel de la Colombie-Britannique. On y voit encore l'utilisation d'allégations fausses dans un litige sur la garde des enfants. Dans son jugement, le juge McEachern a cité les observations du juge de première instance:

Il ne fait aucun doute que Mme Lin assure des soins adéquats aux enfants, car elle les nourrit et les vêt convenablement, mais, sur le plan plus général des soins et de l'affection, elle a régulièrement fait passer ses intérêts personnels avant ceux des enfants. Elle est même allée régulièrement à l'encontre des intérêts bien compris des enfants.

Le juge McEachern fait l'affirmation suivante, en citant de nouveau le juge de première instance au sujet des mensonges de la mère:

Elle a enseigné à son enfant le plus âgé comment répéter des allégations d'agression de la part de M. Lin, allégations que le garçon a ensuite retirées. Elle a délibérément fait obstacle aux droits de visite de M. Lin et tenté de nuire aux relations entre ses enfants et lui.

Le juge McEachern poursuit en ces termes:

...la mère a fait des allégations graves d'inconduite contre le père, allégations qui se sont ensuite révélées sans fondement. Il y avait notamment des allégations de violence contre les enfants. [...] Lorsque les parties font des allégations sans fondement que n'appuie aucune preuve, elles ne peuvent pas se plaindre que les juges, lorsqu'ils doivent faire un choix sur la garde des enfants, se prononcent en faveur de la partie qui n'est pas tombée dans l'exagération pour étayer sa cause.

Honorables sénateurs, la cause la plus notoire en Ontario est celle du révérend B., pasteur anglican. Lorsqu'il a semblé sur le point d'obtenir la garde des enfants, sa femme l'a accusé faussement d'agression sexuelle sur ses deux filles, alors âgées de deux et de quatre ans. Dans cette affaire de fausses allégations d'agression sexuelle, la Société d'aide à l'enfance a cru la mère et l'a soutenue dans ses allégations. Le révérend B. et ses enfants ont souffert à cause de ces fausses accusations, d'autant plus que la mère et son amant, délinquant sexuel condamné, ont réellement agressé les enfants. Le révérend B. a ensuite poursuivi la Société d'aide à l'enfance de la région de Durham et la travailleuse sociale, Marion Van Den Boomen. Le juge Somers, dans sa décision de 1994 en faveur du révérend B., a dit ceci:

...on peut certainement comprendre la vive contrariété éprouvée par le père dans cette cause, car il devait faire face aux allégations portées contre lui qui étaient fausses et qu'il jugeait tout à fait répugnantes et à la bureaucratie qui le traitait avec un mépris mal dissimulé. Comme je l'ai déjà dit, bien que je considère que les dommages causés au demandeur découlent essentiellement des machinations de son ex-épouse...

Au sujet du témoignage de Barbara Chisholm, spécialiste chevronnée d'intervention dans les cas d'exploitation des enfants, le juge Somers a déclaré:

Mme Chisholm a affirmé que, depuis quelque temps, les allégations de nature sexuelle portées par la mère contre le père lorsque les parents se disputent la garde des enfants sont très courantes et sont mêmes devenues ce qu'elle a appelé «l'arme de prédilection».

La dernière affaire dont je parlerai est l'affaire Paterson c. Paterson, entendue par la Cour du Banc de la Reine de la Saskatchewan. Dans cette affaire, la mère voulait refuser au père le droit de rendre visite à leur fils de deux ans. Dans son jugement rendu en 1994, le juge Dickson a dit ceci:

Elle appuie principalement ses affirmations sur ce qu'elle appelle un rappel de mémoire de rites associés à un culte satanique au cours desquels elle et le garçonnet auraient été sexuellement agressés par Allan et les autres.

Parlant de la mère, Melanie, le juge Dickson nous dit:

...elle affirme avoir vécu la première de plusieurs expériences distinctes de ce qu'elle appelle des rappels de mémoire alors qu'elle était éveillée.

Le juge Dickson ajoute que, à l'occasion d'un rappel de mémoire, la mère s'est souvenue de ceci:

Une femme portant un capuchon et apparemment entourée d'une aura ardente ressemblant à une tête de diable [...] Allan et son frère lui tenaient les jambes écartées pendant que la femme lui a fait une entaille d'un pouce sur la paroi du vagin. Le sang s'écoulant de la blessure a été recueilli dans une coupe à laquelle toutes les personnes présentes ont bu. Un triangle bleu chatoyant flottait entre ses jambes et pénétrait dans son vagin [...]

Le juge Dickson continue:

Quelques nuits plus tard, Melanie affirme avoir eu deux nouveaux rappels de mémoire où elle a vu une figure blanche enfumée émerger du clavier du piano [...]. Elle a vu un loup et un gros rat sur le plancher ainsi qu'un serpent dans les airs. Encore une fois, le triangle bleu chatoyant était là, tout comme beaucoup des personnages de l'autre scène.

Parlant de ce témoignage, au cours duquel la mère, Melanie, ne lui avait présenté aucun élément de preuve, le juge Dickson a conclu que la mère:

...et le garçon ne portaient aucune trace physique d'abus sexuels. Elle n'a avancé aucun élément de preuve permettant même de supposer qu'Allan participait à un culte satanique. Son témoignage consiste uniquement en ses propres affirmations sur des événements hautement improbables. Uniquement parce qu'elle l'affirme, on voudrait que je croie que son mari a commis des actes de dépravation monstrueuse. Cela m'est impossible. Je trouve tout simplement ridicule que l'on s'attende à ce que je croie cela. De simples affirmations ne sauraient constituer la preuve que des faits ont vraiment eu lieu.

Honorables sénateurs, dans cette très horrible affaire dont je viens de vous parler, Melanie a faussement accusé 13 personnes en faisant de fausses déclarations devant le tribunal. Elle ne connaissaient pratiquement pas certaines de ces personnes. Si la raison a finalement prévalu dans cette affaire, ce n'est que parce que les accusations étaient si nombreuses et si larges.

Honorables sénateurs, le méfait que je voudrais que l'on corrige aujourd'hui est le rôle que certains avocats jouent dans le recours à ce genre de fausses accusations et à la protection que leur procurent l'immunité judiciaire et leur poste d'auxiliaires de la justice. C'est une caractéristique de notre époque où la criminalisation du mensonge de la bouche des avocats est nécessaire en raison de l'usage largement répandu dans les procès au civil.

Les cas que j'ai mentionnés ne représentent que quelques-uns parmi une centaine. Il est clair que ni les tribunaux ni les ordres professionnels ne sont disposés à lutter contre ces abus sans l'appui du Parlement. Ces cas sont de nature à secouer toutes les sensibilités.

Son Honneur le Président suppléant: Honorables sénateurs, le temps de parole de madame le sénateur est écoulé. Consentez-vous à la laisser continuer?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Cools: Ces cas de parjure et de fausses accusations vont à l'encontre de tous les principes juridiques. Le Parlement doit invoquer le pouvoir du droit pénal pour mettre un terme à cette perversion et à cet avilissement de nos principes de justice. Nous devons agir parce que la profession juridique n'ose pas le faire. Les récents scandales qui ont secoué le Barreau du Haut-Canada prouvent amplement que la profession juridique en Ontario est incapable de s'autoréglementer. Le Barreau a lui-même annihilé sa propre capacité de régler ces problèmes. Ce cancer, cette maladie est profondément ancrée dans les intérêts endurcis et cristallisés de ceux qui considèrent l'exercice du droit comme un commerce. Le Barreau et ses dirigeants hésitent à apporter les correctifs qui s'imposent.

Honorables sénateurs, ce projet de loi S-4 répond à un pressant besoin dans la société canadienne. Il criminalisera le comportement d'avocats qui présentent devant les tribunaux des allégations qu'ils savent être fausses. Il comblera une lacune de la common law. Il corrigera un problème juridique de plus en plus grave, inacceptable et fréquent. Le Parlement doit parler de ces cas de fraude et de tromperie perpétrés devant les tribunaux par leurs propres auxiliaires.

J'exhorte les sénateurs à adopter ce projet de loi.

(Sur la motion du sénateur Kinsella, le débat est ajourné.)

Les soins palliatifs au Canada

Interpellation-Ajournement du débat

L'honorable Sharon Carstairs, ayant donné avis le 19 mars 1996:

Qu'elle attirerait l'attention du Sénat sur l'état des services de soins palliatifs au Canada.

- Honorables sénateurs, dans Jules César, Shakespeare fait dire à l'empereur:

De tous les prodiges dont j'aie ouïe parler,
le plus étrange pour moi, c'est que les hommes aient peur
voyant que la mort est une fin nécessaire
qui doit venir quand elle doit venir.

-Honorables sénateurs, cela est aussi vrai aujourd'hui que dans l'Angleterre de Shakespeare, au XVIe siècle. Cependant, d'après ce que je vois dans la société canadienne aujourd'hui, la plupart des Canadiens ont plus peur de mourir que de la mort elle-même. Étant donné que les progrès technologiques prennent maintenant une place si grande dans notre société et en médecine, beaucoup de Canadiens ont peur de passer leurs derniers jours, leurs derniers mois, ou, dans certains cas, leurs dernières années, dans la souffrance et la douleur, reliés par d'innombrables tubes à quelque machine. C'est de cela qu'ils ont peur.

Honorables sénateurs, c'est cela que de bons soins palliatifs devraient permettre d'éviter. À mon avis, tous les Canadiens ont droit à des soins palliatifs. Nous devons tous nous informer sur ce type de soins pour que nous puissions, dans toute la mesure de nos capacités, opérer les changements qui s'imposent dans nos services de soins de santé.

Honorables sénateurs, les soins palliatifs marquent le retour aux soins axés directement sur le patient. Selon Santé et Bien-être social Canada, les soins palliatifs sont un programme de soins actifs et compatissants visant directement à améliorer la qualité de vie du mourant. Ces soins sont fournis par une équipe interdisciplinaire qui fournit des soins compétents et attentionnés pour combler les besoins physiques, psycho-sociaux et spirituels et du patient et de sa famille. Les soins palliatifs ne précipitent pas la mort et ne la retardent pas non plus.

Au Canada, malheureusement, parce que nous leur fournissons des ressources insuffisantes, beaucoup de soins palliatifs sont fournis par des bénévoles. Il arrive souvent que ces bénévoles, en dépit de toute leur bonne volonté, ne possèdent pas les connaissances et la compétence voulues pour fournir des soins de qualité optimale.

Les premiers programmes de soins palliatifs ont été offerts à Montréal et à Winnipeg en 1975. Aujourd'hui, ces soins sont disponibles dans toutes les provinces du Canada, mais leur qualité et leur accessibilité varient énormément.

En Colombie-Britannique, par exemple, il y a 100 hospices organisés. Les soins palliatifs sont disponibles dans la plupart des régions de l'Alberta, mais pas partout et pas pour toutes les maladies. En d'autres mots, certaines maladies ne rendent pas admissibles aux soins palliatifs. Les fonds sont principalement destinés aux cancéreux.

En Saskatchewan, le gouvernement s'est vraiment efforcé de développer le secteur des soins palliatifs. Même si c'est un engagement sérieux, le gouvernement lui-même admettra que la recherche sur le soulagement de la douleur est inadéquate et que les programmes d'information sont insuffisants.

Au Manitoba, les soins palliatifs sont donnés principalement dans trois centres. Comme le sénateur Jessiman le sait, il y a un excellent service de soins palliatifs à l'hôpital de Saint-Boniface. Il y en a un aussi au centre Riverview. Toutefois, le nombre de personnes qui ont accès à ces soins est très limité et, encore une fois, ils sont surtout offerts aux personnes qui souffrent du cancer en phase terminale.

On a vu récemment un mouvement d'appui à l'égard de la prestation de soins palliatifs à domicile. C'est une question difficile et complexe qui exige la participation de médecins très compétents qui sont prêts à être actifs au sein de la collectivité.

L'Ontario a des équipes complètes de soins palliatifs dans tous ses hôpitaux et dans 38 de ses programmes de soins à domicile. Le programme de Scarborough a été établi en 1990. Aujourd'hui, au lieu d'une moyenne de 7 p. 100 de gens qui meurent chez eux, 69 p. 100 de leurs patients ont pu mourir à la maison grâce à la prestation de soins palliatifs adéquats.

Le Québec a l'un des meilleurs programmes de soins palliatifs dans tout le Canada. Cela est attribuable, dans une certaine mesure, au fait que la province verse un salaire fixe aux médecins qui travaillent dans ce domaine. Par conséquent, ils ne sont pas limités par des contraintes de temps ou de facturation dans la prestation de soins palliatifs. Ils ne sont pas limités, par exemple, à une visite de 15 minutes ou à une visite d'une heure. Parce qu'ils ont un salaire fixe, ils peuvent donner à chaque patient tout le temps dont il a besoin.

Au Nouveau-Brunswick, malgré un engagement sérieux du gouvernement à l'égard des soins palliatifs, ce dernier admet aussi qu'il a besoin de meilleurs programmes d'information pour ses professionnels de la santé et de meilleurs systèmes de soutien. En Nouvelle-Écosse, malheureusement, les soins palliatifs sont presque totalement concentrés à Halifax, qui est le principal centre hospitalier de la province. À l'extérieur de Halifax, ces soins semblent être assurés entièrement par des bénévoles. L'Île-du-Prince-Édouard n'a aucune politique officielle en matière de soins palliatifs et le gouvernement compte beaucoup sur les bénévoles. À Terre-Neuve, en partie à cause des restrictions budgétaires, on constate une grave insuffisance de matériel, de ressources de soutien et de services d'orientation, quoique là encore les bénévoles supportent une bonne partie du fardeau.

L'étude du comité spécial sur l'euthanasie et l'aide au suicide a permis de constater, entre autres choses, que dans la réalité, environ 5 p. 100 des personnes en phase terminale au Canada ont accès aux soins palliatifs dans le cadre d'une approche interdisciplinaire. Nous avons constaté, par exemple, que les personnes vivant dans une ville ont beaucoup plus de chances d'avoir accès aux soins palliatifs que celles qui vivent dans les régions rurales ou dans les communautés reculées du Nord.

Nous avons appris que le système de soins de santé canadien fonctionne encore selon le concept du traitement des maladies. C'est la caractéristique principale de notre système de soins de santé. Cette situation est en contradiction directe avec la raison d'être des soins palliatifs. Les médecins doivent admettre, tout comme le système de soins de santé, que les patients qui ont besoin de soins palliatifs ont dépassé le stade du traitement. À cette étape, il n'est plus possible de traiter la maladie. Il s'agit plutôt d'assurer aux malades une qualité de soins qui lui permette de mourir le plus paisiblement possible.

Nous avons constaté que des changements doivent impérativement être apportés au Code criminel et nous espérons que ce sera le cas. Malheureusement, au Canada, les médecins et, dans certains cas, les infirmières craignent d'être poursuivis par les patients et surtout par leurs proches s'ils administrent aux malades des doses de médicament qui peuvent être vues comme ayant contribué à la mort de ces derniers. C'est pourquoi ils appliquent rigoureusement la règle qui veut, par exemple, qu'un médicament ne puisse être administré que toutes les quatre heures, de manière à éviter que le patient ne devienne dépendant du médicament. Nous devons pourtant reconnaître qu'il s'agit ici de mourants et que les médicaments contre la douleur doivent leur être administrés pour atténuer leur douleur. Si un patient demande qu'un médicament lui soit administré un peu plus souvent, on devrait certainement accéder à sa demande.

Nous avons également reconnu que le Code criminel doit être modifié pour clarifier le concept de retrait ou d'absence de traitement. Le cas de Nancy B, dans la province de Québec, a prouvé clairement qu'une personne a le droit d'être débranchée d'un matériel de survie. Il existe pourtant encore des médecins qui craignent d'être poursuis s'ils acceptent qu'un patient soit débranché, même si le seul cas de jurisprudence actuel reconnaît ce droit au patient en tant qu'être humain autonome.

Afin de clarifier les choses, il est nécessaire d'apporter ces changements au Code criminel pour qu'il n'y ait plus de doutes que les médecins, les infirmières et les bénévoles qui s'occupent des patients oeuvrent dans leur meilleur intérêt.

Une des choses qui m'ont fortement frappée, lorsque je participais à l'étude avec d'autres sénateurs, est l'absence totale de formation en soins palliatifs dans les facultés de médecine au Canada. Je crois qu'il y a deux jours, le sénateur Corbin disait que le collège des médecins de famille offrirait un cours facultatif en soins palliatifs à ses membres. Ce ne sera toutefois qu'un cours facultatif. Si nous voulons que tous les médecins soient formés en soins palliatifs, il faudrait que tous les diplômés d'une faculté de médecine au Canada aient obligatoirement suivi un cours en soins palliatifs.

C'est vraiment choquant. Certaines facultés de médecine canadiennes offraient des cours sur les soins palliatifs, mais leur durée variait d'un maximum de 20 heures à McGill à un minimum de une à trois heures à UBC, Queen's et Western. Au cours d'une période d'études de quatre ans, les étudiants reçoivent peut-être une heure de cours sur les soins palliatifs. Honorables sénateurs, il faut remédier à cette situation. Nous devons trouver des moyens pour que les facultés de médecine relèvent le défi, et pour que l'enseignement des soins palliatifs devienne un élément essentiel de la formation de tout étudiant en médecine.

Presque tous les ministères de la Santé des provinces se réorganisent de façon à économiser de l'argent et le résultat, c'est que les patients reçoivent leur congé de l'hôpital beaucoup plus tôt qu'auparavant. Dans l'ensemble, s'ils sont correctement suivis, c'est une bonne décision. Par exemple, fournir des soins palliatifs dans un hôpital au Canada coûte environ 900 $ par jour. Fournir les mêmes soins à une personne, mais à son domicile, coûte seulement quelque 24 $ par jour. Par conséquent, sur le plan financier, c'est logique. Par contre, ce qui n'est pas logique, c'est de laisser les personnes qui vont fournir ces soins à la maison sans enseignement, sans système de soutien, sans formation, sans aide et sans numéro d'urgence à appeler en cas de besoin. Trop souvent, les soins palliatifs sont devenus le fardeau des femmes dans la société canadienne. Nous devons repenser la façon dont nous payons les médecins en examinant les dispositions qu'ils prennent pour les soins palliatifs.

Le comité spécial sur l'euthanasie et l'aide au suicide a fait un certain nombre de recommandations importantes. Je les recommande toutes aux honorables sénateurs, mais permettez-moi de vous en rappeler quelques-unes. Nous avons dit que les gouvernements devaient accorder la priorité absolue aux programmes de soins palliatifs dans l'exercice de restructuration de notre régime de soins de santé. Nous avons dit qu'il fallait établir des normes nationales en matière de soins palliatifs et que ce que l'on a commencé à accomplir dans ce domaine de la médecine, au cours des dix dernières années, devait se poursuivre au XXIe siècle. Nous avons dit que les professionnels de la santé devaient être formés dans tous les aspects des soins palliatifs, pas seulement au traitement de la douleur, mais également à la prise en charge des besoins affectifs du malade. Nous avons dit qu'une approche intégrée des soins palliatifs était nécessaire pour un maximum d'efficacité et nous avons dit qu'il fallait plus de recherches, surtout en ce qui concerne la maîtrise de la douleur.

Nous avons découvert que, bien qu'il soit possible de soulager les souffrances d'environ 95 p. 100 des malades, environ 5 p. 100 mourront dans d'atroces souffrances. Nous espérons que l'on pourra remédier à la situation, grâce à de nouvelles méthodologies de recherche et à de nouvelles découvertes sur le traitement de la douleur. Certains travaux sont déjà en cours, mais nous devons faire davantage.

Jusque dans les années 30, les gens mouraient à la maison. Maintenant, ils meurent dans les hôpitaux. L'an dernier, par exemple, il y a eu 2 580 malades en phase terminale à Winnipeg. Seulement 7 p. 100 d'entre eux sont restés à la maison. On croit que si nous offrions les services de soutien appropriés, ce pourcentage pourrait passer à 30 p. 100 en quelques semaines seulement. Des sondages ont clairement démontré que jusqu'à 70 p. 100 des malades en phase terminale préféreraient mourir chez eux. Nous pouvons arriver là, il est temps d'agir.

Je voudrais terminer la soirée par une citation de Thanatopsis, de William Cullen Bryant:

So, live, that when thy summons comes to join
The innumerable caravan, which moves
To that mysterious realm, where each shall take
His chamber in the silent halls of death,
Thou go not, like the quarry-slave at night,
Scourged to his dungeon, but, sustained and soothed
By an unfaltering trust, approach thy grave,
Like one that wraps the drapery of his couch
About him, and lies down to pleasant dreams.

(Sur la motion du sénateur Corbin, le débat est ajourné.)

Finances nationales

Autorisation au comité d'engager du personnel

L'honorable Pierre De Bané, au nom du sénateur Tkachuk et conformément à l'avis donné le jeudi 21 mars 1996, propose:

Que le Comité sénatorial permanent des finances nationales soit habilité à retenir les services de conseillers, techniciens, employés de bureau ou autres éléments nécessaires pour examiner les projets de loi, la teneur des projets de loi et les prévisions budgétaires qui lui sont déférés.

Son Honneur le Président: Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

(La motion est adoptée.)

(Le Sénat s'ajourne à 13 h 30, le mercredi 27 mars 1996.)


Haut de la page